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Une Femme revêtue du soleil!

“Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête…” (Ap 12, 1-6).

Chers frères et sœurs, aujourd’hui nous sommes de nouveau réunis à l’autel du Seigneur, pour célébrer à cette occasion la fête du Cœur Immaculé de Marie. Et je ferai ce sermon de la manière suivante : deux références, l’une, à la Vierge de Lujan, l’autre, à la Vierge de Fatima ; un thème central, et une application aux 7 novices qui reçoivent aujourd’hui leur habit religieux.

I. Références

Je veux faire référence à cet aspect de la Vierge de Lujan, que l’on peut voir dans l’une des parures qui l’accompagnent, comme c’est le cas des rayons (en espagnol « rayera ») , que le père Jorge María Salvaire lui a fait placer pour se distinguer des autres images de la Vierge en Argentine, à la fin du XIXe siècle. Pourquoi ? Parce que l’Image de Lujan est une Immaculée, c’est la Conception Immaculé et Pure de la Sainte Vierge.

Et la « rayera » nous rappelle cette Femme de l’Apocalypse ; car comme nous avons entendu dans la première lecture de façon très claire, il s’agit d’une Femme vêtue de soleil. Marie est la femme vêtue du soleil. María de Lujan est la femme vêtue de soleil !

Et de plus, c’est le texte que le pape Jean-Paul II a voulu choisir pour être lu comme première lecture de la messe solennelle pour la béatification de François et Jacinthe à Fatima, célébrée il y a peu de temps. Dans le même sermon, le pape a donné quelques indications sur la Vierge de Fatima comme cette femme vêtue de lumière.

II. La robe de soleil

Le texte de l’Apocalypse, riche de contenu, indique le temps merveilleux de l’attente et de l’espérance, car cette Femme vêtue de lumière est celle qui enfante un Fils. Et une sorte de rencontre cosmique s’y produit, entre personnages qui dépassent le simple niveau humain. Ce sont : la Femme, exceptionnelle, vêtue de soleil ; le Fils que la Femme revêtue de soleil enfante ; et le dragon, qui représente le serpent infernal.

Ce passage de l’Apocalypse renvoie, selon les meilleurs exégètes, à divers textes de l’Ecriture Sainte :

– au Proto-évangile de la Genèse. Là, on parle déjà de la femme : Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta lignée et la sienne (3, 15) ;

– à la “Vierge Mère”, selon la prophétie du Messie en Isaïe 7,14.

– à la Nouvelle Jérusalem, mère du peuple messianique d’Isaïe 66, 7.

– à la vision du dragon du prophète Daniel 7,7.

C’est pourquoi pour déchiffrer ce que signifie cette Femme vêtue de soleil, les éléments descriptifs sont très utiles, qui montrent que cette Femme représente aussi la Fille de Sion, le peuple saint des temps messianiques, l’Église persécutée.

“Vêtue de soleil”, car c’est une figure céleste. La Sion eschatologique ne brille pas de sa propre lumière, mais de la gloire de Dieu. La Femme est toute lumière : il n’y a pas de tache en elle, il n’y a pas de ténèbres en elle. C’est l’Immaculée !

« Avec la lune sous ses pieds », c’est-à-dire toute l’histoire humaine, tous les siècles lunaires lui sont soumis. Aussi l’histoire du XXe siècle, et aussi l’histoire du XXIe siècle et des siècles à venir.

“Sur sa tête (de la femme vêtue du soleil) une couronne de douze étoiles.” Cette femme est une image de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ainsi, sur la tête couronnée sont représentés par les étoiles les 12 tribus d’Israël et les 12 apôtres ; de sorte que les astres désignent aussi les communautés chrétiennes car le nombre 12 revendique à la fois les 12 tribus d’Israël et le groupe des Douze Apôtres, colonnes de l’Église, et sa fondation.

De la combinaison des révélations que nous donne le livre de l’Apocalypse, nous obtenons que la femme représente l’Église, la communauté chrétienne : c’est Elle et elle seule qui peut engendrer le Fils et les autres enfants, c’est à dire , nous- mêmes [1] .

