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“Faut-il croire aux prêtres ?”

         Dans les Mémoires de Don Bosco, on rapporte qu’il disait à ses salésiens : « Le prêtre est toujours prêtre et doit se manifester ainsi dans toutes ses paroles. Être prêtre signifie avoir continuellement l’obligation de veiller aux intérêts de Dieu et au salut des âmes. Un prêtre ne doit jamais permettre à quiconque s’approche de lui de s’éloigner, sans avoir entendu une parole qui exprime le désir du salut éternel de son âme»[1].

         Mais Don Bosco lui-même, lorsqu’il entendait parler de défections ou de scandales publics de personnes importantes ou de prêtres, disait aussi à ses disciples : « Il ne faut s’étonner de rien ; là où il y a des hommes, il y a de la misère »[2].

         Il me semble que ces deux références contiennent le juste équilibre pour juger le prêtre et régler notre relation avec lui.

         Le prêtre est appelé, par sa vocation, à une grande sainteté ; mais il reste un homme, et comme tel, fragile et entouré de faiblesse. Parmi les apôtres du Christ lui-même, l’un l’a trahi (Judas), un autre l’a renié (Pierre), et les autres l’ont abandonné lors de sa Passion. Mais cela ne les rendait pas moins prêtres ; et il leur a donné le pouvoir de consacrer son Corps et son Sang (Faites ceci en mémoire de moi: Lc 22,19), et de pardonner les péchés en son nom (cf. Jn 20,23).

         Nous devons prier pour nos prêtres, afin qu’ils soient saints et qu’ils soient un reflet fidèle du Grand et Éternel Prêtre, qui est Jésus-Christ. Mais nous devons considérer le prêtre comme un “sacrement” du Christ ; c’est-à-dire que pendant que nous voyons un homme, avec des défauts et des misères, la foi doit nous faire “découvrir” le Christ lui-même. C’est pourquoi saint Augustin demande : « Est-ce Pierre qui baptise ? Est-ce Judas qui baptise ? C’est le Christ qui baptise». C’est le Christ qui consacre pour nous sur l’autel, et c’est le Christ qui pardonne nos péchés. L’efficacité vient du Christ; pas du ministre. Les paroles du Christ (Faites ceci en mémoire de moi ; Pardonnez à qui les péchés…) conservent toujours toute leur fraîcheur et leur efficacité, malgré le fait que le ministre qui les prononce soit un pécheur confirmé. C’est pourquoi Innocent III condamnait ceux qui affirmaient que le prêtre qui administre les sacrements en état de péché mortel agissait invalidement[3] ; et la même chose a été répétée par le Concile de Trente[4].

A tout cela s’ajoute quelque chose qui se produit avec une certaine fréquence, et c’est le fait qu’une grande partie de ceux qui disent « je ne crois pas aux prêtres »…, et avec cette accusation, cachent un problème personnel sous-jacent. Plus que de ne pas croire, leur problème est qu’ils ne veulent pas croire. Et ils ne veulent pas parce qu’ils ne vivent pas de façon honnête leurs fiançailles, ou leur mariage, ou leurs affaires. Et le problème qu’ils ont, c’est que croire aux prêtres, c’est croire au sacerdoce : à la nécessité du prêtre comme médiateur entre Dieu et les hommes ; croire dans le besoin de se tourner vers lui pour nous pardonner nos péchés, dans le besoin d’assister à la messe dominicale, dans le besoin d’accomplir les commandements. Croire au sacerdoce implique d’accepter toutes ces choses comme une obligation personnelle, indépendamment que les prêtres qui célèbrent la messe et pardonnent les péchés soient ou non eux-mêmes des saints.

         Lorsque les dix lépreux s’approchèrent de Jésus pour lui demander la guérison, le Seigneur leur dit : Allez vous présenter aux prêtres, comme la loi le prescrivait (Lc 17, 14), bien qu’il savait que ces prêtres laissaient beaucoup à désirer, comme le démontrait l’opposition qu’eux-mêmes ont fait au Christ.

         Jésus-Christ demandera à chacun de nous de rendre compte de ce qu’il a fait, selon les commandements qu’il a donnés à chacun de nous. Il ne nous jugera pas pour les péchés de nos prêtres ou leur sainteté.

         Nous avons toujours l’obligation de prier pour nos pasteurs, afin qu’ils aient un cœur comme celui du Divin Pasteur.

Père Miguel A Fuentes, IVE

Site: elteologoresponde.org


[1] Mémoires biographiques, vol 3, p. 68 (édition espagnole).

