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« Seigneur, donne-nous toujours de ce Pain-là »

Homélie pour le dimanche XVIII, année B (Jn 6, 24-35)

Après avoir accompli le miracle que nous avons écouté dans l’évangile de la semaine dernière, le Seigneur part vers la ville de Capharnaüm. Et c’était parce que les gens, après avoir vu le signe de la multiplication des pains, voulaient faire du Seigneur un roi, mais un roi humain, celui qui peut nous donner du pain sans effort, un messie terrestre. Mais, même si le Seigneur s’échappe d’eux, ils viendront Le chercher.

C’est là que commence un long discours, quiest parfois un dialogue comme aujourd’hui avec ces gens, qui ne comprenaient rien de la mission du Seigneur. Ils avaient le cœur attaché aux choses de ce monde, et lorsque le cœur d’une personne est attaché à ce monde, il est impossible de comprendre les choses, les réalités du Ciel, de Dieu. Le Seigneur ne se lasse pas de répondre et essaie de les pousser à regarder avec foi ses gestes et ses paroles :

« Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » 
« L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » 

Comme bons juifs qu’ils étaient, ils connaissaient très bien le prodige de la Manne et c’est avec cela qu’ils défient le Seigneur, à faire un signe comme celui de Moïse : Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ?

Et le Seigneur ne fera que leur corriger cette interprétation tout à fait erronée du miracle de la manne :

D’abord ce n’était pas Moïse qui avait donné la manne, il n’était qu’un instrument ; c’était plutôt « Mon Père » dit Jésus. Le pain tombé du ciel, mais il s’agissait du ciel atmosphérique, le ciel que nous voyons avec nos yeux.

Pourtant, Jésus donnerait lui-même un vrai pain qui descend du Ciel. La manne représentait pour le peuple du désert un aliment juste matériel et n’avait pas d’autre finalité que de donner la satisfaction corporelle. Le pain que promet le Seigneur est un Pain qui donne Vie et non seulement à un peuple perdu dans le désert, il donne la Vie au monde entier.

Les juifs vont demander ce pain (comme fera aussi la samaritaine, si bien que leur disposition n’était pas la même que la samaritaine), et le Seigneur annonce le sujet de son discours et que nous allons continuer à écouter les autres dimanches :

« Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. » 

Alors, nous connaissons très bien ce pain, pour nous les paroles du Seigneur font référence à ce pain qui donne vie et que nous appelons Eucharistie.

L’Eucharistie fait partie des sept sacrements de l’Eglise qui ont pour finalité, celle de soutenir l’homme dans sa vie spirituelle ; or la vie spirituelle s’harmonise à la vie corporelle, du fait que les réalités corporelles portent la ressemblance des réalités spirituelles. Ainsi comme l’homme a besoin de naître et grandir, il requiert aussi la nourriture par quoi l’homme est conservé en vie. Par conséquent, de même que la vie spirituelle a requis le baptême, qui est génération spirituelle, et la confirmation, qui est croissance spirituelle, de même elle a requis le sacrement d’eucharistie, qui est nourriture spirituelle.

L’Eucharistie est un sacrement, et on appelle sacrement ce qui contient quelque chose de sacré. Et une chose peut être sacrée de deux façons : en elle-même, absolument, ou bien par relation à autre chose. Et voilà qu’il y a une grande différence entre ce sacrement et les autres six, et la différence est en ce que l’Eucharistie est sacrée par les deux aspects, d’abord parce qu’elle contient quelque chose de sacré en elle-même, absolument, à savoir le Christ lui-même ; tandis que l’eau du baptême contient quelque chose de sacré par relation à autre chose, c’est-à-dire qu’elle contient une vertu capable de sanctifier l’âme.

De là une conséquence : nous adorons l’Eucharistie, parce que Jésus est toujours présent en elle pour autant que les accidents soient aussi présentsdans l’Hostie Consacrée (par exemple le Seigneur cesserait d’être Présent dans l’Hostie si elle se désintègre à cause du temps).

Par contre on ne met pas l’eau du baptême ni le saint chrême dans le tabernacle, parce qu’ils sanctifient seulement lorsque nous en faisons usage pour conférer soit le sacrement du baptême soit la confirmation.

De façon que dans l’Eucharistie, il y a d’abord le signe, le pain et le vin, avec les paroles de la consécration « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang ».

