Solennité de Tous les Saints
Ce dimanche, l’Eglise interrompt le cycle des dimanches du temps ordinaire, pour célébrer cette belle solennité de Tous les Saints.
La solennité de la Toussaint s’est consolidée au cours du premier millénaire chrétien comme une célébration collective des martyrs. En 609, à Rome, le Pape Boniface IV avait déjà consacré le Panthéon, le dédiant à la Vierge Marie et à tous les martyrs. Mais dans tout le monde chrétien de l’époque (soit en orient comme en occident), les églises des différentes nations avaient déjà donné une date précise pour commémorer les saints tous ensemble. Avec le temps, la date s’est déterminée pour ce jour, premier novembre.
Cette solennité nous fait d’abord regarder le Ciel, notre destination commune ; dans le sens que tout homme et femme dans ce monde y est appelé. Mais elle nous fait regarder le monde, de quelle manière doit vivre dans ce monde celui qui est appelé à la vie éternelle du Ciel.
La liturgie de la Parole nous démontre ce qu’on vient de dire à travers les lectures proposées pour cette fête, les deux premières appartiennent au Nouveau Testament, avec comme d’habitude le psaume et l’évangile des Béatitudes, selon saint Matthieu.
La première lecture est tirée de l’Apocalypse de saint Jean. L’apôtre, à travers un tableau d’images symboliques nous décrit l’histoire théologique du monde, de quelle manière Dieu conduit le monde jusqu’au retour de son Fils, en même temps, saint Jean nous fait aussi déjà contempler la réalité du Ciel. Alors, il est évident que, s’agissant des choses d’une telle hauteur, l’auteur de ce livre cherche des images pour nous les faire comprendre. Et pour cela, la façon de lire l’Apocalypse c’est en dépassant la matérialité de l’image et en découvrant la vérité que l’Esprit Saint veut nous apprendre à travers elle.
Le passage du livre de l’Apocalypse que nous venons d’entendre déclare qu’un ange marquera d’un seau le front des serviteurs de notre Dieu, un sceau qui imprime la marque du Dieu vivant.
Et j’entendis le nombre de ceux qui étaient marqués du sceau. D’abord, comment devons-nous comprendre ce sceau ? On vient de dire qu’il ne faut pas tomber dans le matérialisme de l’image. Et pour cela, nous pouvons dire qu’il s’agit d’une image de la grâce, déjà présente aussi dans le langage de la bible, c’est-à-dire, ceux qui sont choisis par Dieu sont marqués, configurés avec le même Christ, par l’Esprit Saint à travers la grâce.
Les marqués par le sceau étaient cent quarante-quatre mille, de toutes les tribus des fils d’Israël. On ne peut pas encore tomber dans l’interprétation matérialiste, défendue (malheureusement) par certaines sectes modernes, qui comprennent cette quantité comme un chiffre exact : « seulement 144.000 personnes seront sauvées » ; on peut dire qu’elle est une interprétation plus que pessimiste et totalement défaitiste, puisqu’une telle quantité ne représente même pas l’infime partie de l’humanité qui au long de toute l’histoire a déjà vécu dans ce monde. De plus, cela ne tient pas compte non plus des paroles de ce même livre qui mentionnera seulement quatre versets plus tard que les sauvés sont une foule que « personne ne pourrait dénombrer »
Il s’agit plutôt d’un nombre symbolique qui indique une foule immense dont Dieu connaît parfaitement la quantité, qui dans les desseins de Dieu est une quantité parfaite (car en Dieu tout est parfait). Ils semblent correspondre à tous ceux qui doivent entrer dans l’Église à travers les âges.
Mais l’image continue avec maintenant ceux qui ont déjà triomphé : une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main.
