Douleur avec le Christ douloureux

L’apôtre saint Thomas a approfondi la Passion de Notre Seigneur en plaçant son doigt et sa main dans les plaies des mains et du côté. Nous aussi, nous devons approfondir sa Passion.

Il y a quelques années, avec le P. José Hayes, IVE, nous étions en route pour rendre visite aux Pères qui étaient en Guyane, et pendant notre séjour à Bogotá, nous avons décidé d’aller à Carthagène des Indes. Carthagène des Indes est une ville colombienne située sur la côte Pacifique, à la hauteur des Caraïbes, très chaude, très humide et très pittoresque car c’est une ancienne ville coloniale, très colorée et typique, avec un centre historique fortifié, qui appartenait à la ville coloniale. Nous y sommes allés parce qu’un grand saint, saint Pierre Claver, est enterré dans l’église des Jésuites. Saint Pierre Claver était un disciple de saint Alonso Rodríguez, ce jésuite qui était portier, un homme d’une vie spirituelle sérieuse et profondément surnaturelle. Pierre Claver fut envoyé là-bas, en Colombie, pour être missionnaire. Il a voyagé dans différents endroits et s’est finalement retrouvé à Carthagène des Indes, où il a passé une grande partie de sa vie. Et là, il a réalisé un apostolat merveilleux, extraordinaire, auprès des hommes noirs qui étaient amenés comme esclaves d’Afrique et qui arrivaient à Carthagène des Indes pour, être envoyésdans toute l’Amérique. Ils venaient de différents pays d’Afrique, ils parlaient des dialectes différents, donc l’une des grandes préoccupations de saint Pierre Claver était d’avoir des traducteurs pour pouvoir communiquer avec ceux qui venaient. On estime qu’il y avait plus de vingt-quatre langues différentes, que saint Pierre Claver ne pouvait évidemment pas parler, il avait donc ses catéchistes pour chaque langue. Il a fait un travail si splendide, au cours de sa vie il a baptisé plus de 300 000 Africains, agissant ainsi comme « tampon » dans le nord de l’Amérique du Sud pour que ceux qui arrivaient comme esclaves deviennent chrétiens et ensuite, parce qu’ils étaient chrétiens, ils vivraient la vie chrétienne et témoigneraient de Jésus-Christ et ne seraient pas tombés dans les sectes ou devenus d’autre religion.

Je voudrais surtout rappeler son amour pour la Passion de Jésus. C’est lui qui dit : « Le seul livre à lire, c’est la Passion »[1]. Et le Livre de la Passion pour lui était ce qui est raconté par rapport à la Passion de notre Seigneur dans les quatre Évangiles. La nuit venue, avant d’aller se coucher il s’assit sur le lit, il avait une chaise à ses côtés, avec le livre de la Passion ouvert. Parfois, il s’agenouillait pour le lire, lisait un verset et commençait à pleurer. Et puis, non content de cela, il devait imiter Notre-Seigneur dans la Passion, il avait donc caché une couronne d’épines ; il mettait cette couronne sur sa tête ; il s’est flagellé, comme Notre-Seigneur qui avait reçu tant de coups de fouet. Et parfois, emporté par sa dévotion à la Passion, une dévotion vraie, réelle, ferme, forte ; Il portait une croix sur ses épaules et, pieds nus – il faisait déjà nuit, le couvent avait les lumières éteintes– il marchait dans le couloir jusqu’à l’église en chantant (des chants de deuil, des chants tristes, des chants pour participer à la Passion de Notre Seigneur). Arrivé à l’église, il s’arrêtait devant le Tabernacle pour prier et pleurer. Pour lui, la Passion n’était pas quelque chose de lointain, du passé, mais quelque chose de présent, de vivant, de vital, d’actuel, de maintenant, de cet instant ; comme c’est le cas, mystérieusement et sacramentellement, dans la Messe. Et la seule phrase que l’on connaît de ses pensées c’est : « Le seul livre qu’il faut lire est la Passion. »

Ce qui arrive malheureusement aujourd’hui dans la vie religieuse c’est parce que, ce que Notre Seigneur a souffert dans sa Passion n’est plus présent dans la pensée des âmes consacrées. Les stations du chemin de croix sont accrochées aux murs, mais quelle âme consacrée est unie avec ce qui est représenté sur les murs ? On dit, et je ne sais pas s’il peut encore le faire, que le Pape (Saint Jean Paul II) prie le chemin de croix tous les jours[2].

