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Le Patron de la bonne mort

Nombreux sont les maux, multiples sont les souffrances de l’homme en ce monde. Parmi ces souffrances, il en est une à laquelle nul n’échappe : tous nous devons mourir, parce que tous nous avons péché. La mort est la solde du péché.

La mort est une souffrance pour notre pauvre nature. Elle est, tout d’abord, le terme de notre vie physique : l’intime union du corps et de l’âme, union qui constitue la vie, est brisée par la mort. La séparation est douloureuse : le corps va se réduire en poussière ; l’âme est contrainte d’abandonner cette caduque demeure. La séparation est humiliante parce qu’elle est le châtiment du péché, une sorte d’exécution qui sépare l’un de l’autre le corps et l’âme, comme deux coupables, pour livrer l’âme à l’éternité et le corps à la terre où il se dissout peu à peu pour devenir ce qui n’a plus de nom en aucune langue.

Mais la mort n’est pas seulement le terme de notre vie terrestre : elle est aussi le commencement de notre vie dans l’au-delà, l’entrée dans l’éternité, l’heure qui fixe à jamais pour nous une récompense ou un châtiment dont la grandeur dépasse toute pensée. Enfin la mort nous met en présence de Dieu : elle nous fait comparaitre devant lui pour être jugés, punis ou récompensés, avec justice et irrévocablement. En un mot : la mort, c’est la solitude, l’abandon, la douleur, l’angoisse. Nul ne peut alors nous venir en aide. La lutte suprême se livre au dedans de nous-mêmes : l’homme est impuissant ; le secours ne peut nous venir que du ciel.

Il importe donc souverainement que nous ayons un Patron pour nous assister, nous consoler à cette heure décisive ; pour nous aider à faire une mort douce, bonne et édifiante. Quel Patron meilleur que saint Joseph, puisque nulle mort n’a été plus belle que la sienne ? Tout s’est réuni pour rendre son trépas heureux et consolé.

Dans le passé, il voit une vie innocente et pure, consacrée à la pratique des plus nobles vertus ; il voit des services sans nombre rendus à Jésus, à Marie, à l’Église, à l’humanité tout entière ; une vie de travail et de souffrances acceptées avec patience, en esprit de foi et de charité. Le passé ne lui laisse donc rien à regretter, rien à craindre ; il ne lui offre que des motifs d’espérance. Le présent ? Nous avons vu déjà comment saint Joseph quitta cette vie. Ici encore, tout concourt à lui rendre la mort non seulement bonne, mais consolante et joyeuse. Il expire entre les bras de Jésus, son fils et son Dieu, entre les bras de Marie. Et Jésus et Marie, à cette heure suprême, récompensent par des grâces de choix tout ce qu’ils doivent à son amour. Ils le soutiennent et le consolent ; ils réconfortent et réjouissent son cœur par les grâces les plus douces ; le Saint-Esprit verse en son âme la paix et la joie. L’avenir ? Pour notre saint, après une courte attente dans les limbes où les saints de la Loi reposent en paix, c’est la joie de revoir Jésus ressuscité, c’est le royaume de la félicité éternelle où le Père céleste accueillera, pour l’établir sur tous ses biens (Luc. XII, 37), celui qui l’a si dignement représenté auprès du Sauveur et qui s’est montré un serviteur bon et fidèle. La mort de saint Joseph a la beauté, le calme et la majesté d’un paisible coucher de soleil. En vérité, la mort d’un saint est un chef-d’œuvre de la grâce, un doux parfum devant le Seigneur (Ps. CXV, 15) !

La mort de Joseph fut donc merveilleusement belle et désirable. Et notre Saint peut nous aider à obtenir une mort semblable. Il le peut d’une triple manière:

Premièrement, son exemple nous encourage à ne point redouter la mort en Jésus Christ et avec Jésus-Christ, dans des sentiments de foi, de confiance et de charité. Les grâces célestes qui l’ont assisté et consolé à sa dernière heure, l’Église les met à notre disposition et elle nous offre, tout particulièrement, le Sauveur lui-même dans le saint viatique. Jésus est là, il est là pour nous soutenir dans la lutte suprême : unissons à son sacrifice notre dernier sacrifice ; il l’accueillera avec miséricorde.

Deuxièmement, saint Joseph nous aide par l’exemple de sa belle vie qui nous enseigne la meilleure manière de nous assurer une heureuse mort. Comme toutes choses en notre vie, la mort doit avoir sa préparation. Nous mourrons, rien n’est plus certain : rien n’importe davantage, puisque la mort décide de notre éternité ; il faut donc faire de notre vie une préparation à celle heure décisive. La mort n’est pas seulement le terme de la vie : elle en est le résultat, elle en est pour ainsi dire l’écho. Et il ne suffit pas de nous préparer à mourir ; nous devons nous tenir toujours prêts, parce que la mort vient rapide et imprévue, et qu’elle ne vient qu’une seule fois. En quoi consiste cette préparation, nous le voyons par la vie de saint Joseph, par sa pureté, par sa piété, par son infatigable dévouement, par son amour pour Jésus et Marie.

Troisièmement, la dévotion à saint Joseph est un excellent moyen de nous obtenir une bonne et sainte mort. D’une manière générale nos dévotions sont une sorte d’alliance que, durant la vie, nous contractons avec les saints ; mais c’est surtout à l’heure de la mort que nous recueillons la récompense. Donc, souvent, chaque jour, recommandons à saint Joseph notre dernière heure : il ne nous abandonnera point si nous nous sommes placés sons sa protection. Heureux serons-nous, si saint Joseph nous ferme les yeux (Gen. XLVI, 4) !

