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L’Époux de Marie

La Sainte Écriture insiste sur point : saint Joseph est l’époux Marie. « Et Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus qui est appelé Christ » (Math., I, 16). C’est avec raison. De là, pour Joseph, des conséquences extrêmement importantes : de là, tout d’abord, la triple relation qui l’unit Marie.

Premièrement, saint Joseph est l’époux Marie en raison du lien conjugal contracté avec elle. L’Écriture Sainte est formelle à ce sujet (Matth., I, 16, 24 ; Luc, I, 27 ; II, 48). Dans cette union, les Pères et les théologiens sont unanimes à reconnaître un mariage véritable ; les expressions dont se sert l’Évangile l’indiquent et, d’ailleurs, toutes les conditions requises pour mariage sont réunies : le don que les époux se font réciproquement d’eux-mêmes pour le but du mariage, la signification spirituelle du mariage, symbole de l’union de Jésus-Christ avec l’Église (Ephes. V, 32), et enfin l’enfant. Pour Joseph, cette union fut un grand bonheur, un honneur incomparable, le principe d’inestimables avantages. Le mariage n’est point seulement l’union matérielle ; il produit l’unité des cœurs, des esprits, des sentiments et des affections ; c’est, entre les époux, la communication mutuelle des biens, des honneurs, des dignités, sur le fondement de l’amitié et de l’égalité.

L’Apôtre nous dit : « L’homme est le chef de la femme » (I Cor., XI, 3). Marie appartenait donc à Joseph avec tout ce qu’elle possédait. Joseph eut tout son respect, toute sa soumission, tout son amour. Ce mariage n’assurait pas seulement à Joseph le privilège de vivre chaque jour dans la société de Marie, la plus pure et la plus sainte des créatures, d’être continuellement le témoin de ses admirables vertus, d’être associé en quelque sorte à ses biens spirituels : il lui donnait l’honneur et le bonheur d’être, en vérité, le père du Sauveur. Cette paternité, qui est la mission providentielle de Joseph, sa mission officielle dans le royaume de Dieu, a son véritable fondement, précisément, dans le mariage contracté avec Marie. Sans ce mariage, la paternité de Joseph ne serait qu’une paternité adoptive, tandis que, grâce à lui, Joseph est en toute vérité, devant Dieu et devant les hommes, le père de Jésus, le père légal de Jésus, parce qu’en vertu du lien conjugal, il se fait, entre les époux, un échange de tous le biens, échange mutuel, entier, juridique. Ce que Marie possédait appartenait de droit à Joseph en raison de la communauté des biens : donc, avec Marie, le fils de Marie, quelque miraculeuse que fût cette maternité, Jésus appartenait à Joseph, son père légal. On peut même aller plus loin et dire que, sans ce mariage, de même que la paternité de Joseph n’eût été ni aussi vraie, ni aussi réelle, de même, du moins dans l’ordre actuel des choses, Marie ne fût point devenue la Mère de Dieu. D’après le plan divin, en effet, le mariage entre Joseph et Marie était le moyen choisi pour introduire le Sauveur en ce monde. Cette union est donc un mystère vraiment divin et tous les biens devaient en résulter pour nous.

Deuxièmement, Joseph n’est pas seulement l’époux de Marie : il est aussi le gardien et le témoin de sa virginité. Nous l’avons vu : la virginité de ces deux époux, aussi bien que l’union contractée par eux, rentrait essentiellement dans le plan divin de l’Incarnation. Il fallait donc que Joseph fût tout ensemble, et l’époux de Marie et le gardien de sa virginité, comme il le fut en réalité. C’est en ce sens qu’un grand orateur disait : « La fidélité de ce mariage consiste à se garder l’un à l’autre la parfaite intégrité qu’ils se sont promise. Voilà les promesses qui les assemblent, voilà le traité qui les lie. Ce sont deux virginités qui s’unissent pour se conserver l’une et l’autre[1]. » Ce mariage, dans l’intention de Dieu, avait pour but la conception et la naissance de Jésus ; voilà pourquoi Joseph devait épouser la Mère de Dieu qui, à ce titre et selon les oracles, devait rester éternellement vierge : il le fallait afin que, le Fils de Dieu n’ayant pas de père ici-bas, sa naissance dans le temps fût une image plus belle de sa naissance éternelle où il n’a pas de mère, puisque le Père seul l’engendre au sein de la Divinité. Marie et Joseph sont deux astres unissant leurs rayons les plus purs pour briller avec plus d’éclat devant Dieu, conformément à ses intentions. Et ce mariage, mieux que tout autre, devient, par sa pureté même, l’image de l’union de Jésus-Christ avec l’humanité et avec l’Église.