Comment comprenons-nous cela dans la vie de Saint Pierre Claver ? Il était jésuite, il avait fait les Exercices spirituels de saint Ignace, il saisissait parfaitement la demande que saint Ignace nous fait faire dans la Troisième Semaine, la semaine de la Passion, quand il nous dit dans les préambules de « demander ce que je veux » [3]. « Demander ce que je veux » signifie le but propre de la méditation ou de la contemplation à faire et qui sont liées à la Passion. Et c’est la pétition de grâce : demander, c’est-à-dire implorer, prier, crier à Dieu pour qu’il me donne ce dont j’ai besoin à ce moment-là. Et cela est exprimé par saint Ignace de Loyola, avec peu de mots, mais avec des paroles belles et profondes.

 Que nous apprend-il à demander ?

« La douleur avec le Christ douloureux, l’accablement avec le Christ accablé, les larmes, la peine intérieure pour la peine si grande que le Christ a endurée pour [lui] » (Ex. sp., 203).

« Douleur avec le Christ douloureux »

S’il existe une épouse du Christ qui n’a jamais éprouvé la douleur avec le Christ souffrant, quelle sorte d’épouse est-elle ? Comment se réalise en elle « qu’ils ne soient plus deux mais une seule chair » (Mt 19, 6) ? Comment cela se fait-il ? cela ne se donne pas. Qu’est-ce qu’elle a comme épouse ? Que le nom !… mais la réalité ? Saint Bernard disait : « Il n’est pas juste que la tête soit couronnée d’épines et que les membres choisissent une vie facile »[4]. C’est pourquoi les vraies épouses veulent s’unir à l’Époux dans le plus grand mystère de Sa vie, qui est le mystère de la Passion, et c’est pourquoi elles demandent encore et encore de « souffrir avec le Christ dans la douleur », et pour cela quand arrive la douleur, qui est toujours à nos portes, elles ne deviennent pas comme des petites fillettes stupides, qui gémissent et demandent du réconfort et de l’aide, mais elles sont heureuses de pouvoir souffrir quelque chose avec le Christ, qui a tant souffert. Elles profitent de la douleur pour être de véritables épouses de Celui qui a tant souffert.

« L’accablement avec le Christ accablé»

Il ne s’agit pas simplement d’une simple douleur sensible, qui reste en fin de compte une chose superficielle, une chose des sens, mais c’est quelque chose de beaucoup plus profond. C’est une douleur qui brise, c’est une douleur qui est capable – pour ainsi dire – de briser l’âme, de briser le cœur, de le bouleverser. Eh bien, si le Christ a souffert une telle douleur dans la Passion, et si nous voulons vraiment être ses disciples, suivre ses voies ; si nous voulons vraiment ce que nous disons chaque fois que nous faisons les Exercices : « Je désire l’opprobre et le mépris… »[5], nous devons faire l’expérience de l’accablement.

Et si tu n’arrives jamais à le vivre, eh bien, ma fille, ce sera parce que tu n’es pas une véritable épouse de Jésus-Christ, tu es un petit masque, tu as l’habit extérieur d’une épouse, mais ton cœur est dans autre chose. C’est pourquoi la véritable épouse du Christ n’a jamais peur de ce qu’elle doit souffrir. Elle ne croit pas que sa souffrance soit quelque chose d’extraordinairement grand, elle ne tombe pas dans ce que dit Saint Louis Marie Grignion de Montfort : « la croyance luciférienne de croire que nous sommes quelque chose de grand »[6] croyant qu’elle souffre beaucoup. Ce qu’elle souffre n’est jamais suffisant, car le Christ a souffert bien davantage. Dans ce monde faux et mensonger dans lequel nous vivons où les gens déchirent leurs vêtements devant le film de Mel Gibson « La Passion », par exemple : « Ah ! « Que de violence ! » Mais il s’avère que des milliers de personnes sont tuées à la télévision. J’ai lu une fois une statistique : 75 000 homicides par an sont constatés par une personne qui regarde trois heures de télévision par jour, ce qui est une moyenne très basse, et puis : « Oh, quelle violence! » Dans certains endroits, le film a même été interdit aux enfants de moins de 12 ans, si je me souviens bien en France, dans la fille aînée de l’Eglise. Scandalisés, “Oh !”… Tous les médias sont corrompus, sales, putrides, dégénérés, quelque chose d’inhabituel qui se voit, ce qui se passe ; et ils sont maintenant scandalisés parce que pour la première fois on considère ce que signifie la mort du Christ, la Passion ! Monde menteur et monde faux. Hier, je n’ai vu que quelques secondes, parce que c’est ce qu’ils ont montré aux informations, à Pampelune : un groupe de femmes nues, manifestant contre la tauromachie. Nous sommes tous fous. Heureusement qu’il y avait de vieilles femmes espagnoles sur les balcons qui leur criaient des choses ; c’est incroyable, honnêtement, incroyable ! Quand tout ce que le film représente en termes de douleur, de souffrance et de violence n’est qu’un pâle reflet de ce qu’était la réalité, car on ne peut pas voir dans la stricte réalité ce que signifient les douleurs morales de notre Seigneur, portant les péchés du monde entier ! Ce n’est pas du savon parfumé, ce n’est pas du jus d’orgeat. Monde faux et menteur ! Et fausses et menteuses sont les religieuses qui ne se rendent pas compte de cela, elles vivent des années dans la vie religieuse et sont si stupides qu’elles n’ont jamais pénétré le cœur de Jésus. C’est plus scandaleux que les femmes hystériques qui défendaient nues les taureaux !

