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Comment saint Joseph dut fuir en Egypte et comment il en revint

La paix, cependant, ne devait pas tarder à être troublée. La même nuit, « un ange du Seigneur apparut à Joseph pendant qu’il dormait » ; et s’adressant au Chef de la Sainte Famille, « il lui dit : Levez-vous, prenez l’enfant et sa mère, fuyez-en Egypte, et demeurez-y jusqu’à ce que je vous dise ; car Hérode cherche l’enfant pour le faire mourir » (Mt. II, 13). Chaque mot de ce message demandait un sacrifice et créait une difficulté. Que d’allées et de venues pour saint Joseph, depuis que le Sauveur est avec lui ! Le repos ne viendra donc jamais ! Fuir est toujours difficile, surtout avec une femme et un enfant. Se retirer en Égypte, si loin, parmi des peuples païens ! Et pour combien de temps ! Quand il avait fallu défendre son peuple contre le Pharaon ou contre Sennachérib, Dieu avait fait un miracle et il avait envoyé son ange. Pour son Fils, rien de semblable !

Que fera saint Joseph ? L’Évangile nous le dit : Joseph, s’étant levé, prit l’enfant et sa mère durant la nuit, et se retira en Egypte » (Mt. II, 14). Pas une plainte ! pas une objection ! pas un signe d’inquiétude ! Voilà bien saint Joseph, l’homme de l’obéissance, de la confiance en Dieu, l’homme selon le cœur de Dieu ! Doucement, il réveilla Marie et l’Enfant. Un regard sur Jésus endormi en avait dit assez à saint Joseph. Si ce Dieu fait homme, si ce Dieu devenu pour nous un faible enfant veut déjà rencontrer la haine et la persécution, s’il veut fuir devant ses créatures, s’il veut être protégé par Joseph, n’est-ce point plus qu’il n’en faut pour tout accepter, pour se soumettre sans réserve ?

Les préparatifs furent bientôt achevés. Joseph se charge lui-même d’une partie des modestes bagages : l’humble monture qui servira à Marie et à Jésus portera le reste. Et tandis que les hommes reposent en paix dans leurs demeures, la Sainte Famille quitte Bethléem et se dirige au sud vers la ville d’Hébron, sans mécontentement, sans précipitation, mais en s’abandonnant à Dieu. C’est ainsi qu’un bas-relief de XIII siècle (Notre Dame de Paris) nous représente ce départ. Saint Joseph conduit la monture par la bride ; ses regards sont affectueusement fixés sur Marie et Jésus. Fra Angelico nous le montre marchant en arrière, chargé de quelques bagages ; son regard respire la confiance ; il ne songe qu’à aller où Dieu l’appelle.

Hébron, le lieu de la sépulture d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, était située dans une vallée fertile, à six lieues environ vers le sud. La route traverse les montagnes de Juda, autrefois plantées de chênes robustes. D’Hébron à Beersheba, il y a encore cinq heures de marche ; puis l’on se dirige vers la mer à travers les plaines que le patriarche Abraham parcourut autrefois avec ses troupeaux. On peut admettre aussi que la Sainte Famille choisit la route directe qui, en passant par Eleuthéropolis, conduit à Gaza, et qui demande environ dix heures. A partir de Gaza, le chemin longe le bord de la mer ; la verdure disparaît de plus en plus et alors commence au « Torrent » ou « Ruisseau d’Egypte » une route longue, déserte, triste qui conduit en neuf jours aux bords du Nil, à travers le petit désert d’Arabie avec ses dunes de sable.

C’est, on le voit, un voyage d’environ cent cinquante lieues ; et la Sainte Famille dut y mettre de trente à quarante jours. Aux Israélites errant dans le désert Dieu avait miraculeusement donné l’eau et la manne : l’Ecriture Sainte ne nous dit point que de pareilles faveurs aient été accordées à la Sainte Famille. Ce qui est certain, c’est que les saints voyageurs eurent à souffrir de la fatigue, de la chaleur du jour, de la fraîcheur de la nuit, et des mille incommodités d’une hospitalité aussi sommaire que celle des Khans, d’ailleurs très rares, qu’ils purent rencontrer sur leur route. Mais ils supportèrent tout avec joie. Il s’agissait de sauver l’Enfant ; et tous ces maux passaient, comme passent toutes choses, ici-bas, les souffrances comme les joies.

Les voyageurs arrivèrent au premier bras du Nil, et la terre d’Egypte s’ouvrit à eux comme un paradis d’une beauté et d’une fertilité merveilleuses. Ils étaient dans la terre de Gessen, habitée autrefois par les Israélites. Mais il est probable que la Sainte Famille alla jusqu’à Héliopolis, à proximité de la ville actuelle du Caire.