Saint Joseph n’a pas été seulement le respectueux gardien de la Vierge ; il fut un témoin non suspect, en raison même de l’union contractée avec Marie. S’il hésita à la prendre dans sa demeure comme son épouse, c’était uniquement parce qu’il ne savait comment concilier, en Marie, la virginité et la maternité. Une intervention céleste le tira de cette perplexité : un ange apparut à Joseph, il le rassura, et tout fut expliqué. Sur cette révélation divine, notre saint devint lui-même le témoin irrécusable de la virginité de Marie ; c’est ce que Dieu voulait en permettant un doute si pénible. Pour défendre la Vierge et la venger des calomnies des hérétiques, les Pères en appellent toujours au témoignage de Joseph. Comme le chérubin avec son glaive de feu défendait le Paradis terrestre, Joseph défend l’honneur de la Vierge ; et c’est là, pour Marie, un nouveau motif d’aimer son virginal époux, de se montrer reconnaissante envers lui. Marie est, par excellence, « l’épouse de l’Esprit-Saint », non seulement à cause de la grâce sanctifiante qu’elle possède dans une telle plénitude, mais encore parce que, en elle et par elle, l’Esprit-Saint a opéré le mystère de l’Incarnation. En ce sens plus élevé, l’Esprit-Saint est, d’une manière spéciale, l’Époux de Marie, et saint Joseph, sans rien perdre de son titre, est « l’ami de l’Époux ».

Remarquons-le : partout où se prépare une œuvre importante, nous rencontrons la pureté et la virginité ; sans elles, rien de grand ne s’accomplit dans l’ordre surnaturel. Sans elles, un Dieu n’a point voulu se faire homme : l’Enfant divin est, pour ainsi dire, la fleur et le fruit de la virginité. La pureté virginale est donc une chose belle et glorieuse ! Elle vient de Dieu, elle incline Dieu jusqu’à nous, c’est par elle que la Divinité s’unit à l’humanité. D’après les saints Pères, la virginité est l’incorruptibilité dans une chair naturellement misérable ; elle nous fait ressembler aux esprits célestes ; elle est, dans l’homme, le reflet de l’éternelle beauté. Lorsque Dieu la découvre en nous, il oublie notre néant. Voilà pourquoi il se choisit un père et une mère qui sont vierges, et il fait ses délices d’habiter avec eux (Cant., II, 16).

Troisièmement, – et ce nouveau rapport qui unit Joseph à Marie est une conséquence de l’honneur qui lui appartient d’être l’époux de la Vierge bénie – la fin du mariage étant l’enfant, cette fin, nous l’avons vu, s’est réalisée, pour Joseph, d’une manière admirable et bien supérieure, par la conception virginale du Sauveur. Mais l’union conjugale a aussi un autre but : la communauté de la vie, l’appui mutuel, une sollicitude réciproque de tous les instants. Saint Joseph fut le compagnon fidèle de la Mère de Dieu, son soutien affectueux, son consolateur dévoué. La vie de Marie devait être la vie de la Mère d’un Dieu qui n’était point venu en ce monde pour goûter la joie et jouir des honneurs, mais pour nous racheter par les travaux, par les souffrances, par la croix. C’est dire que Marie, associée à cette mission, devait trouver en Joseph un secours et un appui. Et, de fait, nous voyons la Sainte Famille sinon dans le dénuement absolu, du moins dans une pauvreté telle que Marie et Joseph, descendants d’une race royale, doivent travailler de leurs mains pour assurer à l’Enfant le pain de chaque jour ; nous la voyons, à cause de cet Enfant, fuir de puissants persécuteurs et, au prix de mille fatigues, s’exiler sur une terre étrangère. Évidemment, il fallait, en ces conjonctures, de la décision et de l’énergie ; il fallait aide et protection. Marie, la douce et tendre Mère, trouva ce secours en Joseph qui fut son guide, son soutien, sa défense. Comme autrefois Israël voyagea dans le désert, conduit et protégé par la mystérieuse colonne de nuées ; ainsi la Sainte Famille, sous la garde vigilante de Joseph, va de Nazareth à Bethléem, à Jérusalem, en Egypte. Voilà pourquoi les mosaïques anciennes nous représentent toujours saint Joseph un bâton à la main : c’est l’emblème du protecteur de Jésus et de Marie.

Et dans l’humble demeure de Nazareth, quelle douceur, quelle paix, quelle charmante intimité sous la conduite paternelle de notre saint ! Tout s’inspire de la profonde vénération dont Joseph entoure la Mère du Sauveur. Nous avons une preuve frappante de ces sentiments de respect dans la pénible épreuve dont nous avons parlé et qui ne fit que resserrer les liens de l’affection entre les deux époux. Au témoignage d’un écrivain ecclésiastique, plutôt que de se permettre le moindre soupçon à l’égard de Marie, saint Joseph aurait cru à un miracle. Combien son respect et sa vénération durent grandir encore lorsqu’il sut qu’en Marie il pouvait vénérer la très sainte Mère de Dieu !