«Larmes»… avec le Christ qui a pleuré dans la Passion

Larmes, combien de fois avez-vous pleuré la Passion du Christ ? Les femmes ne pleurent que pour rien, elles se piquent avec une aiguille et pleurent, elles saisissent la marmite aux poignées brûlantes et aïe ! Ellespleurent, elles voient un chiot qui pleure et ellespleurent… pauvre chiot…! Mais il faut considérer sérieusement ceci : si je ne pleure pas pour la Passion du Christ, alors je n’ai pas le droit de pleurer pour quoi que ce soit, pour quoi que ce soit d’autre. Je ne pleure pas pour mes péchés, qui ont conduit le Christ à prendre la Croix, à se crucifier sur elle et à mourir, et je vais me mettre à pleurer parce que j’ai une difficulté, parce que j’ai une incompréhension… ! Il n’y a aucun droit, surtout pas étant l’épouse de Jésus-Christ. Pleurez d’abord la Passion, non pas des larmes de crocodile mais de vraies larmes. Ce n’est pas pour rien que Martin Fierro dit : « Je ne crois pas aux larmes des femmes, ni à la boiterie d’un chien »[7].

Il faut pleurer la Passion de Notre Seigneur, il faut demander des larmes, des larmes ! Saint Pierre Claver pleurait et restait éveillé tard dans la nuit, même jusqu’au petit matin, parfois sans même aller se coucher. Il habitait une pièce qui existe encore aujourd’hui, avec une petite fenêtre carrée, de sorte que lorsque l’on rentre, on s’approche de la fenêtre pour respirer. Il se trouvait à cet endroit parce que de là, il pouvait voir la mer et les bateaux qui arrivaient et il se préparait ensuite à leur arrivée sur terre pour accueillir les esclaves qui venaient. Il pleurait. Pleurons-nous la Passion de notre Seigneur ? Est-ce que nous faisons nôtres, partageons-nous les sentiments de son cœur ? Saint Paul dit : Ayez les sentiments du Christ Jésus (Phil 2, 5). Avons-nous le sentiment d’une douleur profonde, d’un brisement du Christ qui le pousse à pleurer ?

« Peine intérieure pour la peine si grande que le Christ a endurée pour moi » 

Douleur intérieure, « peine intérieure due à toute la peine qu’Il traversée pour moi». Cette douleur intérieure qui n’est pas forcément quelque chose de sensible. Cette douleur intérieure qui est une considération spirituelle, interne, par laquelle je me sens moralement responsable de la mort du Christ, puisqu’Il va à la Croix pour mes péchés, parce que j’y participe, parce que je L’aime pour la douleur intérieure qu’Il a traversée dans la Passion pour moi. Afin que s’accomplisse ce que nous demandons dans les Exercices, ce qu’il nous enseigne dans la méditation sur le Christ-Roi : afin que celui qui « me suit dans la douleur me suive aussi dans la gloire »[8].