Cependant Hérode, dans le palais de David, attendait en vain le retour des Mages. « Voyant que les mages s’étaient moqués de lui, il entra dans une grande colère, et il envoya tuer, dans Bethléem et dans tout le pays d’alentour, tous les enfants âgés de deux ans et au-dessous… On vit alors s’accomplir ce qui avait été dit par le prophète Jérémie… Rachel pleure ses enfants et ne veut point recevoir de consolations, parce qu’ils ne sont plus » (Mt. II, 16-18 ; Jérém. XXXI, 15). Un an à peine s’était écoulé depuis que la Sainte Famille, traversant le plateau de Réphaïm entre Bethléem et Jérusalem, était arrivée en ces lieux où Jacob, la tristesse au cœur, avait enseveli Rachel ; elle ne savait point que la prophétie dût s’accomplir aussi tôt et qu’en cette contrée, alors si paisible, retentiraient des cris de douleur à cause même de l’Enfant que Marie portait entre ses bras et sur qui Joseph veillait avec tant de sollicitude. Celui que le cruel Hérode poursuivait en faisant mourir les saints Innocents, lui échappa : il était en Égypte, en sécurité sous la garde de Joseph.

La vie des exilés fut, comme on pense bien, une vie de travail et de souffrance ; mais travaux et souffrances avaient leurs joies. C’est à Babylone, un faubourg de la ville moderne du Caire, que saint Joseph se serait fixé, peut-être dans quelque ruelle étroite, sombre, dominée par de hautes maisons : du moins c’est là qu’on montre, aujourd’hui encore, une demeure qui aurait été celle de la Sainte Famille. Autrefois, Joseph, le fils de Jacob, – une figure de notre saint patriarche – avait commandé en Egypte : puissant, honoré de tous, il avait nourri le peuple de Dieu en lui ouvrant les greniers de l’Egypte. Mais le Sauveur voulut être pauvre ; et, par conséquent, Marie et Joseph aimèrent la pauvreté, et c’est au prix de nombreuses privations que, sur cette terre étrangère, ils nourrirent du travail de leurs mains Celui de qui toute créature tient l’être et reçoit sa subsistance. Joseph exerçait le métier de charpentier ; Marie cousait et filait.

Quelle souffrance aussi pour la Sainte Famille que le spectacle de l’idolâtrie de ce peuple, d’ailleurs vanté pour sa sagesse, et qui adorait toutes choses… des crocodiles, des chats, des oignons ! Le pays lui-même – en dehors des rives à peu près immédiates du Nil, où la fertilité est merveilleuse – le pays lui-même, d’un aspect monotone comme le désert que le regard rencontre partout, ne rappelait en rien les grâces paisibles de la charmante Galilée.

Mais, nous l’avons dit, les travaux, la pauvreté et la souffrance avaient leurs joies. Pour les israélites fidèles, l’Egypte était une terre sainte, riche en souvenirs précieux, leur rappelant Abraham, Jacob, Joseph, Moise et le peuple de Dieu qui s’était formé, qui avait grandi à l’ombre des pyramides. La Sainte Famille le savait ; et c’était pour elle un continuel sujet de consolation et d’édification. A cette époque encore, de nombreuses familles juives habitaient l’Egypte ; elles avaient même un temple magnifique, élevé par le grand prêtre Onias IV. Joseph et Marie purent entrer en relation avec ces familles. Ils goûtaient, en outre, leur consolation dans leur esprit de foi, dans leur abandon à la volonté divine. Dieu, ils le trouvaient en Egypte comme à Nazareth, comme à Bethléem ; et c’était une satisfaction pour leur âme. L’Enfant divin lui-même était leur joie la meilleure et la plus douce. Si l’exil se prolongea, c’est donc en Egypte que le Sauveur fit ses premiers pas, balbutia ses premières paroles et, un jour, – quel ravissement, – donna à Joseph le nom de « père », à Marie le nom de « mère » !

Grotte de la Sainte Famille. Le Caire, Egypte.

L’Egypte voyait ainsi se réaliser la promesse faite par les prophètes ; elle recueillait les bénédictions annoncées (Is. XIX. 19 ; Deut., XXIII, 7). Et, sans doute, c’est à cette présence de la Sainte Famille que l’Égypte dut, plus tard, le merveilleux épanouissement de la foi chrétienne, qui, peuplant le désert d’une multitude de solitaires et de religieux, fit de cette terre désolée le foyer de la vie mystique !