Mais en elle aussi il y a la réalité, le Corps du Christ et son Sang, offerts en sacrifice et Il est vivant, donc le Christ est toujours Présent. 

Mais il y a aussi ce qui est l’autre réalité, celle désignée par l’effet qui se produit en celui qui reçoit le sacrement, c’est-à-dire la grâce conférée, elle va résider en celui qui reçoit l’eucharistie, la grâce sanctifiante et la grâce propre de ce sacrement.

Alors on peut se demander : dans l’Eucharistie y a-t-il deux sacrements ? Parce qu’en vérité, nous consacrons d’un côté le pain et d’un autre côté le vin…

Il faut toujours dire que ce sacrement est un, parce qu’il est ordonné à la réfection spirituelle, qui ressemble à la réfection corporelle. Alors, la réfection corporelle réclame deux choses : la nourriture, qui est l’aliment sec, et la boisson, qui est l’aliment humide. De même, deux choses concourent à l’intégrité de ce sacrement : la nourriture spirituelle et la boisson spirituelle, selon la parole de Notre Seigneur en S. Jean (6, 56) : ” Ma chair est vraiment nourriture et mon sang est vraiment boisson. “

Si bien que ce sacrement comporte une pluralité en ce qui concerne la matière (c’est-à-dire le pain et le vin), il est donc « un » en ce qui concerne la forme et la perfection.

Il est vraiment important de réfléchir et d’approfondir dans la connaissance de ce mystère qu’est l’Eucharistie, on a dit qu’elle vient nous donner la vie à notre âme, et elle soutient notre marche vers le Ciel. Nous avons besoin de Jésus, nous avons besoin aussi de le connaître dans ce grand mystère où Il est Présent, parce nul ne peut aimer ce qu’il ne connaît pas, on doit le connaître pour l’aimer davantage.

Pour montrer comment ce sacrement était important, le Seigneur l’avait d’abord annoncé par certains miraclesdans sa vie, comme la multiplication des pains, mais aussi Il a parlé longuement de l’Eucharistie dans le sermon que nous allons écouter pendant les dimanches qui suivent. Mais la manière dont il nous a montré l’importance de ce sacrement c’est d’avoir institué ce sacrement, c’est-à-dire de l’avoir créé pour ainsi dire la veille de sa Passion, le moment avant sa mort. Saint Thomas d’Aquin nous dit que cela était meilleur moment choisi par Jésus pour instituer ce sacrement :

1° D’abord parce que c’était le moment où le Christ, sous son aspect naturel, allait quitter ses disciples, il s’est donné donc à eux sous son aspect sacramentel, de même qu’en l’absence de l’empereur on offre son image à la vénération de ses sujets. Afin qu’on honore continuellement sous forme de mystère ce qui était offert une seule fois en rançon. “

2° Parce que, sans la foi en la passion du Christ, le salut a toujours été impossible. Il faut donc qu’il y ait en tout temps chez les hommes quelque chose qui représentât la passion du Seigneur.

 3° Parce que les paroles suprêmes, particulièrement lorsqu’elles sont prononcées par des amis qui s’en vont, s’imposent davantage à la mémoire, surtout parce qu’alors nous portons à nos amis une affection plus ardente. En effet, ce qui nous touche davantage s’imprime plus profondément dans le cœur… Afin que ce sacrement fût tenu en plus grande vénération, le Seigneur l’institua au moment de quitter ses disciples. C’est ce que dit S. Augustin : ” Le Sauveur, pour mettre plus fortement en valeur la profondeur de ce mystère, voulut l’imprimer le dernier dans les cœurs et dans la mémoire de ses disciples, qu’il allait quitter pour subir sa Passion.

Rappelons-nous cela, à chaque messe, car, à la fin de la consécration nous chantons “Nous proclamons ta mort, Seigneur”.

Pensons que Dieu a voulu nous donner son Corps et son Sang, pour que nous ayons la vie de la grâce en même temps qu’il nous fait participer, de façon mystérieuse mais réelle de sa Passion. Voilà le sérieux et le grand de la messe, nous sommes sur la colline du Calvaire avec la Vierge Marie, saint Jean et les saintes femmes.

Demandons à la très Sainte Vierge Marie la grâce de participer avec ferveur de la Messe et de nous approcher avec vénération du Sacrement du Corps et du Sang du Christ.

