20 décembre : La pauvreté de Jésus
La quatrième des « vertus de l’anéantissement du Christ » que nous allons méditer pour nous préparer à Noël, c’est sa pauvreté.
Quand Saint Ignace de Loyola, au cours de ses Exercices Spirituels, dans la célèbre Méditation des deux étendards (ES, 136-148), veut nous apprendre quelle est la voie à suivre pour aller à la suite du Christ et ne pas être trompé par le diable, il propose tout d’abord une considération de Satan, qu’il voit « assis dans une chaire élevée, toute de feu et de fumée, sous des traits horribles et d’un aspect épouvantable », qui envoie ses démons pour tenter tout le monde, « les uns dans une ville, les autres dans une autre, et ainsi dans tout l’univers, n’oubliant aucune province, aucune condition, aucun lieu, aucune personne en particulier » ; et avec ce plan : « jeter des filets et des chaînes. Ils doivent tenter les hommes, en leur inspirant d’abord le désir des richesses, comme il fait le plus souvent lui-même, afin de les conduire plus facilement à l’amour du vain honneur du monde, et de là à un orgueil sans bornes. De sorte que le premier degré de la tentation, ce sont les richesses; le second, les honneurs; le troisième, l’orgueil; et de ces trois degrés il porte les hommes à tous les autres vices ».
Tout au contraire, saint Ignace nous présente la figure du Christ comme Notre Chef Souverain. Il dit que Jésus « se tient en un lieu humble, dans une vaste plaine des environs de Jérusalem, beau et plein de grâce », qu’il « choisit un si grand nombre de personnes, les Apôtres, les disciples et tant d’autres » et les « envoie dans tout l’univers répandre sa doctrine sacrée parmi les hommes de tous les âges et de toutes les conditions » ; et ensuite le saint nous donne le discours avec lequel Jésus envoie ses ouvriers travailler dans le monde : « Il leur recommande d’aider tous les hommes, en les attirant premièrement à une entière pauvreté spirituelle, et non moins à la pauvreté réelle, si la divine Majesté l’a pour agréable et veut les appeler à cet état; secondement, au désir des opprobres et des mépris, parce que de ces deux choses naît l’humilité. De sorte qu’il y a, comme au troisième point précédent, trois degrés; le premier, la pauvreté opposée aux richesses; le second, les opprobres et les mépris opposés à l’honneur du monde: le troisième, l’humilité opposée à l’orgueil ; et de ces trois degrés ils porteront les hommes à toutes les autres vertus ».

Le Christ a choisi d’être pauvre. Cette pauvreté, dans le mystère de Sa naissance, se manifeste d’une façon si nette, nous laissant voir par contraste la plus tendre Personne de l’Enfant couché dans une crèche (Lc 2,12) comme le plus pauvre des pauvres. Le Christ a choisi d’être pauvre à sa naissance et tout au long de sa vie, pour nous enrichir de sa pauvreté. Nous devons imiter cette pauvreté de Jésus. Certes, être pauvre ne signifie pas être saint. Parce que la sainteté n’est pas dans les choses extérieures. Nous devons éliminer d’ici toute vision idéologique ou dialectique. Il y a des saints qui ont eu beaucoup de biens matériels, et il y a beaucoup de condamnés en enfer qui ont été pauvres dans leur vie. Ce qui nous rend pauvres selon le Christ, c’est la pauvreté de l’esprit, c’est-à-dire le fait d’être désaffectés des biens extérieures, de ne pas y mettre notre cœur.
Notre Seigneur nous l’enseigne : « Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6,23). Et c’est là le sens le plus profond de la pauvreté du Christ, le fait de mettre le cœur uniquement en Dieu, de ne dépendre de rien. Comme l’a enseigné saint Jean de la Croix : « La charité à son tour fait dans la volonté le vide par rapport à toutes les choses créées, puisqu’elle nous oblige à aimer Dieu au-dessus de tout. Cela n’a lieu qu’en arrachant notre affection à toutes les créatures pour la reporter complètement sur Dieu » (Montée du Mont Carmel, livre 2, ch. 5). Et dans une lettre qu’il adresse aux carmélites de Cordoue : « Sachez vous contenter de Dieu seul. Ceux qui lui remettent tout leur cœur n’ont plus et n’éprouvent plus de nécessités ; car le pauvre d’esprit vient-il à manquer de quelque chose, qu’il se trouve plus content et plus joyeux ; il a placé son tout dans le dénuement, dans le rien; c’est ainsi qu’il trouve en tout la dilatation du cœur ! Sa valeur est si grande que tout lui est soumis parce qu’il ne veut rien assujettir à lui-même et qu’il perd tous les soucis du temps afin de pouvoir s’embraser davantage de l’amour de Dieu ». En bref, nous ne sommes soumis qu’à ce à quoi nous lions le cœur, car nous n’avons besoin que de ce que nous aimons.
Concluons en suivant le conseil de Saint Ignace : « je demanderai à Notre-Dame qu’elle m’obtienne de son Fils et Seigneur la grâce d’être reçu sous son étendard: premièrement, par la parfaite pauvreté spirituelle, et même, si la divine Majesté l’a pour agréable, et veut me choisir et m’admettre à cet état, par la pauvreté réelle; secondement, en souffrant les opprobres et les injures, afin de l’imiter en cela plus parfaitement, pourvu que je puisse les souffrir sans péché de la part du prochain, et sans déplaisir de sa divine Majesté. Je terminerai ce colloque par le Je vous salue Marie » (ES, 147).