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“Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment?”

Homélie pour le IIIème. Dimanche de  Pâques, année C (Jn. 21, 1-19)

En ce dimanche, troisième de Pâques, nous avons entendu une nouvelle apparition de Notre Seigneur ressuscité, une apparition qui a eu lieu entre le dimanche, après la résurrection, où Jésus fait constater la vérité de sa résurrection à l’apôtre Thomas, et l’Ascension du Seigneur. Les apôtres sont en Galilée, la patrie de la plupart d’entre eux, car les anges vus par les saintes femmes avaient annoncé que le Seigneur allait les précéder en Galilée, c’est là qu’ils le verront.

 Les apôtres partent donc pour aller rencontrer le Christ mais sans savoir comment, ni quand ni où précisément. C’est donc au bord du lac de Galilée et après une pêche miraculeuse qu’ils se retrouvent avec le Seigneur et c’est le moment que nous avons proclamé dans l’évangile.

Comme le même jour de Pâques aux sainte femmes, Jésus se manifeste à l’aube, « au lever du jour ».

Les apôtres n’avaient rien pris pendant la nuit, le moment propice pour leur métier ; et quelqu’un les interroge sur la réussite de la pêche ; il semble que les clients de l’époque faisaient de même, ils s’approchaient de la mer pour avoir du poisson frais.

Ce qui n’est pas normal, c’est le conseil donné par cet inconnu, qui leur ordonne de jeter les filets à droite, les poissons ne se montrant pas avec la lumière du jour. Une raison mystérieuse pousse les apôtres à obéir, et cela marque le début de cette rencontre avec le Christ ressuscité.

Le disciple aimé de Jésus, que la tradition identifie à saint Jean, est le premier à le reconnaître ; saint Jean est le symbole de l’amour dans l’évangile, l’amour est le premier à reconnaître l’aimé.  Mais c’est l’apôtre saint Pierre qui va se jeter à la mer pour aller à la rencontre de Jésus ; dans l’évangile saint Pierre est la personnification de la vertu de la foi. En effet, l’Eglise est bâtie sur sa foi ; c’est donc la foi qui vient à la rencontre du Christ, qui vient s’unir à Lui.

L’évangile, dans la traduction plus directe du grec, nous apprend que saint Pierre était nu, en fait qu’il n’avait que les vêtements les plus légers pour la pêche mais que le respect pour le Seigneur le conduit à s’habiller même s’il devra se jeter dans l’eau. Saint Augustin dit que l’apôtre était nu comme Adam se voyait nu après le péché, saint Pierre se sentait nu après le reniement de la passion. Pour cela, dans le dernier dialogue avec le Christ, Jésus lui pose trois fois la même question afin de confirmer son amour.

C’est l’amour et la foi de saint Pierre est des autres apôtres que nous constatons après la Pentecôte, ce qui nous ramène à la première lecture. Les actes des apôtres nous montrent saint Pierre et les autres comparaissant devant le Conseil suprême et le grand prêtre, pour recevoir l’avertissement de ne pas prêcher l’évangile et même aussi un grand châtiment.

Pierre et les Apôtres devant le Sanhédrin, ont la certitude pleine et absolue que, dans le Christ, Dieu même a parlé, qu’il a parlé définitivement avec sa croix et sa résurrection. Pierre et les autres apôtres, donc, à qui cette vérité a été directement donnée — comme ceux qui, avec le temps, ont reçu le Saint-Esprit — doivent en témoigner.

« Croire » signifie accepter la vérité qui vient de Dieu avec toute la conviction de l’intelligence, en s’appuyant sur la grâce de l’Esprit Saint « que Dieu a donnée à ceux qui lui obéissent » (Ac 5, 32) ; accepter ce que Dieu a révélé, et qui nous vient continuellement à travers l’Église dans sa “transmission” vivante, c’est-à-dire dans la tradition.