P. Luis Martinez IVE.

Croire en Lui, c’est manger le Pain Vivant

Lire l’évangile du dimanche XIX  du temps ordinaire  (Jn 6, 41-51)

La lecture du sixième chapitre de l’Évangile de Jean, qui nous accompagne en ces dimanches dans la liturgie, nous a conduits à partir du miracle de la multiplication du pain et des poissons, à l’invitation que Jésus adresse à ceux qu’il avait rassasiés de rechercher une nourriture qui demeure pour la vie éternelle.

Jésus parle de lui comme du véritable pain descendu du ciel (une fois) et le pain vivant (pour deux fois), capable de maintenir en vie non pas pour un instant ou pour un bout de chemin, mais pour toujours. Il est la nourriture qui donne la vie éternelle, parce qu’Il est le Fils unique de Dieu, qui est dans le sein du Père, venu donner à l’homme la vie en plénitude, pour introduire l’homme dans la vie même de Dieu. Nous l’avons dit la semaine dernière, le Pain du Ciel, le Christ vient nourrir notre âme soit lorsque nous accueillons sa Parole, soit lorsque Le mangeons dans l’Eucharistie.

Or, cette nourriture spirituelle qui est pour nous l’Eucharistie est bien signifiée dans la première lecture de ce dimanche, où nous trouvons  le prophète Élie, fuyant l’hostilité de la reine Jézabel ; il veut mourir, parce qu’il n’a plus de force dans le désert. Mais le Seigneur envoie son ange pour le nourrir et rassasier sa soif de manière miraculeuse, « puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits ».

Comme nous le savons ; lorsque nous nous approchons de l’Eucharistie, c’est Notre Seigneur que nous recevons dans ce sacrement. Nous connaissons aussi les conditions pour Le recevoir, d’abord pleine conscience de que nous recevons le Fils de Dieu, Dieu dans notre âme. « Nous devons nous préparer à ce moment si grand et si saint. Ainsi, S. Paul exhorte à un examen de conscience : ” Quiconque mange ce pain ou boit cette coupe du Seigneur indignement aura à répondre du Corps et du Sang du Seigneur. Que chacun donc s’éprouve soi-même et qu’il mange alors de ce pain et boive de cette coupe ; car celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation, s’il n’y discerne le Corps ” (1 Co 11, 27-29). Pour cette raison, celui qui est conscient d’un péché grave doit recevoir le sacrement de la Réconciliation avant d’accéder à la communion.

Devant la grandeur de ce sacrement, le fidèle ne peut que reprendre humblement et avec une « foi ardente » la parole du Centurion (cf. Mt 8, 8) : ” Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri “.

Nous pouvons en tirer une première conclusion : nous ne pouvons pas penser que la communion est un droit que tout chrétien possède lorsqu’il vient à la messe (« j’ai le droit de communier ») ; l’Eucharistie c’est un don de Dieu, un cadeau de sa part, mais un don qui demande une bonne disposition, une préparation.

Dans la Divine Liturgie de S. Jean Chrysostome, le rite de l’Eglise Catholique orientale, les fidèles font cette belle prière : A ta cène mystique fais-moi communier aujourd’hui, ô Fils de Dieu. Car je ne dirai pas le Secret à tes ennemis, ni ne te donnerai le baiser de Judas. Mais, comme le larron, je te crie : Souviens-toi de moi, Seigneur, dans ton royaume.

Pour se préparer convenablement à recevoir ce sacrement, les fidèles observeront aussi le jeûne prescrit dans leur Église (généralement c’est une heure avant de recevoir l’Eucharistie  sous réserve de la santé de la personne). L’attitude corporelle (gestes, vêtement) traduira aussi le respect, la solennité, la joie de ce moment où le Christ devient notre hôte.

Quels sont les fruits et les grâces que nous recevons dans notre âme lorsque nous apprêtons à communier et nous recevons le Corps du Christ ?

D’abord, recevoir l’Eucharistie dans la communion porte comme fruit principal l’union intime au Christ Jésus. Le Seigneur dit: ” Qui mange ma Chair et boit mon Sang demeure en moi et moi en lui ” (Jn 6, 56).