Notez donc : une partie intégrante et essentielle de notre charisme est la Passion de notre Seigneur Jésus-Christ. Et si quelqu’un n’est pas décidé à vivre de tout son cœur la Passion de notre Seigneur Jésus-Christ, qu’il se décide le plus tôt possible, car il n’ira pas très loin de cette façon, car il n’apprendra pas à aimer Dieu. « Le feu de l’amour de Dieu, dit saint Alphonse-Marie de Liguori, ne s’allume que par le bois de la Croix»[9]. Cela veut dire que quand on aime beaucoup Dieu, on aime beaucoup Dieu parce que ce feu a été allumé par la méditation, la contemplation et l’expérience de la Passion de notre Seigneur.

La Vierge se tenait au pied de la Croix, elle a participé d’abord, d’une certaine manière comme « associée » à Jésus et à la Passion comme personne d’autre, demandons-lui de nous apprendre à y participer.

+ P. Carlos Miguel Buela. IVE

Fondateur de la Famille Religieuse du Verbe Incarné.


[1] ANGEL VALTIERRA – RAFAEL M. DE HORNEDO, saint Pierre Claver, Esclave des esclaves, BAC, Madrid 1985, 89 et passim.

[2] Cette homélie a été prêchée le 6 juillet 2004, pendant le pontificat de Jean-Paul II. La veille de sa mort, le 1er avril 2005, il avait prié le chemin de croix.

[3] SAINT IGNACE DE LOYOLA, Exercices spirituels [203].

[4] SAINT-BERNARD, In festo omnium Sanctorum, s. 5, n. 9 (PL, CLXXXIII, 480 C).

[5] SAINT IGNACE DE LOYOLA, Exercices spirituels [146].

[6] SAINT LOUIS MARIE GRIGNION DE MONTFORT, Lettre circulaire aux Amis de la Croix, n° 1. 48.

[7] Cf. JOSE HERNANDEZ, Martín Fierro. Le retour de Martín Fierro, Editorial EDAF, Madrid 200613, Chant XV, est. 8, vers. 47-48, 160.

[8] SAINT IGNACE DE LOYOLA, Exercices spirituels [95].

[9] SAINT ALPHONSE-MAIRE DE LIGORIO, Pratique de l’amour pour Jésus-Christ, PS D.L., Madrid 1989, 69.

Les Clés

Dédié à S.E. Monseigneur Angelo Comastri, gardien et défenseur du plus grand trésor architectural de l’humanité : la Basilique Saint-Pierre au Vatican.

Sermon prêché à l’autel de la Chaire de la Basilique Saint-Pierre au Vatican, le 8 juillet 2007, lors du V Chapitre général de l’IVE.

  • Nous entrons sur la place Saint-Pierre et remarquons que, vue d’en haut, elle a la forme d’un trou de serrure : cela demande une clé ! Sur la colonnade se trouvent 6 armoiries d’Alexandre VII avec les clés croisées au-dessus.
  • Dans les fontaines à trois coupes superposées : Dans celle de droite de Carlo Maderno il y a 3 jeux de clés et dans celle de gauche de Carlo Fontana il y a 2 jeux de clés.
  • Nous continuons d’avancer et voyons à gauche une statue colossale de Saint Pierre, de 4 m. de haut, sculptée par le vénitien José De Fabris en 1838, avec deux clés dans sa main droite, et dans sa gauche un parchemin écrit avec les paroles de Jésus adressées à Pierre, qui sont la raison des clés : “Je te donnerai les clés du Royaume des cieux” (Mt 16, 19). A droite se trouve la statue jumelle de Saint Paul réalisée par le bolognaisAdamo Tadolini. Tous deux portent les armoiries de Pie IX avec des clés croisées à la base.

Pierre, qui puissant, détiens les clés du ciel,

entends les supplications de ceux qui prient.

Lorsque tu seras assis comme arbitre des douze tribus,

montre-toi indulgent, juge-les avec miséricorde,

et à ceux qui avec le temps vous demandent de mériter

Fais-leur vœu de miséricorde, pour toujours.[1]

