Le Patron des âmes éprouvées

Tout, en ce monde, est soumis à la loi de la souffrance. Il n’est personne qui n’ait à souffrir. La douleur s’est attachée à l’homme ; elle le sui partout. L’histoire de l’humanité n’est, au fond, qu’une grande tragédie où la souffrance, sous mille formes diverses, joue le rôle principal. La souffrance a commencé avec le péché ; elle ne se termine qu’à la mort. Il faut donc qu’il en soit ainsi : Dieu, infiniment bon et infiniment sage, a vu un bien dans l’épreuve. C’est par la souffrance que nous avons été rachetés : c’est par la souffrance que nous recueillons les fruits de la Rédemption. La croix est donc le partage de toutes les âmes ; les saints n’ont point échappé à cette loi.

Saint Joseph a donc connu la souffrance ; il l’a connue d’autant plus qu’il était plus étroitement uni au Sauveur. Tous les mystères de la vie de Jésus sont plus ou moins des mystères douloureux. Nazareth même et Bethléem ont eu leur croix. Partout où le Sauveur repose sa tête, il laisse les traces de sa couronne d’épines. Saint Joseph a vécu de longues années avec Jésus ; bien souvent il l’a tenu dans ses bras, il l’a pressé sur son cœur ; – il ne pouvait donc manquer de rencontrer la croix ! Il a porté continuellement la croix du travail. La pauvreté lui était une croix, moins pour lui-même que pour le Sauveur et pour Marie dont la détresse lui était une souffrance. Il n’a pas toujours trouvé un abri pour lui et pour la Sainte Famille. Des hommes au cœur insensible lui ont refusé un asile, de cruels persécuteurs l’ont menacé dans ce qu’il avait de plus cher. Les croix domestiques elles-mêmes ne lui furent point épargnées : témoin son angoisse dans une circonstance pénible, témoin sa douleur lorsque Jésus demeura dans le Temple. Faut-il rappeler, en outre, la circoncision du Sauveur, l’imposition du nom de Jésus qui présageait tant de souffrances, la prophétie du vieillard Siméon, la fuite en Egypte ? Ces mystères, et d’autres encore, furent en quelque sorte le Calvaire de saint Joseph. Joignons à cela les souffrances que ne manquaient pas de causer à son cœur les péchés, l’ignorance et l’ingratitude de son peuple. Bien que ces douleurs soient loin d’égaler l’inénarrable martyre de Marie au pied de la Croix, elles lui furent cependant infiniment amères parce qu’elles se rapportaient à Jésus, à son Dieu, et que ce Dieu, il l’aimait de l’amour le plus profond.

Les souffrances de saint Joseph sont donc nobles et belles en raison de leur cause – puisque cette cause est dans les souffrances du Sauveur lui-même – et en raison de la manière dont il a supporté ces épreuves. Le suprême triomphe de l’art, dit-on, est de représenter la souffrance de façon à la montrer belle et sublime. Il est bien plus difficile encore de l’endurer chrétiennement. Joseph nous offre, ici, un exemple admirable. Pas une plainte, pas un mot d’impatience ne lui échappe. C’est un grand silencieux : de lui, l’Évangile ne nous a conservé aucune parole. Il s’enferme dans sa foi, dans son humilité, dans son inaltérable confiance, dans son ardente charité, et il supporte tout avec joie, en compagnie de Jésus et de Marie, heureux de pouvoir souffrir avec eux. De son côté, Dieu ne l’a jamais abandonné dans l’épreuve : il est toujours là, dirigeant toutes choses ; et les souffrances passent, laissant après elles la consolation. Joseph est-il troublé au sujet de Marie ? un message du ciel le rassure et lui rend le bonheur. Les épreuves de Bethléem sont consolées par la naissance du Sauveur, par l’adoration des bergers et des Mages. A la fuite en Egypte succède la joie du retour : Jésus disparaît et, durant trois jours, le cœur de Joseph est cruellement angoissé ; mais Jésus est retrouve dans le temple et alors, ce sont les paisibles années de la vie à Nazareth.

Il semble que, par l’exemple de notre saint, Dieu ait voulu nous enseigner d’une manière sensible que la vie ici-bas est continuellement entremêlée de jours bons et de jours mauvais, qu’il faut donc trouver dans les uns une consolation pour les autres. D’ordinaire les jours de joie et de paix l’emportent : l’huile ne surnage-t-elle pas sur l’eau ? Ne l’oublions pas et acceptons avec reconnaissance tout ce que Dieu nous envoie. Supportons les jours mauvais par gratitude pour les jours heureux qui nous ont été accordés et, dans le bonheur, préparons-nous à la souffrance. C’est un grand art que de savoir accepter comme il convient la joie et la souffrance. Sans cette science, l’épreuve nous jettera dans l’impatience, le doute ou le désespoir ; la joie et la prospérité amèneront la présomption et la dissipation, elles nous exposeront au redoutable danger d’oublier Dieu. A l’exemple de saint Joseph, restons toujours les mêmes dans le bonheur et dans la souffrance. Que le bonheur nous donne de la joie, que la croix nous cause une douleur, Dieu n’en est point offensé : c’est notre nature qui le veut aussi ; mais prenons toutes choses en esprit de foi, avec des sentiments de confiance et de reconnaissance pour Dieu. Dans l’éternité bienheureuse rien ne nous donnera plus de joie que les souffrances que nous aurons endurées ici-bas, si, à l’exemple de saint Joseph, nous les acceptons avec patience et par amour pour Jésus et Marie.

Saint Joseph, dans la Vie de Jésus-Christ et dans la Vie de l’Eglise

R. P. M. Meschler S. I.

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