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De la Transfiguration à la Croix

Dimanche II Carême, année C

Chaque année, l’Eglise nous invite à méditer, dans ce deuxième dimanche de Carême, le mystère de la Transfiguration, cette année à partir de l’évangile de saint Luc. Comme nous pouvons l’apercevoir, cet évangéliste ne nomme pas le mystère, il le décrit sommairement, avec pour but de montrer la relation que ce mystère de la vie de Jésus entretient avec sa Pâque, la Passion du Seigneur.

Saint Luc, en effet, ouvre le récit en disant que Jésus monte pour prier. Dieu a manifesté Jésus pendant qu’il priait. Rappelons que pendant la prière de Jésus, l’Esprit est venu sur lui au moment du baptême, où Jésus a eu une manifestation aussi de sa divinité.

L’agonie de Gethsémani est aussi un grand moment de prière, où Notre Seigneur se prépare pour sa Pâque et dans ces deux moments, les trois disciples, « Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ». Et saint Luc nous présente ensuite le Seigneur qui meurt sur la croix toujours en prière, en dialogue avec son Père, puis après sa mort, sa gloire qui commence déjà à briller dans la confession du centurion (cf. Lc. 23, 46-47).

Dans ce mystère de la Transfiguration, le rayonnement de la gloire de Dieu enveloppe également les deux hommes qui apparaissent et les montre comme des figures célestes. Les trois évangélistes, Mathieu, Marc et Luc, nous révèlent la présence de Moïse et d’Elie.

Quelle est la raison de leur présence ?

Ils sont la représentation de l’Ancien Testament, de la loi et des prophètes ; ces deux saints ont aussi contemplé la Gloire de Dieu sur une montagne, ils ont subi, eux aussi, une passion, une anticipation du mystère de la croix.

Les Actes des Apôtres présentent Moïse comme un serviteur de Dieu incompris et répudié (Actes 7, 17-44), Elie se plaint à Dieu de ce que ses adversaires conspirent contre sa vie (I Rois 19,10). Les deux grandes figures de l’Ancien Testament revivent l’éclat de la gloire de Dieu, mais toutes deux devaient d’abord passer par la souffrance. En fait, en eux se dessine le chemin de Jésus : par la passion à la gloire de Dieu, par le destin de serviteur de Dieu à la splendeur divine du Messie. Saint Luc est l’unique évangéliste qui nous dit que les deux grandes figures du Messie parlaient de la mort que Jésus devait subir à Jérusalem, son départ, « son passage » ou bien, sa Pâque.

Alors, cette épiphanie, cette manifestation de la divinité de Jésus, dure très peu, les trois apôtres sont enveloppés d’une nuée, image de l’Esprit Saint et du mystère de Dieu, et tandis qu’ils écoutaient la voix du Père, la vision va cesser. « Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. »

Les effets de la Gloire disparaissent et ils ne voient que Jésus, sous son apparence humaine. Cette vision les avait tant bouleversés qu’ils vont garder le silence, jusqu’après la Résurrection du Seigneur.

Ce dimanche, où l’Eglise nous prépare déjà pour le mystère du Calvaire à travers cet évangile et par ce temps de carême, nous pouvons méditer l’importance de la Croix dans nos vies. Précisément dans notre époque où la croix et tout ce qui fait référence à la valeur de la souffrance sont tant relégués dans la prédication. Il semblerait que le chrétien ne doive pas souffrir, que la douleur ne fasse pas parti du plan de sanctification tandis que le Seigneur nous a révélé c’est à travers la croix que nous pouvons le plus parfaitement l’imiter.

Voilà deux beaux exemples pour déceler l’importance de la croix dans nos vies :

Le premier nous fait voir la puissance de la Croix.

C’est un fait réel. Il y avait une grande actrice, célèbre à l’époque, elle s’appelait Eve Lavallière. Elle était très belle. Mais elle remarquait en se regardant dans le miroir qu’elle vieillissait.

Et voilà qu’elle n’a pu penser à rien de pire que de conclure un pacte avec le diable. Elle va donc à une séance et par un médium elle fait un pacte pour rester belle, pour demeurer jeune.

Mais, Eve constate alors qu’elle ne cessait de vieillir. Elle retourne chez le spiritiste, chez le médium et c’est à ce moment, comme en transe, elle réprimande le diable :

Elle lui dit : – « Tu es un menteur ! Tu m’as promis que j’allais garder ma beauté et il s’avère que de jour en jour je la perds.

