Homelie pour le XXIX dimanche du Temps ordinaire. Année A

La liturgie d’aujourd’hui, le vingt-neuvième dimanche du temps ordinaire, nous met devant l’un des nombreux pièges que les ennemis de notre Seigneur Jésus-Christ lui ont tendus au cours de son ministère apostolique. Les évangélistes nous disent qu’ils essayaient de « le prendre au piège en le faisant parler » ; les pharisiens essayaient avec tromperie de trouver au moins un point faible pour discréditer l’enseignement de Jésus, qui était pourtant très solide et convaincant.

Bien que le but du texte de l’Evangile soit de nous montrer la mauvaise volonté des ennemis de Jésus, leur « malice », nous pouvons aussi dire que les questions qu’ils posent au Seigneur semblent être comme des doutes non résolus pour eux et en attente d’une réponse ; qui sait… des questions qui leur ont été posées auparavant par leurs disciples, et auxquelles ils n’ont pas pu donner une réponse cohérente. Concrètement, dans le texte d’aujourd’hui, ils présentent au Christ deux options qui, selon l’esprit des pharisiens, ne semblent pas conformes à la nouveauté évangélique que le Seigneur est venu nous offrir.

D’une part, payer le tribut à César signifiait reconnaître sa suprématie sur le peuple élu, mais ne pas le payer semblait pire encore, car il aurait présenté le Christ comme un révolutionnaire, ou un séditieux ; comme en fait, dans sa Passion, les pharisiens le déclaraient au procurateur (Lc 23,5).

Mais Jésus a une réponse inattendue ! Avec la pièce de monnaie pour le tribut à la main, Il lance à l’histoire un principe de justice, capable de guider toutes les actions extérieures, et en particulier les actions sociales et civiques, des chrétiens de toutes les époques, et plus que jamais dans la nôtre : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu».

Bien qu’il s’agisse d’un principe très clair, certains ont voulu souligner le point le moins important. C’est une tentation récurrente surtout pour ceux qui vivent au milieu du monde… mais pas seulement pour eux ! En fait, certains pensent qu’il est plus important de clarifier ce qu’est « ce qui est à César ». Ils voient en Jésus un enseignant respectueux, qui voudrait nous enseigner avant tout le respect des droits du monde, ou de la société, et une fois que ceux-ci sont établis, ils commencent à se préoccuper de ceux qui concernent Dieu.

Mais pour nous, l’ordre de la question devrait être l’inverse. Nous devons d’abord répondre à ce qui est « à Dieu », et avant tout respecter Dieu et tout ce qui lui appartient.

Ce que nous donnons à César, nous ne devons pas le retirer à Dieu.

Ce qui appartient à César appartient, et avec plus de droit, en premier lieu à Dieu. Parce qu’à Dieu appartient César lui-même, pour ainsi dire ; toute la société est à Dieu, tous les pouvoirs de l’État, toutes les institutions, et donc, toutes nos actions dans l’ordre social et public, appartiennent aussi à Dieu. Il n’est pas licite de dissocier nos œuvres publiques de nos œuvres privées, pour le simple fait qu’il n’est pas licite que même une de nos pensées, une de nos affections, une de nos œuvres extérieures soient enlevées à Celui à qui elles appartiennent : à Dieu.

De ce que nous avons dit, nous pouvons déduire, entre autres, deux vérités pour notre vie quotidienne : la première est la nécessité de nous comporter dans toutes nos actions comme de vrais chrétiens, et de soumettre toutes nos actions à un jugement moral ; c’est-à-dire que nous devons toujours être capables de discerner si telle ou telle décision que nous prenons est conforme à la volonté divine et aux principes de l’Église. Sur ce point, il faut souligner que pour les disciples du Christ, il n’y a pas d’actes qui puissent être jugés exclusivement à partir des critères humains, sociales, civiques, démocratiques ou d’autre critère qui ne puissent pas être aussi soumis au critère du Christ et de l’Église.

Deuxièmement, la nécessité d’œuvrer pour faire de la société une véritable société chrétienne. Car enfin, ce qui appartient à César, ce que nous devons lui donner, c’est le service du Christ. Nous devons travailler pour que notre société devienne une société au service de Jésus-Christ. Notre témoignage chrétien dans le monde a ce but : aider à la préparation au Seigneur d’un peuple disposé, qui le reconnaît non seulement dans les secrets de ses maisons, mais aussi sur les places, dans les lieux publics, dans les médias, dans les lois, etc.

Le Royaume social du Christ est une mission pour chacun de nous. Qu’il soit la première raison et la seule fin de tous nos actes, jusqu’au jour du Christ que s’approche, quand tous « ses ennemis seront mis sous ses pieds » (Hb 10,13).

Que Marie Très Sainte, la Mère du Roi, nous accorde cette grâce.

P. Juan Manuel Rossi IVE.