Au cours des siècles, les Sanhédrins ont changé, exigeant le silence, l’abandon ou la déformation de cette vérité. Les Sanhédrins du monde contemporain sont de toutes natures, et ils sont nombreux. Ces sanhédrins sont chacun des hommes qui rejettent la vérité divine ; il s’agit aussi des systèmes de pensée et de la connaissance humaine ; ce sont les diverses conceptions du monde et aussi les différents programmes du comportement humain ; ce sont aussi les diverses formes de pression de la soi-disant opinion publique, de la civilisation de masse et des moyens de communication sociale matérialistes, laïcs, agnostiques, antireligieux ; ce sont, enfin, aussi certains systèmes de gouvernement contemporains qui — s’ils ne privent pas totalement les citoyens de la possibilité de confesser leur foi — du moins la limitent de différentes manières, marginalisent les croyants et en font des citoyens d’une catégorie inférieure. Devant toutes ces formes modernes du Sanhédrin de l’époque, la réponse de la foi est toujours la même : « Il faut obéir à Dieu avant d’obéir aux  hommes ». « Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous aviez exécuté en le suspendant au bois du supplice… nous sommes les témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. » (Act. 5, 29-32) (Saint Jean Paul II 20/04/80).

Mais la Parole de Dieu nous révèle aussi que la foi et l’amour exigent le témoignage jusqu’à la fin, jusqu’au bout et que tout chrétien doit être prêt à donner ce témoignage : 

« Ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus. » ;  «quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. »

22 missionnaires ont été tués en 2021 dans le monde. Deux de plus que l’année précédente. Au total, au cours des deux dernières décennies, 536 hommes et femmes de Dieu, avec la mission de rapprocher le Christ du monde, ont perdu la vie en accomplissant leur travail. L’Afrique, encore aujourd’hui, reste pour eux le continent le plus dangereux.

Au cours de cette dernière année, selon le rapport de l’Agence « Fides », 13 prêtres, 3 religieux (un homme et deux femmes), 6 laïcs ont été assassinés. Quant à la division continentale, le plus grand nombre est enregistré en Afrique, où 11 missionnaires (7 prêtres, 2 religieux, 2 laïcs) ont été tués ; suivent  l’Amérique, avec 7 missionnaires tués (4 prêtres, 1 religieux, 2 laïcs) ; l’Asie, où 3 missionnaires (1 prêtre, 2 laïcs) ont été tués ; et l’Europe, où 1 prêtre a été tué.

« Malgré tout, a dit le pape Benoît, le bien existe dans le monde, et ce bien est destiné à vaincre grâce à Dieu, le Dieu de Jésus Christ, incarné, mort et ressuscité. Il est vrai qu’il est parfois difficile de saisir cette profonde réalité, car le mal fait plus de bruit que le bien; un meurtre atroce, des violences répétées, de graves injustices font la une des journaux, alors qu’au contraire, les gestes d’amour et de service, la fatigue quotidienne supportée avec fidélité et patience restent souvent dans l’ombre, n’apparaissent pas. C’est également pour cette raison que nous ne pouvons pas nous limiter aux seules nouvelles si nous voulons comprendre le monde et la vie; nous devons être capables de nous plonger dans le silence, dans la méditation, dans la réflexion calme et prolongée; nous devons savoir nous arrêter pour penser. De cette manière, notre âme peut trouver la guérison des inévitables blessures de la vie quotidienne, elle peut descendre en profondeur dans les faits qui se produisent dans notre vie et dans le monde, et parvenir à cette sagesse qui permet d’évaluer les choses avec des yeux nouveaux. C’est surtout dans le recueillement de la conscience, où nous parle Dieu, que l’on apprend à regarder avec vérité nos propres actions, y compris le mal présent en nous et autour de nous, pour commencer un chemin de conversion qui rend plus sages et meilleurs, davantage capables d’engendrer la solidarité et la communion, de vaincre le mal par le bien. Le chrétien est un homme d’espérance, aussi et surtout face à l’obscurité qui existe souvent dans le monde et qui ne dépend pas du projet de Dieu mais des choix erronés de l’homme, car il sait que la force de la foi peut déplacer les montagnes (cf. Mt 17, 20): le Seigneur peut également illuminer les ténèbres les plus profondes. » (31/12/12)

A la sainte Vierge Marie nous demandons de nous obtenir de son Fils, la grâce d’un véritable amour et une foi solide, comme la foi de l’apôtre aimé, saint Jean, qui avait reconnu le Christ, « c’est le Seigneur », comme  l’amour de Pierre, se jetant dans l’eau pour aller à la rencontre du Christ, comme la foi et l’amour des apôtres, allant jusqu’au bout, jusqu’à rendre le témoignage suprême, le martyre.

P. Luis Martinez IVE.

“M’aimes-tu ?” ÉCOUTERONS-nous cette question ?