Et l’autre répond : « Ce qui se passe, c’est qu’il y a des forces très puissantes qui te défendent. Arrête de faire le signe de croix au passage d’un cercueil ! »

Elle dit : – « Depuis toute petite je fais le signe de croix quand un cercueil passe et je ne peux m’empêcher de faire le signe de croix »

– « Eh bien, tu ne peux pas t’empêcher de faire le signe de croix, je ne peux pas te garder belle ».

Et c’est ainsi que d’une manière merveilleuse, Eve Lavallière fut sauvée d’un pacte qui ne devrait jamais être fait tant ses conséquences sont périlleuses. C’était le début de sa conversion, elle est morte en sainteté.

 La Croix a un grand pouvoir sur les puissances du mal. La Croix est toujours plus puissante. Et pourquoi la Croix est-elle plus puissante ? Parce que sur la Croix le Fils de Dieu est mort.

L’autre exemple nous enseigne comment la Croix pardonne nos péchés.

Il s’agit du cas d’un crucifix –encore conservé – dans l’église de Sainte Eulalie, dans l’île de Majorque, aux Baléares, en Espagne.

Il y avait un pénitent qui se confessait souvent. Répétant toujours les mêmes péchés, promettant toujours de se repentir et ne cessant jamais de les commettre . Alors le prêtre avait réfléchi : « Non, je ne peux plus donner l’absolution à celui-ci. Je ne peux pas lui dire : ‘Je pardonne tes péchés’. Non, car il n’a pas d’objet d’amendement ». Et, à la prochaine confession il dit à ce pénitent : « Je ne peux pas pardonner tes péchés : tu ne veux pas changer. Tu es toujours stupide. Au lieu de réaliser que Jésus te parle, tu perds ton temps. Au lieu de voir que Jésus t’aime, tu es un imbécile. Donc je ne te donne pas l’absolution.”

Mais  à l’intérieur du confessionnal se trouvait un Christ crucifié. Et à ce moment, on entend Christ parler : « Je te pardonne tes péchés. Et il dit à ce prêtre : « Je suis mort pour lui. J’ai versé mon Sang pour lui. Qu’as-tu fait pour lui ?”

Ce qui nous fait comprendre que la Miséricorde de Dieu, cette Miséricorde qui jaillit de la Croix du Christ, est plus grande que tout ce que nous pouvons penser. De telle sorte que jamais, jamais, personne ne puisse désespérer du salut de quelqu’un, aussi mauvais soit-il. Pourquoi ? Parce que le Fils unique de Dieu a versé son sang sur la Croix pour l’amour de chacun de nous.

Demandons la grâce de savoir accepter la Passion du Christ, d’aimer la Croix et de nous préparer pour la Semaine Sainte, où l’Eglise revive tous les mystères de l’amour extrême de Jésus. A la sainte Vierge, nous demandons cette grâce. 

P. Luis Martinez IVE.

« Dieu seul est ma tendresse, Dieu seul est mon soutien, Dieu seul est tout mon bien, ma vie et ma richesse »

Saint Louis Marie Grignion de Montfort

Dieu Seul

Avant tout, saint Louis-Marie frappe par sa spiritualité théocentrique. Il a « le goût de Dieu et de sa vérité »[1] et sait communiquer sa foi en Dieu, dont il exprime à la fois la majesté et la douceur, car Dieu est source débordante d’amour. Le Père de Montfort n’hésite pas à ouvrir aux plus humbles le mystère de la Trinité, qui inspire sa prière et sa réflexion sur l’Incarnation rédemptrice, œuvre des Personnes divines. Il veut faire saisir l’actualité de la présence divine dans le temps de l’Église; il écrit notamment: « La conduite que les trois Personnes de la Très Sainte Trinité ont tenue dans l’Incarnation et le premier avènement de Jésus-Christ, elles la gardent tous les jours, d’une manière invisible, dans la sainte Église, et la garderont jusqu’à la consommation des siècles, dans le dernier avènement de Jésus-Christ »[2].

