Dès que la décision est prise, Charles de Foucauld se révèle colonisateur, il voudrait attirer et établir au Hoggar, — la liste est curieuse, et un économiste l’aurait peut-être moins bien faite, – un pépiniériste, un puisatier, un médecin, quelques femmes sachant tisser la laine, le coton et le poil de chameau ; puis un ou deux marchands de cotonnades, de quincaillerie, de sucre et de sel, mais de braves gens « qui nous fassent bénir et non maudire ».
Le seul
défaut de Tamanrasset, pour l’ermite, c’est l’absence de tout prêtre dans le
voisinage, ou simplement à distance raisonnable. « Il me faut, à vitesse
moyenne, soixante jours pour arriver à Beni-Ounif, seul point où je puis
commodément trouver un prêtre. Je ne crois pas que le précepte (de la
confession) oblige dans de telles conditions. Malgré ma misère, je vis
tranquille et en grande paix. »
Frère
Charles, ainsi qu’il l’a fait à Beni-Abbès, commence par bâtir à Tamanrasset
une « maison », ou pour mieux dire une sorte de couloir de 6 mètres de long sur
1 m. 75 de large, servant de chapelle et de sacristie. Lui, il aura d’abord une
hutte de roseaux, pour travailler et dormir, à quelque distance ; puis il
allongera le couloir, et séparera, par un rideau, la chapelle de la
bibliothèque et de la chambre. Il célèbre la première messe au Hoggar le 7
septembre 1905. Il compte demeurer là jusqu’à l’automne de 1906, partir alors
pour Beni-Abbès, où il passera l’automne et l’hiver, puis revenir à Tamanrasset
au commencement de l’été 1907. Il se partagera ainsi entre les deux ermitages.
Il sera le migrateur, le moine aux deux huttes, l’ami de deux peuples
délaissés.
De la
porte de sa cabane, il découvre le haut plateau de Tamanrasset à 1.494 mètres
d’altitude, coupé par le lit sec d’un fleuve. Dans la dépression des terres,
quelques essais de culture primitifs. Tout autour, un terrain ondulé,
caillouteux, où pousse tous les dix mètres, une touffe d’herbes dures. La
teinte fanée de leur feuillage ne repose pas la vue et n’a pas de joie en elle.
La beauté de la vallée lui vient de son cadre de montagnes, car au nord, à 4 ou
5 kilomètres de l’ermitage, se lève le massif de la Koudia, dominé par le pic
Ilaman, haut de 3.000 mètres et par des montagnes rocheuses, entassées, nues,
que le soleil colore, et surtout vers le soir, de teintes de pourpre ardente ou
de pourpre violette. A l’est c’est la petite chaîne de l’Hageran, A l’Ouest,
les vallonnements par où s’engage la piste d’In-Salah.
A l’ombre d’un éthel isolé, sorte de tamaris énorme et rond, le Père de Foucauld a établi son ermitage. Aux environs, d’autres huttes de roseaux, où vivent des harratin. Dans l’étendue errent des pasteurs Touaregs, que l’été chassera jusque dans la région soudanaise. Des caravanes passent, se rendant avec des moutons et des chèvres vers les marchés de Tidikelt ou de Rhât, ou de Rhadamès, d’où ils rapporteront des cotonnades, des dattes, du miel.
Chaque
lecture de ce dimanche est un chant à la miséricorde de Dieu envers l’humanité
tout entière. Le sommet est évidement l’évangile avec ces trois histoires
appelées précisément paraboles de la Miséricorde.
Comme une
introduction aux trois paraboles, saint Luc nous dit que les publicains et les
pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter et que «les pharisiens et les
scribes récriminaient contre lui » , le bon accueil et le
fait de manger avec ces pécheurs.
Ce qui pour
les pharisiens était quelque chose de méprisable : accueillir les pécheurs
doit être pourtant une grande joie pour
nous ; heureusement que Jésus accueille les pécheurs. Comme disait un
saint Chilien, saint Alberto Hurtado : « ces paroles sont comme le
distinctif exclusif de notre Seigneur, on pourrait les écrire au pied de la
croix ou bien sur la porte du tabernacle ».
Les deux
premières paraboles sont assez similaires dans leurs structures. La première
est adressée aux hommes, aux interlocuteurs du Seigneur : « Si l’un
de vous a cent brebis ». Avoir cent brebis à l’époque du Seigneur
signifiait une grande richesse, ce berger de la parabole était donc riche. Les
gens pouvaient se poser la question : « pour quoi se soucier d’une seule, alors qu’Il abandonne
les autres ? » Et voilà la logique de Dieu, chaque brebis compte pour
Lui, Dieu ne regarde pas la masse, Dieu regarde chaque être humain ; Il est capable, seulement Lui de s’occuper
de chacun de nous, comme si nous étions uniques, comme si les autres ne
comptaient pas ; l’amour de Dieu est un amour personnel.
Dans la
deuxième parabole, le scénario change. A côté de l’homme, apparaît dans
l’histoire une femme, à côté de celui qui est riche on voit celle qui est
pauvre. C’est comme si le Seigneur donnait le témoignage de deux personnes
totalement différentes ; ce qu’Il a dit dans la première parabole, le
Seigneur le confirme dans la deuxième. Celui qui répète par deux fois les mêmes
principes ou les mêmes détails, même si l’histoire change un peu, veut graver
plus profondément l’enseignement dans les cœurs de ceux qui l’écoutent et les
pousser à réfléchir.
