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“Si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur”

Homélie pour le Premier Dimanche de l’Avent, année B

« Pourquoi laisser nos cœurs s’endurcir et ne plus te craindre ? Reviens, à cause de tes serviteurs. Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais ». La liturgie de la Parole ouvre avec cette prophétie d’Isaïe le temps de l’Avent, ces paroles expriment le désir de ceux qui attendent vraiment la venue du Seigneur : « Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins ». Isaïe implorait la venue rédemptrice du Messie, ce qui s’est accompli avec l’Incarnation et la Naissance de Jésus. Pour nous, cette prophétie parle du retour du Seigneur, afin que le mal n’existe plus, pour qu’il nous donne des cieux nouveaux et une terre nouvelle. Nous parlons souvent de la fin du monde, de la fin du temps avec un certain chagrin. On oublie que Jésus viendra pour nous libérer définitivement du mal et pour changer le temps en éternité.  

La première étape de l’Avent nous invite à préparer Noël en nous encourageant non seulement à diriger notre regard vers le temps de la première venue de notre Seigneur (…) mais aussi à attendre avec vigilance sa deuxième venue « dans la majesté de sa gloire ».

Par conséquent, il y a un double sens de l’Avent, un double sens de la venue du Seigneur. Il est le temps qui nous prépare pour sa venue dans la grâce de la fête de Noël et pour son retour pour jugement à la fin de l’histoire du monde.

En effet, la première venue de Jésus à Bethléem devrait nous rappeler sa seconde venue dans la gloire, nous dit l’Église.

Le grand enseignent de l’évangile de ce dimanche c’est la vigilance et l’attente, le moment précis de son retour est resté caché pour nous mais nous sommes certains qu’Il viendra, comme dit saint Jérôme : «le Seigneur a voulu présenter une fin tellement incertaine que l’homme soit sans cesse en attente». 

Sur ce sujet, Saint Thomas d’Aquin commente, faisant référence à la deuxième venue: « le Seigneur vient de deux manières. Il viendra à la fin du monde pour tous d’une manière générale ; il viendra aussi vers chacun lors de sa propre fin, c’est-à-dire de sa mort ».

Par conséquent, la corrélation est la suivante : la venue du Christ à Noël devrait nous rappeler sa Seconde venue pour le jugement universel ; et sa seconde venue pour le jugement universel devrait nous rappeler notre propre mort.

Mais, concrètement, pour chacun de nous la rencontre avec le Christ au moment de la mort est plus importante que celle lors du jugement final. Pourquoi cela? Parce que notre bonheur à la seconde venue du Christ dépend de la façon dont nous nous retrouvons par rapport au Christ au moment notre mort.

Il y a donc un double avènement, continue saint Thomas d’Aquin : « à la fin du monde et à la mort, et il a voulu que les deux soient incertains. Et ces avènements sont en rapport l’un avec l’autre, car on se retrouvera au second comme on aura été au premier. Saint Augustin [dit] : «Celui qui n’était pas prêt à son dernier jour ne sera pas prêt au dernier jour du monde.» On peut aussi l’interpréter d’un autre avènement, à savoir, [de l’avènement] invisible, lorsque [le Seigneur] vient dans l’esprit. Jb 9, 11 : Si tu viens à moi, je ne m’en apercevrai pas. Ainsi, il vient chez plusieurs, mais ils ne s’en aperçoivent pas. Vous devez donc veiller avec attention, de sorte que, s’il frappe, vous lui ouvriez. Ap 3, 20 : Je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un m’ouvre, j’entrerai chez lui et je dînerai avec lui. »

Nous pouvons dire que la meilleure façon de se préparer pour Noël, c’est de penser à la seconde venue du Christ et au moment de sa venue dans notre vie lors de la mort.

Alors, le texte de l’évangile nous appelle à la vigilance, c’est-à-dire à une attente assez active. Quatre fois, Jésus-Christ rappelle la vigilance dans le petit du texte évangélique d’aujourd’hui, en seulement cinq versets.

Selon le texte en grec, une fois, il utilise le verbe agrypnéo (Mc 13,33) et trois fois le verbe gregoréo (Mv 13,34.35.37).

Le verbe agrypnéo apporte des nuances très riches. C’est l’attitude du chasseur déterminé à rester éveillé toute la nuit afin d’attraper sa proie, il reste en alerte et dans une attitude de tension. Il s’agit d’une attitude d’éveil orientée vers un objectif très précis et très précieux, qui capte toute l’attention de l’homme.

