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« Que nous faut-il faire ? »

Homélie pour le IIIe. Dimanche du temps de l’Avent, année C (Lc 3, 10-18)

Nous sommes déjà dans le troisième dimanche du temps de l’Avent et la liturgie propose la couleur rose, indiquant que ce dimanche est le dimanche de « Gaudete », de joie, une joie anticipée de la nuit de Noël, on annonce déjà la joie de la Nativité de notre Sauveur.

« Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! », nous dit d’abord le prophète Sophonie, il est intéressant de rappeler que le moment de l’histoire où le prophète fait cette annonce, c’est celui de l’Exil du peuple d’Israël, le peuple ayant été amené en captivité en Babylone et éloigné de sa terre et encore pire de son Temple de Jérusalem, quand bien même ce Temple était à ce moment totalement abandonné. Au milieu de cette grande détresse, la voix du prophète parle d’une libération, d’un pardon de la part de Dieu car c’est en raison de son infidélité qu’ Israël avait subi cet exil. 

«Le Seigneur est roi d’Israël au milieu de toi»; cela signifierait littéralement «est dans ton sein», avec une claire référence à la présence de Dieu dans l’Arche de l’Alliance, toujours placée au milieu du peuple d’Israël. Et nous savons que la joie qui est promise dans ce texte prophétique trouve son accomplissement en Jésus, qui est dans le sein de Marie, la « Fille de Sion », et il place ainsi sa demeure parmi nous (cf. Jn 1, 14). En effet, en venant au monde, il nous donne sa joie, comme Il le confie lui-même à ses disciples : « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » (Jn 15, 11).

Dans la deuxième lecture, saint Paul invite les chrétiens de Philippes à se réjouir dans le Seigneur. Pouvons-nous nous réjouir? Et pourquoi faut-il se réjouir? La réponse de saint Paul est : car «le Seigneur est proche!» (Ph 4, 5).

Lorsque Saint Paul écrit la lettre aux Philippiens, il est en prison, prisonnier à cause de la prédication de l’Evangile, mais il invite les chrétiens de Philippe à se réjouir, et c’est par deux fois qu’il leur recommande de le faire.

Considérons cela, dans les deux lectures, l’invitation à se réjouir provient d’une situation difficile, d’une situation de souffrance. Pourtant, ils invitent les autres à se réjouir dans le Seigneur.

« Soyez toujours dans la joie du Seigneur », saint Paul veut vraiment être clair avec l’origine de la joie, la joie est dans le Seigneur et non pas dans le monde.

« Qu’est-ce que se réjouir dans le monde ? commente saint Augustin ; se réjouir du mal, de la médiocrité, des choses déformées (corrompues) et qui déshonorent. Dans toutes ces choses, le monde trouve sa joie… Par conséquent, frères, “réjouissez-vous dans le Seigneur”, non dans le monde, c’est-à-dire réjouissez-vous de la vérité, non du mal; réjouissez-vous avec l’espérance de l’éternité, non avec la fleur de la vanité. Que ce soit votre joie où que vous soyez, et quand vous vous trouverez ainsi, « Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien. »

L’Evangile d’aujourd’hui, la troisième partie de la liturgie de la Parole, nous enseigne que pour accueillir le Seigneur qui vient, nous devons nous préparer en observant bien notre conduite de vie. Aux différentes personnes qui demandent ce qu’elles doivent faire pour être prêtes à la venue du Messie (cf. 3, 10.12.14), Jean-Baptiste répond que Dieu n’exige rien d’extraordinaire, mais que chacun vive selon les critères de solidarité et de justice.

Nous remarquons aussi la grande humilité de Jean qui reconnaît que sa mission est celle de préparer la route à Jésus. Et, comme nous l’avons entendu, ce grand prophète utilise des images fortes pour inviter à la conversion, mais il ne le fait pas dans le but de susciter la crainte, mais plutôt pour encourager à bien accueillir l’Amour de Dieu, qui lui seul peut vraiment purifier la vie. Dieu se fait homme comme nous pour nous donner une espérance qui est certitude: si nous le suivons, si nous vivons avec cohérence notre vie chrétienne, Il nous attirera à Lui, il nous conduira à la communion avec Lui; et dans notre cœur régnera la vraie joie et la vraie paix, même dans les difficultés, même dans les moments de faiblesse.

