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Pleine de Grâce!

Ave… Ave, gratia plena, Dominus tecum !  « Je te salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi ! » L’Ange Gabriel attire l’attention de la Vierge sur sa dignité et le rôle qui lui correspondait dans la rédemption future…. « À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. » (Lc 1,28-29).

Pourquoi une telle parole a-elle attiré l’attention de la Vierge ? Selon le Père Lyonnet, la salutation angélique signifierait la joie messianique, exprimée dans les prophéties (So 3,14-17 ; Jl 2,21-27 ; Za 9,9-10). ). D’après cela, la Vierge se serait vue désignée comme la fille de Sion vers laquelle Yahweh viendrait comme un guerrier conquérant.  Les paroles du salut angélique attirent l’attention de la Vierge sur sa dignité ; elles éveillent ses facultés de perception à la révélation du mystère qui suivra plus tard. Saint Thomas affirme que la première chose que fit l’ange fut de rendre l’esprit de la Vierge attentif à la considération d’un sujet aussi important ; Il l’a fait, ajoute-t-il, en la saluant d’une manière nouvelle et inhabituelle. L’ange a éveillé l’attention de la Vierge Marie, en raison du moyen par lequel la salutation se manifeste, et par raison de l’objet, c’est-à-dire de ce qui était dit dans la salutation. Par une raison ou une autre, Marie prend pleinement conscience de sa dignité et se prépare à l’œuvre de Dieu en Elle.

La Vierge devait se prêter à une œuvre divine, dont la réalisation imminente dépendait de son consentement. Cela veut dire qu’à ce moment-là, elle devait comprendre de quoi il s’agissait et pouvoir apprécier la participation qui lui était demandée. La mission de Gabriel se réduit à deux choses : révéler le mystère à la Vierge et apporter la lumière pour le lui rendre suffisamment intelligible.

L’ange Gabriel apporte son message de Dieu. C’est un ambassadeur libre, responsable, doté de tous les pouvoirs suffisants pour remplir sa mission. Il devait créer dans l’esprit de Marie le « climat » nécessaire à la révélation. Ce « climat », comme on dit de nos jours, est donné par la lumière surnaturelle. Cette lumière élève son esprit à la perception de ce qui est révélé.

La salutation de l’ange est à la fois inhabituelle et délicate. Il parle à la Vierge d’elle-même ; la lumière surnaturelle de l’inspiration divine, à laquelle nous avons fait référence, la fait réfléchir sur sa propre dignité.  Cette dignité suprême ne se voit pas à la lumière de la seule raison naturelle, ni à la lumière de la foi, mais à la lumière de la révélation prophétique ; c’est-à-dire sous une lumière particulière, dans laquelle le mystère de Dieu lui devient intelligible, y compris son propre rôle de mère de Dieu.  L’ange crée un monde nouveau dans la Vierge ; et la Vierge se voit dans ce nouveau monde.  Saint Albert le Grand avait déjà observé que la Vierge était devenue bouleversée d’admiration ; admiration sapientielle, pleine de lumière, d’amour, pleine de révérence et d’adoration.

Alors, Elle reçoit la salutation ¡gratia plena ! La salutation n’est-elle pas la plus appropriée pour cette Femme ? La grâce est le principe de la vie éternelle qui s’oppose au péché. La plénitude de la grâce est la plénitude de l’efficacité contre le péché. La seule femme à qui on avait promis un pouvoir d’une telle nature, un plein pouvoir contre le diable, est la Femme promise dans la Genèse (3 : 18) ; Rien d’autre ne signifie pouvoir briser la tête du Serpent.  Marie est donc la Femme promise dans la Genèse ; et dans le salut de l’ange, elle dut deviner que c’était le cas.