Dans l’évangile de saint Luc Lc 21,36, précisément, le verbe agrypnéo est utilisé dans le sens d’être orienté et concentré vers un objectif bien précis: avoir la force d’échapper aux châtiments du Jugement dernier et pouvoir, ainsi, «se tenir devant du Fils de l’homme ». Agrypnéo nous demande donc une attitude d’éveil en tension permanente envers notre «proie»: la seconde venue de Jésus-Christ pour le jugement dernier et, comme nous l’avons dit, la venue du Christ dans le jour de notre mort.

Gregoreîte (soyez attentifs ! ) Le verbe gregoréo vient du verbe egeíro, qui signifie «faire élever», «élever», «s’incorporer», «se relever». Un exégète dit: «Gregoreîn (qui est un dérivé d’egeíro) représente un état de veille comme effet d’un effort pour être éveillé ». Comme celui qui est de garde et doit le poursuivre avec effort. Celui qui a déjà servi dans une armée comprendra ce que signifie être sentinelle pendant la nuit et la lutte qui s’ensuit pour rester éveillé et debout, sachant que de cela dépend sa vie et beaucoup d’autres, puisque l’ennemi est implacable. Gregoréo est également utilisé par Jésus-Christ lors de son agonie dans le jardin des oliviers (Mt 26,40,41; Mc 14,37,38). Après avoir décrit la prière de Jésus, l’évangéliste dit: «Alors Jésus vient et les trouve endormis; Il dit à Pierre: “Simon, tu dors? Tu n’as pas pu veiller une heure (verbe gregoréo)? Veillez (gregoreîte) et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation; car l’esprit est prêt, mais la chair est faible »(Mc 14,37-38). Aussi ici le verbe gregoréo est utilisé dans un contexte de lutte et de combat et même d’agonie.

Mais l’exhortation la plus dramatique qui nous a été adressée pour bien se préparer au La Venue du Seigneur est celle que l’Esprit dirige vers l’une des églises de l’Apocalypse :

« À l’ange de l’Église qui est à Sardes, écris : Ainsi parle celui qui a les sept esprits de Dieu et les sept étoiles : Je connais ta conduite, je sais que ton nom est celui d’un vivant, mais tu es mort.

Sois vigilant (verbe gregoréo), raffermis ce qui te reste et qui allait mourir, car je n’ai pas trouvé que tes actes soient parfaits devant mon Dieu. »

Ceci est une exhortation pour quelqu’un qui a presque complètement abandonné la volonté de rester dans la foi. Il est comparé à celui qui s’est endormi et ne veut pas se relever, ou pire, celui qui meurt sur le lit de mort, à cause de l’oubli de la venue de Jésus-Christ et la négligence qui en résulte.

Eh bien, rappelle-toi ce que tu as reçu et entendu, garde-le et convertis-toi. Si tu ne veilles pas (verbe gregoréo), je viendrai comme un voleur et tu ne pourras savoir à quelle heure je viendrai te surprendre ».

Il est vrai, le monde s’est endormi, il n’attend plus le retour du Juge. Et nous ? nous chrétiens, nous attendons le retour du Christ, nous sommes en train de veiller avec les sens que nous venons de découvrir ?

Pour combien d’entre nous cette fête de Noël est loin d’être une vraie attente, c’est plutôt la fête du sapin, de cadeaux, de repas et des chocolats, des lumières et de la dance, dans les meilleurs de cas, malheureusement !

Ecoutons saint Bernard, ce qu’il prêchait aux chrétiens de son temps, ces paroles deviennent plus qu’actuelles pour nous !:

« Voilà comment il se fait que ceux dont l’esprit et la vie sont tout de ce monde, n’exhalent jamais la bonne odeur de ces douceurs ineffables, lors même qu’ils en célèbrent la mémoire de la Nativité du Christ, ils passent ces jours de fête sans dévotion, sans piété et dans une sorte d’aridité pareille à celle des autres jours. Mais ce qu’il y a de plus condamnable, c’est que le souvenir de cette grâce inestimable est une occasion de fêtes charnelles, en sorte qu’on voit les hommes, dans ces jours de solennité, rechercher les parures et les délices de la table avec tant d’ardeur qu’on pourrait croire que le Christ, en naissant demandait des telles choses. Mais ne l’entendez-vous point dire lui-même: « Je ne mangeais point avec ceux dont l’œil est superbe et le cœur insatiable (Ps 100,5). » Pourquoi cette ambition à vous procurer des vêtements pour le jour de ma naissance ? Je déteste l’orgueil, bien loin de l’aimer. Pourquoi cette ardeur et ce soin à préparer une foule de mets pour cette époque ? Je blâme les délices de la table, bien loin de les avoir pour agréables. Lors donc que vous célébrez ma venue, vous ne m’honorez que du bout des lèvres, votre cœur est loin de moi; ce n’est même pas moi que vous honorez, car votre dieu, c’est votre ventre, et vous placez votre gloire dans ce qui fait votre honte.