  • Sur la façade, sous le balcon des bénédictions, “La Remise des Clés”, bas-relief en marbre du milanais Ambrogio Buonvicino, de 1614.
  • Sur le tympan de la façade, au-dessus des armoiries de Paul V, les clefs entrelacées.
  • Couronnant les extrêmes de l’attique se trouvent deux horloges de 4 m. de diamètre, avec des quadrants en mosaïque, conçus par Joseph Valadier. Celui qui est situé au-dessus de l’arc des cloches – à gauche du spectateur – marque les heures «all’italiana», basées sur la division du jour du coucher du soleil au coucher du soleil, continuant l’heure suivie par l’Église primitive et la Synagogue. Celle de droite, avec une seule aiguille, marque les heures «all’ultramontana», qui suit le système français, l’heure gallicane, qui s’inspire de la journée civile des anciens Romains, qui durait de minuit à minuit. Tous deux couronnés par deux clés tridimensionnelles !
  • Sur les portails à barreaux, au centre un jeu de clés, au milieu à gauche trois jeux de clés et au-dessus sur le mur un autre jeu et dans le portail à gauche du précédent un autre. À droite du portail central, il y a trois jeux de clés sur la porte à barreaux, et un jeu sur la suivante.
  • Sur tout le flanc des terrasses, au Nord, à l’Ouest et au Sud, on trouve 52 clés sur les panneaux décoratifs. Sur le mur au-dessus de la fenêtre, au-dessus de la connexion de la chapelle du Saint-Sacrement avec les palais du Vatican, un jeu de clés. Un autre au-dessus d’une fenêtre du flanc sud au-dessus de la première connexion de la sacristie avec la basilique. Au-dessus du bouclier de Pie IX sur le flanc nord, un jeu de clés.
  • Dans le Dôme, 96 clés dans le couvercle de protection en plomb sur les petites fenêtres.[2]
  • Sur la Porte Sainte : les clés ! et dans la même porte 72 clés. À la Porte de Filarete, Saint Pierre remet les clés au pape Eugène IV.

Parce que le Donneur de grâce

a donné les clés de la miséricorde

à Pierre et à son Église.[3]

  • Au plafond et au sol du grand atrium de la Basilique, dans les médaillons avec la vie de Saint Pierre et dans les armoiries des Papes, on trouve environ 32 jeux de doubles clés.
  • Et à l’intérieur de la Porte Sainte, ci-dessus : Mosaïque de Saint Pierre avec les clés.
  • Décorant les piliers de la nef centrale, dans les médaillons des petits anges, avec la tiare et les clés, réalisées par l’atelier de Gian Lorenzo Bernini, plus de 50 clés portées par les petits anges dans quatre poses différentes. De nombreuses grilles de ventilation des grottes sont équipées de jeux de clés.
  • Sur le premier arc du mur sud de la nef centrale, sur l’un de ses panaches, se trouve une représentation de l’« Autorité Ecclésiastique », figure moulée par Andrés Bolgi en 1648, recouverte de la couronne papale en arc brisé, qui tient les clés dans sa main gauche et agite un éclair dans sa main droite.
  • La statue en bronze de Saint Pierre, avec les clés dans sa main gauche, probablement d’Arnolfo di Cambio, du XIIIe siècle, que tous les pèlerins baisent sur le pied.
  • Dans la Confession de Saint Pierre, dans la Niche des Pallia, à l’intérieur à gauche, une mosaïque de Saint Pierre avec les clés, du IXe siècle (refaite en 1625 et restaurée en 1864) et dans la grata (d’Innocent X) qui ferme l’ouverture dans le sol et communique avec le tombeau de Saint Pierre, on trouve également les clés. Et à côté de la niche, une statue de Saint Pierre avec les clés dans la main droite, d’Ambrosio Buonvicino, également avec les clés dans le cadre, tout comme dans le cadre de la statue de Saint Paul. Au sommet de la porte qui ferme la Niche, un buste en bronze de Saint Pierre avec les clés. Sur le mur sud, deux clés aux armes de Paul V, et la porte d’entrée des Grottes avec deux clés croisées en partie supérieure. Deux tableaux de Saint Pierre avec des clés, au plafond.
  • Au dessus de la Confession, le majestueux Baldaquin du Bernin sur les quatre bases, 8 jeux de clefs croisées. Ci-dessus, à l’est et à l’ouest, des anges avec deux jeux de clés.
  • Au dessus du Baldaquin, la Coupole 4 jeux de clés monumentales dans les panaches du tambour sous le tondo des 4 évangélistes. A côté de la porte d’accès au premier rebord, deux clés. Dans le décor des mosaïques, Saint Pierre avec les clés.
  • Dans le panache sud-est de la chapelle de la Vierge de la Colonne, saint Thomas d’Aquin apparaît parlant avec saint Pierre, les clés en main, et avec saint Paul. (Ce doit être en souvenir de l’apparition des Princes des Apôtres à l’Angélique alors qu’il écrivait le Commentaire sur Isaïe à Paris)[4].
  • Dans le Ciboire des Apôtres, également appelé Ciboire de Sixte IV (1471-1484), bien qu’il ait été construit pour la première fois sous Pie II (1458-1464), se trouve une « Remise des Clés ». C’était le Ciboire qui couronnait l’autel de Saint-Pierre dans l’ancienne basilique constantinienne. Un ciboire est un baldaquin qui couronne un autel ou un tabernacle. (baldaquin vient de Baldac, nom donné au Moyen Âge à Bagdad, d’où provenait un tissu de ce nom qui servait à fabriquer une sorte de toit de tente ou dais. Là, le Christ, assis sur un faldistoire à l’extrême droite d’un panneau du ciboire quadrangulaire, se tourne vers Pierre agenouillé, tandis que les onze autres apôtres assistent à l’événement. Il est désormais situé dans l’Octogone de Simon le Mage.
  •  Pierre est appelé « celui qui porte les clefs », claviger, avec différents attributs : aetherus, Coelorum, In aula regia, Paradisi, Prapotens coelorum, Protus aulae coelicae, Regni popolorum et caelestis curiae :