Maintenant, Elle reçoit le salut «  gratia plena! », la salutation n’est-elle pas la plus à propos pour cette Femme ? La grâce est le principe de la vie éternelle qui s’oppose au péché. La plénitude de la grâce est la plénitude de l’efficacité contre le péché. La seule femme à qui on avait promis un pouvoir de cette nature, un plein pouvoir contre le diable, est la Femme promise dans la Genèse (3 : 18) ; Rien d’autre ne signifie pouvoir briser la tête du Serpent.  Marie est donc la Femme promise dans la Genèse ; et dans la salutation de l’ange, elle dut deviner que c’était le cas. L’annonce messianique pour la Vierge signifiait donc l’annonce de la réparation du péché ; réparation promise dans la Genèse, et où se manifeste le rôle capital de la Femme.  La tradition d’Israël avait lié la naissance du fils de l’Almah (mot utilisé par Isaías, 7, 14, traduit par “Vierge”) à la tradition de la Genèse.  Le Sauveur et la Femme appelée à le mettre au monde sont étroitement unis ;  Il est facile que toute la tradition prophétique d’Israël allait conduire à la Genèse : à la Femme et à son Fils.  L’Ange, par le « gratia plena », suggère à Marie que, bien que Dieu ait chassé de Lui l’humanité pécheresse, en Elle le châtiment est annulé. Marie a compris sa dignité de nouvelle Ève, première femme d’une nouvelle création.

Quant au contenu de la salutation, ou aux choses que l’ange y dit à la Vierge : « Khaire, María, kejaritoménè… Ave, María, gratia plena… Réjouissez-vous, Marie, pleine de grâce… Lors de la salutation, l’ange révèle sa propre dignité : pleine de grâce, cela signifie totalité dans l’ordre de l’union avec Dieu et opposition au péché. Là où cette épithète remplace le nom propre, on désigne directement une plénitude qui ne convient qu’à Marie. Il faut garder à l’esprit que Marie attendait pour Israël et, dans la lignée de David, la Femme qui, dans les oracles prophétiques, serait la mère du Messie et qui pourrait briser la tête du Serpent. Cette Femme devait jouir de la plénitude des faveurs divines et être forte contre le péché.

+ P. Carlos Miguel Buela IVE

Fondateur de la Famille Religieuse du Verbe Incarné

Pécheur !

L’une des plus belles expressions faisant référence au sacerdoce catholique est : pécheur ! Comme l’enseignait saint Paul, se référant à tous les chrétiens : Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes (péchés), il nous a donné la vie avec le Christ. (Ep 2, 4-5).

La Liturgie du Canon romain le dit d’une manière particulière, en se référant à nous, prêtres. Le prêtre, se frappant la poitrine, dit : « Et nous, pécheurs … »[1].

Lors de la Sainte Messe, nous tous, prêtres et fidèles, reconnaissons nos péchés et demandons pardon à Dieu pour ces péchés. Ensuite, nous, les prêtres, nous nous lavons les mains et demandons à Dieu dans la prière de nous laver de nos fautes, de nos péchés. Nous sommes des pécheurs ! Il faut tenir compte du fait que cette ancienne formule liturgique : « Et nous, pécheurs … », est une formule pour se confier le clergé à soi-même. Pourquoi au pluriel ? Parce qu’elle ne se réfère pas seulement au célébrant principal, mais à tous les ministres qui aident les célébrants à l’autel. Cette formule ne désigne jamais la communauté, mais plutôt le prêtre. Il convient de noter que depuis l’Antiquité, le mot latin « peccator » (pécheur) était utilisé par les prêtres catholiques pour se désigner ; de telle sorte qu’il était souvent ajouté à la signature du prêtre. Par exemple, au VIe siècle, au IVe concile de Paris, le procès-verbal disait : « Germanus peccator… ; Lucretius, ac si peccator ; Felix, ac si peccator»[2]; etc. De cette formule est née cette petite croix qui précède le nom et la signature des évêques. Dans les documents grecs anciens, on avait ajouté « ταπεινός », ce qui signifie « bas, humble, abject » ; ensuite, ce mot « ταπεινός » a été réduit au « τ » initial, et a fini par être une croix.

Le vrai prêtre est clairement conscient d’être un pécheur ! et il en est ainsi, même s’il n’avait jamais commis de péché mortel dans sa vie. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, d’une très belle manière, a dit qu’elle se considérait plus grande pécheresse que Marie-Madeleine, et elle n’avait jamais commis de péché mortel ! Et elle ajouta la raison : « Parce que Dieu, dans sa miséricorde, m’a pardonné d’avance tous les péchés dans lesquels j’aurais pu tomber, ne me permettant pas d’y tomber.