L’amour naissait de cette mutuelle estime. Ici, la nature et la grâce se réunissaient pour accroître cet amour : la grâce et la sainteté de Marie, la délicatesse du cœur de Joseph, la conscience d’accomplir un devoir et de se conformer à la volonté de Dieu. Après Dieu et le divin Enfant Joseph n’avait rien de plus cher que Marie. L’Esprit-Saint était lui-même le lien qui unissait les cœurs.

L’amour, ainsi compris, donne toujours la joie et la paix. Rien ne troublait le calme du sanctuaire de Nazareth. Toute épreuve, toute souffrance venue du dehors s’arrêtait en quelque sorte au seuil de ce foyer béni, sans troubler la paix de ces cœurs qui, en toutes choses, ne voyaient et ne voulaient que le bon plaisir de Dieu ; Marie elle-même et Jésus pouvaient s’édifier en admirant la vertu si calme, si humble de Joseph, sa pureté, sa sainteté. Dans l’intimité de Jésus Enfant et de son saint Époux, Marie n’avait plus à regretter le temple de Jérusalem où ses premières années s’étaient écoulées dans d’ardentes aspirations à Dieu, au Dieu de son cœur. Elle avait maintenant mieux que l’arche d’alliance, mieux que le grand-prêtre ! Avec quelle perfection, avec quelle conformité aux desseins de Dieu, saint Joseph remplissait tous ses devoirs à l’égard de la Sainte Famille, à quel point sa sagesse, sa pureté et sa sainteté ravissaient le cœur de Marie, ce qui le démontre éloquemment c’est que cette Vierge bénie, qui surpasse en excellence toutes les créatures, se confiait spontanément, sans réserve, avec l’abandon d’un enfant, à la conduite de Joseph: avec la fiancée du Cantique, elle pouvait dire : « Je me suis assise à l’ombre de celui que j’avais désiré » (Cant., II, 3). Comme jadis, aux jours heureux de Salomon, l’Israélite vivait en toute sécurité à l’ombre de son figuier et de sa vigne, ainsi Jésus et Marie vivaient sans crainte sous l’affectueuse protection de saint Joseph.

Par les quelques réflexions réunies dans ce chapitre nous avons tenté de faire comprendre tout ce que peuvent renfermer ces simples mots du texte évangélique : « Et Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus qui est appelé Christ » (Mt. I, 16).

Saint Joseph, dans la Vie de Jésus-Christ et dans la Vie de l’Eglise

R. P. M. Meschler S. I.


[1] BOSSUET, Œuvres, III, Paris, 1841, Firmin-Didol, p. 413.

Saint Joseph dans la vie de Jésus-Christ

Saint Joseph, dans la Vie de Jésus-Christ et dans la Vie de l’Eglise

R. P. M. Meschler S. I.

SAINT JOSEPH, DANS LA VIE DE JESUS-CHRIST

LA PATRIE DE SAINT JOSEPH – SA FAMILLE.

COMMENT SAINT JOSEPH DEVINT L’ÉPOUX DE MARIE

COMMENT SAINT JOSEPH SE RENDIT À BETHLÉEM ; CE QUI ARRIVA ALORS.

COMMENT SAINT JOSEPH SE RENDIT À JÉRUSALEM ET OFFRIT JÉSUS À DIEU DANS LE TEMPLE

COMMENT SAINT JOSEPH REVINT À BETHLÉEM ET Y REÇUT LES SAINTS ROIS MAGES

COMMENT SAINT JOSEPH DUT FUIR EN EGYPTE ET COMMENT IL EN REVINT

COMMENT SAINT JOSEPH PERDIT LE SAUVEUR À JÉRUSALEM ET COMMENT IL LE RETROUVA

COMMENT LA VIE DE SAINT JOSEPH FUT ENSUITE UNE VIE PAISIBLE ET HEUREUSE

COMMENT LA MORT DE SAINT JOSEPH FUT BELLE, DOUCE ET ÉDIFIANTE

SAINT JOSEPH DANS LA VIE DE L’EGLISE

L’OMBRE DU PÈRE CÉLESTE

LE SAINT DE L’ENFANCE DE JÉSUS

L’ÉPOUX DE MARIE

L’HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU

L’HOMME DE LA VIE CACHÉE ET DE LA VIE INTÉRIEURE

L’HOMME DE LA VIE EXTÉRIEURE

LE PATRON DE LA FAMILLE

LE PATRON DES ÂMES ÉPROUVÉES

LE PATRON DE LA BONNE MORT

JOSEPH « FILS D’ACCROISSEMENT » (GEN. XLIX, 22)

CONCLUSION DU LIVRE