Mais ce qui est dit de l’Église peut s’appliquer, et doit s’appliquer à la Sainte Vierge et aussi dans le sens inverse : ce qui est dit de la Vierge peut et doit s’appliquer à l’Église, comme le suggérait un saint abbé du XIIe siècle : « Marie et l’Église sont une mère et plusieurs mères… Dans les Écritures divinement inspirées, ce qui est dit universellement de la Vierge Mère Église, s’entend d’une manière singulière de la Vierge Mère Marie, et ce qui est dit d’une manière spéciale, singulière, de Marie s’entend dans un sens général de la vierge Mère Église…» (Bienheureux Isaac de Stella).

Et c’est frappant, mais… nous vivons une époque curieuse ! La Vierge de Fatima apparaît aux trois petits bergers, dans les différentes visions, notamment le premier jour, le 13 mai 1917, sous la forme d’une Femme revêtue du soleil. Sœur Lucie, que j’ai eu le plaisir de saluer personnellement par la grâce de Dieu, dit :

«En jouant avec Jacinthe et François en haut de la pente de Cova de Iría, en faisant un mur autour d’un buisson, nous avons soudainement vu la foudre.

“C’est mieux de rentrer maintenant,” disais-je à mes cousins, “il y a des éclairs, un orage pourrait arriver.”

– Eh bien oui.

Et nous commençâmes à descendre la pente, guidant les moutons en direction de la route. Lorsque nous arrivâmes plus ou moins à mi-pente, tout près d’un gros chêne qui s’y trouvait, nous vîmes un autre éclair ; et, faisant quelques pas plus loin, nous vîmes une Dame sur un chêne, toute vêtue de blanc, plus brillante que le soleil, rayonnant une lumière plus claire et plus intense qu’un vase de verre, rempli d’une eau cristalline, transpercée par les rayons du soleil le plus ardent. Nous nous sommes arrêtés surpris par l’apparition. Nous étions si proches que nous restions dans la lumière qui l’entourait, ou qu’elle rayonnait. Peut-être à cinq mètres environ.

Alors Notre-Dame nous a dit :

– N’ayez pas peur. Je ne vais pas vous faire de mal.

– D’où venez-vous ?

– Je viens du Ciel.

– Et que voulez vous?

(…)

– Voulez-vous vous offrir à Dieu pour endurer toutes les souffrances qu’Il veut vous envoyer, en acte de réparation des péchés dont Il est offensé et en supplication pour la conversion des pécheurs ?

– Oui.

– Vous aurez beaucoup à souffrir, mais la grâce de Dieu sera votre force».

Il se produit chez des enfants de 10, 9 et 7 ans, une expérience certainement mystique, l’expérience de l’union avec Dieu, que Sœur Lucie décrit des années plus tard avec ces mots :

C’est en prononçant ces dernières paroles (la grâce de Dieu, etc.) qu’elle ouvrit pour la première fois les mains, et nous communiqua, comme par un reflet qui émanait d’elles, une lumière si intense que, pénétrant notre cœur et jusqu’au plus profond de notre âme, elle nous faisait nous voir nous-mêmes en Dieu qui était cette lumière, plus clairement que nous nous voyons dans le meilleur des miroirs. Alors, par une impulsion intérieure qui nous était communiquée, nous tombâmes à genoux et nous répétions intérieurement:

– Ô, Très Sainte Trinité, je vous adore. Mon Dieu, mon Dieu, je vous aime dans le très Saint Sacrement.

Les premiers moments passés, Notre Dame ajouta:

– Récitez le chapelet tous les jours, afin d’obtenir la paix pour le monde et la fin de la guerre.»

Aussitôt elle se mit à s’élever doucement, s’élevant vers l’ascendant, jusqu’à disparaître dans l’immensité du lointain. La lumière qui l’entourait se frayait un chemin à travers la voûte des étoiles, c’est pourquoi nous avons dit un jour que nous avions vu le Ciel s’ouvrir.

C’est une expérience mystique très élevée.

La Vierge de Fatima est aussi l’Immaculée, et c’est pourquoi l’ange de la troisième apparition, qui eut lieu entre juillet et août de l’année précédente, leur avait déjà dit qu’ils devaient prier le Cœur Immaculé de Marie.

A propos de la « Femme vêtue de soleil », Sa Sainteté Jean-Paul II en avait donné une interprétation très intéressante :

«“La femme revêtue de soleil” de l’Apocalypse de Jean est la femme qui, après le péché de l’homme, a été introduite au centre de la lutte contre l’Esprit des ténèbres».