Cette conscience que doit avoir tout prêtre naît avant tout, du contact intime avec le Seigneur dans la prière. C’est l’expérience de saint Pierre, lorsqu’il rencontre Jésus : Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un pécheur (Luc 5, 8). Quand on considère qui est Dieu, quand on considère la transcendance, la majesté, l’excellence, la sainteté ineffable de Dieu, on est obligé de reconnaître, comme l’a dit Job, que même les cieux ne sont pas purs devant Dieu (15, 15).

Ce sentiment que nous sommes pécheurs est renforcé par la considération du mystère auguste de l’Incarnation du Fils de Dieu. Il a été très convenable, à cause de nos péchés, que le Fils unique de Dieu, la Deuxième Personne de la Sainte Trinité, se fasse homme pour prendre un corps dans le sein de la Vierge, puis porter ce corps à la croix et y mourir pour nous tous. C’est pourquoi, au moment de dire : “Et nous, pécheurs…”, nous les prêtres, nous nous frappons la poitrine, à la manière de ce que faisait la foule rassemblée devant la croix du Seigneur sur le Golgotha: « Et la foule qui s’était rassemblée pour contempler le spectacle, voyant ce qui s’était passé, revint en se frappant la poitrine » (Lc 23, 48).

Il me semble qu’il est de beaucoup de profit pour tous les prêtres que de considérer cette réalité : nous sommes pécheurs ! Il faut toujours noter que, normalement, notre peuple, le peuple fidèle, le peuple chrétien – qui parfois même réalise plus que nous ce qu’est le prêtre -, avec très peu de ce que fait le prêtre, le considère déjà comme saint. Saint Joseph Cafasso disait : « Pour être un prêtre exemplaire, le jugement du monde ne suffit pas. Un prêtre peut être réputé saint et ne pas l’être devant Dieu. Un tiers des vertus propres de l’ecclésiastique suffit pour qu’il soit considéré comme saint, mais le Seigneur ne le reconnaît pas comme tel s’il ne cherche pas de toutes ses forces à fuir non seulement le péché mortel, mais aussi la faute vénielle et l’apparence de péché.”[3] Mais même si nous faisons à cent pour cent ce que nous devrions faire, nous ne pouvons pas nous considérer comme saints car seul le Seigneur est saint.

En outre, à travers le même ministère sacerdotal, nous, prêtres, connaissons la gravité du péché, comme dit le prophète Jérémie : « mon peuple a commis un double péché : en abandonnant Dieu et en se creusant des citernes fêlées incapables de contenir de l’eau » (2, 13) et parce qu’il est une offense à Dieu, le péché doit être réparé. En ce sens, le prêtre, et tout prêtre, doit être un réparateur. C’est pourquoi l’acte principal du prêtre est le sacrifice demandant le pardon des péchés, pour lui-même et pour le monde entier. Comme nous dit la Lettre aux Hébreux : tout grand prêtre est pris parmi les hommes et désigné pour intercéder en faveur des hommes dans tout ce qui concerne le service de Dieu, afin d’offrir des dons et des sacrifices pour les péchés (5, 1). L’auteur inspiré ajoute autre chose : le prêtre…  est capable de compréhension envers ceux qui commettent des fautes par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse. Et, à cause de cette faiblesse, il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés comme pour ceux du peuple. (5, 2-3). Il y a donc une union indissoluble entre le prêtre et le sacrifice de la croix perpétué sur nos autels ; c’est pourquoi tout prêtre doit être défini comme l’homme de la messe, l’homme de l’Eucharistie.

De plus, parce que le péché est cette espèce de retour aux créatures, le péché détruit les valeurs humaines, c’est une non-vérité, et s’il n’est pas rétracté, il mérite une punition ; le péché fait du mal aux hommes. D’où le souci sacerdotal de la sanctification et du salut de tous les hommes. C’est pourquoi le prêtre est aussi l’homme de la Parole, de la Parole de Dieu qui sauve et qui doit prêcher, et il est l’homme du confessionnal.