Soyons en attente du retour du Seigneur, le retour dans notre vie pendant que nous préparons surtout notre cœur pour la Nativité du Seigneur. Que la très sainte Vierge Marie guide notre marche vers Noël.

P. Luis Martinez IVE

“ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau”

Solennité de Tous les Saints

Ce dimanche, l’Eglise interrompt le cycle des dimanches du temps ordinaire, pour célébrer cette belle solennité de Tous les Saints. 

La solennité de la Toussaint s’est consolidée au cours du premier millénaire chrétien comme une célébration collective des martyrs. En 609, à Rome, le Pape Boniface IV avait déjà consacré le Panthéon, le dédiant à la Vierge Marie et à tous les martyrs. Mais dans tout le monde chrétien de l’époque (soit en orient comme en occident), les églises des différentes nations avaient déjà donné une date précise pour commémorer les saints tous ensemble. Avec le temps, la date s’est déterminée pour ce jour, premier novembre.

Cette solennité nous fait d’abord regarder le Ciel, notre destination commune ; dans le sens que tout homme et femme dans ce monde y est appelé. Mais elle nous fait regarder le monde, de quelle manière doit vivre dans ce monde celui qui est appelé à la vie éternelle du Ciel.

La liturgie de la Parole nous démontre ce qu’on vient de dire à travers les lectures proposées pour cette fête, les deux premières appartiennent au Nouveau Testament, avec comme d’habitude le psaume et l’évangile des Béatitudes, selon saint Matthieu.

La première lecture est tirée de l’Apocalypse de saint Jean. L’apôtre, à travers un tableau d’images symboliques nous décrit l’histoire théologique du monde, de quelle manière Dieu conduit le monde jusqu’au retour de son Fils, en même temps, saint Jean nous fait aussi déjà contempler la réalité du Ciel. Alors, il est évident que, s’agissant des choses d’une telle hauteur, l’auteur de ce livre cherche des images pour nous les faire comprendre. Et pour cela, la façon de lire l’Apocalypse c’est en dépassant la matérialité de l’image et en découvrant la vérité que l’Esprit Saint veut nous apprendre à travers elle.

Le passage du livre de l’Apocalypse que nous venons d’entendre déclare qu’un ange marquera d’un seau le front des serviteurs de notre Dieu, un sceau qui imprime la marque du Dieu vivant.

Et j’entendis le nombre de ceux qui étaient marqués du sceau. D’abord, comment devons-nous comprendre ce sceau ? On vient de dire qu’il ne faut pas tomber dans le matérialisme de l’image. Et pour cela, nous pouvons dire qu’il s’agit d’une image de la grâce, déjà présente aussi dans le langage de la bible, c’est-à-dire, ceux qui sont choisis par Dieu sont marqués, configurés avec le même Christ, par l’Esprit Saint à travers la grâce.

Les marqués par le sceau étaient cent quarante-quatre mille, de toutes les tribus des fils d’Israël. On ne peut pas encore tomber dans l’interprétation matérialiste, défendue (malheureusement) par certaines sectes modernes, qui comprennent cette quantité comme un chiffre exact : « seulement 144.000 personnes seront sauvées » ; on peut dire qu’elle est une interprétation plus que pessimiste et totalement défaitiste, puisqu’une telle quantité ne représente même pas l’infime partie de l’humanité qui au long de toute l’histoire a déjà vécu dans ce monde. De plus, cela ne tient pas compte non plus des paroles de ce même livre qui mentionnera seulement quatre versets plus tard que les sauvés sont une foule que « personne ne pourrait dénombrer »

Il s’agit plutôt d’un nombre symbolique qui indique une foule immense dont Dieu connaît parfaitement la quantité, qui dans les desseins de Dieu est une quantité parfaite (car en Dieu tout est parfait). Ils semblent correspondre à tous ceux qui doivent entrer dans l’Église à travers les âges.