Saint Joseph, dans la Vie de Jésus-Christ et dans la Vie de l’Eglise

R. P. M. Meschler S. I.

Le Patron des âmes éprouvées

Tout, en ce monde, est soumis à la loi de la souffrance. Il n’est personne qui n’ait à souffrir. La douleur s’est attachée à l’homme ; elle le sui partout. L’histoire de l’humanité n’est, au fond, qu’une grande tragédie où la souffrance, sous mille formes diverses, joue le rôle principal. La souffrance a commencé avec le péché ; elle ne se termine qu’à la mort. Il faut donc qu’il en soit ainsi : Dieu, infiniment bon et infiniment sage, a vu un bien dans l’épreuve. C’est par la souffrance que nous avons été rachetés : c’est par la souffrance que nous recueillons les fruits de la Rédemption. La croix est donc le partage de toutes les âmes ; les saints n’ont point échappé à cette loi.

Saint Joseph a donc connu la souffrance ; il l’a connue d’autant plus qu’il était plus étroitement uni au Sauveur. Tous les mystères de la vie de Jésus sont plus ou moins des mystères douloureux. Nazareth même et Bethléem ont eu leur croix. Partout où le Sauveur repose sa tête, il laisse les traces de sa couronne d’épines. Saint Joseph a vécu de longues années avec Jésus ; bien souvent il l’a tenu dans ses bras, il l’a pressé sur son cœur ; – il ne pouvait donc manquer de rencontrer la croix ! Il a porté continuellement la croix du travail. La pauvreté lui était une croix, moins pour lui-même que pour le Sauveur et pour Marie dont la détresse lui était une souffrance. Il n’a pas toujours trouvé un abri pour lui et pour la Sainte Famille. Des hommes au cœur insensible lui ont refusé un asile, de cruels persécuteurs l’ont menacé dans ce qu’il avait de plus cher. Les croix domestiques elles-mêmes ne lui furent point épargnées : témoin son angoisse dans une circonstance pénible, témoin sa douleur lorsque Jésus demeura dans le Temple. Faut-il rappeler, en outre, la circoncision du Sauveur, l’imposition du nom de Jésus qui présageait tant de souffrances, la prophétie du vieillard Siméon, la fuite en Egypte ? Ces mystères, et d’autres encore, furent en quelque sorte le Calvaire de saint Joseph. Joignons à cela les souffrances que ne manquaient pas de causer à son cœur les péchés, l’ignorance et l’ingratitude de son peuple. Bien que ces douleurs soient loin d’égaler l’inénarrable martyre de Marie au pied de la Croix, elles lui furent cependant infiniment amères parce qu’elles se rapportaient à Jésus, à son Dieu, et que ce Dieu, il l’aimait de l’amour le plus profond.

Les souffrances de saint Joseph sont donc nobles et belles en raison de leur cause – puisque cette cause est dans les souffrances du Sauveur lui-même – et en raison de la manière dont il a supporté ces épreuves. Le suprême triomphe de l’art, dit-on, est de représenter la souffrance de façon à la montrer belle et sublime. Il est bien plus difficile encore de l’endurer chrétiennement. Joseph nous offre, ici, un exemple admirable. Pas une plainte, pas un mot d’impatience ne lui échappe. C’est un grand silencieux : de lui, l’Évangile ne nous a conservé aucune parole. Il s’enferme dans sa foi, dans son humilité, dans son inaltérable confiance, dans son ardente charité, et il supporte tout avec joie, en compagnie de Jésus et de Marie, heureux de pouvoir souffrir avec eux. De son côté, Dieu ne l’a jamais abandonné dans l’épreuve : il est toujours là, dirigeant toutes choses ; et les souffrances passent, laissant après elles la consolation. Joseph est-il troublé au sujet de Marie ? un message du ciel le rassure et lui rend le bonheur. Les épreuves de Bethléem sont consolées par la naissance du Sauveur, par l’adoration des bergers et des Mages. A la fuite en Egypte succède la joie du retour : Jésus disparaît et, durant trois jours, le cœur de Joseph est cruellement angoissé ; mais Jésus est retrouve dans le temple et alors, ce sont les paisibles années de la vie à Nazareth.

Il semble que, par l’exemple de notre saint, Dieu ait voulu nous enseigner d’une manière sensible que la vie ici-bas est continuellement entremêlée de jours bons et de jours mauvais, qu’il faut donc trouver dans les uns une consolation pour les autres. D’ordinaire les jours de joie et de paix l’emportent : l’huile ne surnage-t-elle pas sur l’eau ? Ne l’oublions pas et acceptons avec reconnaissance tout ce que Dieu nous envoie. Supportons les jours mauvais par gratitude pour les jours heureux qui nous ont été accordés et, dans le bonheur, préparons-nous à la souffrance. C’est un grand art que de savoir accepter comme il convient la joie et la souffrance. Sans cette science, l’épreuve nous jettera dans l’impatience, le doute ou le désespoir ; la joie et la prospérité amèneront la présomption et la dissipation, elles nous exposeront au redoutable danger d’oublier Dieu. A l’exemple de saint Joseph, restons toujours les mêmes dans le bonheur et dans la souffrance. Que le bonheur nous donne de la joie, que la croix nous cause une douleur, Dieu n’en est point offensé : c’est notre nature qui le veut aussi ; mais prenons toutes choses en esprit de foi, avec des sentiments de confiance et de reconnaissance pour Dieu. Dans l’éternité bienheureuse rien ne nous donnera plus de joie que les souffrances que nous aurons endurées ici-bas, si, à l’exemple de saint Joseph, nous les acceptons avec patience et par amour pour Jésus et Marie.

Saint Joseph, dans la Vie de Jésus-Christ et dans la Vie de l’Eglise

R. P. M. Meschler S. I.