Il y a donc un autre élément essentiel : non seulement la Femme est toute lumière, mais une Femme qui lutte ! C’est une femme qui est contre la force et la puissance du mal, comme Dieu l’avait annoncé dans le Proto-évangile. C’est une inimitié créée par Dieu, et peu importe combien les hommes chercheront à mélanger les choses, peu importe combien les hommes essaieront d’appeler le mal bien et le bien mal, il n’en sera pas ainsi et cela ne changera pas jusqu’à la fin des siècles, et Marie sera toujours du côté du bien.

Jean-Paul II poursuit en disant : « Le livre de la Genèse parle. Rappelons-nous les paroles de Dieu adressées au Tentateur : “Je mettrai inimitié entre toi et la femme” (Gn 3, 15). Et cela est confirmé dans l’Apocalypse : “Le dragon se tenait devant la femme qui allait accoucher pour dévorer l’enfant nouveau-né ” (12,4)».

Nous sommes au centre de la lutte qui se déroule sur terre depuis le début de l’histoire humaine[2].

Le serpent du livre de la Genèse, le dragon de l’Apocalypse, est le même Esprit des ténèbres, le Prince du Mensonge, qui, rejetant Dieu et tout ce qui est divin, est devenu la “négation incarnée” – la caricature diabolique de l’Incarnation-.

« L’histoire de l’homme, l’histoire du monde devient, sous la pression incessante de cette négation de Dieu originelle opérée par Satan, négation du Créateur par la créature. Dès le début, et dès le moment de la tentation de nos premiers parents, et plus tard pendant toutes les générations des fils et filles de la terre, il essaie d’introduire son « non serviam » dans l’âme de l’homme».

Qui est cette femme”? C’est celle qui avec tout son être humain dit : Voici la servante du Seigneur (Lc 1, 38), exactement le contraire ! «… Au centre même de la lutte entre l’esprit de reniement de Dieu et le service salvifique, le Fils de Dieu est devenu le Fils de Marie. C’est ainsi que s’accomplit la promesse de Dieu dans le livre de la Genèse: au milieu de l’histoire de l’homme se trouve le Fils de la femme, qui est le ministre du salut de l’homme et du monde»[3].

Et pourquoi Marie est-elle celle qui combat le diable ? Il en est ainsi par la volonté de Dieu. Dieu est celui qui a mis cette inimitié. De telle sorte que cette Femme qu’il a revêtue de sa lumière, c’est-à-dire l’a remplie de sa grâce sans que son Cœur connaisse le péché, est celle qui lui a donné un pouvoir énorme contre le pouvoir du mal, un pouvoir supérieur à celui de tous les anges et de tous les saints réunis. De telle sorte qu’un soupir de la Vierge a plus de pouvoir que tout ce que tous les démons tentent de faire ensemble !

Et quelles étaient ses armes ? Armes infaillibles, et armes invincibles : humilité, pureté, obéissance. C’est ainsi que Marie gagne et c’est ainsi que Marie enseigne ses enfants à gagner. Ainsi nous contemplons, dans le signe apparu au ciel, Celle que saint Bernard aimait appeler, « toute la raison de notre espérance ».

III. Les religieuses habillées au soleil, par participation

Et en ce jour où nos Sœurs recevront le saint habit, nous pouvons faire une application de ce que nous avons développé.

Les âmes consacrées, dans ce cas, les religieuses qui se consacrent à Dieu, ont Marie pour modèle, et sont aussi une participation analogue de la Femme revêtue du Soleil, c’est pourquoi la religieuse doit être une femme toute lumière et elle doit être aussi une femme toute lutte, d’autant plus en ces temps.

Et d’une manière toute particulière, la religieuse est par participation une femme toute éclairée par la virginité. Il faut toujours noter que l’essentiel de la doctrine sur la virginité a été reçu par l’Église de la bouche même de son divin Époux, Jésus-Christ [4].

Une fois lorsque les liens et les obligations du mariage semblaient très lourds aux disciples et que Notre-Seigneur leur avait manifesté : « que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni », ils lui dirent : « Si telle est la situation de l’homme par rapport à sa femme, mieux vaut ne pas se marier. » (Mt 19,10) ; et alors Jésus profite de l’occasion pour enseigner d’une manière très claire, quoique parabolique, l’importance de la virginité. Jésus leur répondit que tout le monde n’était pas capable de comprendre cette parole, mais seulement ceux à qui elle était accordée ; parce que certains sont inaptes au mariage à cause d’une malformation physique congénitale, d’autres à cause de la violence et de la méchanceté des hommes ; d’autres, au contraire, s’en abstiennent, spontanément et de leur plein gré, et cela par amour du Royaume des Cieux. Et Notre-Seigneur concluait en disant d’une manière mystérieuse, car certes la virginité est toujours mystérieuse : Celui qui est capable d’une telle doctrine doit la suivre (Mt 19, 11-12).