Nous devons prier pour les prêtres qui, de manière mystérieuse mais réelle, ont été appelés par le Seigneur à le suivre de plus près dans le sacerdoce ministériel, nous devons prier pour tous les prêtres du monde, afin de ne jamais perdre de vue cette réalité de chacun de nous. Nous sommes des pécheurs ! Nous devons en tenir compte aujourd’hui, alors que de temps à autre éclatent des campagnes orchestrées contre le sacerdoce – comme l’a récemment dit Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II – cherchant à scandaliser les fidèles et les Églises locales en inventant des calomnies – comme cela s’est produit en l’Église en Autriche – et causant tant de dégâts aux âmes ; parce que souvent, les ennemis de l’Église veulent que nous, prêtres, soyons impeccables et c’est une grave erreur, car nous, prêtres, devons être des saints, mais comme tout fils de l’homme, nous sommes pécheurs.

C’est pourquoi nous devons toujours prier pour nous, prêtres, afin que grandisse toujours en nous la conscience que nous sommes de grands pécheurs. Cette conscience doit nous conduire à nous dépenser et à nous épuiser pour le bien des âmes [4], comme disait saint Paul. Ou comme l’a dit un de nos auteurs contemporains, le célèbre écrivain anglais Gilbert Keith Chesterton : « Nous, pécheurs, devons travailler comme si nous étions des saints. »[5]

La claire conscience que nous sommes pécheurs devrait nous conduire à être des hommes de miséricorde. Comme écrivait Marcelo Javier Morsella : « Je dois garder à l’esprit ma condition de pécheur pour toujours admirer à nouveau la Miséricorde qui m’a sorti de l’enfer et m’a rappelé au ciel ». C’est pourquoi, lorsque nous prions la Prière Eucharistique 1, en nous frappant la poitrine et en disant : “Et nous, pécheurs …”, n’oublions jamais ce qui continue : « qui mettons notre espérance en ta miséricorde inépuisable… “, dans cette miséricorde infinie de Dieu, cette miséricorde qui est plus grande que tous les péchés de tous les hommes de tous les temps, parce que cette miséricorde de Dieu a été scellée par le sang de son Fils unique versé pour nous tous au Calvaire, sur le Golgotha. C’est pourquoi nous devons être capables d’incarner en nous ce qui a été prophétisé par saint Louis Marie Grignion de Montfort sur les esclaves de la Vierge :

« Que seront ces serviteurs, esclaves et enfants de Marie ?

«Ils seront un feu ardent, ministres du Seigneur qui allumeront partout le feu de l’amour divin.

« Ce seront des flèches acérées dans la main puissante de Marie pour transpercer ses ennemis…

«Ils seront fils de Lévi, bien purifiés par le feu des grandes tribulations et très attachés à Dieu. Ils porteront dans leur cœur l’or de l’amour, dans leur esprit l’encens de la prière, et dans leur corps la myrrhe de la mortification.

«Ils seront partout la bonne odeur de Jésus-Christ pour les pauvres et les petits…

« Des nues tonnantes et volantes par les airs au moindre souffle du Saint-Esprit, qui, sans s’attacher à rien, ni s’étonner de rien, ni se mettre en peine de rien, répandront la pluie de la parole de Dieu et de la vie éternelle… »[6]

Nous offrirons toujours le sacrifice pour nos péchés et pour les péchés de chacun. Comme dit magnifiquement un auteur : un prêtre passe toute la journée à dire au Père céleste : Kyrie eleison, Seigneur, aie pitié de nous ; et à midi : Kyrie eleison, Seigneur, aie pitié de nous ; et le soir et la nuit : Seigneur, aie pitié de nous. Qui est le « nous » de Kyrie ? Ce sont tous les hommes, nos frères, y compris le prêtre. Telle est notre fonction : ayons compassion des autres et faisons toujours confiance sans limite à la Reine et Mère de Miséricorde, à la Très Sainte Vierge Marie, mère de tous les Prêtres.

+ P. Carlos Miguel Buela IVE

Fondateur de la Famille Religieuse du Verbe Incarné

– Ordonné prêtre le 07 octobre 1971.-


[1] Missel romain, Prière eucharistique I, 56.

[2] Mansi IX, 867-868 ; cit. Mgr Alessio, Une liturgie pour vivre (Buenos Aires 1978) 66.

[3] A. Grazioli, Modèle de confesseurs : Saint Joseph Cafasso (Madrid s/f) 30-31.

[4] Cf. 2Cor 12, 15.

[5] Gilbert K. Chesterton, L’auberge volante, c. VI.

[6] Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, 56-57.