La Sagesse de Dieu Incarnée

La personne du Christ domine la pensée de Grignion de Montfort: « Jésus-Christ notre Sauveur, vrai Dieu et vrai homme, doit être la fin dernière de toutes nos autres dévotions »[3]. L’Incarnation du Verbe est pour lui réalité absolument centrale: « Sagesse éternelle …, je vous adore … dans le sein de votre Père pendant l’éternité, et dans le sein virginal de Marie, votre digne Mère, dans le temps de votre Incarnation  »[4]. L’ardente célébration de la personne du Fils de Dieu incarné, qui se retrouve dans tout l’enseignement du Père de Montfort, garde aujourd’hui son inestimable valeur, car elle relève d’une conception équilibrée du point de vue de la doctrine et elle porte à l’adhésion de tout l’être à Celui qui révèle à l’humanité sa véritable vocation. Puissent les fidèles entendre cette exhortation: « Jésus-Christ, la Sagesse éternelle, est tout ce que vous pouvez et devez désirer. Désirez-le, cherchez-le, … unique et précieuse perle »[5]!

«Jamais la Croix sans Jésus, ni Jésus sans la Croix»

La contemplation des grandeurs du mystère de Jésus va de pair avec celle de la Croix dont Montfort faisait le signal majeur de ses missions. Souvent durement éprouvé, il en a lui-même connu le poids, comme en témoigne une lettre à sa sœur à qui il demande de prier pour « obtenir de Jésus crucifié la force de porter les plus rudes croix et les plus pesantes »[6]. Au jour le jour, il pratique l’imitation du Christ dans ce qu’il appelle l’amour fou de la Croix, dans laquelle il voit « le triomphe de la Sagesse éternelle »[7]. Louis-Marie suivait son Seigneur et faisait « sa demeure dans la Croix »[8].

Totus Tuus, Maria !

Pour connaître la Sagesse éternelle, incréée et incarnée, Grignion de Montfort a constamment invité à se confier à la Très Sainte Vierge Marie, si inséparable de Jésus que l’« on séparerait plutôt la lumière du soleil »[9]. Il demeure un incomparable chantre et disciple de la Mère du Sauveur, en laquelle il célèbre celle qui conduit sûrement vers le Christ: « Si nous établissons la solide dévotion de la Très Sainte Vierge, ce n’est que pour établir plus parfaitement celle de Jésus-Christ, ce n’est que pour donner un moyen aisé et assuré pour trouver Jésus-Christ »[10]

Aussi saint Louis-Marie appelle-t-il à se livrer tout entier à Marie pour accueillir sa présence au fond de l’âme. « Marie devient toute chose à cette âme auprès de Jésus-Christ: elle éclaire son esprit par sa pure foi. Elle approfondit son cœur par son humilité, elle l’élargit et l’embrase par sa charité, elle le purifie par sa pureté, elle l’anoblit et l’agrandit par sa maternité »[11]. Le recours à Marie porte toujours à faire à Jésus une plus grande place dans la vie; il est significatif, par exemple, que Montfort invite le fidèle à se tourner vers Marie avant la communion: « Vous supplierez cette bonne Mère de vous prêter son cœur, pour y recevoir son Fils dans ses mêmes dispositions »[12].

Saint Louis Marie, l’apôtre

Dès son ordination, il écrivait: « Je sens de grands désirs de faire aimer Notre Seigneur et sa Sainte Mère, d’aller, d’une manière pauvre et simple, faire le catéchisme aux pauvres ». Il vécut en pleine fidélité à cette vocation, qu’il fera partager aux prêtres qui le rejoindront. Dans les Règles des Prêtres missionnaires de la Compagnie de Marie, il invite le missionnaire apostolique à prêcher avec simplicité, vérité, sans crainte et avec charité, « et avec sainteté, n’ayant que Dieu seul en vue, sans intérêt que celui de sa gloire, et en pratiquant le premier ce qu’il enseigne aux autres »[13].

Marcheur de l’Évangile, enflammé par l’amour de Jésus et de sa sainte Mère, il sut toucher des foules et leur faire aimer le Christ Rédempteur contemplé sur la Croix. Puisse-t-il soutenir les efforts des évangélisateurs de notre temps !

Saint Jean Paul II

21 juin 1997


[1] L’Amour de la Sagesse éternelle, 13

[2] Traité de la vraie dévotion, 22.

[3] Ibid., 61.

[4] L’Amour de la Sagesse éternelle, 223.

[5] Ibid., 9.

[6] Lettre 24.

[7] L’Amour de la Sagesse éternelle, cap. XIV.

[8] Ibid. 180.

[9] Traité de la vraie dévotion, 63.

[10] Ibid. 62.

[11]  Le Secret de Marie, 57.

[12] Traité de la vraie dévotion, 266.

[13] Règles des Prêtres missionnaires de la Compagnie de Marie, 62.