“L’amour doit inspirer la correction, et non pas le désir de faire de la peine”

Homélie pour le Dimanche XXIII, année A (Mt 18, 15-20)

Il semblerait qu’il y ait une contradiction entre l’évangile de ce dimanche et celui que nous avons écouté le dimanche dernier. Car le Seigneur dit qu’il faut toujours commencer une correction d’abord en privé, seul avec celui qui a péché ; tandis qu’il n’a pas fait cela avec Saint Pierre, que Jésus corrige devant les autres apôtres.

Nous devons dire avant tout, que ce que le Seigneur a fait était nécessaire à cause du scandale que l’attitude de Pierre pourrait causer chez les autres ( le Seigneur dit qu’il est un obstacle, « scandale »); il fallait donc cette correction pour éviter que ce mal se propage. Qui n’était pas d’ailleurs, une correction fraternelle (comme celle que le Seigneur nous apprend à pratiquer dans ce dimanche), la correction à Pierre était celle que le maître fait à son disciple.

En effet, lorsqu’on parle de correction fraternelle on fait référence à celle qui est faite entre frères, pour la distinguer de l’autre, faite par les parents ou par les supérieurs ( dont la responsabilité est plus importante).

Nous devons corriger nos frères lorsqu’ils font un péché quand cela est possible, c’est cela que le Seigneur nous apprend.

Et pourquoi devons-nous le faire ?

Parce que les fautes commises par un chrétien blessent la charité qui est le lien de perfection (1 Col. 3,14) et le plein accomplissement de la Loi (Ro. 8,10). L’Eglise est un édifice spirituel, il se construit avec les pierres vivantes unies entre elles par la charité ; s’il n’y a pas de charité, il n’y aura pas non plus de solidité dans cet édifice.

Le grand saint Augustin enseignait : « Notre-Seigneur nous recommande de ne pas rester indifférents aux péchés les uns des autres, en cherchant non pas précisément à reprocher, mais à corriger ; car c’est l’amour qui doit inspirer la correction, et non pas le désir de faire de la peine ( comme une sorte de vengeance). Mais si vous négligez ce devoir, explique toujours le grand docteur, vous devenez plus coupable que celui qui avait besoin de correction ; il vous avait offensé, et il s’était par là même profondément blessé ; mais vous méprisez cette blessure de votre frère, et vous êtes plus coupable par votre silence qu’il ne l’est par l’outrage qu’il vous a fait ». 

La correction fraternelle fait partie des œuvres de charité spirituelles : corriger celui qui se trompe. Elle est l’avertissement (soit avec les paroles, soit avec les gestes) fait au prochain coupable, en privé et seulement par charité, pour l’éloigner du péché ou pour éviter qu’il y tombe. En principe, elle doit être faite sur les péchés mortels déjà commis, ou bien sur les péchés véniels qui peuvent entraîner par la suite un péché mortel ; la correction est faite aussi lorsque mon prochain, à cause ses péchés, est une occasion de scandale pour les autres.

Il y a encore d’autres aspects que nous devons connaître pour pratiquer la correction fraternelle.

La matière sur laquelle agit cette correction doit être certaine ( il ne s’agit pas donc d’une simple hypothèse, lorsque nous soupçonnons un péché). Nous sommes obligés de faire une correction, lorsqu’elle est l’unique chemin pour que la personne revienne du péché, c’est-à-dire, qu’elle changera grâce à mon avertissement et ne commettra plus cette faute. Il est important aussi de savoir que l’acte de pratiquer la correction ne doit pas représenter une grave incommodité pour la personne qui la fait.

Comment devons-nous procéder pour la faire ?

La loi à suivre est la charité, l’amour, la correction fraternelle procède de l’amour. Pour cette raison la charité cherchera le moment, le lieu et le mode ou la façon de la faire (et là agit aussi la vertu de la prudence).

Il est nécessaire de se revêtir de douceur, comme le dit l’apôtre saint Paul : Frères, si quelqu’un est pris en faute, vous, les spirituels, remettez-le dans le droit chemin en esprit de douceur (Gal. 6,1) ; il faut avoir aussi de la persévérance et de la patience, car Dieu prend son temps avec le pécheur pour qu’il se convertisse ; et nous laisser guider toujours par l’humilité et se conduire avec discrétion (ne pas chercher à corriger tous les péchés ni à chaque moment avec insistance).

En fin compte et selon ce que le Seigneur nous apprend, nous devons chercher à gagner notre frère, non pour notre cause mais pour Dieu, sachant que probablement cette correction ( si elle n’est pas bien comprise et acceptée) pourrait éventuellement entraîner la croix sur nous ; mais ne pas la faire serait par contre, la cause d’un mal plus grand.

Parce que parfois, nous cherchons d’autres chemins pour éviter de corriger nos frères de leurs péchés, des chemins qui vont contre ce que le Seigneur nous a dit de faire. Comme, lorsqu’on essaye de réparer le mal des autres à travers la médisance, la critique, l’indifférence, le ressentiment…  Tout cela produit un mal et en mon frère et en moi: en lui, parce qu’il souffre une injustice et on le laisse dans son péché ; et en moi-même car je manque à un devoir de charité en plus de commettre une injustice à travers la diffamation, l’indifférence, etc.

