Homélie du Dimanche XV, année A (Mt 13, 1-23)

Ce dimanche et les deux suivants, l’Eglise entreprend de nous présenter les paraboles de Notre Seigneur. Aujourd’hui c’est la parabole du Semeur.
Le mot « parabole » vient du grec : « parabolé » et fait référence à la trajectoire d’un projectile, littéralement c’est un élément qui « est jeté à côté » d’un autre objet.
Dans le sens de la littérature, les évangélistes ont utilisé le mot « parabole » pour désigner la création d’une histoire qui, en plus de décrire une situation concrète, porte vers une autre réalité supérieure, c’est-à-dire qu’une histoire commune de ce monde devient l’image d’une vérité divine. Il s’agit de placer parallèlement deux réalités de différent ordre.
Ainsi, après la prédication de la parabole du semeur, les disciples vont demander au Seigneur : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? » et Jésus va répondre en citant une prophétie d’Isaïe : « Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre. Le cœur de ce peuple s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, …de peur que leur cœur ne comprenne, qu’ils ne se convertissent, et moi, je les guérirai ».
Il semble que la réponse de Jésus serait : « Je leur parle de cette manière pour qu’ils ne comprennent pas», ce qui serait l’opposé de ce qu’il recherche lors de la prédication.
La réponse à cette question difficile est la suivante : le Christ parle avec des images enfantines, poétiques et pleines de sens pour confondre la sagesse des sages de ce monde. Comme Pascal l’écrit « les paraboles ont assez de lumière pour ceux qui veulent voir, et assez d’obscurité pour ceux qui ne veulent pas ouvrir les yeux aux choses de Dieu. »
Qu’est-ce-que tout cela signifie? Pourquoi parler en paraboles et pas plutôt « ouvertement » (cf. Jn 16, 29)? Se demandait le saint Pape, Jean Paul II et il répondait:

En réalité, la création elle-même est comme une grande parabole. Tout ce qui existe – l’univers, la terre, le vivant, l’homme – ne constitue-t-il pas une énorme parabole unique ? Et qui est l’auteur, sinon Dieu le Père, avec qui Jésus s’entretient dans le silence de la nature ? Jésus parle en paraboles parce que c’est le « style » de Dieu. Le Fils unique a la même façon de faire et de parler que son Père céleste. Celui qui le voit, voit le père (cf. Jn 14, 9), celui qui l’écoute écoute le Père. Et cela concerne non seulement le contenu, mais aussi les formes; non seulement ce qu’il dit, mais aussi « comment » il le dit.
Oui, le «comment» est important, car il manifeste la profonde intention de celui qui parle (du Seigneur). Pour que la relation soit dialogique, la manière de parler doit respecter et promouvoir la liberté de l’interlocuteur. Voici pourquoi le Seigneur parle en paraboles : pour que l’auditeur soit libre d’accepter son message ; libre non seulement de l’écouter, mais surtout de le comprendre, de l’interpréter et de reconnaître l’intention de Celui qui parle. Dieu s’adresse à l’homme pour qu’il soit possible de le rencontrer en toute liberté.
Le Seigneur dira que ce sont les simples ceux qui vont donc accepter le message sans problème, ceux qui vont comprendre : « Si vous aviez en vous assez d’innocence et de pureté, vous verriez tout sans obstacle. Un cœur pur pénètre le ciel et l’enfer. » mentionne le livre de l’imitation du Christ. (Saint Jean Paul II, Homélie 11/07/93)
Nous allons faire maintenant un petit commentaire de la parabole de ce dimanche, en vérité le Seigneur l’a déjà expliquée mais nous devons nous l’appliquer.
Chaque âme devient ce qu’elle est selon la façon dont elle a librement décidé de recevoir la Parole. Dans cette parabole, Jésus place l’homme individuel devant un dilemme extraordinaire : soit qu’il choisisse Dieu, soit qu’il se choisisse lui-même.