L’évangile de ce troisième dimanche de Pâques (Jn. 21,1-22) nous décrit une nouvelle manifestation de Notre Seigneur après sa Résurrection. Pour nous situer temporellement, cette scène évangélique se passe entre le deuxième dimanche de Pâques et l’Ascension, car à la fin de la première semaine de Pâques, les disciples se trouvaient encore à Jérusalem et ils y reviendront pour être présents lorsque le Seigneur montera au Ciel.  

Les apôtres laissent Jérusalem et retournent en Galilée, où Jésus leur avait annoncé qu’il serait : « une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée » (Mt. 26,32) et l’ange avait dit cela aussi aux femmes dans le saint Sépulcre (Mt. 28,7). 

La Galilée était leur patrie, et en rentrant chez eux, ils font ce qu’ils faisaient auparavant, c’est-à-dire, la pêche dans le lac de Génésareth (appelé aussi lac de Tibériade, nous le connaissons encore avec le nom de mer de Galilée).

Cet épisode de la vie du Christ ressuscité est décrit par saint Jean évangéliste. Et comme nous savons l’évangile de saint Jean garde une grande valeur « symboliste » dans la narration des faits de la vie du Seigneur. Le symbolisme est bien présent encore dans cette manifestation du Ressuscité et les pères de l’Eglise ont su les découvrir en méditant et expliquant cet évangile aux fidèles.

Pierre, chef de l’Eglise propose d’aller faire la pèche, dans sa barque (l’Eglise), le groupe est composé de 7 personnes, symbole de l’universalité ; ils travaillent au milieu de la mer, image toujours du monde. Par leurs propres efforts ils n’obtiennent rien après une nuit de travail.

Mais le Seigneur depuis un lieu tranquille et sûr (depuis le Ciel), veille sur eux, sur la barque de l’Eglise et sur leur travail. C’est aussi lui qui leur dit comment réaliser le travail, jeter les filets à droite fait penser aux élus (Mat. 25:33). Pierre et ceux qui sont dans sa barque de Pierre suivent maintenant les indications du Christ et se laissent guider par Lui. Et grâce à cette obéissance la pêche devient très abondante. Le filet avait été déjà présenté aux apôtres comme symbole du Royaume de Dieu (Mat. 4, 19 par.) et la pêche avait était un signe leur prédication (Luc 5,10).

Une fois les tâches finies, tous viennent vers le Seigneur pour montrer le fruit de leur travail, mais c’est le Seigneur qui prépare pour eux une récompense au Ciel : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. » (Mat. 11,28).

Un autre signe vu par les pères de l’Eglise : les apôtres travaillent avec peine toute la nuit sans rien obtenir, c’est au grand matin, à la lumière du Christ Ressuscité qu’ils obtiendront des fruits en abondance.

Au centre de ce miracle se trouve, le moment où Saint Jean, le disciple que Jésus aimait annonce à Pierre : « C’est le Seigneur ! », en effet c’est l’amour qui découvre la présence de l’Aimé, Jean est image de l’amour ; mais Pierre, image de la foi, va se jeter à l’eau, parce que la foi nous pousse à aller à la rencontre de Dieu, en dépassant tous les obstacles. Il faut encore dire que Pierre n’était pas tout dépourvu de vêtements, il avait juste un vêtement léger ; mais par respect envers le Seigneur il se met une tunique, même dans la tradition juive, le fait de saluer quelqu’un important constituait aussi un acte religieux et en quelque sorte solennel.

Lieu où le Seigneur a préparé le repas pour les apôtres

Alors, l’évangile de ce dimanche a une deuxième partie, c’est après le repas. Jésus établi un dialogue avec saint Pierre, un dialogue qui commence avec trois questions, sur l’amour de Pierre envers son Seigneur.

Une fois, Pierre avait trop présumé de son amour pour son Maître, la nuit de la dernière Cène : « Si tous viennent à tomber à cause de toi, moi, je ne tomberai jamais. » (Mt. 26,33). Maintenant Jésus interpelle l’apôtre avec son nom d’origine : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ». De cette manière, Notre Seigneur lui rappelle son passé, lorsque Simon était un homme de ce monde avant la grâce de la vocation divine, mais Il lui rappelle les trois fois que Pierre avait nié son Seigneur (et pour cela la question se répète trois fois). Pierre avait vécu plus avec la nature qu’avec la grâce. Mais le fait de l’appeler par ce nom gardait aussi une autre intention : il voulait rappeler sa profession de foi, lorsque Pierre l’avait confessé comme le Christ, le Messie et la réponse du Seigneur était : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas » pour lui confirmer après qu’il était le roc, la pierre sur laquelle le Christ allait bâtir son Église.