On ignore combien de temps la Sainte Famille séjourna en Égypte. Y demeura-t-elle quelques mois ou quelques années ? les opinions sont partagées. Ce que nous savons, c’est que l’exil prit fin avec le règne d’Hérode : le tyran qui avait fait périr tant d’innocentes victimes, mourut d’une maladie cruelle qui le frappa à Jéricho. Ses fils se partagèrent son royaume. Arkélaüs, l’aîné, aussi cruel et aussi débauché que son père, eut la Judée pour sa part.

Alors, « un ange du Seigneur apparut à Joseph en Egypte pendant qu’il dormait et lui dit : Levez-vous, prenez l’enfant et sa mère, et retournez dans le pays d’Israël ; car ceux qui cherchaient l’enfant pour lui ôter la vie sont morts. » (Mt. II, 19-20). Joseph reçut ce message avec une joie paisible ; il rendit grâces à Dieu ; et, plein de reconnaissance pour tous ceux qui s’étaient montrés bienveillants envers lui, il se mit en route avec Jésus et Marie. Quittant les rues sombres et les voûtes des bazars de la cité égyptienne, la Sainte Famille se dirigea vers la mer et suivit le chemin qu’elle avait pris en venant de Bethléem. Quelle joie, en apercevant de nouveau les collines et les montagnes de la Terre Sainte !

Esdrelon

Joseph avait l’intention de se fixer à Bethléem ; mais le caractère trop connu d’Arkélaüs le faisait hésiter : il appréhendait la violence de ce prince. Dans ce doute, « ayant reçu pendant qu’il dormait un avertissement du ciel, il se retira dans la Galilée », et vint demeurer « à Nazareth » (Mt. II, 22-23). La Sainte Famille continua donc sa route par Joppé (Jaffa), longeant le Carmel et traversant la plaine d’Esdrelon jusqu’aux collines et aux montagnes qui protègent Nazareth. C’est « afin que cette prédiction des prophètes fût accomplie : Il sera appelé Nazaréen » (Mt. II, 23), c’est-à-dire « séparé », « fleur ». C’est donc à Nazareth que s’épanouit l’enfance de Jésus et Joseph avait la mission de veiller sur cette fleur du ciel.

Saint Joseph, dans la Vie de Jésus-Christ et dans la Vie de l’Eglise

R. P. M. Meschler S. I.

“Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume”

Lire l’évangile de la Solennité du Christ Roi  (Lc 23, 35-43)

christ_roi_institut_du_verbe_incarneDans ce dimanche où nous célébrons avec joie cette solennité du Christ Roi de l’univers, l’Eglise nous invite à méditer le moment de la croix et cela peut nous sembler étrange. Aux yeux des hommes, ce Roi crucifié n’avait plus de pouvoir, le royaume est tombé dans l’échec ; les chefs religieux lui demandent en se moquant de Lui, de se sauver, tout comme les soldats et un des malfaiteurs, on demande au Seigneur d’abandonner la Croix, d’en descendre, d’arrêter la souffrance et se montrer puissant face au pouvoir et à la force de ce monde.

Pourtant sur sa tête, on lit qu’Il est roi, un roi couronné d’épines. Un roi qui a choisi de régner sur le bois de croix, comme le chante un très bel hymne le dimanche des rameaux. Un roi qui pour être roi comme Il veut, doit régner depuis la croix.

Dans cette heure suprême du premier vendredi saint de l’histoire, l’unique voix qui reconnaitra la royauté du Christ sera l’autre malfaiteur.

christ_roi_institut_du_verbe_incarne« Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras avec ton Royaume ». Dans ces mots au milieu de son agonie, ce malfaiteur reconnaît que Jésus est quelqu’un de puissant ; le malfaiteur demande la Miséricorde, que Dieu se souvienne de Lui au moment où Il viendra comme juge avec son Royaume.

« Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis». Saint Thomas d’Aquin se demande « comment le Seigneur peut dire au bon larron qu’Il sera avec lui ce même jour au Paradis ?»(notre foi nous apprend, en fait, qu’après sa mort, Jésus descend aux enfers, au sein d’Abraham pour y chercher tous les justes morts avant sa venue).  Et le grand théologien nous donne la réponse, l’âme de Jésus est toujours unie à la divinité, être avec Jésus signifie être dans le Paradis ; contempler son âme pleine de la divinité c’est comme contempler le Ciel : lorsque l’âme du bon larron sera avec l’âme du Seigneur, il sera donc dans le Ciel. Nous pouvons ajouter encore que le mot Paradis vient du perse et signifie « le jardin fermé d’un roi » où lui seul pouvait se promener, être invité à se promener avec lui  était l’un des plus grands honneurs.christ_roi_institut_du_verbe_incarne

Nous reconnaissons aussi la royauté du Christ, pour nous, les chrétiens, le Christ est notre Roi. Mais quelqu’un peut se demander : En fait, il semblerait qu’Il ne règne pas trop dans notre monde aujourd’hui ? S’il s’agit que les nations reconnaissent sa royauté, nous ne le voyons pas non plus de nos jours. Mais, le fait que le Seigneur ne règne pas, ce n’est pas sa faute à Lui, ne signifie pas non plus qu’Il manque de pouvoir pour le faire.

