Dans la salle à manger du séminaire où nous avons suivi notre formation, dans notre pays d’origine, il y a un tableau représentant les martyrs chinois, on y voit non seulement tous ceux qui ont donné leur vie et qui appartiennent à ce peuple, mais aussi les missionnaires qui ont subi le martyr pour proclamer l’Evangile en Extrême Orient.
Dans cette représentation, beaucoup de martyrs chantent ensemble regardant vers le Ciel. Un missionnaire blanc est assis et parle avec quelques enfants chinois, pointant son doigt vers le haut. Parmi les martyrs chinois représentés se trouve un nombre important d’enfants. Ici hommes et femmes sont en prière avec le visage illuminé par la gloire, là une religieuse avec les traits chinois est en train d’arriver au Ciel, ses mains unies de façon pieuse et même timide, comme celui qui entre dans un lieu saint ; mais elle est émerveillée, elle exprime avec son regard cette phrase de saint Paul : ce que personne n’avait vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, ce que le cœur de l’homme n’avait pas imaginé, ce que Dieu avait préparé pour ceux qui l’aiment.(1 Co 2,9).
Ce tableau m’a toujours fait penser au Ciel, et c’est pour cela que je commence avec cette description. Mais, comme le dit saint Paul, le Ciel est encore beaucoup plus que ce qu’on peut imaginer de bon et de beau.
Nous fêtons aujourd’hui, non seulement les saints et les martyrs qui ont été proclamés officiellement par l’Eglise, mais aussi tous ceux qui sont au Ciel, qui sont arrivés à la Vie éternelle mais dont les noms resteront inconnus. Parmi eux, il y a certainement nos parents, nos ancêtres et beaucoup d’amis qui intercèdent toujours pour nous. Il y a aussi certainement des saints qui intercèdent pour nous d’une façon toute particulière, selon nos offices, nos vocations, notre état de vie, notre âge, et dont on doit invoquer la protection. C’est eux dont parle la première lecture lorsque l’apôtre saint Jean voit cette foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues.
Nous célébrons aujourd’hui l’Eglise triomphante, triomphante parce qu’elle rassemble les membres qui sont déjà arrivés au Ciel, ceux que nous honorons. Demain nous offrirons le sacrifice de la messe pour nos défunts et pour tous les défunts. Nous savons que toutes les âmes qui n’ont pas complété leur purification ici dans ce monde, mais qui ont pu avoir le pardon de Dieu par sa Miséricorde, se trouvent dans le purgatoire, et nos prières et sacrifices peuvent diminuer ce temps de souffrance pour qu’elles puissent atteindre définitivement la Patrie céleste (ces âmes appartiennent à l’Eglise souffrante). Voilà donc, ajouté au notre, les deux autres états de l’Eglise. L’Eglise a donc trois états : l’Eglise Militante (parce qu’elle se bat pour arriver au Ciel), l’Eglise Souffrante et l’Eglise Triomphante. Il existe une très étroite communion entre ces trois états. Communion qui, avec la communion des biens spirituels entre nous, membres de l’Eglise dans ce monde (par exemple, les prières des uns pour les autres), forment ce que nous appelons la Communion des Saints.
Mais tous les saints ont pour mission au Ciel de prier pour nous, et cela ne leur coûte rien ; au contraire, leur joie est celle de contempler Dieu et de prier pour nous. Mais l’Eglise a voulu nous donner parmi tous ces saints, une multitude de saints comme des modèles à suivre, ils sont comme les étoiles qui conduisent notre marche dans ce monde.
Alors, que veut dire être saint ?
La sainteté, c’est la plénitude de la vie chrétienne. Elle ne consiste pas à accomplir des entreprises extraordinaires (même si plusieurs saints ont fait de choses qui, d’un point de vue humain, semblent extraordinaires), mais plutôt à s’unir au Christ, à vivre ses mystères, à faire nôtres ses attitudes, ses pensées, ses comportements. La mesure de la sainteté est donnée par la stature que le Christ atteint en nous, par la mesure avec laquelle, avec la force de l’Esprit Saint, nous modelons toute notre vie sur la sienne.
Un saint, une sainte est celui ou celle qui vit, dans un moment de sa vie terrestre, une ou toutes les béatitudes, qu’il n’a pas cherché toujours de manière expresse (personne ne cherche volontairement à pleurer ou bien à être persécuté) mais qu’il vit pour vivre la fidélité de l’Evangile et cela les rend heureux, comme dit le Seigneur.
Mais la sainteté, c’est-à-dire le fait de vivre l’Evangile, de vivre en amitié avec le Seigneur, est d’abord une grâce qui vient de Dieu. Notre responsabilité, c’est de lui donner un accueil digne dans notre cœur, de répondre à cette invitation de Dieu ; Dieu ne nous demande que de nous laisser transformer par l’action de l’Esprit Saint, en conformant notre volonté à la volonté de Dieu.
Qu’est-ce qui est essentiel, que nous faut-il pour devenir saint ?
Il nous faut vivre la charité, vivre l’amour, et cette graine qui est dans notre cœur par la grâce, grandit seulement avec les moyens de sanctification que nous donne l’Eglise.
Aucun saint n’a jamais dit qu’aller à la messe pouvait être remplacé par le service des pauvres, par exemple. Par contre ils disaient qu’il faut aller à la messe et également aider les pauvres ; aucun saint n’a jamais dit non plus que les chrétiens n’ont pas besoin de se confesser ni de recevoir les autres sacrements ; aucun saint n’a jamais dit que toutes les religions peuvent nous amener à Dieu, au contraire ils ont toujours confessé que le Christ est le véritable et unique chemin vers Dieu, et que c’est dans l’Eglise et dans ses sacrements nous trouvons notre salut.
Voilà ce qu’est le véritable amour, la véritable charité, celle qui est authentique, sans ambiguïté. C’est l’amour qui se trouve seulement dans l’Evangile, que l’on vit, vivant ce que dit le Seigneur dans l’Evangile et que répète l’Eglise dans son magistère.
Saint Augustin disait « Aime et fais ce que tu veux ». Et il complétait cette idée: « Si tu te tais, tais-toi par amour ; si tu parles, parle par amour ; si tu corriges, corrige par amour ; si tu pardonnes, pardonne par amour ; qu’en toi se trouve la racine de l’amour, car de cette racine ne peut rien procéder d’autre que le bien » (7, 8 : PL 35).
Aujourd’hui où nous célébrons les saints, suivons leur exemple, cherchons à vivre la vie du Christ avec sincérité et courage. Les saints nous disent : n’ayons pas peur tendre vers le haut, vers les sommets de Dieu ; n’ayons pas peur de ce que Dieu nous demande trop, mais laissons-nous guider dans chacune de nos actions quotidiennes par sa Parole, même si nous nous sentons pauvres, faibles, pêcheurs : c’est Lui qui nous transformera selon son amour.»
Que la Reine de tous les anges et saints du Ciel nous donne cette grâce.
P. Luis Martinez V.E.
Monastère “Bienheureux Charles de Foucauld”