Lire l’évangile du dimanche XXX du temps ordinaire (Lc 18, 9-14)
« La prière du pauvre traverse les nuées ; tant qu’elle n’a pas atteint son but, il demeure inconsolable. Il persévère tant que le Très-Haut n’a pas jeté les yeux sur lui, ni prononcé la sentence en faveur des justes et rendu justice », nous dit la première lecture (Si. 35,21-22) de ce dimanche, qui nous prépare pour la méditation de l’évangile d’aujourd’hui.
Il s’agit de la belle parabole du pharisien et du publicain, qu’on pouvait appeler aussi de l’homme qui se croyait « juste, saint » et de celui qui se reconnaissait pécheur.
Le Pharisien
Pour nous, lorsqu’on écoute le nom « Pharisien », on a déjà une notion un peu différente de celle qu’avaient les gens du temps de Jésus. Si l’on avait demandé à un juif de ce temps comment il définirait le groupe des pharisiens, il répondrait : « ce sont des hommes très religieux, sages et puissants ».
Il faut savoir pourtant qu’à l’origine, cette secte juive constituait l’authentique défense de la religion juive devant la domination païenne qui poussait les gens à renoncer au Dieu d’Israël pour tomber dans la religion polythéiste. Pharisien signifie « séparé », dans le sens qu’ils s’éloignaient des autres qui voulaient trahir la foi dans le Dieu unique. Malheureusement cet idéal s’est perdu avec le temps, devenant une secte dédiée à faire de la religion quelque chose d’extérieur- (remplie de normes et lois qui rendait difficile la véritable dévotion), une secte qui utilisait en plus la religion à faveur des intérêts politiques et économiques de ses adeptes ; et pour cela le sentiment qui dominait les actions et les pensées des pharisiens c’était surtout « la haine et le mépris ». En fait, l’évangéliste nous donne une bonne définition de ce qu’ étaient les pharisiens : « certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres ». Et pour cela nous pouvons dire que le pharisaïsme c’est comme une maladie dans la religion et il n’a jamais fini, nous le retrouvons aussi, un peu déguisé parfois, dans notre religion.
Le publicain
L’autre acteur de notre parabole était un publicain, ce nom traduisait l’office accompli par celui chargé des affaires publiques. L’objectif des publicains c’était de percevoir, par la force parfois, les impôts imposés par Rome aux peuples que cet empire avait conquis. En fait, ils étaient considérés comme des ennemis publics, des juifs qui vendaient la nation aux étrangers pour le peuple d’Israël, un publicain était dans une condition inferieure même aux voleurs. C’est pour cela qu’ils étaient regardés comme des hommes sans religion, des traitres, des gens impies. D’ailleurs, dans l’évangile, les ennemis du Christ l’accusent de recevoir les prostituées et les publicains, pour signifier qu’Il recevait les derniers de la société.
L’histoire, elle-même
L’histoire nous dit qu’ils montaient tous les deux pour prier dans le temple. Les deux ont le même but : le temple ; la même volonté : celle de prier ; un même désir : celui d’être exaucés, d’être justifiés lors du jugement. Pourtant il y a une grande différence, et le « résultat », pour ainsi dire, c’est qu’ils partent un sans être justifié, l’autre justifié.
Alors, quelle était la cause de ce résultat si différent ?
Le premier (le pharisien) n’allait pas vraiment pour prier, il allait dire à Dieu comment il était bien dans sa vie religieuse ; le pharisien ne demande rien au Seigneur, il vient pour lui raconter tout ce qu’il fait.
Il comparait sa bonté avec les autres, mais il devait se demander plutôt : « Suis-je bon autant que Dieu (ou bien « comme Dieu »)».
Alors, sa prière passe bientôt de Dieu pour finir en lui-même.
Comme dit saint Augustin : « Cherchez dans ses paroles, vous n’en trouverez aucune qui soit l’expression d’une prière à Dieu. Il était monté au temple pour prier, mais au lieu de prier effectivement, il a préféré se louer lui-même et insulter celui qui priait. »
Regardons maintenant le cas du publicain.
