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“Tu nous donnes ce que tu es, toi-même” – La Communion Eucharistique

Homélie pour le Dimanche XXI, année B (Jn 6, 60-69)

Ce dimanche conclut le “discours du pain de vie”, inauguré par Jésus avec le signe de la multiplication des pains et des poissons. Aux réactions de la foule, des pharisiens et des disciples, Jésus a répondu avec une profondeur progressive, et il révèle tout le sens profond de ce miracle et du signe du pain : c’est Dieu qui donne en réalité le vrai Pain de la vie, pour la vie éternelle, et ce pain est le Christ lui-même.

Synagogue de Capharnaüm

Les derniers paragraphes de tout le chapitre 6 de l’évangile de Jean concernent les disciples de Jésus : dans la synagogue de Capharnaüm eux aussi se mettent à murmurer, douter et reculer car « le langage est trop dur »… Avant de s’ouvrir plutôt, à la grâce et de dépasser le signe matériel, ils ferment eux-mêmes le chemin de la véritable “intelligence”, don de l’Esprit Saint, qui naît de la foi et de l’humilité.

La réponse de Jésus ne peut être autre que de les inviter à croire, car pour Dieu tout est possible.

On peut penser que pour saint Pierre aussi, les paroles de Jésus sont sombres et dures. Ce n’est pas qu’il a compris plus que les autres, mais il a compris qu’il doit croire, et peut faire confiance à Jésus, car “lui seul a les paroles de la vie éternelle”, de la vraie vie.

Il est beau d’écouter le commentaire de saint Augustin sur le passage de l’évangile de ce dimanche : «Voyez comment Pierre, par grâce de Dieu, par inspiration de l’Esprit Saint, a compris ? Pourquoi a-t-il compris ? Parce qu’il a cru. Tu as les paroles de la vie éternelle. Tu nous donnes la vie éternelle en nous offrant ton corps [ressuscité] et ton sang, [toi-même]. Et nous avons cru et connu. Il ne dit pas : nous avons connu et puis cru, mais nous avons cru et puis connu. Nous avons cru pour pouvoir connaître ; si, en effet, nous avions voulu connaître avant de croire, nous n’aurions réussi ni à connaître, ni à croire. Qu’est-ce que nous avons cru et qu’est-ce que nous avons connu ? Que tu es le Christ Fils de Dieu, c’est-à-dire que tu es la vie éternelle même, et dans la chair et le sang, tu nous donnes ce que tu es, toi-même » (Commentaire sur l’Évangile de saint Jean, 27, 9)

En effet, le Seigneur nous a donné la grâce de recevoir son Corps et son Sang dans le Sacrement de l’Eucharistie, comme Il l’a dit : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ».

Nous allons parler de ce moment très important de la sainte Messe qu’est la communion.

Nous sommes conscients que la digne réception de ce sacrement confère la grâce sanctifiante. Comme une préparation immédiate nous avons la prière du Notre Père, le signe de la paix qui marque la charité entre nous et la Fraction de l’Hostie unie à l’« Immixtio» (en français : Immixtion ou commixtion[1]) , qui nous rappelle la résurrection du Seigneur, Son Corps s’unit à son sang.

Pour la réception de l’Hostie Consacrée, nous entonnons le chant de communion, un chant qui doit s’exprimer par l’union des voix, l’union spirituelle de ceux qui communient, il manifeste aussi la joie du cœur et la fraternité. Ceux qui s’avancent pour recevoir le Corps du Seigneur le font en procession.

L’Eglise a déterminé deux manières de recevoir l’Eucharistie, sur la langue et sur la pomme de la main droite et deux positions du corps : à genoux et debout ; en tous les cas, le communiant doit faire un acte de révérence (par exemple, en inclinant sa tête) avant de communier et aux paroles du prêtre : « le Corps du Christ », il doit répondre : « Amen ». Nous devons nous approcher de l’Eucharistie, tout d’abord, avec une âme libre de péchés mortels, mais avec la pensée en ce que nous allons accomplir. Tout en sachant que c’est le Corps du Christ, nous devons faire attention à la façon dont nous communions, évitant par exemple de laisser tomber l’Hostie par terre ou bien que des particules restent dans nos mains. Nous devons communier devant l’autel et ne jamais emporter ou garder avec nous l’Hostie Consacrée, car cela pourrait constituer une faute très grave, voire un sacrilège.    