[2] Mémoires biographiques, vol 7, p. 158 (édition espagnole).

[3] Cf. Denzinger-Hünermann, n. 793.

[4] Cf. ibid., n. 1612.

L’Eglise est-elle vraiment sainte? Comment explique-t-on qu’i y ait tellement de pécheurs?

Combien de chrétiens sont scandalisés par l’Église! Ils signalent peut-être avec plus ou moins d’exactitude les péchés de nombreux fidèles, prêtres, consacrés et même d’évêques; des péchés et des scandales qui rendraient tout homme de bien, pâle de honte. Et cela les «scandalise», c’est-à-dire que ces péchés constituent une pierre d’achoppement pour eux dans leur foi dans l’Église, dans leur confiance et dans leur amour pour elle.

Est-ce qu’ils ont raison ? Il faut dire que « non »! Ils voient bien mais raisonnent mal et se trompent finalement dans leur conclusion.

L’Église est sainte! Elle sainte et sanctifiante! Malgré les péchés de ses enfants!

Comment comprendre le paradoxe de cette sainteté ?

1. L’Église est sainte:

L’Église est sainte. Les paroles de saint Paul ne permettent pas d’en douter: «le Christ a aimé l’Église, il s’est livré lui-même pour elle, afin de la rendre sainte en la purifiant par le bain de l’eau baptismale, accompagné d’une parole ; il voulait se la présenter à lui-même, cette Église, resplendissante, sans tache, ni ride, ni rien de tel ; il la voulait sainte et immaculée»(Éphésiens 5, 25-27).

Si nous disons que la parole de Jésus-Christ est efficace et effective dans ce qu’il dit (et c’est pourquoi s’il dit «ceci est mon corps», ce pain n’est plus du pain mais devient son corps), à quel point donc, ses actions et son sacrifice seront-ils plus efficaces? Il s’est livré pour la sanctifier! Par conséquent, elle est sainte parce que le sacrifice du Christ est efficace.

« L’Église est aux yeux de la foi indéfectiblement sainte. En effet, le Christ, Fils de Dieu, qui, avec le Père et l’Esprit, est proclamé « le seul Saint », a aimé l’Église comme son épouse, il s’est livré pour elle afin de la sanctifier (cf. Éphésiens 5, 25-26), il se l’est unie comme son Corps et l’a comblée du don de l’Esprit Saint pour la gloire de Dieu ».  (Lumen gentium, 39).

L’Église est sainte à un double titre :

a) En premier lieu, elle est sainte parce qu’elle est Dieu lui-même sanctifiant les hommes dans le Christ par son Saint-Esprit (c’est-à-dire que c’est Dieu qui à travers l’Eglise vient vers les hommes). «Notre pieuse Mère – dit Pie XII –   brille d’un éclat sans tache dans les sacrements où elle engendre ses enfants et les nourrit; dans la foi qu’elle garde toujours à l’abri de toute atteinte; dans les lois très saintes qu’elle impose à tous et les conseils évangéliques qu’à tous elle propose ; enfin, dans les grâces célestes et les charismes surnaturels par lesquels elle engendre avec une inlassable fécondité  des troupes innombrables de martyrs, de confesseurs et de vierges. » (Enc. Mystici Corporis 30). Telle est la sainteté «objective» de l’Église. Elle est un canal inépuisable de sainteté parce qu’en elle Dieu met les grands moyens de sainteté à la disposition des hommes.

– ses trésors spirituels, les sacrements, dont le principal est Jésus-Christ lui-même, présent dans le Saint Sacrement, source de toute sainteté

– sa doctrine sainte et immaculée qui a ses racines dans l’Évangile

– ses lois et ses conseils qui sont des prescriptions et des invitations à la sainteté

– le Sang du Christ fait boisson quotidienne du chrétien

– la miséricorde du pardon offerte sacramentellement aux pécheurs.

b) Deuxièmement, l’Église est sainte parce qu’elle est l’humanité en voie de sanctification par Dieu (le peuple de Dieu qui se sanctifie dans ce monde. C’est l’aspect complémentaire du précédent ; la sainteté « subjective» de l’Église.

Les canaux de la sainteté se répandent sur les enfants de l’Église ; sinon sur tous, sur beaucoup la grâce produit de vrais fruits de sainteté. L’Eglise est une mère qui nourrit de son lait et qui engendre sans cesse des fruits de sainteté.