D’autre part, les saints et les docteurs de l’Église de tous les temps enseignent que la virginité n’est une vertu chrétienne que lorsqu’elle est gardée par amour du Royaume des Cieux[5] , c’est-à-dire lorsque nous embrassons cet état de vie pour nous abandonner plus facilement aux choses divines, atteindre la béatitude éternelle avec plus de sécurité et, enfin, nous consacrer avec plus de liberté lorsqu’il s’agit de conduire les autres au Royaume des Cieux.

C’est pourquoi l’Apôtre Saint Paul, inspiré par l’Esprit Saint, avertit : Celui qui n’a pas de femme, marche avec sollicitude dans les choses du Seigneur, et dans ce qui doit plaire à Dieu… Et la femme célibataire et la vierge pensent aux choses du Seigneur pour être saintes de corps et d’âme (1Cor 7,32-34).

C’est donc la fin première et la principale raison de la virginité chrétienne. Ne tendre qu’aux choses divines, y mettre l’âme et le cœur, vouloir plaire à Dieu en toutes choses, ne penser qu’à lui, lui consacrer totalement corps et âme. Et cela a toujours été compris par l’Église. Qu’il suffise de citer en exemple saint Augustin, évêque d’Hippone : « la virginité n’est pas honorée pour elle-même, mais pour être consacrée à Dieu, et nous ne louons pas les vierges parce qu’elles le sont, mais pour être des vierges consacrées à Dieu par une pieuse continence »[6].

C’est pourquoi, de nos jours, toutes les attaques impitoyables qui sont faites contre la virginité ne sont pas seulement faites pour la virginité elle-même, mais parce que la virginité est une consécration à Dieu.

Il faut savoir que la lutte actuelle et toujours contre la virginité ne cesse d’être une chose satanique, car c’est la répétition du “non serviam”, du “je n’obéirai pas”. D’une manière ou d’une autre, ce n’est pas considérer Dieu comme “Celui qui est”, le Tout-Puissant, l’Être suprême, car Il est le Seigneur de la vie et de la mort.

Et c’est pourquoi il est important de comprendre ce qu’est la virginité : la virginité n’est pas se nier à un époux, mais se nier à un époux humain, afin d’avoir un Époux Divin. Comme le disait saint Ambroise, dans une phrase concise : « La Vierge est celle qui épouse le Christ »[7]. Pour cette raison, l’objet principal de ces femmes habillées au soleil par participation, est de toujours plaire au Divin Époux.

C’est ce que nous demandons dans cette Messe, pour ces sœurs qui reçoivent aujourd’hui leur saint habit, pour toutes les Sœurs de nos Instituts, et aussi pour toutes ces femmes, des milliers et des milliers, qui ont su vieillir dans leur virginité, qui ont été la gloire et la couronne de l’Église.

  Nous le demandons à la Vierge : La Femme vêtue de soleil !

+ P. Carlos Miguel Buela IVE.

Fondateur de la Famille Religieuse du Verbe Incarné.


[1] cf. Ap 12,17.

[2] cf. Concile Œcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde d’aujourd’hui «Gaudium et spes», 24.

[3] Jean-Paul II, « Homélie lors de la messe célébrée dans la paroisse de Castelgandolfo », L’Osservatore Romano 35 (1984) 522.

[4] cf. Pie XII, Sacra Virginitas, passim.

[5] cf. Mt 19.12.

[6] Saint Augustin, De Sancta virginitate, 22; PL. XL, 407.

[7] Saint Ambroise, De virginibus, I, 8 ; Non. 52; PL. XVI, 202.