Quels effets produit dans notre âme, la sainte réception de l’Eucharistie ?

L’effet de ce sacrement doit être considéré avant tout en raison de ce qu’il contient : le Christ ! Ainsi, lorsqu’il agit dans l’homme, sacramentellement, il lui confère la vie de grâce : « celui qui me mange, lui aussi vivra par moi » (Jn 6,57). Saint Jean Chrysostome disait : « Ce Sang est la santé de nos âmes : avec lui l’âme se purifie, avec lui elle se pare, avec lui elle s’enflamme ». 

L’Eucharistie est la forme visible de la grâce invisible, “mais dans l’Eucharistie il y a quelque chose d’excellent et d’unique… dans l’Eucharistie il y a le même Auteur de la grâce”.

Puisque l’Eucharistie est la représentation de la Passion du Seigneur, « les effets que la Passion a fait dans le monde sont accomplis par ce sacrement dans l’homme ». Saint Jean Chrysostome nous apprend : « quand vous vous approchez de l’admirable calice, faites-le comme si vous buviez du côté même du Christ sur la croix »

Une autre raison pour laquelle l’Eucharistie donne la vie est due à la manière dont ce sacrement est donné, sous forme de nourriture et de boisson. Et donc tout ce que la nourriture et la boisson matérielles font dans la vie matérielle, ce sacrement le fait dans la vie spirituelle. A quoi servent la nourriture et les boissons ? à soutenir, à augmenter (faire grandir) et à réjouir. Ce sacrement soutient, augmente, répare et ravit l’âme. Comme le disait Tertullien : « Notre chair est nourrie du Corps et du Sang du Christ afin que notre âme soit nourrie de Dieu ».

De même que la nourriture corporelle soutient le corps en lui donnant les calories (les forces) qu’il a épuisées par la chaleur naturelle du corps, par le mouvement des organes et des muscles, par le travail effectué par les êtres humains ; et à cause de l’ennemi extérieur : la maladie ; ainsi l’Eucharistie agit comme nourriture spirituelle : elle soutient l’âme affaiblie par le péché originel, par l’ignorance dont l’intelligence a été blessée et par la malice de la volonté, en plus du désordre dans les appétits, appelés aussi les passions -irascible et concupiscible-, qui sont en quelque sorte, révoltés, dans notre âme à cause de la nature blessé par le péché ; il faut ajouter les ennemis de l’extérieur : d’autres hommes du monde et le diable tentateur, et évidemment nos énergies spirituelles sont gaspillées et le combat nous fatigue. Ces énergies sont récupérées avec l’Eucharistie, qui nous soutient et soutient la vie surnaturelle de l’esprit.

L’Eucharistie nous fait aussi grandir. La grâce est vie dans notre âme et, en tant que telle, l’âme grandit et se développe, se perfectionne et atteint progressivement sa plénitude. La grâce de Dieu dans l’âme est toujours en train de se développer en perfection : « Que les justes continuent à pratiquer la justice et les saints continuent à se sanctifier » (Ap 22:11).

Le troisième effet de l’Eucharistie est de réjouir notre âme. Tout comme la nourriture matérielle ravit le corps, ce repas spirituel ravit l’âme. Ce sacrement augmente spirituellement la grâce en même temps que la charité. Ainsi, saint Jean Damascène le compare au charbon ardent que vit le prophète Isaïe : « De même que le charbon n’est pas du simple bois, mais du bois avec feu, ainsi le pain de communion n’est pas un pain ordinaire, mais un pain uni à la divinité. ».

Avec l’amour du Christ ” l’âme se fortifie, se délecte spirituellement et en quelque sorte s’enivre de la douceur de la bonté divine “, enseigne saint Thomas. C’est pourquoi nous exclamons dans la prière de l’« l’Anima Christi » : «  Sang du Christ, enivre-moi! ».

C’est une joie spirituelle, qui vient de l’appréciation du grand bien qui est reçu : le Seigneur, avec tout ce qu’il est et qu’il contient. La joie consiste essentiellement dans la disponibilité de la volonté pour les œuvres vertueuses de la vie chrétienne.

