Marie, Mère de Dieu et de l’Église

Il n’y eut qu’un seul homme que la virginité pouvait seule enfanter dignement, celui qui ne pouvait avoir d’égal dans sa naissance ; mais d’ailleurs, cet unique enfantement d’une seule vierge sainte est l’honneur de toutes les vierges consacrées. Elles sont même, elles aussi, avec Marie, les mères du Christ, si elles font la volonté de son Père ; car voilà précisément où Marie elle-même puise ce qu’il a de plus glorieux et de plus heureux à être la mère du Christ, selon l’affirmation de Jésus : Quiconque fait la volonté de mon Père est dans les cieux, celui-là est pour moi un frère et une sœur et une mère. 

Toutes ces parentés, le Christ les revendique spirituellement dans le peuple qu’il a racheté : il a pour frères et pour sœurs tous les hommes et toutes les femmes qui se sanctifient parce qu’ils sont ses cohéritiers dans l’héritage céleste : sa mère, c’est l’Église tout entière, car, par la grâce de Dieu, c’est elle qui met au monde ses membres, c’est-à-dire ses fidèles. Sa mère, c’est encore toute âme pieuse qui accomplit la volonté de son Père, en vertu de cette charité qui est si féconde en ceux qu’elle enfante jusqu’à ce que le christ lui-même soit formé en eux. Marie elle-même, en faisant la volonté de Dieu, n’est corporellement que la mère du Christ ; mais spirituellement, elle est donc et sa sœur et sa mère. […]

Il fallait que notre chef, par un miracle insigne, naquît, selon la chair, d’une vierge, pour signifier que ses membres naîtraient, selon l’esprit, de cette autre vierge qu’est l’Église.

Saint Augustin

Traité de la sainte virginité

« Dieu seul est ma tendresse, Dieu seul est mon soutien, Dieu seul est tout mon bien, ma vie et ma richesse »

Saint Louis Marie Grignion de Montfort

Dieu Seul

Avant tout, saint Louis-Marie frappe par sa spiritualité théocentrique. Il a « le goût de Dieu et de sa vérité »[1] et sait communiquer sa foi en Dieu, dont il exprime à la fois la majesté et la douceur, car Dieu est source débordante d’amour. Le Père de Montfort n’hésite pas à ouvrir aux plus humbles le mystère de la Trinité, qui inspire sa prière et sa réflexion sur l’Incarnation rédemptrice, œuvre des Personnes divines. Il veut faire saisir l’actualité de la présence divine dans le temps de l’Église; il écrit notamment: « La conduite que les trois Personnes de la Très Sainte Trinité ont tenue dans l’Incarnation et le premier avènement de Jésus-Christ, elles la gardent tous les jours, d’une manière invisible, dans la sainte Église, et la garderont jusqu’à la consommation des siècles, dans le dernier avènement de Jésus-Christ »[2].

La Sagesse de Dieu Incarnée

La personne du Christ domine la pensée de Grignion de Montfort: « Jésus-Christ notre Sauveur, vrai Dieu et vrai homme, doit être la fin dernière de toutes nos autres dévotions »[3]. L’Incarnation du Verbe est pour lui réalité absolument centrale: « Sagesse éternelle …, je vous adore … dans le sein de votre Père pendant l’éternité, et dans le sein virginal de Marie, votre digne Mère, dans le temps de votre Incarnation  »[4]. L’ardente célébration de la personne du Fils de Dieu incarné, qui se retrouve dans tout l’enseignement du Père de Montfort, garde aujourd’hui son inestimable valeur, car elle relève d’une conception équilibrée du point de vue de la doctrine et elle porte à l’adhésion de tout l’être à Celui qui révèle à l’humanité sa véritable vocation. Puissent les fidèles entendre cette exhortation: « Jésus-Christ, la Sagesse éternelle, est tout ce que vous pouvez et devez désirer. Désirez-le, cherchez-le, … unique et précieuse perle »[5]!

«Jamais la Croix sans Jésus, ni Jésus sans la Croix»

La contemplation des grandeurs du mystère de Jésus va de pair avec celle de la Croix dont Montfort faisait le signal majeur de ses missions. Souvent durement éprouvé, il en a lui-même connu le poids, comme en témoigne une lettre à sa sœur à qui il demande de prier pour « obtenir de Jésus crucifié la force de porter les plus rudes croix et les plus pesantes »[6]. Au jour le jour, il pratique l’imitation du Christ dans ce qu’il appelle l’amour fou de la Croix, dans laquelle il voit « le triomphe de la Sagesse éternelle »[7]. Louis-Marie suivait son Seigneur et faisait « sa demeure dans la Croix »[8].

Totus Tuus, Maria !

Pour connaître la Sagesse éternelle, incréée et incarnée, Grignion de Montfort a constamment invité à se confier à la Très Sainte Vierge Marie, si inséparable de Jésus que l’« on séparerait plutôt la lumière du soleil »[9]. Il demeure un incomparable chantre et disciple de la Mère du Sauveur, en laquelle il célèbre celle qui conduit sûrement vers le Christ: « Si nous établissons la solide dévotion de la Très Sainte Vierge, ce n’est que pour établir plus parfaitement celle de Jésus-Christ, ce n’est que pour donner un moyen aisé et assuré pour trouver Jésus-Christ »[10]

Aussi saint Louis-Marie appelle-t-il à se livrer tout entier à Marie pour accueillir sa présence au fond de l’âme. « Marie devient toute chose à cette âme auprès de Jésus-Christ: elle éclaire son esprit par sa pure foi. Elle approfondit son cœur par son humilité, elle l’élargit et l’embrase par sa charité, elle le purifie par sa pureté, elle l’anoblit et l’agrandit par sa maternité »[11]. Le recours à Marie porte toujours à faire à Jésus une plus grande place dans la vie; il est significatif, par exemple, que Montfort invite le fidèle à se tourner vers Marie avant la communion: « Vous supplierez cette bonne Mère de vous prêter son cœur, pour y recevoir son Fils dans ses mêmes dispositions »[12].

Saint Louis Marie, l’apôtre

Dès son ordination, il écrivait: « Je sens de grands désirs de faire aimer Notre Seigneur et sa Sainte Mère, d’aller, d’une manière pauvre et simple, faire le catéchisme aux pauvres ». Il vécut en pleine fidélité à cette vocation, qu’il fera partager aux prêtres qui le rejoindront. Dans les Règles des Prêtres missionnaires de la Compagnie de Marie, il invite le missionnaire apostolique à prêcher avec simplicité, vérité, sans crainte et avec charité, « et avec sainteté, n’ayant que Dieu seul en vue, sans intérêt que celui de sa gloire, et en pratiquant le premier ce qu’il enseigne aux autres »[13].

Marcheur de l’Évangile, enflammé par l’amour de Jésus et de sa sainte Mère, il sut toucher des foules et leur faire aimer le Christ Rédempteur contemplé sur la Croix. Puisse-t-il soutenir les efforts des évangélisateurs de notre temps !

Saint Jean Paul II

21 juin 1997


[1] L’Amour de la Sagesse éternelle, 13

[2] Traité de la vraie dévotion, 22.

[3] Ibid., 61.

[4] L’Amour de la Sagesse éternelle, 223.

[5] Ibid., 9.

[6] Lettre 24.

[7] L’Amour de la Sagesse éternelle, cap. XIV.

[8] Ibid. 180.

[9] Traité de la vraie dévotion, 63.

[10] Ibid. 62.

[11]  Le Secret de Marie, 57.

[12] Traité de la vraie dévotion, 266.

[13] Règles des Prêtres missionnaires de la Compagnie de Marie, 62.