Saint André, apôtre

La première caractéristique qui frappe chez André est son nom: il n’est pas juif, comme on pouvait s’y attendre, mais grec, signe non négligeable d’une certaine ouverture culturelle de sa famille. Nous sommes en Galilée, où la langue et la culture grecques sont assez présentes.

« C’était pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète Isaïe :  Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée des nations ! Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays et l’ombre de la mort, une lumière s’est levée. » (Mt 4, 15-16)

Les Evangiles synoptiques nous apportent le lien de sang entre Pierre et André, ainsi que l’appel commun qui leur est adressé par Jésus, apparaissent explicitement dans les Evangiles. On y lit: “Comme il [Jésus] marchait au bord du lac de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans le lac: c’était des pêcheurs. Jésus leur dit:  “Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes”” (Mt 4, 18-19; Mc 1, 16-17)

L’Evangile de Saint Jean nous raconte que l’apôtre André était disciple de Jean Baptiste; et cela nous montre que c’était un homme qui cherchait, qui partageait l’espérance d’Israël, qui voulait connaître de plus près la parole du Seigneur, la réalité du Seigneur présent. C’était vraiment un homme de foi et d’espérance; et il entendit Jean Baptiste un jour proclamer que Jésus était l'”agneau de Dieu” (Jn 1, 36); il se mit alors en marche et, avec un autre disciple qui n’est pas nommé, il suivit Jésus, Celui qui était appelé par Jean “Agneau de Dieu”. L’évangéliste rapporte:  ils “virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là” (Jn 1, 37-39). André put donc profiter de précieux moments d’intimité avec Jésus. Le récit se poursuit par une annotation  significative:   “André,  le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples  qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d’abord son frère Simon et lui dit:  “Nous avons trouvé le Messie (autrement dit:  le Christ)”. André amena son frère à Jésus” (Jn 1, 40-43)

C’est précisément sur cette base que la liturgie de l’Eglise byzantine l’honore par l’appellation de Protóklitos, qui signifie précisément “premier appelé”.

L’évangile de saint Jean nous rapporte encore une autre intervention de cet apôtre, le cadre est encore Jérusalem, peu avant la Passion. « Pour la fête de Pâques – raconte Jean – quelques Grecs étaient eux aussi venus dans la ville sainte, probablement des prosélytes ou des hommes craignant Dieu, venus pour adorer le Dieu d’Israël en la fête de la Pâque ». André et Philippe, les deux Apôtres aux noms grecs, servent d’interprètes et de médiateurs à ce petit groupe de Grecs auprès de Jésus. La réponse du Seigneur à leur question apparaît – comme souvent dans l’Evangile de Jean – énigmatique, mais précisément ainsi, elle se révèle riche de signification. Jésus dit aux deux disciples et, par leur intermédiaire, au monde grec :  “L’heure est venue pour le Fils de l’homme d’être glorifié. Amen, amen, je vous le dis:  si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit” (Jn12, 23-24). »

Dans son Martyre on voit comment ces paroles de Jésus ont été semé nous le cœur de l’apôtre et comment elles ont donné des fruits. Une tradition successive, raconte le martyre mort d’André à Patras, où il subit lui aussi le supplice de la crucifixion. Cependant, au moment suprême, de manière semblable à son frère Pierre, il demanda à être placé sur une croix différente de celle de Jésus. Dans son cas, il  s’agit d’une croix décussée, c’est-à-dire dont le croisement transversal est incliné, qui fut donc appelée “croix de saint André”. Voilà ce que l’Apôtre aurait dit à cette occasion, selon un antique récit (début du VI siècle) intitulé Passion d’André : « Je te salue, ô Croix, inaugurée au moyen du Corps du Christ et qui as été ornée de ses membres, comme par des perles précieuses. Avant que le Seigneur ne monte sur toi, tu inspirais une crainte terrestre. A présent, en revanche, dotée d’un amour céleste, tu es reçue comme un don. Les croyants savent, à ton égard, combien de joie tu possèdes, combien de présents tu prépares. Avec assurance et rempli de joie, je viens donc à toi, pour que toi aussi, tu me reçoives exultant comme le disciple de celui qui fut suspendu à toi… O croix bienheureuse, qui reçus la majesté et la beauté des membres du Seigneur!… Prends-moi et porte-moi loin des hommes et rends-moi à mon Maître, afin que par ton intermédiaire me reçoive celui qui, par toi, m’a racheté. Je te salue, ô Croix; oui, en vérité, je te salue! ».