Le publicain est aussi un être à part, séparé, méprisé parce qu’il est un pécheur « public ». Il ne mérite pas de venir au temple. Ce publicain n’ose pas lever les yeux vers le Seigneur, parce que celui qui n’est pas saint ne supporte pas le regard de Dieu. Il se frappe la poitrine voulant frapper sa conscience, car il pleure sa propre faute ; l’Eglise a incorporé ce signe pour le moment où nous nous reconnaissons pécheurs, au début de la Messe.
La situation d’un publicain était toujours désespérée, parce que selon la loi religieuse qu’apprenaient les mêmes pharisiens, il devait faire restitution de ce qu’il avait acquis injustement et en plus donner une partie de ses richesses (un cinquième) s’il voulait obtenir le pardon.
Alors, la prière du publicain consiste en peu de mots, il s’agit d’une invocation : « Mon Dieu », suivi d’une pétition « pitié pour moi », pour finir avec la raison « car je suis le pécheur ». Il ne se considère pas un pécheur comme tant d’autres, il est le pécheur, pour ainsi dire « par excellence », l’unique pécheur devant Dieu.
« Quant au publicain, le sentiment de sa conscience le tenait éloigné, mais sa piété le rapprochait de Dieu», nous dit toujours Saint Augustin.
Nous pouvons conclure donc que la véritable justification n’est pas le résultat d’un ensemble de rites et d’œuvres, de signes et de gestes que nous faisons, la justification est avant tout un don de Dieu, et qui répond à une attitude d’humilité et de toute confiance en Lui. C’est avec tout humilité que nous devons accomplir les rites, les œuvres, les signes, les gestes, demandant à travers eux que Dieu aie pitié de nous, parce que nous sommes toujours pécheurs.
La semaine dernière le Seigneur insistait pour que nous fassions notre prière avec persévérance : prier sans cesse. Aujourd’hui Il nous dit que pour prier nous devons avoir un cœur vraiment rempli d’humilité.
“A toi, on ne te commande pas d’être moins que ce que tu es, mais ; plutôt de connaître qui tu es, de te connaître pécheur. Reconnais qu’il est celui qui justifie. Sache aussi qui tu es souillé … il n’y a pas un autre chemin pour chercher et trouver la vérité que celui qui a été tracé par lui … et je dis que le premier est l’humilité, et le second, l’humilité, et le troisième, l’humilité “.
Nous sommes dans l’année de la Miséricorde, il est bien donc de finir notre réflexion, aujourd’hui avec une prière de sainte Faustine Kowalska :
« Ô humilité, fleur de beauté, je vois combien peu d’âmes te possèdent – est-ce parce que tu es si belle et en même temps si difficile à conquérir ? Oh oui, et l’un et l’autre. Dieu lui-même y trouve prédilection. Sur l’âme pleine d’humilité sont entrouvertes les écluses célestes et un océan de grâces se déverse sur elle. Oh, qu’elle est belle, l’âme humble ; de son cœur, comme d’un encensoir, monte tout un parfum extrêmement agréable et traverse les nues, et parvient jusqu’à Dieu lui-même, et remplit de joie son très saint cœur. À cette âme Dieu ne refuse rien ; une telle âme est toute-puissante, elle influence le sort du monde entier. Dieu élève une telle âme jusqu’à son trône. Plus elle s’humilie, plus Dieu se penche vers elle, la suit de ses grâces et l’accompagne à chaque moment de sa toute-puissance. Cette âme est très profondément unie à Dieu.
Ô humilité, implante-toi profondément dans tout mon être. Ô Vierge la plus pure, et aussi la plus humble, aide-moi à obtenir une profonde humilité. Je comprends maintenant pourquoi il y a si peu de saints, c’est que peu d’âmes sont vraiment et profondément humbles. »
P. Luis Martinez. V. E.
Monastère « Bx . Charles de Foucauld »