Mais l’image continue avec maintenant ceux qui ont déjà triomphé : une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main.

Saint Jean nous y montre un aspect très clair, Dieu nous donne le salut, comme des vêtements blancs, mais ce sont les bienheureux qui ont lavé leurs vêtements dans le sang de l’Agneau. La rédemption appartient au Christ, mais son effet ne se produit pas automatiquement, c’est la personne qui doit se l’approprier. Son sang et son sacrifice, prix non seulement suffisant mais débordant de notre rédemption, sont à notre disposition ; mais il est inefficace pour ceux qui ne veulent pas en profiter. En pensant à ceux qui meurent de soif en se tenant à côté de la source salvifique, l’Écriture met ces paroles douloureuses sur les lèvres du Messie: «À quoi sert mon sang? (Ps 30.10). Nous devons permettre donc à son sacrifice de nous purifier par notre douleur pour les péchés, en acceptant le Christ par la foi et à travers notre configuration avec lui par la charité transformatrice.

Evoquant les paroles du psaume : « Qui peut gravir la montagne du Seigneur et se tenir dans le lieu saint ? L’homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles (celui qui fait la volonté de Dieu dans sa vie). Il obtient (donc), du Seigneur, la bénédiction, et de Dieu son Sauveur, la justice. »

Les saints du Ciel que nous célébrons aujourd’hui, ont bien compris ce qu’on vient de dire, ils n’ont pas laissé le Sang du Christ tomber en vain, à travers leurs œuvres, sont venus laver leurs vêtements pour pouvoir accéder à la vie éternelle.

On disait au début que la liturgie nous fait regarder vers le Ciel et vers ce monde. Dans l’évangile nous retrouvons les béatitudes, par elles le Seigneur nous explique quelle est la manière dont le saint vit dans ce monde. 

Le pape Saint Jean Paul II disait que « les béatitudes ne sont que la description d’un visage, le visage de Jésus-Christ. Et pour cela que saint Jean, maintenant dans la deuxième lecture nous rappelle que nous serons semblables au Christ dans la vie éternelle, les bienheureux en vivant l’essentiel de l’évangile décrit par les béatitudes, ont formé l’image du Christ en eux, comme la bible l’exprime aussi, ils se sont habillés du Christ.

Comme le monde du péché est en soi contradictoire au Christ, les béatitudes décrivent donc des situations que le monde n’accepte pas, qu’il résiste à vivre et qu’il considère comme une défaite, comme un malheur ou bien comme une faiblesse. « Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas : c’est qu’il n’a pas connu Dieu », écrit saint Jean.

Pour ceux qui vont suivre l’enseignement du Seigneur, il est nécessaire de se détacher de la pensée du monde et d’accepter le dur chemin de la sanctification, comme le Seigneur qui laissant les foules, invite ses vrais disciples à souffrir l’effort de la montée, pour découvrir la nouvelle loi ; seulement pour ceux qui s’approchent de Lui, pour ses disciples authentiques, le Seigneur ouvrira sa bouche pour enseigner la loi de la sainteté, l’évangile résumé.  

Mais pas de promesses de joie, la joie proclamée par les béatitudes est déjà arrivée, c’est maintenant que ce bienheureux possède la joie, même si plusieurs béatitudes réservent une récompense dans le futur : « ils seront consolés, rassasiés, etc. ».

Les béatitudes ne sont pas des promesses dorées d’une gloire future, ce sont plutôt des cris triomphants de bénédiction par une joie permanente et que rien dans ce monde ne pourra enlever.

Ces huit phrases dans leur langue originelle ont été des exclamations, alors que dans les langues modernes cela perd un peu ce sens. Elles étaient des expressions des joies, comme celle qui exprime un désir accompli : Ah ! Comment ils sont joyeux les pauvres d’esprit, quelle joie pour les miséricordieux !

Parce qu’il est vrai, c’est une vérité constatée par une foule immense au long de toute l’histoire de l’humanité, la vie éternelle et la joie du Ciel commencent déjà dans ce monde, lorsque le saint travaille à coup de marteau des béatitudes le visage du Christ qu’il forme en lui et lave déjà son vêtement dans le Sang de l’Agneau de Dieu, en soupirant pour le contempler un jour sur le trône de sa Gloire.

Que la très Sainte Vierge Marie nous conduise un jour devant le trône de son Fils.

P. Luis Martinez IVE.