On l’appelle aussi joie, qui vient de la perception actuelle du bien que l’on possède ; pour l’avoir il ne doit y avoir aucune distraction dans la réception –sacramentelle ou spirituelle– de l’Eucharistie. Beaucoup d’âmes perdent la joie présente de l’Eucharistie… parce qu’elles sont distraites à la messe ou dans l’adoration !

« Tu nous as envoyé du ciel un Pain tout préparé, obtenu sans effort, un Pain aux multiples saveurs qui comblait tous les goûts » (cf. Sagesse 16,20).

Lorsque nous recevons ce Pain du Ciel, nous devons dire Amen, et ce « Amen » acquiert ainsi un sens profond, puisqu’il répète la même profession de Pierre de l’évangile de ce dimanche ; saint Ambroise nous apprend : « Ce n’est donc pas sans raison que tu dis : « Amen, » reconnaissant dans ton esprit que tu reçois. le corps du Christ. Quand tu te présentes, le prêtre te dit en effet : « Le corps du Christ. » Et tu réponds : « Amen, » c’est-à-dire : « C’est vrai. » Ce que la langue confesse, que la conviction le garde. 

Que la Sainte Vierge nous aide à bien recevoir le Corps de son Fils pour pouvoir nous réjouir de sa présence.

P. Luis Martinez IVE.

(Citations du livre « Nuestra Misa », P. Carlos Buela, IVE.)


[1] Au cours de la célébration eucharistique, l’immixtion se réalise lorsque le prêtre met dans le calice un fragment de l’hostie qu’il vient de consacrer en disant : « Que le corps et le sang de Jésus-Christ, réunis dans cette coupe, nourrissent en nous la vie éternelle ». Le geste de l’immixtion ou commixtion en marquant l’unité du Corps du Christ, évoque la résurrection dont les fruits sont déjà perceptibles dans notre vie.

Que nous orientions notre principal effort vers L’Eucharistie! – Notre participation à la Messe

Homélie pour le Dimanche XVIII du temps Ordinaire, année B (Jn. 6, 24-35) .

« Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme », dit notre Seigneur a la foule ; le travail, l’œuvre que les hommes doivent accomplir c’est de croire en Jésus-Christ, et croire en tout ce qu’Il nous a enseigné et que l’Eglise nous transmet, qui est pour nous le trésor de la foi.

Nous continuons ce dimanche à évoquer notre participation à la sainte Messe. Elle revêt plusieurs caractéristiques importantes : 

Selon le magistère du Concile Vatican II : « La Mère Église désire beaucoup que tous les fidèles soient amenés à une participation pleine, consciente et active aux célébrations liturgiques ».

Nous allons tout d’abord expliquer ces trois notes :

a. La participation est « pleine » lorsqu’elle se produit à un degré éminent et total, non partiel.

b. Elle doit être ensuite « consciente » : cela se réalise lorsqu’est possible la compréhension des rites, des prières et des chants, lorsque les signes liturgiques sont compris ; lorsqu’on fait attention à ce qui se passe à l’autel, au chœur de l’Eglise, à l’ambon et dans l’assemblée. Cela s’oppose à un agir inconscient et irresponsable.

« Mais, pour obtenir cette pleine efficacité, dit toujours le magistère de l’Eglise, il est nécessaire que les fidèles accèdent à la liturgie avec les dispositions d’une âme droite, qu’ils harmonisent leur âme avec leur voix, et qu’ils coopèrent à la grâce d’en haut pour ne pas recevoir celle-ci en vain. C’est pourquoi les pasteurs doivent être attentifs à ce que dans l’action liturgique, non seulement on observe les lois d’une célébration valide et licite, mais aussi à ce que les fidèles participent à celle-ci de façon consciente, active et fructueuse. »

c. Notre participation à la liturgie doit être encore active : elle s’accomplit lorsque la participation intérieure et extérieure se rejoignent , laissant de côté toute passivité.