Et avec cette clé céleste

qui délie les chaînes du péché

Là, il emmène les pénitents

où brille l’illustre portier.[5]

  • Dans la sacristie d’Ottoboni, un tissu avec Saint Pierre avec les clés et Théodore allumant un cierge.
  • Sur le monument à Alexandre VIII, « Religion » tient les clés dans sa main gauche. Ci-dessus, armoiries d’Alexandre VIII avec clés croisées. Également, sur l’orgue.
  • Un autre jeu de clés sur le monument de Paul III

Dans la Chaire de Saint Pierre :

  • En bas, les quatre armoiries d’Alexandre VII portent leurs clés respectives cruciales ;
  • Sur la base sud de la Chaire, en bronze, Jésus remet les clés à Pierre ;
  • Au dos, deux anges portent chacun une clé en or ;
  • Au-dessus de la Chaire, deux anges sans ailes, en bronze noir, tenant chacun une grande clé d’or dans leur main gauche, et tenant de leur main droite la tiare papale ou trirègne.

Tu fermes et tu ouvres le royaume des cieux

avec les clés du même royaume.[6]

  • Au-dessus de la tribune de la Chaire, dans la vasque de l’abside, en marbre, deux énormes clés au milieu de deux anges aux armes de Pie XII (1957).
  • Ci-dessus, trois médaillons en stuc (1749-1750) de Luis Vanvitelli, à gauche « La Crucifixion de Saint Pierre », à droite « La Décollation de Saint Paul » et au centre « La Remise des Clés à Saint Pierre ». Ci-dessus, des anges avec des clés.
  • Sur le monument de Clément X un jeu et sur l’orgue un autre.
  • Dans les Grottes (dans la chapelle ottonienne) se trouve une mosaïque représentant le Christ assis sur un trône avec saint Pierre et saint Paul. Saint Pierre, dont le Christ passe le bras autour du dos dans un geste très affectueux, porte dans ses mains trois clés, qui indiqueraient le pouvoir du Pape non seulement sur la terre et au ciel, mais aussi sur le purgatoire. Dans la Salle VII des Grottes (à côté de la Chapelle Hongroise), au fond à droite, se trouvent sept fragments d’un cadre de porte appelé « Cornice de sant’ Apollinare», avec trois bustes : à gauche Saint Apollinaire, au centre le Christ et à droite Saint Pierre, avec deux clés dans la main gauche et, à droite, la crosse avec un geste solennel et presque menaçant. Il y a plus de 20 clés en pair dans les grottes.

De l’Eglise militante

Le Christ vous a donné les clés,

et aussi de Celle qui est triomphante :

ce que tu as déclaré comme délié

reste délié et reste lié

ce que toi seul auras lié.[7]

Mais pourquoi n’y a-t-il presque toujours que deux clés ? Tout d’abord, dans le Nouveau Testament, elles sont toujours plurielles, aussi bien en grec qu’en latin « claves » : «  Tibi dabo claves regni caelorum » (Mt 16,19). Deuxièmement, il y a deux clés car elles indiquent le double pouvoir du Pape, sur terre et au ciel : « tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux…» Les clés sont souvent décorées, parfois l’une en or et l’autre en argent, et sont le signe spécifique du pouvoir papal que Jésus a donné à saint Pierre, et qui passe aux successeurs de saint Pierre.