Mais, si nous sommes bien disposés à corriger, il faut que nous soyons aussi prêts à être corrigés ; c’est-à-dire, qu’à côté du devoir de corriger, il y existe aussi le devoir de se laisser corriger.

Et voilà où l’on voit la maturité humaine et surtout spirituelle d’une personne. En fait, l’enseignement que le Seigneur nous donne aujourd’hui dans l’évangile, nous devons le lire ensemble avec l’autre qui touche aussi la charité fraternelle et que nous lisons dans l’évangile de saint Luc (6,41-42): « Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? Comment peux-tu dire à ton frère : “Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil”, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien? »

Soit le fait de recevoir, soit le fait de donner une correction, tous les deux impliquent nécessairement une renonce, un acte d’humilité et d’amour, en d’autres mots cela signifie vivre le mystère de la croix qui se présente de différentes façons dans nos vies.

En tous les cas signifie avoir compte de cette règle d’or, utile pour tous les cas, que nous offre saint Paul dans la deuxième lecture de ce dimanche ( Ro. 13,8-10) : Frères et sœurs, ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l’amour mutuel, car celui qui aime les autres a parfaitement accompli la Loi. L’amour ne fait rien de mal au prochain.

Que la Vierge Marie nous donne la grâce d’aimer vraiment notre prochain. 

P. Luis Martinez IVE.

La valeur de notre âme

Homélie pour le Dimanche XXII, année A (Mt 16, 21-27)

La semaine dernière nous avons médité le texte précèdent immédiatement à l’évangile de ce dimanche.

En effet, après avoir proclamé « bienheureux » saint Pierre comme réponse de la profession de foi de ce dernier, Jésus commence à prophétiser son futur dans ce monde, sa passion, ses souffrances et sa mort.

Et comme nous le voyons dans le texte de ce dimanche, de l’exaltation de sa foi, saint Pierre, passe à une dure correction de la part de Notre Seigneur : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. ». Si la profession de foi dans la divinité du Christ est inspirée par l’Esprit Saint, la pensée de l’éloigner du sacrifice et de la croix vient en revanche de la chair, des hommes ; mais Pierre est blâmé car il veut finalement éloigner le Christ de sa mission et de réaliser la Volonté du Père.

Après ce moment, le Seigneur s’adresse à tous ses disciples à travers une invitation, et pour cela elle est libre : Il veut que tous les hommes viennent vers lui, explique saint Thomas d’Aquin. Et [le Seigneur] dit : VEUT, car celui qui est attiré par volonté est davantage attiré que celui qui l’est de manière violente.

Ensuite, le Seigneur présente les conditions : “Qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive”. Et toujours saint Thomas qui fait ce commentaire :  “Comme s’il disait : ‘Il faut que vous soyez prêts à imiter la passion du Christ’. Les martyrs l’imitent d’une manière particulière, corporellement, mais les hommes spirituels [l’imitent] d’une manière spirituelle, en mourant spirituellement pour le Christ”.

Dans les dernières paroles du Seigneur pour conclure ce passage, le Seigneur fait référence à la vie. Mais, comme on peut facilement le distinguer, il utilise l’expression de “vie” en deux sens, dans le premier, il s’agit de la vie de ce monde : « qui perd sa vie à cause de moi » et dans le deuxième sens, de la vie éternelle, ou plutôt de l’âme de la personne; et pour cela dans plusieurs traductions nous trouvons le terme: « âme » : « Quel avantage, en effet, un homme aurait-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de son âme ? « 

Comme nous le savons, notre âme est spirituelle, cela veut dire immatérielle, elle donne forme et unité à notre corps. Elle ne peut pas mourir, une fois que le corps meurt, notre âme continue son existence.

Nous savons par la foi qu’un jour notre âme reviendra prendre notre corps et corps et âme unis, nous vivrons pour l’éternité, c’est la résurrection de la chair *.

Notre âme est incorruptible, c’est-à-dire qu’elle ne contient en elle-même aucun principe de dissolution et ni de mort. Qu’est-ce que la mort? La mort est la décomposition, la séparation des parties d’un être lorsqu’il est composé de matière. Ainsi, l’âme n’a pas de parties, elle est simple et indivisible, sans matière ; alors elle ne peut donc pas se décomposer, se dissoudre ou mourir.

Nous devons dire que notre âme a une grande valeur, une valeur presque infinie. Et cela est reconnu par le diable lui-même. Si nous lisons le récit des tentations de Jésus dans le désert, nous verrons que dans la troisième tentation le diable offre au Seigneur tous les royaumes du monde en échange de se faire adorer, de se prosterner devant lui (Mt 4, 8-10): « alors le diable l’emmène avec lui vers une haute montagne, il lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire, et il lui dit: “Je te donnerai tout cela si, en te prosternant, tu m’adores».  Le diable pense qu’il offre un bon prix pour l’âme du Christ. Mais le Seigneur lui répond en lui faisant comprendre que l’âme vaut infiniment plus que le monde entier : Jésus lui répondit alors : “Éloigne-toi, Satan, car il est écrit : tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et lui seul tu l’adoreras.”