Comme on l’aperçoit ici, il y a là une très profonde spiritualité chrétienne, qui voit dans la croix non pas tant un instrument de torture, mais plutôt le moyen incomparable d’une pleine assimilation au Rédempteur, au grain de blé tombé en terre. Nous devons en tirer une leçon très importante: nos croix acquièrent de la valeur si elles sont considérées et accueillies comme une partie de la croix du Christ, si elles sont touchées par l’éclat de sa lumière. Ce n’est que par cette Croix que nos souffrances sont aussi ennoblies et acquièrent leur sens véritable.

D’âpres de l’audience du Pape Benoit XVI du 24 juin 2006.

 Au soir de notre vie nous serons jugés sur l’amour

Solennité de Christ Roi (Lire l’évangile: Mt. 25,31-46)

Ce dernier dimanche du temps ordinaire est dédié à la solennité du Christ Roi de l’univers.

Dans la prière d’ouverture, nous avons prié et demandé la grâce de que la création soit libérée de la servitude du péché, pour que Dieu règne en elle, et que l’homme reconnaisse sa Puissance. Mais nous savons aussi que ce royaume de Dieu, qui commence déjà dans ce monde dans les cœurs de ceux qui sont fidèles à la loi de l’évangile, nous le trouverons en plénitude au Ciel, là-bas il sera un règne sans limite et sans fin : règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix, où règnera la perfection totale, sans la faiblesse ni le mal du péché.

Et nous avons proclamé l’évangile de saint Mathieu, la prophétie du Seigneur au jugement final : Il parle de sa Venue, dit l’évangéliste, et nous voyons que c’est le Seigneur même qui dit à ses apôtres qu’Il vient comme Roi « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui. »

Et il est très intéressant de remarquer que le Seigneur utilise deux fois le titre de Roi, et ce seulement lorsqu’Il s’adresse à ceux qui sont placés à sa droite, les justes, les bénis du Père : « le Roi dira à ceux qui seront à sa droite… le Roi leur répondra ». Tandis qu’au moment où le Seigneur parle aux condamnés l’évangéliste met le pronom « il » : « il dira à ceux qui seront à sa gauche », et cela est semblable dans les textes grec et latin. On peut penser et à bon droit, que ceux qui ont servi le Seigneur dans le prochain ce sont eux qui ont le droit d’avoir Notre Seigneur Jésus-Christ comme Roi, parce qu’ils ont pleinement accompli la loi de l’Evangile et considéré le Christ comme leur véritable chef.

Le premier aspect à méditer c’est la raison pour laquelle les hommes seront jugés. Et l’on voit qu’il s’agit des œuvres de miséricorde et qui sont des actes qui revêtent un caractère « pratique », en plus d’être accessibles à tous, c’est l’amour en concret : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres ». Ces œuvres constituent en effet la preuve la plus évidente que nous aimons Dieu, comme saint Jean nomme menteur celui qui dit « aimer Dieu » et qui n’aime pas son prochain de par ses œuvres. « Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère. » (1 Jn. 4,20-21)

Mais cet amour, il faut bien le distinguer, n’est pas l’amour de philanthropie (l’amour de l’homme pour l’homme) ; au contraire, il s’agit de la charité, parce qu’elle exige de voir le  Christ lui-même en la personne de celui à qui l’on fait du bien. C’est l’amour au prochain pour l’amour de Dieu, peu importe la qualité ou la catégorie des gens (pauvres ou riches, souffrants ou bienportants). En définitif, l’acte de charité nous renvoie directement à Dieu : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Le Seigneur ne nous dit pas que celui que nous devons aider doit remplir certaines conditions pour être aidé, le fait de souffrir le rend frère du Seigneur et nous devons le considérer comme tel. Selon les paroles de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de Lisieux, « Jésus est caché au fond de l’âme de tout homme …Jésus qui rend doux ce qu’il y a de plus amer … » (lire l’anecdote de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus)  