“Je veux souffrir pour la conversion des pécheurs”

La pénitence chez les petits bergers de Fatima

A l’occasion du temps carême que nous venons de commencer, voici quelques fragments des souvenirs de Sœur Lucie. L’ouvrage raconte les événements de Fatima, selon la plume directe de Sœur Lucie. Au début, l’auteur parle de sa cousine Jacinthe Marto, qui n’avait que dix ans au moment des apparitions. Sa vie est étonnante pour une si petite fille. En jouant un jeu, se produit cette situation à laquelle Lucie fait référence : “Comme je l’ai dit, l’un de ses jeux préférés était le jeu où celui qui gagne ordonne à celui qui perd de faire ce qu’il veut. […] Un jour on jouait chez mon père, c’était moi qui avait gagné. Mon frère était assis près de la table en train d’écrire. Je lui ai ordonné de l’embrasser, mais elle a répondu : Pas ça! envoie moi autre chose Pourquoi ne m’envoies tu pas embrasser ce Christ qui est là ? (C’était un crucifix qui était accroché au mur.) Eh bien, oui – répondis-je -, monte sur une chaise ; amène-le ici, et à genoux tu le serreras et embrasseras trois fois : une pour François, une autre pour moi et une autre pour toi, j’en donne à Notre-Seigneur autant que tu voudrais. Et elle courut chercher le crucifix. Elle l’embrassa et le serra dans ses bras avec une telle dévotion que je ne l’oublierai plus jamais. Ensuite, elle regarde attentivement le Seigneur et demande : “Pourquoi Notre-Seigneur est-il ainsi cloué sur la croix ? Parce qu’Il est mort pour nous. Dis-moi comment c’était.”

[…] En entendant le récit des souffrances de Notre-Seigneur, la petite fille fut émue et pleura. Plusieurs fois, plus tard, elle m’a demandé de répéter l’histoire. Puis elle pleura tristement et dit : Pauvre Notre-Seigneur ! Je ne dois commettre aucun péché. Je ne veux plus que Notre-Seigneur souffre.”

A une autre occasion, avec les troupeaux… « Jacinthe aimait prendre les petits agneaux blancs, s’asseoir avec eux dans ses bras, les serrer dans ses bras, les embrasser et, le soir, les ramener à la maison sur son dos pour qu’ils ne se fatiguent pas. Un jour, rentrant chez elle, elle se tenait au milieu du troupeau.

  • Jacinthe, pourquoi vas-tu là au milieu du troupeau ?
  • J’ai demandé à faire comme Notre-Seigneur, qui, dans cette image qu’ils m’ont donnée, était aussi ainsi, au milieu de plusieurs brebis et avec une sur ses épaules.

Ce n’est que dans ces deux anecdotes que nous pouvons avoir une idée de ce qu’était Jacinthe Marto et du doux amour d’enfant qu’elle a professé à Notre-Seigneur.

Mais cet amour augmentera encore après les apparitions de la Vierge, où elle n’est obsédée que par une idée : souffrir pour la conversion des pauvres pécheurs, afin qu’ils soient sauvés de l’enfer.

Donc, des situations comme celles-ci se sont produites… “Lorsque nous arrivâmes ce jour-là avec nos moutons à l’endroit choisi pour paître, Jacinthe s’assit pensivement sur une pierre.

  • Jacinthe, viens jouer !
  • Aujourd’hui, je ne veux pas jouer.
  • Pourquoi ne veux-tu pas jouer ?
  • Parce que je pense que la Dame nous a dit de réciter le chapelet et de faire des sacrifices pour la conversion des pécheurs. Maintenant, quand nous prions le chapelet, nous devons réciter l’Ave Maria et le Notre Père tout entier[1]. Et quels sacrifices pouvons-nous faire ?

François a immédiatement pensé à un sacrifice :

  • Nous allons donner notre nourriture aux moutons et ainsi nous ferons le sacrifice de ne pas manger.

En peu de temps, nous avions distribué notre sac parmi le troupeau. Et donc nous avons passé une journée de jeûne plus rigoureux que celui des chartreux les plus austères. […] Jacinthe a pris le sacrifice pour la conversion des pécheurs tellement à cœur qu’elle n’a manqué aucune occasion.

Il y avait là des enfants, des enfants d’une famille de Moita, qui mendiaient de porte en porte. Nous les avons trouvés un jour où nous allions avec les moutons. Jacinthe, lorsqu’elle les a vus, nous a dit : Donnons-nous notre collation à ces pauvres gens pour la conversion des pécheurs ? Et elle courut pour l’emmener.