La réponse de Pierre à la différence de la dernière cène, ne provient pas de la confiance en lui-même, dans ses capacités, ses forces et ses mérites. Aujourd’hui, après l’expérience de la croix et de la Résurrection, Saint Pierre sait et donne sa réponse fondée sur la confiance mise seulement en Jésus-Christ : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. »

Evidemment, la mission que Jésus lui confère, comme n’importe quelle mission donnée par Dieu à quelqu’un dans son Église, demande un amour particulier envers le Christ. Mais, c’est Lui, c’est Dieu qui donne tout, même la capacité de répondre à la vocation, d’accomplir sa propre mission dans l’Église. Oui, il est précis de dire que « tout est grâce », comme disait Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, spécialement lorsqu’il s’agit d’un appel divin. Lorsque Dieu choisi quelqu’un, Dieu ne regarde pas s’il a les capacités, les compétences et une haute perfection spirituelle ou humaine, Dieu choisit en liberté, ce qu’Il attend c’est un cœur prompt à répondre généreusement, se laissant pousser par la grâce.

Il faut dire encore que le fait de répéter trois fois la même question était la formule habituelle et solennelle dans la législation juive pour confirmer l’acceptation d’une mission.

Nous allons citer maintenant quelques paragraphes d’une très belle homélie sur cet évangile prononcée par saint Jean Paul II, il y a presque 40 ans (Homélie, 30 mai 1980) ; à Paris, précisément à la Cathédrale de Notre Dame, dont nous gardons le triste souvenir très récent de son incendie.

A ce moment le Saint Pape commentait :

« M’aimes-tu? » Cette question est posée à l’homme par Dieu. Cette question, l’homme doit continuellement se la poser à lui-même.

« Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? ― Oui, Seigneur, tu sais bien que je t’aime ». Et Pierre s’engageait déjà, avec cette question et avec cette réponse, sur le chemin qui devait être le sien jusqu’à la fin de sa vie. Partout devait le suivre cet admirable dialogue.

Dans cette cité (et nous pouvons élargir et dire dans le monde entier), il y a eu, et il y a bien des hommes et des femmes qui ont su et qui savent encore aujourd’hui que toute leur vie a valeur et sens seulement et exclusivement dans la mesure où elle est une réponse à cette même question : Aimes-tu? M’aimes-tu? Ils ont donné, et ils donnent leur réponse de manière totale et parfaite ― une réponse héroïque ― ou alors de manière commune, ordinaire. Mais en tout cas ils savent que leur vie, que la vie humaine en général, a valeur et sens dans la mesure où elle est la réponse à cette question : Aimes-tu? C’est seulement grâce à cette question que la vie vaut la peine d’être vécue. 

La réponse qu’ils ont donnée à cette question : « Aimes-tu? » a une signification universelle, une valeur qui ne passe pas. Elle construit dans l’histoire de l’humanité le monde du bien. L’amour seul construit un tel monde. Il le construit avec peine. Il doit lutter pour lui donner forme : il doit lutter contre les forces du mal, du péché, de la haine, contre la convoitise de la chair, contre la convoitise des yeux et contre l’orgueil de la vie. »

A ces paroles du pape, nous ajoutons encore un autre détail, parce que ce dialogue se conclura lorsque Seigneur révèle à Pierre une prophétie sur la fin de sa vie et de sa mort :  Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi ». Voilà l’appel définitif.  

C’est ce même apôtre, désormais totalement libre et convaincu pour suivre Jésus, qui dira après (Actes 5,29) « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Nous sommes les témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. »

Et nous laissons encore la parole au pape Saint Jean Paul II :

Seul l’amour ne connaît pas de déclin. Seul l’amour dure toujours. Seul, il construit la forme de l’éternité dans les dimensions terrestres et fugaces de l’histoire de l’homme sur la terre.

Je souhaite à tous et à chacun d’entendre dans toute son éloquence la question que le Christ a adressée autrefois à Pierre : Aimes-tu? M’aimes-tu ? Que cette question résonne et trouve un écho profond en chacun de nous !

L’avenir de l’homme et du monde en dépend : écouterons-nous cette question ? Comprendrons-nous son importance ? Comment y répondrons-nous ?

Que Marie, elle qui a donné une unique et définitive réponse dans sa vie, disant « oui » à la volonté du Père, nous donne cette grâce.

P. Luis Martinez IVE.