Ce que l’aliment matériel produit dans notre vie corporelle, la communion le réalise de façon admirable dans notre vie spirituelle. La communion à la Chair du Christ ressuscité, ” vivifiée par l’Esprit Saint et vivifiante “, conserve, accroît et renouvelle la vie de grâce reçue au Baptême. Cette croissance de la vie chrétienne a besoin d’être nourrie par la communion eucharistique, elle est le pain de notre pèlerinage, jusqu’au moment de la mort, où il nous sera donné comme viatique, comme l’aliment du passage entre cette vie et l’autre.

La communion nous sépare aussi du péché. C’est pourquoi l’Eucharistie nous unit au Christ en nous purifiant en même temps des péchés véniels commis ; et nous préserve aussi des péchés futurs. Elle est comme notre remède qui nous fortifie et nous préserve de tomber dans la maladie du péché. Plus nous participons à la vie du Christ et plus nous progressons dans son amitié, plus il nous est difficile de rompre avec Lui par le péché mortel.

Rappelons-nous encore que l’Eucharistie n’est pas ordonnée au pardon des péchés mortels. Ceci est propre au sacrement de la Réconciliation. Le propre de l’Eucharistie est d’être le sacrement de ceux qui sont dans la pleine communion de l’Église.

Comme la nourriture corporelle sert à restaurer la perte des forces, l’Eucharistie fortifie la charité qui, dans la vie quotidienne, tend à s’affaiblir. En se donnant à nous, le Christ ravive notre amour et nous rend capables de rompre les attachements désordonnés aux créatures et de nous enraciner en Lui : Ayant reçu le don de l’amour, mourons au péché et vivons pour Dieu (S. Fulgence de Ruspe, Fab. 28, 16-19 : CCL 19A, 813-814 : LH, sem. 28, lundi, off. lect.).

La communion au Corps et Sang du Christ fait aussi l’unité du Corps mystique : l’Eucharistie fait l’Église. Ceux qui reçoivent l’Eucharistie sont unis plus étroitement au Christ. Par là même, le Christ les unit à tous les fidèles en un seul corps : l’Église. La communion renouvelle, fortifie, approfondit cette incorporation à l’Église déjà réalisée par le Baptême. Puisqu’il n’y a qu’un pain, à nous tous nous ne formons qu’un corps, car tous nous avons part à ce pain unique ” (1 Co 10, 16-17) :

L’Eucharistie nous engage aussi envers les pauvres : Pour recevoir dans la vérité le Corps et le Sang du Christ livrés pour nous, nous devons reconnaître le Christ dans les plus pauvres, Ses frères (cf. Mt 25, 40)

Disons enfin que communier c’est recevoir Dieu. C’est-à-dire recevoir le pouvoir de nous sanctifier et la  force, la paix et la consolation, la foi, l’espérance et la charité. Communier c’est devenir semblable au Christ, imitant ses vertus et reproduisant sa vie en nous. Communier signifie se revêtir de la force de Dieu contre les vices et les démons. La communion au Corps et Sang du Christ nous aide à soumettre peu à peu le corps à l’âme et à être libre de l’esclavage des vices.

Ecoutons ce beau commentaire de Saint Augustin à l’évangile d’aujourd’hui : « Les juifs qui protestaient contre Jésus étaient loin de s’occuper du pain du ciel, et ils ne savaient pas en avoir faim. Par faiblesse, leur cœur ne pouvait ni demander ni recevoir aucune nourriture… Car, ce pain de l’homme intérieur exige de l’appétit » (26, 1).

Nous devons nous demander si nous ressentons réellement cette faim, la faim de la Parole de Dieu, faim de l’Eucharistie. Seul celui qui est attiré par Dieu le Père, qui l’écoute et qui se laisse instruire par Lui peut croire en Jésus, le rencontrer et se nourrir de Lui et trouver ainsi la vraie vie, la voie de la vie, la justice, la vérité, l’amour. Saint Augustin ajoute : « Le Seigneur… s’est présenté à nous comme le pain descendu du ciel, et nous a exhortés à croire en lui. Croire en lui, c’est manger le pain vivant. Celui qui croit, mange : il se nourrit invisiblement, parce qu’il renaît d’une manière invisible [à une vie plus profonde, plus vraie] ; c’est intérieurement un homme nouveau ». Demandons aujourd’hui cette grâce.

P. Luis Martinez V. E.

Institut du Verbe Incarné