Dans l’après-midi, elle m’a dit qu’elle avait faim. Il y avait des chênes-verts et des chênes. Les glands étaient encore bien verts, cependant je lui ai dit qu’on pouvait les manger. François monta au chêne vert pour se remplir les poches, mais Jacinthe pensa qu’il valait mieux manger des glands amers des chênes pour mieux faire les sacrifices. Et donc, nous avons savouré cette délicieuse délicatesse cet après-midi-là. Jacinthe prit cela pour un de ses sacrifices habituels ; elle prenait les glands amers ou les olives directement des oliviers. Je lui ai dit un jour :

  • Jacinthe, ne mange pas ça, c’est très amer.
  • Je les mange parce que c’est amer, pour convertir les pécheurs.

Ce n’étaient pas seulement nos jeûnes ; nous avons convenu de donner notre nourriture aux enfants, chaque fois que nous les trouverions, et les pauvres créatures, satisfaites de notre générosité, ont essayé de nous trouver en train de nous attendre sur la route. Dès que nous les voyions, Jacinthe courait leur apporter toute notre nourriture pour ce jour-là, avec autant de satisfaction que si nous n’en avions pas besoin.

Notre gagne-pain était alors des pignons de pin, des racines de jacinthes des bois, des mûres, des champignons et certaines choses que nous prenions aux racines des pins, dont je ne me souviens plus comment ils s’appelaient, et aussi des fruits, s’il y en avait sur les propriétés de nos parents.

Jacinthe semblait insatiable en pratiquant des sacrifices. Un jour, un de nos voisins offrit à ma mère un champ pour faire paître notre troupeau ; mais c’était assez loin, et c’était le plein été. Ma mère accepta généreusement l’offre et nous y envoya. Comme il y avait un lac à proximité où le bétail pouvait aller s’abreuver, elle m’a dit qu’il valait mieux y faire la sieste, à l’ombre des arbres.

En chemin, nous retrouvâmes nos chers pauvres, et Jacinthe courut leur apporter notre goûter. La journée était belle, mais le soleil était très chaud ; et dans ce désert plein de cailloux, aride et sec, il semblait vouloir tout brûler. La soif se faisait sentir et il n’y avait pas une goutte d’eau à boire; au début, nous avons offert ce sacrifice généreusement, pour la conversion des pécheurs ; mais passé l’heure de midi, elle ne pouvait plus résister.

Je proposai alors à mes compagnons d’aller dans un endroit voisin pour demander de l’eau. Ils acceptèrent la proposition et j’allai frapper à la porte d’une vieille dame qui, me donnant une cruche d’eau, me donna aussi un morceau de pain que j’acceptai avec reconnaissance et courus le partager avec mes compagnons. J’ai donné la cruche à François et lui ai dit de boire :

-Je ne veux pas – répondit-il.

-Pourquoi ?

-Je veux souffrir pour la conversion des pécheurs.

– Bois, Jacinthe.

– Je veux aussi offrir le sacrifice pour les pécheurs !”

Alors j’ai renversé l’eau de la cruche sur une dalle pour que le mouton s’abreuve, puis je suis allé apporter la cruche à son propriétaire. La chaleur devenait de plus en plus intense, les cigales et grillons joignaient leurs chants à ceux des grenouilles d’un lagon voisin, et formaient un hurlement insupportable. Jacinthe, affaiblie par la fatigue et la soif, me dit avec cette simplicité qui lui était naturelle :

  • Dis aux grillons et aux grenouilles de se taire ; j’ai tellement mal à la tête !

Alors François lui demanda :

  • Ne veux-tu pas souffrir cela pour les pécheurs ?
  • Laisse-les chanter – répondit la pauvre créature en serrant sa tête dans ses mains.

Quelle belle rigidité de Jacinthe, dans l’amour de Dieu et du prochain. Puissions-nous imiter les vertus de cette petite sainte, modèle de sainteté et exemple paradigmatique de ce qu’implique l’Amour.

Que la petite Jacinthe nous guide et nous donne la force pour ce dur combat spirituel qui commence spécialement en ce moment, afin que – comme elle – nous pouvions comprendre quel est le vrai chemin de l’Amour de Dieu et du prochain et pour que cet avertissement de Notre-Seigneur ne nous arrive pas : “En ce jour-là, beaucoup diront : “Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en ton nom, chassé des démons en ton nom, et n’avons-nous pas fait beaucoup de miracles en ton nom ?” Alors je leur déclarerai : « Je ne vous ai jamais rencontré. Loin de moi, vous qui commettez l’iniquité».

Bon carême à tous.

Traduction d’un article en espagnol du site “Voz Católica”


[1] Car, auparavant les petits bergers ne priaient qu’une partie du « Je vous salue, Marie ».