On rencontre des hommes, grands par la sagesse et par le courage, qui cependant, à cause de leur excessive confiance dans leur force, n’effectuent pas leurs œuvres avec sagesse et ne conduisent pas jusqu’à son achèvement ce qu’ils s’étaient proposé.
Mais il faut savoir que l’Esprit-Saint, au moment qu’Il donne la force, donne aussi le Conseil. Car un bon conseil qui fasse relation au salut de l’homme ne peut venir que du Saint-Esprit. C’est le cas de cette cinquième demande.
Le conseil est nécessaire à l’homme, quand il est soumis à la tribulation, comme le conseil des médecins est utile, lorsque nous sommes malades.
C’est pourquoi, un homme, spirituellement malade par le péché, il doit demander conseil pour guérir.
Le conseil de faire l’aumône et d’exercer la miséricorde est un excellent conseil pour effacer les péchés. C’est pour cela que l’Esprit-Saint apprend aux pécheurs cette prière de demande : Remettez-nous nos dettes, en y ajoutant : comme nous-mêmes nous remettons à nos débiteurs (traduction directe du latin)
Par ailleurs nous avons envers Dieu une dette véritable, ce à quoi il a droit et que nous lui refusons.
Dieu nous exige le respect, c’est l’accomplissement de sa volonté, préférée à notre volonté propre. Nous faisons une omission du droit de Dieu, quand nous préférons notre volonté à la sienne ; et c’est en cela que consiste le péché.
Ainsi nos péchés sont des dettes à l’égard de Dieu. Et c’est du Saint-Esprit que nous vient le conseil de demander à Dieu le pardon de nos péchés et de dire très justement : Pardonnez nous nos offenses
Pourquoi adressons-nous au Père cette demande : “Pardonnez nous nos offenses”?
Avec la réponse nous trouvons deux enseignements nécessaires aux hommes pendant cette vie.
Le premier enseignement, c’est que l’homme doit toujours se tenir dans la crainte et l’humilité.
Il y eut des hommes assez présomptueux pour oser affirmer que nous pouvions vivre en ce monde de manière à éviter tout péché. Ce privilège ne fut accordé à personne, si ce n’est au Christ seul, qui posséda l’Esprit en plénitude, et à la Bienheureuse Vierge, pleine de grâce et immaculée. Mais à aucun autre des saints il ne fut accordé de ne pas tomber, au moins dans quelque faute vénielle. Si nous disons : nous sommes sans péché, affirme en effet saint Jean (1 Jean 1, 8), nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous.
Et que les hommes soient pécheurs, cela est prouvé également par le contenu de cette demande : Remettez-nous nos dettes. Il convient, en effet, indubitablement, à tous les saints eux-mêmes de réciter ces paroles de l’oraison dominicale. Tous les hommes sans exception se reconnaissent donc et s’avouent pécheurs et débiteurs.
Par conséquent, si nous sommes pécheurs, vous devons craindre et nous humilier.
L’autre enseignement qui ressort de cette demande, c’est que nous devons vivre toujours dans l’espérance. En effet, bien que pécheurs, nous ne devons pas perdre l’espérance ; le désespoir pourrait nous conduire à d’autres péchés plus graves, comme l’enseigne l’Apôtre (Eph 4, 19) : Ayant perdu l’espérance, dit-il, les païens se sont livrés à l’impudicité et à toute espèce d’impureté, avec frénésie.
Quelque grand pécheur qu’il soit, l’homme en effet doit espérer toujours de Dieu son pardon, s’il se repent et se convertit parfaitement.
Or cette espérance se fortifie en nous, quand nous disons : Notre Père, remettez-nous nos dettes.
Quel que soit le jour où nous implorons miséricorde, nous pourrions l’obtenir, si nous sommes vraiment repentis de vos péchés.
Ainsi donc cette cinquième demande fait naître en nous la crainte et l’espérance ; elle nous montre que tous les pécheurs contrits, qui avouent leurs fautes, obtiennent miséricorde. Et elle nous fait conclure que cette demande avait sa place obligée dans le « Notre Père ».
Commentaire au Notre Père
Saint Thomas d’Aquin