Alors, on peut se demander : pour quoi le Seigneur propose t’il en exemple des actions bien concrètes et matérielles ? On dirait qu’Il oublie les œuvres spirituelles ! La réponse nous la trouvons dans le fait même, c’est-à-dire que le Seigneur est en train de réaliser lui-même une œuvre de miséricorde spirituelle, celle d’instruire les ignorants ; et il y a encore une autre raison, c’est parce qu’il y a eu toujours une tentation à séparer ce qui est spirituel de ce qui est corporel, comme il a même existé dans l’histoire une hérésie qui considérait la matière comme mauvaise et que l’homme ne devait donc se concentrer qu’en ce qui était spirituel.

Il est toujours bien de faire mémoire aujourd’hui des œuvres de miséricorde parce que finalement nous serons juges de ces œuvres, sur la façon dont nous avons exercé la charité envers nos prochains. Il y a une très belle phrase de Saint Jean de la Croix qui dit : « Au soir de notre vie nous serons jugés sur l’amour », elle fait référence évidement au jugement particulier, lorsque notre âme sera devant Dieu, mais ce jugement anticipe en quelque sorte le jugement dernier, à la fin de l’histoire.

Le Catéchisme de l’Eglise Catholique définit les œuvres de miséricorde comme « les actions charitables par lesquelles nous venons en aide à notre prochain dans ses nécessités corporelles et spirituelles ».

Il y a quatorze œuvres de miséricorde : sept corporelles et sept spirituelles. D’abord nous énumérons les corporelles :

1) donner à manger à ceux qui ont faim,
2) donner à boire à ceux qui ont soif,
3) vêtir ceux qui sont nus.
4) accueillir les étrangers,
5) visiter les malades,
6) visiter les prisonniers,
7) ensevelir les morts.

Alors, il ne faut pas reléguer ses œuvres parce qu’elles correspondent à des besoins qui existaient plutôt dans le passé et dans certains contextes historiques (donner à boire, par exemple). En vérité, les considérant avec un peu plus d’attention, elles deviennent très actuelles dans notre temps. Il n’est pas exigé que le prochain se trouve dans la nécessité totale pour venir le secourir ; au contraire, combien de fois nous pouvons transformer un simple geste, comme celui de donner à boire à un ami, à l’aide à un enfant dans une œuvre de charité et de miséricorde.

Les sept œuvres de miséricorde spirituelles sont :
1) instruire les ignorants,
2) conseiller ceux qui sont dans le doute,
3) consoler les affligés,
4) corriger celui qui est dans l’erreur,
5) pardonner les offenses,
6) supporter patiemment les défauts des autres,
7) prier Dieu pour les vivants et pour les morts.

Certaines de ces dernières sont parfois plus difficiles à comprendre, plus difficiles à pratiquer, on peut dire qu’elles sont plus polémiques. Il y a une urgence qui donne priorité évidement aux œuvres corporelles, mais l’action des chrétiens ne s’achève jamais en elles ; les œuvres spirituelles sont plus sublimes que les corporelles, parce qu’elles font référence à l’âme et pour cela les chrétiens ne doivent pas les laisser de côté. Comme chrétiens nous devons toujours chercher aider notre prochain, surtout à ce qu’il progresse spirituellement, qu’il grandisse dans son âme et non seulement dans son corps : Quel avantage, en effet, un homme a-t-il à gagner le monde entier si c’est au prix de son âme ? (cf. Mc. 8,36).

Demandons la grâce d’accomplir ces œuvres de miséricorde pour que le Seigneur soit notre Roi, pour que nous appartenions à son Règne en plénitude et que nous écoutions un jour de ses lèvres cette belle invitation : ‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde’. A la Reine du Ciel et notre Mère, la très Sainte Vierge Marie, nous demandons aujourd’hui cette grâce.

P. Luis Martinez V. E.

Institut du Verbe Incarné