Nous avons une âme spirituelle et immortelle. Même les païens en sont venus à cette intuition et même certains à l’affirmer. La foi nous le confirme. Et même sans utiliser la foi, l’intelligence constate l’existence d’une âme. Car nous avons ce désir d’éternité que nous ressentons intérieurement, vers l’ouverture à la vérité et à la beauté, dans le sens du bien moral (la rechercher du bien), dans l’expérience de notre liberté et dans la voix de notre conscience qui nous fait aspirer à l’infini et à la béatitude ; nous y percevons, des signes de notre âme spirituelle. ” Germe d’éternité que l’homme porte en lui-même, irréductible à la seule matière ” (GS 18, § 1 ; cf. 14, § 2), son âme ne peut avoir son origine qu’en Dieu seul.

En termes de valeur, nous pouvons dire que l’âme, créée par Dieu et «pour» lui, vaut plus que l’univers tout entier.

Si les choses sont estimées pour ce qu’elles coûtent, rappelons-nous que si l’univers a coûté un seul mot à Dieu (car comme le dit le Psaume 148: « Dieu a parlé et tout a été créé »), d’autre part, l’âme de l’homme a coûté le prix du sang et de la vie du Fils de Dieu, mort sur la croix pour le rachat de notre âme.

La valeur d’une âme, même celle du dernier des misérables, nous la voyons reflétée si nous opposons deux images évangéliques étonnantes. La première est la troisième tentation du Christ, que nous avons mentionnée plus haut; la deuxième est le moment de la dernière Cène.

Dans la première scène, le diable offre le monde, dont il est prince dans un certain sens, en échange d’une seule prostration de Jésus (Si cadens adoraveris me : « Tout cela, je te le donnerai, si, tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi. »). Dans la seconde scène, lorsque, selon le texte de saint Luc, le diable avait déjà pris possession du cœur de Judas (Lc 23,3), Jésus-Christ lui-même s’agenouille, s’humiliant, pour lui laver les pieds. Le Seigneur, qui méprisait le monde entier que lui offrait le diable, s’incline maintenant pour gagner l’âme d’un traître !

Encore, nous devons dire que ceux qui ne prennent soin de l’âme que par peur d’être éternellement damnés ne comprennent même pas exactement la valeur de leur âme. Ils ne voient pas la valeur elle-même ; ils ne craignent qu’une conséquence. On dit qu’à une occasion, Dieu a montré une âme à Sainte Marie-Madeleine de Pazzi; et son biographe raconte qu’elle est restée « hors d’elle » pendant huit jours, étourdie de l’étonnement et de l’admiration que cette vision avait produite en elle.

Nous devons à juste titre « valoriser » notre âme.

Parmi tant de raisons, nous en choisissons trois:

(a) En raison de son origine divine, en raison de son immortalité, par l’Incarnation du Fils de Dieu qui s’est fait homme pour la sauver, parce qu’un ange gardien lui a été assigné pour la garder, par des inspirations divines, etc. En d’autres termes: en raison de l’estima que Dieu lui-même lui porte.

b) Aussi en raison de l’appréciation que le diable lui confère car il fabrique une grande quantité d’astuces à la gagner pour lui-même ; en effet, lorsque quelqu’un fait autant pour acheter un bien et se montre prêt à faire tant de sacrifices pour l’obtenir, nous devrions au moins soupçonner que c’est très précieux!

c) Enfin par l’estime que les saints lui portent, qui n’hésitent pas à se sacrifier entièrement plutôt que de la salir de la moindre ride, par la persévérance des martyrs qui ont préféré perdre leur vie plutôt que de perdre leur âme, par le travail des missionnaires qui pour sauver les âmes, ont tout abandonné.

Par conséquent, pensons à notre âme; pensons aux pauvres fous qui la vendent pour une pièce de monnaie. Pensons aussi à quel point nous risquons de la perdre en enfer pour rien. Et surtout, nous devons méditer sur ces paroles du Seigneur: « à quoi sert-il à l’homme ayant gagné le monde entier, s’il perd lui-même son âme? » (Lc 9, 25). Et ce qu’il ajoute ailleurs: « que peut donner l’homme en échange de son âme? » (Mt 16,26). Autrement dit, une fois que l’âme est perdue (c’est-à-dire déjà condamnée en enfer), elle ne peut plus être rachetée à nouveau.

Souvenons-nous toujours des paroles avec lesquelles Don Bosco renvoyait les jeunes qu’il devait expulser du patronage à cause de leurs fautes ; avec beaucoup de mal et des larmes, il leur disait comme un dernier souvenir : “Vous n’avez qu’une âme: si vous la sauvez, vous avez tout sauvé ; si vous la perdez, vous avez tout perdu pour toujours”.

Que Marie nous donne la grâce de garder notre âme du mal.

P. Luis Martinez IVE.

(*) Extrait des articles publiés dans le site www.teologoresponde.org