La participation extérieure est l’utilisation de gestes, de paroles, de silences, de chants, il s’agit aussi des attitudes corporelles, des processions, du fait de suivre par la lecture, le langage, les adaptations nécessaires, de communier la Victime du sacrifice… Mais notre participation ne peut pas être exclusivement extérieure. Elle est complétée la participation intérieure qui constitue les dispositions internes de celui qui participe à la messe, telles que penser, vouloir, prier, les actes de vertu, l’offrande de la Victime divine et de ses propres victimes spirituelles (sacrifices et prières) et celles des autres membres du Corps Mystique. Mais la participation intérieure demande toujours la participation extérieure. En effet, la désunion entre les deux est condamnée par Dieu selon le prophète Isaïe : « ce peuple s’approche de moi en me glorifiant de la bouche et des lèvres, alors que son cœur est loin de moi » (Is 29,13; Mt 15,8; Mc 7,6).

d. La participation doit être fructueuse ou féconde, ce qui se réalise quand les fins de la Rédemption sont atteintes et qu’elle n’est pas stérile.

e. Il est aussi nécessaire que la participation des fidèles soit la plus parfaite : «On recommande fortement cette participation plus parfaite à la messe qui consiste en ce que les fidèles, après la communion du prêtre, reçoivent le Corps du Seigneur avec des pains consacrés à ce même sacrifice ».

g. Elle doit être encore actuelle : quand les fidèles font « ici et maintenant » ce qu’il faut faire.

La Constitution dogmatique sur la liturgie, « Sacrosanctum Concilium », insiste pour que tous les fidèles comprennent facilement la liturgie de l’Eucharistie, cela requiert parfois une bonne adaptation, respectant l’essentiel et sans diminuer le sens sacré de l’acte. La liturgie doit aussi être claire et compréhensible, non obscure ou inintelligible.

« Les rites manifesteront une noble simplicité, seront d’une brièveté remarquable et éviteront les répétitions inutiles ; ils seront adaptés à la capacité de compréhension des fidèles et, en général, il n’y aura pas besoin de nombreuses explications pour les comprendre ».

Finalement il est nécessaire de revêtir d’une grande piété notre participation, qu’elle remplisse notre esprit, et l’être tout entier ; et cela durant toute la messe, non seulement dans un moment déterminé. Nous unissant aussi à toute la communauté, car la messe n’est pas un acte privé mais communautaire et qui implique toute la communauté.

Tout ce qui est dit est très vrai, mais risque de demeurer comme des paroles mortes. Pour mieux comprendre, il faut toujours prendre une conscience renouvelée que la Messe est le même Jésus-Christ qui se rend présent pour être adoré, mystiquement sacrifié, offert au Père, mangé par nous, afin que nous nous unissions à Lui , à toute la Trinité et entre nous. Donc la participation, c’est Lui et nous. Il y a du feu, un feu mystique, sur nos autels et il y a du Sang.

« TRAVAILLEZ en vue de cette nourriture, celle de l’esprit, QUI DEMEURE POUR LA VIE ÉTERNELLE ». Nous allons conclure avec ce beau commentaire de saint Thomas d’Aquin : Cette nourriture est Dieu lui-même en tant qu’il est la vérité à contempler et la bonté à aimer qui nourrissent l’esprit.  La Sagesse divine a nourri l’homme d’un pain de vie et d’intelligence. Cette nourriture est aussi l’obéissance aux commandements divins : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé » ; et encore le Christ lui-même : « C’est moi qui suis le pain de vie ». « Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang vraiment une boisson ». (Saint Thomas d’Aquin, Commentaire à l’évangile de Saint Matthieu)

La véritable intelligence du passage est donc que nous orientions notre œuvre, c’est-à-dire notre principal effort et notre intention, vers la recherche de la nourriture qui conduit à la vie éternelle, c’est-à-dire vers les biens spirituels. Sur les choses temporelles, nous ne devons pas porter en premier lieu notre attention, mais seulement d’une manière relative : nous les procurer uniquement en raison de notre corps corruptible qu’il faut soutenir aussi longtemps que nous vivons ici-bas. 

A la très sainte Vierge Marie nous supplions de nous obtenir la grâce de préparer notre cœur à recevoir Notre Seigneur avec une bonne participation à la sainte Messe. Saint Augustin mettait aux lèvres de Jésus ces paroles : “Je suis la nourriture des grands; grandis et tu me mangeras. Et tu ne me changeras pas en toi, comme la nourriture de ta chair; mais c’est toi qui seras changé en Moi. »

P. Luis Martinez IVE.

(Citations du livre « Ars Participandi », P. Carlos Buela, IVE.)