Christ the King 4.pdfEn fait, avant d’instaurer son royaume dans la société, le Seigneur veut régner d’abord dans les cœurs des hommes et c’est par son amour qu’Il veut les conquérir pour les libérer de la servitude du péché.

Nous ne pouvons pas non plus imaginer un royaume prenant en comparaison les modèles politiques de notre monde. Le Seigneur avait dit devant Pilate : « Mon royaume ne procède pas de ce monde », il ne poursuit pas des intérêts politiques ou économiques, il n’est poussé par aucun intérêt matériel. Il cherche à régner de façon invisible par la grâce et sa souveraineté est invisible mais tout à fait réelle.

Il y avait un temps dans notre histoire où les rois se soumettaient à la loi du Christ, où les nations (surtout en Europe) imprégnaient leurs lois de l’esprit de l’Evangile, où il y avait des rois et des reines qui cherchaient à vivre la sainteté dans leurs vies et à être des modèles pour les autres dans leurs règnes.

christ_roi_institut_du_verbe_incarneIl est curieux de relever que dans ce temps, tout le monde pensait que la terre était au centre de l’univers, et que les autres astres, même le soleil tournaient autour d’elle. Pourtant, cette époque savait regarder vers le Ciel ; ce monde, notre planète, n’avait qu’une mission, les préparer pour le Ciel, ces gens-là savaient regarder vers le Ciel.

christ_roi_institut_du_verbe_incarneAujourd’hui nous savons que notre planète n’est pas du tout le centre de l’univers, tout au contraire, elle est un petit point au milieu des grandes étoiles et constellations, tous les hommes les savent et pourtant, ils vivent comme si tous les espoirs devaient se concentrer en elle, nous soupirons pour ce monde, nous avons cloué notre regard en lui, oubliant le ciel, bien que nous disions être beaucoup plus en avance que le monde passé .

Et le Christ règnera-t-il encore une fois dans nos sociétés et dans nos pays? Il y aura dans le futur des pays qui se proclament chrétiens et qui le seront en vérité (plus important encore) ? Dieu seulement le sait, mais il est vrai que cela dépend beaucoup de notre liberté. Mais si Jésus-Christ règne vraiment dans nos cœurs, Il a déjà conquis une partie, une grande partie de ce qui lui appartient.

Laissons Jésus régner dans nos cœurs, qu’Il fasse en nous un royaume de vérité et de vie, un royaume de sainteté et de grâce, un royaume de justice, d’amour et de paix, comme nous lui demandons aujourd’hui au moment de la préface.

Que le Christ règne dans nos cœurs, comme Il a commencé à régner le vendredi de sa mort dans le cœur du bon larron, comme disait un père de l’Eglise : “nous connaissons quelqu’un qui se convertit au dernier moment de sa vie pour que nous ne tombions pas dans le désespoir, mais aussi nous n’en connaissons qu’un seul cas, pour ne pas tomber dans un excès de confiance”.

Nous allons finir avec l’histoire de ce bon larron, à qui la tradition de l’Eglise a donné un prénom, saint Dismas ou Dimas, et sa mémoire est célébrée le 25 mars.

christ_roi_institut_du_verbe_incarneEt une légende espagnole du moyen âge raconte qu’au moment où la sainte Famille échappée du Roi Hérode vers l’Egypte,  fut prise en otage en chemin par des bandits, un des chefs voulut tuer l’enfant Jésus, mais un autre eut pitié d’eux, les laissant en vie et les amenant passer la nuit à la grotte où il vivait avec sa famille, ce bandit avait eu un nouveau-né couvert de lèpre.

Alors la Vierge Marie, ayant lavé le Corps sacré de Jésus, prit ensuite cet enfant malade pour faire de même avec lui et à ce moment le petit fut guéri de sa maladie.

christ_roi_institut_du_verbe_incarnePar la suite, cet enfant devint malfaiteur comme son père, finissant sa vie crucifié à côté du Seigneur ; et comme au début de sa vie où son corps avait été guéri, c’est alors par la miséricorde de Dieu que son âme fut purifiée de la lèpre du péché. A la dernière minute de sa vie avec la promesse du Sauveur, ce bon larron a volé le Ciel.

Demandons à la très Vierge Marie la grâce de que son Fils règne dans nos cœurs et dans le cœur de tous les chrétiens.

P. Luis Martinez V. E.

Institut du Verbe Incarné