Homélie pour le Jeudi Saint 2021
Le Pape saint Jean Paul II disait, dans une de ses dernières homélies du jeudi saint : « Ce soir nous entrons déjà dans la Pâque du Christ, qui constitue le moment de conclusion dramatique, longuement préparé et attendu, de l’existence terrestre du Verbe de Dieu. Jésus n’est pas venu parmi nous pour être servi, mais pour servir, et il assumé les drames et les espérances des hommes de tous les temps. Au Cénacle, en anticipant de façon mystique le sacrifice de la Croix, il a voulu demeurer parmi nous sous les espèces du pain et du vin et il a confié aux Apôtres et à leurs successeurs la mission et le pouvoir d’en perpétuer la mémoire vivante et efficace dans le rite eucharistique. »
En effet, toute la cène du Seigneur avec ses disciples, que nous rendons présente dans la liturgie d’aujourd’hui, est comme un grand signe de l’événement toujours actuel de la passion et de la mort de Jésus-Christ. La cène nous introduit dans la Passion.
Déjà le lavement des pieds, qui est la manifestation de la charité et de l’humilité que Jésus nous porte et veut nous enseigner pour que nous nous aimions les uns les autres, nous conduit mystiquement au Calvaire. Jésus est venu servir Dieu le Père et l’humanité d’une manière concrète, c’est-à-dire en acceptant la mort pour notre rédemption, pour payer notre dette devant Dieu.
« Au sens mystique, par ces trois aspects on peut comprendre trois choses. En premier lieu, par le fait qu’Il versa de l’eau dans un bassin est signifiée l’effusion de son sang sur la terre. En effet le sang de Jésus peut être appelé eau parce qu’il a la puissance de laver : Il nous a lavés de nos péchés par son sang (Ap. 5,1). Et de là vient qu’il sortit en même temps de son côté du sang et de l’eau, pour donner à entendre que ce sang était capable de laver les péchés. Ou bien, par l’eau, on peut comprendre la Passion du Christ ; car dans l’Écriture l’eau représente les tribulations : Viens me sauver, Seigneur, car les eaux, c’est-à-dire les tribulations, sont entrées jusque dans mon âme (Ps. 144,7). Il versa de l’eau dans un bassin, c’est-à-dire qu’il imprima dans les âmes des fidèles la mémoire de la Passion par la foi et la dévotion : Souviens-toi de ma pauvreté.
En second lieu, il commença à laver les pieds des disciples suggère l’imperfection humaine. Car les Apôtres, après le Christ, étaient les plus parfaits, et cependant ils avaient besoin d’être lavés, ayant en eux des impuretés. Cela pour nous donner à comprendre qu’aussi parfait que soit un homme, il a néanmoins besoin d’être rendu plus parfait et peut encore contracter certaines impuretés : Qui peut dire : mon cœur est pur ? (Prov. 20,9)… Mais il faut remarquer, selon Origène, qu’il commença à laver les pieds des disciples alors que sa Passion était imminente, parce que s’il les avait lavés longtemps auparavant, ils auraient été à nouveau souillés. C’est pourquoi il commença, alors que peu de temps après il allait les laver par l’eau du Saint-Esprit, c’est-à-dire après sa Passion : Vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés, dans peu de jours (Actes 1,5). Ainsi, donc, l’effusion de son sang est manifestée par le fait qu’Il versa de l’eau dans un bassin, et la purification de nos péchés par le fait qu’il commença à laver les pieds des disciples.
En troisième lieu apparaît le fait qu’il a pris sur lui nos peines ; en effet non seulement il a lavé nos taches, mais il a pris sur lui les peines qu’elles impliquaient. En effet, nos peines et nos pénitences ne suffiraient pas si elles n’étaient pas fondées sur le mérite et la puissance de la Passion du Christ. Et cela apparaît dans le fait qu’il essuya les pieds des disciples avec un linge, c’est-à-dire avec le linge de son corps : Il porta jusqu’au bout nos péchés dans son corps sur le bois (Pierre 2,24) » (St. Thomas d’Aquin, Commentaire sur l’Evangile de st. Jean).
En lavant les pieds des disciples, Jésus nous montre que sa Passion est la source de la grâce et de la vie éternelle, que par sa mort il a vaincu le diable et le péché, et que sur sa croix il nous libère du poids de nos fautes. Mais il était nécessaire que ce signe nous soit appliqué. Il est inutile d’avoir un vaccin contre une maladie si on ne l’applique pas. C’est pourquoi, dans la Cène, notre Seigneur ne nous a pas seulement donné un exemple, mais il nous a donné le moyen efficace de pouvoir vivre selon ses commandements. Car l’Eucharistie n’est pas seulement un souvenir de la mort du Christ, elle n’est pas seulement une présence mystique et spirituelle, mais un souvenir et une présence réels, c’est-à-dire effectifs, qui suspendent en quelque sorte le temps et l’espace avant la nouvelle apparition du Christ dans son état de souffrance sur tous les autels du monde. Le Cardinal Journet a dit : « A chaque fois que les paroles de la consécration sont prononcées, l’Eglise, représentée par le prêtre et les fidèles, est rendue présente au sacrifice sanglant : les deux mille ans qui nous séparent de la Croix sont abolis, nous sommes là comme l’étaient la Sainte Vierge et saint Jean. Et chaque génération peut à son tour s’engouffrer dans l’offrande éternelle du Christ, offerte pour tous les temps ».
Saint Jean Paul II disait : « Revenons en esprit au Cénacle ! Nous nous rassemblons avec foi autour de l’Autel du Seigneur, en faisant mémoire de la Dernière Cène. En répétant les gestes du Christ, nous proclamons que sa mort a racheté l’humanité du péché, et qu’elle continue à ouvrir l’espérance d’un avenir de salut pour les hommes de chaque époque.
Il revient aux prêtres de perpétuer le rite qui, sous les espèces du pain et du vin, rend présent le sacrifice du Christ dans le monde véritable, réel et substantiel, jusqu’à la fin des temps. Il revient à tous les chrétiens de devenir les serviteurs humbles et attentifs de leurs frères, afin de collaborer à leur salut. C’est la tâche de chaque croyant de proclamer à travers sa vie que le Fils de Dieu a aimé les siens jusqu’à la fin. Ce soir, notre foi se nourrit dans un silence chargé de mystère. »
Nous entrons donc, dans cette célébration, dans la considération de cet événement déterminant dans la vie de chacun d’entre nous, le plus réel, qui est la mort du Christ pour chacun d’entre nous. Que sa présence eucharistique soit la source de notre foi et notre force pour imiter chaque jour son exemple de sacrifice pour Dieu et pour les hommes, et que la Vierge Marie, la Femme eucharistique, la Femme du Calvaire, nous conduise par sa main à la Pâque éternelle du Royaume de son Fils, qui est le seul qui a des paroles de vie éternelle.
P. Juan Manuel Rossi IVE.