C’est un choix profond et primaire qui jaillit du fond du cœur et c’est le choix que toute âme fait à propos du Christ : ou elle choisit le Christ, ou elle choisit de vivre sans le Christ ou contre le Christ. Les trois premiers types de personnes représentées par les trois premiers types de terrain se choisissent eux-mêmes et rejettent Dieu. Le quatrième groupe accueille librement la Parole, la doctrine du Christ.

Le premier type de sol, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin. Si quelqu’un entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais s’empare de ce qui est semé dans son cœur. Lorsque le Seigneur utilise le mot comprendre, en grec « syniemi », cela signifie la capacité de faire entrer la Parole de Dieu à l’intérieur de l’âme afin qu’elle imprègne la vie de la personne. Dans ce cas la parole est entrée par les oreilles, mais la liberté l’homme l’a rejetée au fond de son cœur. Et cela se fait avec l’aide du Malin.
La particularité du second terrain est d’être superficiel. Il s’agit d’une couche de terre de quelques centimètres sur un lit de pierre. La graine entre dans le champ («ils reçoivent la parole avec joie»), mais elle germe immédiatement à cause de la faible épaisseur de la terre. Le soleil s’étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché.

L’accusation que Jésus fait est double. En premier lieu, c’est une âme «temporelle» (en grec, « proskairos »; saint Jérôme traduit temporalis). Deuxièmement, c’est une âme qui ne peut pas supporter les tribulations et les persécutions à cause de la Parole.
Par exemple, la lettre aux Hébreux utilise ce mot lorsqu’elle dit: « Grâce à la foi, Moïse avait choisi d’être maltraité avec le peuple de Dieu plutôt que de connaître une éphémère jouissance (« proskairos ») du péché. » Hébreux 11,25
Le troisième champ est bon et fructueux et reçoit bien les semences de blé; mais sur ce terrain il y a des buissons ou des plantes épineuses qui vont l’étouffer.

Cela représente l’âme qui reçoit bien la parole, l’annonce de l’Évangile. Mais «les soucis du siècle et la séduction des richesses» (Mt 13, 22) qu’elle ne savait pas arracher à l’époque, ont maintenant noyé la parole de Dieu et n’ont pas porté de fruits, aucun fruit. Ne pas porter ses fruits signifie la damnation éternelle.
Ce champ ce sont les nombreux catholiques qui ont accepté l’Évangile et ont reçu le baptême. Ils ont progressé dans la vie spirituelle, ils ont fait grandir la parole de Dieu dans leur âme, mais finalement «les soucis de ce siècle et la séduction des richesses» étouffent la parole de Dieu et les conduisent à faire le choix des richesses et à rejeter le salut que Dieu leur offre.
Le mot grec « merimna », que nous traduisons par «préoccupations» vient du verbe « meridso », qui signifie «diviser». Par conséquent, le mot « merimna » exprime ces choses qui portent l’attention de l’âme dans différentes directions simultanément, de telle manière qu’elles font vivre l’âme divisée, sollicitée de toutes parts et en même temps.
Il n’y a aucune référence à l’éternité; tout se réfère à une vie strictement temporaire. C’est un désir démesuré pour les choses nécessaires à notre vie temporelle.
Le terrain qui porte ses fruits est l’âme qui «comprend» (synie) le mot, c’est-à-dire la contrepartie du premier terrain. Si le premier type d’âme est celui d’un fou, le type d’âme qui porte du fruit est celui du sage. Le fait que Jésus présente ce champ selon une triple capacité, c’est-à-dire qu’un champ donne à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un montre les différents états dans lesquels l’âme se trouve par rapport à la mort.

Demandons à la très sainte Vierge Marie, la grâce d’être un bon terrain pour la Parole de Dieu, que nous sachions comprendre, accueillir et vivre cette Parole, le Verbe de Dieu, Jésus-Christ et sa doctrine.
P. Luis Martinez IVE.