 « Que nous faut-il donc faire ? » (Lc 3, 10.12.14). Ces dialogues sont très intéressants et se révèlent d’une grande actualité.

La première réponse est adressée à la foule en général. Jean-Baptiste dit : « Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même » (v. 11). Nous pouvons voir ici un critère de justice, animé par la charité. La justice demande de dépasser le déséquilibre entre celui qui a le superflu et celui qui manque du nécessaire ; la charité pousse à être attentif à l’autre et à aller au-devant de ses besoins, au lieu de trouver des justifications pour défendre ses propres intérêts. Justice et charité ne s’opposent pas, mais sont toutes deux nécessaires et se complètent mutuellement.

Nous voyons ensuite la deuxième réponse, adressée à quelques « publicains », c’est-à-dire des percepteurs des taxes pour le compte des Romains. Les publicains étaient déjà méprisés pour cette raison, et également parce qu’ils profitaient souvent de leur position pour voler. Jean-Baptiste ne leur dit pas de changer de métier, mais de ne rien exiger de plus que ce qui a été fixé (cf. v. 13). Le prophète, au nom de Dieu, ne demande pas de gestes exceptionnels, mais avant tout l’accomplissement honnête de son devoir. Le premier pas vers la vie éternelle est toujours l’observance des commandements ; dans ce cas le septième : « Tu ne voleras pas » (cf. Ex 20, 15).

La troisième réponse concerne les soldats, une autre catégorie dotée d’un certain pouvoir, et donc tentée d’en abuser. Aux soldats, Jean dit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. » (v. 14). Ici aussi, la conversion commence par l’honnêteté et le respect des autres : une indication qui vaut pour tous, spécialement pour ceux qui ont les plus hautes responsabilités.

Pour conclure, écoutons ce que Saint Jean Chrysostome (Catena Aurea) dit par rapport à cet évangile : « En traçant ces règles si simples de conduite aux publicains et aux soldats, Jean-Baptiste voulait les élever à une perfection plus grande, mais comme ils n’en étaient pas encore capables, il leur donne des préceptes plus faciles, car s’il leur avait proposé tout d’abord les obligations d’une vie plus parfaite, ils n’y auraient donné aucune attention, et seraient demeurés privés de la connaissance des devoirs plus ordinaires et plus faciles ».

Prions alors le Seigneur, par l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie, afin qu’il nous aide à nous préparer à Noël en portant de bons fruits de conversion (cf. Lc 3, 8).

P. Luis Martinez IVE.

L’absence du Seigneur n’est pas pour toi une absence; avec la foi tu Le possèdes sans le voir.

III Dimanche de Pâques. Les disciples d’Emmaüs

Nous sommes déjà dans ce troisième dimanche de Pâques, et la liturgie de la Parole nous présente le passage des disciples d’Emmaüs.

Entendre cet évangile nous donne toujours une consolation spéciale, la description que fait de ce moment saint Luc est très vivante, facile à imaginer ; et elle est pleine de significations spirituelles pour nous.

Le même dimanche de la Résurrection, ces deux disciples, une fois le grand sabbat achevé où l’on ne pouvait pas se déplacer, abandonnent Jérusalem vers la ville d’Emmaüs.

Il est presque évident que l’objectif de leur départ était de s’éloigner de la ville et s’éloigner de la catastrophe que signifiait pour eux la crucifixion et la mort de Jésus. On dirait qu’ils échappent finalement de la Croix et de la Passion, ils voulaient un Christ glorieux sans passer par la croix et la mort, sans la Rédemption par le sang. Comme beaucoup d’entre nous, qui voulons parfois un christianisme sans exigences, sans sacrifices, sans compromis, enfin un christianisme facile ; lorsque notre Seigneur nous dit toujours que pour le suivre il faut porter la croix.