Posséder dix
drachmes ou dix pièces de monnaies ne constituait pas une grande richesse,
comme on a dit la femme était pauvre. Il est probable qu’en perdre une
signifiait un vrai souci. Mais, une autre interprétation nous dit que les
femmes recevaient le jour de leur mariage comme une sorte de foulard décoré
avec ces pièces d’argent, qu’elles gardaient comme le beau et grand souvenir de
ce moment, et pour cela on voit chez la femme de cette histoire la
préoccupation qu’elle avait de retrouver la pièce perdue et sa joie de l’avoir
retrouvée. Il est beau d’imaginer qu’en racontant cette parabole si familiale
et domestique, le Seigneur avait le souvenir de sa Mère, la sainte Vierge Marie
dans sa pauvre maison de Nazareth.
Nous avons
déjà médité la troisième parabole cette année pendant le temps de carême, la
parabole du Fils Prodigue ou celle que l’on devrait appeler plutôt du Père
Miséricordieux.
Les deux premières paraboles, celle de la brebis et celle de
la monnaie soulignent l’initiative de Dieu envers les pécheurs ; c’est Dieu
celui qui va à la recherche du pécheur et l’homme ne peut revenir à Dieu que
par une grâce venant de Dieu. La troisième parabole montrera ce qui arrive à
celui qui s’égare, quelles sont les conséquences du fait d’être loin de Dieu,
c’est-à-dire ce que fait le péché dans nos cœurs. Dans les deux premiers cas ce
qui était perdu c’était un animal et un objet, dans la troisième parabole c’est
le fils qui s’en va. En effet, dans la troisième parabole, le Seigneur
veut montrer ce qu’est la conversion.
Les trois
paraboles se concluent comme avec une ritournelle, un refrain d’un
psaume : j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue ! J’ai
retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue ! Mon fils était perdu, et
il est retrouvé ! Et le Seigneur le dit de lui-même dans une autre
occasion : « le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui
était perdu ».
La
Miséricorde de Dieu demande en effet la conversion de l’homme et cela, il est
nécessaire de bien le comprendre. Car Dieu
fait miséricorde lorsque l’homme reconnaît qu’il a péché, dans la parabole
du Fils prodigue on le voit clairement lorsqu’il dit : « Je me
lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi ».
Précisément,
notre monde d’aujourd’hui pense que la liberté signifie faire ce que l’on veut,
tout est permis et l’homme perd finalement la conscience d’avoir fait du mal,
d’avoir péché contre Dieu et contre lui-même.
Saint Jean
Paul II disait : « la liberté est un don de Dieu, mais la liberté a
un prix et l’homme doit se demander toujours s’il a conservé sa dignité dans la
liberté. La liberté ne signifie pas le caprice, l’homme ne peut pas faire tout
ce qu’il peut, tout ce qu’il veut ou tout ce qui lui plaît. Il n’y a pas de
liberté sans limites, l’homme est responsable devant lui-même, devant les
autres hommes et devant Dieu ».
L’homme sans
responsabilité tombe dans les plaisirs de cette vie et comme le fils prodigue,
tombera finalement dans la servitude, perdant sa famille, sa patrie et sa
liberté.
Le péché
signifie le mépris de l’homme, le péché contredit son authentique
dignité : « Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les
gousses que mangeaient les porcs ».
Mais la
parabole ne permet pas que nous restions avec la triste situation de l’homme
déchu avec toute la misère que cela implique. Les paroles « Je me lèverai,
j’irai vers mon père » nous permettent d’apercevoir dans le cœur de ce
fils le désir du bien et la lumière de l’espérance.
« Je me
lèverai, j’irai vers mon père », mais en même temps, il a eu la claire
conscience que, pour retourner avec le Père, il devait reconnaître sa
faute : « et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel
et envers toi. »
Comme le dit toujours le pape Jean Paul II : « Se
convertir veut dire se réconcilier, et la réconciliation se réalise uniquement
lorsque nous reconnaissons nos propres péchés. Reconnaître les péchés signifie
donner témoignage de cette vérité : que Dieu est Père, un Père qui
pardonne ».
« Méditez
sur tout ce qui fait partie de ce chemin, disait encore le grand saint pape :
examinez votre conscience – le repentir accompagné du ferme propos de changer –
la confession et la pénitence. Renouvelez en vous la valeur de ce sacrement, la
confession, appelé aussi « sacrement de la réconciliation ». »
L’apôtre
Saint Paul a vécu intimement la Miséricorde de Dieu, lui aussi était un
véritable fils prodigue. Mais comme un chant d’action de grâce, il se donne en
exemple de Miséricorde dans la deuxième lecture d’aujourd’hui : « moi qui étais autrefois
blasphémateur, persécuteur, violent et Il m’a été fait miséricorde. »
« Le
Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ; et moi, je
suis le premier des pécheurs. Mais s’il m’a été fait miséricorde… pour donner
un exemple à ceux qui devaient croire en lui. »
Demandons la grâce de renoncer au péché et de retrouver toujours ce Père qui nous attend pour nous pardonner. Cette grâce nous la demandons à la très Sainte Vierge Marie.