Et en haut, à la base du Dôme, avec des lettres onciales de 1,41 m., sur un fond d’or de deux mètres, en latin : « Tu es Pierre ; et sur cette pierre je bâtirai mon Église et je te donnerai les clés du Royaume des cieux. (Mt 16,18-19).

Les clés des portes éternelles

À toi, Pierre, ont été données,

Et tes lois terrestres

Atteignent les ciel.[8]

  • A l’endroit où nous nous trouvons, il y a une prière à Pierre en latin et en grec : O pasteur de l’Église ! Qui nourrit toutes les brebis et tous les agneaux du Christ[9]. Qui est ce berger ? C’est Pierre qui survit dans le Pape et la légende en grec et en latin nous rappelle que l’Église respire avec deux poumons, l’oriental et l’occidental, sur lesquels s’exerce le pouvoir des clés.

Ouvrir la porte du paradis

et le droit de lier et de délier sur terre,

avec les clés qu’il t’a données.[10]

  • Une cascade de clés apparaît dans la Basilique Saint-Pierre et nous n’en avons même pas fait une mention exhaustive ! Et pourquoi une telle quantité

Tout d’abord, parce que c’est une des métaphores utilisées par Quelqu’un qui dit un jour à celui dont le tombeau est ici : “…je te donnerai les clés…”, signifiant le pouvoir d’ouvrir et de fermer, de lier et de délier qu’Il a donné à Pierre et à ses successeurs.

Deuxièmement, parce que les clés expriment pour nous la défense la plus profonde et la plus importante de notre vie : « Confirme tes frères dans la foi » (Lc 22, 32), que nous défendons par l’instinct surnaturel de la grâce.

Troisièmement, parce que les clés ne sont pas quelque chose d’inerte, de statique, de vide, mais au contraire quelque chose de vivant, de dynamique et de plein, qui exprime une vérité de foi et qui exprime chacun de nous, parce que la vitalité inépuisable de l’Église catholique a sa source dans la foi de Pierre en notre Seigneur Jésus-Christ, comme l’enseigne saint Léon le Grand[11], lui aussi enterré ici : « Tout cela, chers frères, est le résultat de cette profession de foi inspirée par le Père dans le cœur de l’apôtre, [qui] a surmonté les incertitudes des opinions humaines et a obtenu la fermeté d’une pierre, capable de résister à n’importe quel coup ». C’est quelque chose qui se produit tous les jours et qui touche toute l’Église, qui reconnaît que Jésus est le Seigneur, car quiconque reconnaît cette vérité est immergé dans l’enseignement de saint Pierre et est, dans une certaine mesure, comme une extension de celui-ci : « De même que dans toute l’Église, Pierre affirme chaque jour : “Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant”, chaque langue qui reconnaît le Seigneur est imprégnée du magistère de cette voix », poursuit saint Léon le Grand. Tout frère et toute sœur, où qu’ils se trouvent dans le monde, qui confessent que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, sont inculqués, inspirés, influencés et persuadés par la confession de Pierre, par le magistère de sa voix, la voix de celui à qui les clés ont été données. C’est pourquoi saint Augustin enseigne : « …ces clés n’ont pas été reçues par un seul homme, mais par l’unique Église. D’où l’excellence de la personne de Pierre, dans la mesure où il représentait l’universalité et l’unité de l’Église…”[12]

Grâce au pouvoir des clés, l’Église catholique survivra jusqu’à la fin des temps, infaillible dans sa hiérarchie in docendo et en nous in credendo, et indéfectible, sans pouvoir être détruite par les persécutions, les tempêtes, la cruauté des tyrans ou des lobbies ennemis !

Grâce aux clés, la table de Son Corps et de Son Sang nous parvient !

Grâce aux clés la douceur de la Vierge Marie nous parvient !

Grâce aux clés, nous avons la certitude que la vie éternelle existe et que « ce qu’il a promis ne peut manquer de s’accomplir : “Celui qui me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux” »[13]!

Grâce aux clés, nous pouvons profiter d’une paix et d’une joie que le monde ne peut pas donner !

Grâce aux clés, l’Église est le défenseur invaincu de toute vie humaine !

Grâce aux clés, si l’Antéchrist venait à piétiner nos têtes avec son dernier souffle, imprégnés du magistère de Pierre, par la grâce de Dieu, nous confesserions : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant » !

 Non! Nos pères ne se sont pas trompés dans la foi lorsqu’ils ont orné la basilique Saint-Pierre de multiples clés !

+ P. Carlos Miguel Buela. IVE

Fondateur de la Famille Religieuse du Verbe Incarné.

Nous joignons le texte de la lettre envoyée Par H.E.R. Monseigneur Angelo Comastri,

Fabbrica di S. Pietro

In Vaticano

Vatican, le 4 août 2007.

 Très Révérend Père Buela :

C’est pour moi un plaisir de me référer à votre aimable lettre du 31 juillet, dans laquelle vous m’envoyez le merveilleux sermon prêché au cours de la Sainte Messe célébrée ici à Saint-Pierre, le 8 juillet dernier.

Veuillez accepter mes plus sincères remerciements pour les belles paroles contenues dans ce document. Je vous transmets également ma profonde reconnaissance pour cette homélie, si profonde et en même temps suggestive, qui témoigne de l’empreinte spirituelle de votre Famille religieuse.

Les clés de Saint Pierre seront à votre disposition quand vous le souhaitez ! Je vous souhaite sincèrement, ainsi qu’à l’Institut du Verbe Incarné, tout le meilleur de la part de Jésus, par Marie.

† Ángelo Comastri

Archiprêtre de la Basilique Patriarcale Saint-Pierre.


[1] Hymne très ancien, au moins du s. V, cfr. D. Rezza (ed.), Beatus Petrus. Inni medievali latini (Rome 2003) 17:

«Petre, tu praepotens caelorum claviger,

vota precantium exaudi iugiter;

cum bis sex tribuum sederis arbiter,

factus placabilis iudica leniter

teque petentibus nunc temporaliter

ferto suffragia misericorditer».

[2]  ‘…la cuffie protettive in piombo degli abbaini’.

[3] D. Rezza (ed.), Beatus Petrus, 93:   «Quia dator gratiae

Petro et ecclesiae

dedit claves veniae».

[4] Guillaume de Tocco et d’autres biographes racontent que Thomas, alors qu’il écrivait le commentaire d’Isaïe, avait trouvé dans le texte un point particulièrement obscur qui l’avait laissé un peu perplexe. On aurait dit qu’il parlait à d’autres personnes dans sa cellule. Peu de temps après, Thomas appela son secrétaire Reginald de Priverno et lui demanda d’écrire ce qu’il allait lui dicter. Après une heure de dictée ininterrompue comme s’il lisait un livre, il dit au revoir à Reginald et l’invita à dormir pour le peu de temps qui restait jusqu’à l’aube. Mais Reginald ne voulut pas partir avant de lui avoir dit à qui il avait parlé. Après beaucoup d’insistance, il lui répondit qu’il avait parlé avec les saints Pierre et Paul, qui lui avaient expliqué tout ce qu’il voulait savoir, et que Reginald ne devait le dire à personne tant que Thomas serait vivant. (Cf. James A. Weisheipl, Tommaso D’Aquino, Milan 1994, 124-125).

[5] D. Rezza (ed.), Beatus Petrus,  Attribuée à Paulin d’Aquilée, 107:

«Et clave illa caelica

solvens catenas criminum,

illic reos inducito,

quo clarus extat ianitor».

[6] D. Rezza (ed.), Beatus Petrus, Atribuée a Conrrado de Hirsau, s. XI,149:

«Claudis aperis coelorum

regnum regni clavibus».

[7] D. Rezza (ed.), Beatus Petrus, 162: «Tibi Christus militantis

claves nec non triumphantis

contulit ecclesiae,

ut quod solieres, solutum,

quod ligares, insolutum

ejus esset requie».

[8] D. Rezza (ed.), Beatus Petrus, 183: «Supernae claves ianuae

tibi, Petre, sun traditae,

tuisque patent legibus

terrena cum caolestibus».

[9] « Il (Pierre) continue à vivre et à juger dans ses successeurs » déclarait le légat Philippe au concile d’Ephèse.

[10] D. Rezza (ed.), Beatus Petrus, 188: «Claves coeli reserandi

et in terra ius ligandi

solvendique tribuit».

[11] Sermon 3, À l’occasion de l’anniversaire de son intronisation, 2-3 : PL 54, 145-146 ; cf. Liturgie des Heures, vol. III, 1720.

[12] Sermon 295.

[13] Saint Léon le Grand, Sermon 15, Sur la Passion du Seigneur, 4 : PL 54,367.