Cette tristesse et cette déception de l’image de Jésus qu’ils avaient créée font que ces disciples s’éloignent aussi de l’Eglise, représentée par la petite communauté qu’ils quittent. La tristesse les fait aussi s’éloigner de la bonne compagnie qui pourrait éventuellement les consoler, et cela est aussi pour une image de ce qu’on ne doit pas faire.   

Ce dimanche, nous allons suivre les beaux commentaires de saint Augustin sur cette page de l’évangile, bien que notre saint a vécu il y a plus de 15 siècles, il ne cesse jamais d’illuminer l’Eglise avec ses enseignements qui sont toujours actuels car la vérité ne change pas. Comme tous les saints de l’histoire qui ont imité le Christ, Saint Augustin est toujours un compagnon de route qui veut aussi nous expliquer les écritures pour que nous comprenions comme lui l’a compris avant dans sa vie, l’amour que le Christ a pour chacun de nous et comment l’œuvre de Dieu s’accomplit dans l’histoire de l’homme.

Laissons donc parler ce grand père de l’Eglise:

Jésus leur apparut, dit-il, ils le voyaient et ne le reconnaissaient pas. Le Maître marchait avec eux sur le chemin, ou plutôt il était lui-même leur Chemin ; mais eux ne marchaient pas en lui et il les en trouva égarés.

Il leur avait tout prédit, mais sa mort leur avait fait tout oublier; en le voyant cloué à la croix (les disciples) se troublèrent jusqu’à perdre le souvenir de ses enseignements, l’attente de sa résurrection, et jusqu’à ne plus tenir à ses promesses.

«Nous espérions, disent-ils, que c’était lui qui devait racheter Israël». Vous l’espériez, chers disciples? Et vous ne l’espérez donc plus? Comment! le Christ est vivant; et en vous la foi est morte? Oui, le Christ est vivant, mais il a trouvé la mort dans le cœur de ses disciples qui le regardent sans le voir, qui le voient sans le reconnaître. 

Ils le considéraient comme un compagnon de voyage, lui qui était leur guide suprême ; et c’est ainsi qu’ils le voyaient sans le reconnaître.

Ils avaient perdu la foi, ils avaient perdu l’espérance, et c’étaient des morts qui marchaient avec un vivant, des morts qui marchaient avec la Vie même. La Vie marchait bien avec eux, mais elle n’était pas rentrée encore dans leurs cœurs.

Notre cœur se réjouit, dit toujours Augustin dans une autre homélie, quand nous découvrons que nous valons mieux que ces hommes, eux qui marchaient sur la route et à qui le Seigneur apparut.”

Car nous croyons ce qu’ils ne croyaient pas encore. Ils avaient perdu l’espérance, et là où ils doutaient, nous-mêmes n’avons aucun doute. Ils avaient perdu l’espérance au Seigneur crucifié ; on le voit à leurs paroles. “Et vous chrétiens de l’année 2020, vous avez vraiment la foi et l’espérance ? ” pourrait aussi nous demander notre grand docteur. La souffrance et la douleur de ce monde, et toutes les épreuves que vit l’humanité, et l’on ne parle pas ici seulement de la pandémie, pensons aussi aux guerres, la famine, le phénomène de la migration, la persécution religieuse, l’attaque à la bonne morale, à l’éthique que nous souffrons aujourd’hui. Dans notre monde, le péché est une institution et le bien moral est parfois le coupable. Et nous, nous croyons en Jésus ? Vraiment, nous espérons en Lui ?  

Quand Jésus leur demande, poursuit Saint Augustin : De quoi causiez-vous donc, tout en marchant, et pourquoi êtes-vous tristes ? ils répondent : Tu es bien le seul de tous ceux qui étaient à Jérusalem, à ignorer les événements de ces jours-ci. – Quels événements ! répliqua Jésus. Lui qui sait tout, il les questionne lui-même, parce qu’il désire être dans leur cœur.