Saint Jean nous y montre un aspect très clair, Dieu nous donne le salut, comme des vêtements blancs, mais ce sont les bienheureux qui ont lavé leurs vêtements dans le sang de l’Agneau. La rédemption appartient au Christ, mais son effet ne se produit pas automatiquement, c’est la personne qui doit se l’approprier. Son sang et son sacrifice, prix non seulement suffisant mais débordant de notre rédemption, sont à notre disposition ; mais il est inefficace pour ceux qui ne veulent pas en profiter. En pensant à ceux qui meurent de soif en se tenant à côté de la source salvifique, l’Écriture met ces paroles douloureuses sur les lèvres du Messie: «À quoi sert mon sang? (Ps 30.10). Nous devons permettre donc à son sacrifice de nous purifier par notre douleur pour les péchés, en acceptant le Christ par la foi et à travers notre configuration avec lui par la charité transformatrice.
Evoquant les paroles du psaume : « Qui peut gravir la montagne du Seigneur et se tenir dans le lieu saint ? L’homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles (celui qui fait la volonté de Dieu dans sa vie). Il obtient (donc), du Seigneur, la bénédiction, et de Dieu son Sauveur, la justice. »
Les saints du Ciel que nous célébrons aujourd’hui, ont bien compris ce qu’on vient de dire, ils n’ont pas laissé le Sang du Christ tomber en vain, à travers leurs œuvres, sont venus laver leurs vêtements pour pouvoir accéder à la vie éternelle.
On disait au début que la liturgie nous fait regarder vers le Ciel et vers ce monde. Dans l’évangile nous retrouvons les béatitudes, par elles le Seigneur nous explique quelle est la manière dont le saint vit dans ce monde.
Le pape Saint Jean Paul II disait que « les béatitudes ne sont que la description d’un visage, le visage de Jésus-Christ. Et pour cela que saint Jean, maintenant dans la deuxième lecture nous rappelle que nous serons semblables au Christ dans la vie éternelle, les bienheureux en vivant l’essentiel de l’évangile décrit par les béatitudes, ont formé l’image du Christ en eux, comme la bible l’exprime aussi, ils se sont habillés du Christ.
Comme le monde du péché est en soi contradictoire au Christ, les béatitudes décrivent donc des situations que le monde n’accepte pas, qu’il résiste à vivre et qu’il considère comme une défaite, comme un malheur ou bien comme une faiblesse. « Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas : c’est qu’il n’a pas connu Dieu », écrit saint Jean.
Pour ceux qui vont suivre l’enseignement du Seigneur, il est nécessaire de se détacher de la pensée du monde et d’accepter le dur chemin de la sanctification, comme le Seigneur qui laissant les foules, invite ses vrais disciples à souffrir l’effort de la montée, pour découvrir la nouvelle loi ; seulement pour ceux qui s’approchent de Lui, pour ses disciples authentiques, le Seigneur ouvrira sa bouche pour enseigner la loi de la sainteté, l’évangile résumé.
Mais pas de promesses de joie, la joie proclamée par les béatitudes est déjà arrivée, c’est maintenant que ce bienheureux possède la joie, même si plusieurs béatitudes réservent une récompense dans le futur : « ils seront consolés, rassasiés, etc. ».
Les béatitudes ne sont pas des promesses dorées d’une gloire future, ce sont plutôt des cris triomphants de bénédiction par une joie permanente et que rien dans ce monde ne pourra enlever.
Ces huit phrases dans leur langue originelle ont été des exclamations, alors que dans les langues modernes cela perd un peu ce sens. Elles étaient des expressions des joies, comme celle qui exprime un désir accompli : Ah ! Comment ils sont joyeux les pauvres d’esprit, quelle joie pour les miséricordieux !
Parce qu’il est vrai, c’est une vérité constatée par une foule immense au long de toute l’histoire de l’humanité, la vie éternelle et la joie du Ciel commencent déjà dans ce monde, lorsque le saint travaille à coup de marteau des béatitudes le visage du Christ qu’il forme en lui et lave déjà son vêtement dans le Sang de l’Agneau de Dieu, en soupirant pour le contempler un jour sur le trône de sa Gloire.
Que la très Sainte Vierge Marie nous conduise un jour devant le trône de son Fils.
P. Luis Martinez IVE.