– Il était une fois, un roi… Attendez ?… Était-il un roi ? Oui… il était un roi ! Ou, plutôt un prince appelé à devenir le roi de son pays.
– Je m’excuse et je recommence …
Il était une fois, un prince appelé à devenir le roi de son pays. Il était comme tous les princes des contes, et mieux encore que tous les princes de tous les contes. Il était très beau, très riche et très aimé dans tout son royaume pour sa bonté et sa générosité. Il avait aussi une barbe plus ou moins comme la mienne.
Un jour, il était en train de se promener au milieu d’une des villes de son royaume. Il était un peu déguisé sous un grand chapeau, avec une grande plume blanche et un manteau noir. Sans ses habits de prince. En marchant, tout à coup il se trouva devant deux très jolis yeux verts et un sourire qui brillait comme une étoile. Il s’arrêta… comme s’il avait été frappé par la foudre. Il se frotta bien les yeux… et regarda à nouveau tant de beauté, tant de charme, tant d’atouts ensemble dans une seule jeune fille.
Toujours la même histoire, la même histoire de toujours…, il tomba amoureux irrémédiablement.
Et… avec l’amour, la peine. Le prince fait une enquête, envoie des émissaires pour découvrir qui est cette jeune fille !? Et il finit par savoir qu’elle était une simple et pauvre villageoise. Le prince ne savait pas quoi faire. Imaginez-vous ! S’il se présentait devant elle comme un prince, avec toute sa splendeur royale, son escorte avec cavalerie et étendards, sa cour en grande pompe, pour lui demander sa main…, peut-être que la jeune fille, saisi de honte refuserait sa demande. Ou encore pire, peut-être dirait-elle : « Oui », seulement pour être la princesse, pour le rang, mais pas par amour pour le prince !
Alors le prince ne savait vraiment pas quoi faire ! Il voulait que la jeune fille l’aime pour lui-même, non pour son château ou pour tout ce qu’il avait. Le prince se creusait la tête cherchant comment faire !? Jusqu’à ce qu’il arrive finalement à une solution : il décida de se déguiser une deuxième fois et d’essayer de la conquérir lui-même, sans son rang,… sans ses richesses,… sans rien de tout ce qui n’était pas lui-même.
Et vous avez tout à fait le droit de m’arrêter maintenant et me dire : « Mais mon Père ! Tout ça ce n’est qu’un conte ! Ça n’existe pas ! Ce n’est pas vrai ! Ce bien pour les jeunes filles amoureuses mais pas pour nous ! Nous sommes à la messe et qui plus est, à la messe de Noël ! ».
Mais… désolé pour vous, car si vous pensez comme ça vous vous trompés. Je peux vous présenter le prince du conte…
Voilà le prince couché dans une mangeoire, très bien déguisé, sans rien qui puisse laisser découvrir sa vraie identité, tellement nu !
– « Et la jeune fille ? » Me demanderiez-vous :
La jeune fille c’est moi ! La jeune fille c’est vous ! La jeune fille c’est chacun de nous !
Et c’est cela que nous fêtons aujourd’hui, le jour où Dieu lui-même a laissé de côté toute sa grandeur, tout son pouvoir, tout son éclat ! Pour prendre notre condition de chair, pour se déguiser et nous conquérir comme un fou amoureux. Par amour pour nous.
Imaginez-vous la taille de cet amour !… Etant le Dieu, le tout-puissant, le créateur du ciel et de la terre, celui à qui obéissent tous les anges et les archanges, celui devant qui tremblent de peur tous les démons !
Eh bien, il s’est fait un enfant, un bébé, qui ne peut rien faire sans l’aide de ses parents, un bébé qui meurt si on le laisse seul.
Et tout cela… par amour pour nous, par amour pour chacun de nous.
Lui qui a fait le soleil, le jour et la lumière. Lui qui a fait la chaleur, l’été et le printemps. Lui qui a donné aux hommes le feu pour se réchauffer et aux animaux de quoi se protéger du froid, du vent et de la neige. Lui-même… Il a choisi de naître dans le dur hiver du désert. Il a choisi de naître nu. Il a eu froid.
Et tout cela… par amour pour nous, par amour pour chacun de nous.
Lui qui était, qui est et qui sera le Verbe Eternel du Père. Lui qui a crié « Soit ! » devant le rien même et toutes les choses furent. Lui de qui tous les anges et le saints du ciel attendent un mot pour obéir. Lui, a choisi de ne plus parler, de devenir un enfant muet qui ne peut rien dire.
Et tout cela… par amour pour nous, par amour pour chacun de nous.
Lui qui est si grand que les cieux sont petits pour Lui. Lui qui n’a pas de limite, qui est partout… Il est devenu un embryon. Si vous, avec un stylo, faisiez simplement un point sur une feuille blanche, un petit point seulement. Bien, ça c’est la taille d’un embryon. Et Dieu, L’incommensurable est devenu tout petit, si petit ! Comme ce point. Il a choisi d’être petit, minuscule… Pourquoi ?
Oui,… vous le savez bien… par amour pour nous, par amour pour chacun de nous.
Et je peux continuer toute la nuit et jusqu’au 26 décembre :
– Lui qui a mis en mouvement le soleil et la lune, tous les astres et toutes les galaxies, il est devenu un bébé qui ne peut pas marcher.
– Lui qui est la source de toute sagesse ! Est devenu un ignorant.
– Lui qui est le Créateur de toute richesse ! Est devenu pauvre.
– Lui qui est la cause de toute joie ! A pleuré.
– Lui qui est le Roi des rois ! Est né dans une mangeoire entre un bœuf et un âne.
– Lui qui avait toute la cour céleste à ses pieds ! N’a été visité que par des bergers et des brebis.
Et tout ça pourquoi ?
Par amour pour moi, par amour pour le père Luis, par amour pour les enfants du chœur, par amour pour … Par amour pour chacun des nous, avec nom et prénom. Avec un amour né depuis le commencement du monde, avec un amour éternel et infini.
Moi, exprès, j’ai laissé le conte sans fin. Vous vous souvenez ? Le prince et la villageoise du commencement ? J’ai le laisse sans fin, parce qu’il n’a pas seulement une fin, il a plusieurs fins. Ça dépend de chacun de nous. Car chacun doit écrire sa propre fin dans son cœur et dans son âme.
Accueillerons-nous cet amour géant, infini, débordant dans notre cœur ?
Répondrons-nous avec la même qualité d’amour ?
Ou bien… laisserons-nous cet amour immense… s a n s r é p o n s e ?
Père José Ignacio Berarducci
Monastère “Bx. Charles de Foucauld”