Vous espériez, et maintenant vous n’espérez plus? C’est ainsi que vous êtes ses disciples ? Le malfaiteur crucifié avec Jésus (le bon larron) vous a surpassés ! Vous avez oublié celui qui vous instruisait, tandis que le larron a reconnu son compagnon de supplice : Seigneur, souviens-toi de moi, quand tu viendras inaugurer ton règne (Lc 23,42). Oui, parce que c’est lui qui devait racheter Israël. Cette croix était une école où le maître instruisait le bandit. Le bois où Jésus était cloué devint la chaire de son enseignement. Celui qui vous a rejoints, puisse-t-il vous rendre l’espérance ! Et c’est ce qui est arrivé.

Rappelez-vous cependant, frères très chers, comment le Seigneur Jésus, alors qu’avant les yeux de ses disciples étaient empêchés de le reconnaître, voulut être reconnu au partage du pain. Les fidèles comprennent ce que je veux dire – réfléchit encore le grand Docteur– , eux aussi reconnaissent le Christ au partage du pain, mais de ce pain qui, recevant la bénédiction du Christ, devient le corps du Christ.

Les disciples d’Emmaüs n’ont pas voulu laisser leur compagnon de voyage partir, ils voulaient que Jésus demeure avec eux, en même temps qu’ils pratiquaient l’hospitalité, ils étaient bénéficiés de la compagnie du Fils de Dieu.

Et pour cela, continue Augustin : “L’hospitalité leur rendit ce que le manque de fois leur avait fait perdre, et le Seigneur se montra à eux au moment de la fraction du pain. Apprenez donc quand est-ce que vous devez rechercher le Seigneur, le posséder, le reconnaître ; c’est quand vous mangez (le pain consacré, l’eucharistie). Les fidèles voient dans cette lecture quelque chose de bien supérieur à ce qu’y voient ceux qui ne sont pas initiés (pas des vrais croyants).”

Mais, il ne suffit pas parfois de recevoir l’instruction, explique notre saint d’Hippone, si cela n’est pas mis en pratique ; il faut vivre la foi, la foi est révélée dans les œuvres.  « En effet, les disciples d’Emmaüs avaient reçu l’enseignement de la parole (au long du voyage). Et c’est parce qu’ils ont pratiqué à l’égard de Jésus l’hospitalité, qu’ils ont mérité de connaître lors de la fraction du pain celui qu’ils n’avaient pas reconnu lorsqu’il leur expliquait les Écritures, ‘car ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi, qui sont justes aux yeux de Dieu, mais ce sont ceux qui la pratiquent qui seront justifiés’. (Rm 2) »

Le Seigneur Jésus se fit donc reconnaître, et il disparut aussitôt après. S’il les quitta de corps, il resta avec eux par la foi; et, si aujourd’hui encore il est pour toute l’Eglise absent corporellement et résidant au ciel, c’est pour élever la foi. Eh! où serait la tienne, si tu ne connaissais que ce que tu vois? Si tu crois au contraire ce que tu ne vois pas, quels transports lorsque tu seras en face de la réalité! Fortifie donc ta foi, puisque tu verras un jour !

Au moment de la fraction du pain. Nous aussi, nous en sommes sûrs, en rompant le pain nous reconnaissons le Seigneur. S’il ne voulut se dévoiler qu’en ce moment, c’était en vue de nous qui, sans le voir dans sa chair, devions manger sa chair. Toi donc, qui que tu sois, toi qui es vraiment fidèle, toi qui ne portes pas inutilement le nom de chrétien, toi qui n’entres pas sans un vrai désir dans l’église, toi qui entends la parole de Dieu avec crainte et avec confiance, quelle consolation pour toi dans cette fraction du pain! L’absence du Seigneur n’est pas pour toi une absence; avec la foi tu Le possèdes sans le voir.

Que la très Sainte Vierge Marie et saint Augustin nous aident à grandir dans l’esprit de foi et d’espérance.

P. Luis Martinez IVE.

Citations des Sermons 234 et 235 et « Questions évangéliques » (cité en Catena Aurea par saint Thomas d’Aquin)