Voltaire, malgré sa haine envers l’Église, le reconnaît: «Aucun homme sage n’a eu la moindre influence sur les coutumes de la rue qu’il habitait, mais Jésus-Christ influence le monde entier ». Cette influence, ce sont les saints. Quelle différence entre les fruits «naturels» du paganisme et ceux du christianisme! Lorsque l’Église engendre des enfants dans les eaux du baptême, elle leur donne naissance avec des germes de grâce et de sainteté qui, lorsque les hommes ne mettent pas d’obstacles sur leur chemin, grandissent et donnent au monde des œuvres de charité extraordinaires. C’est pourquoi l’Église, depuis ses mêmes origines dans la Jérusalem des Apôtres, a commencé à peupler le monde avec:

– De jeunes vierges, témoins de la pureté

– Des martyrs de la foi

– Des ermites et des moines pénitents

– Des missionnaires et des apôtres

– Des travailleurs infatigables de la charité qui ont consacré leur vie aux malades, aux pauvres, aux affamés, aux abandonnés …

– Les enfants de l’Eglise qui ont créé les hôpitaux, les léproseries, les foyers pour handicapés …

Dans les temps anciens, on raconta l’anecdote de Cornelia, la mère des Gracques, fille de Scipion le Grand, qui, voyant qu’une de ses amies exhibait ses bijoux, d’un geste pointa ses enfants (futurs héros de Rome) et lui dit : « Ce sont eux mes ornements et mes bijoux». Avec combien plus de raisons l’Église peut-elle dire au monde, en désignant les saints de tous les temps : ce sont mes joyaux!

Et tout cela n’évoque que la sainteté de l’Église, car pour faire un seul saint la puissance divine est nécessaire, seule la grâce du Saint-Esprit peut sanctifier un homme. Et l’Église n’a de cesse de donner des saints même lorsque les horizons sont les plus sombres!

Trois signes parmi tant d’autres – disait le Cardinal Journet – rendent visible cette sainteté de l’Église :

1º Elle est une voix qui ne cesse d’annoncer au monde la grandeur de Dieu. Cette constance à proclamer et à chanter les merveilles de Dieu est la raison de son existence. Nous trouvons « l’Église » lorsque nous écoutons sans cesse chanter les merveilles de Dieu, défendre son honneur des erreurs du monde, témoigner de sa grandeur et de sa miséricorde envers les hommes.

2º Elle a une soif insatiable de s’unir à Dieu. L’Église est le lieu où soupirent tous ceux qui attendent la manifestation de Dieu pour voir Sa face, ceux qui attendent la venue du Christ, ceux qui ne « s’installent » pas dans ce monde mais aspirent à une patrie meilleure, ceux qui se sentent des enfants d’Ève exilés.

3. Elle dispose d’un zèle insatiable pour donner Dieu aux hommes. On trouve « l’Eglise » là où, avec une ardeur infatigable, il y a un vrai chrétien qui travaille pour la conversion des pécheurs, pour faire connaître Dieu aux ignorants, pour porter l’Évangile à ceux qui ne l’ont pas encore entendu …

Pourtant…

2.… Tout n’est pas saint dans l’Église:

L’Église est sainte et sanctifiante, mais beaucoup de ses enfants sont pécheurs, et l’Église, consciente de cela, ne les exclut de son sein que dans des cas extrêmes : « Que tous aient donc en horreur le péché – dit Pie XII – qui souille les membres mystiques du Rédempteur ; mais que le pécheur tombé et qui ne s’est pas rendu par son obstination indigne de la communion des fidèles, soit accueilli avec beaucoup d’amour; qu’on ne voie en lui avec une fervente charité qu’un membre infirme de Jésus-Christ. Car il vaut mieux, selon la remarque de l’évêque d’Hippone, ” être guéri dans le Corps de l’Eglise, qu’être retranché de ce Corps comme des membres incurables “. ” Tant que le membre est encore attaché au corps, il ne faut pas désespérer de sa santé; mais s’il en est retranché, il ne peut plus ni être soigné ni être guéri ” » (Enc. Mystici Corporis 10).

Les pécheurs sont membres de l’Église mais ils ne le sont pas au même degré ni de la même manière que les justes et ainsi selon le cardinal Journet : « plus on pèche, moins on appartient à l’Église », ce qui est rigoureusement exact. C’est pourquoi la plupart des auteurs affirment catégoriquement qu’une Église composée exclusivement de pécheurs est inconcevable.

Si les pécheurs sont membres de l’Église, ils ne le sont pas à cause de leurs péchés, mais à cause des valeurs spirituelles qui subsistent en eux et en vertu desquelles ils restent d’une manière ou d’une autre en vie: valeurs spirituelles personnelles (foi théologique et espérance sans forme car la charité leur manque, caractères sacramentels, acceptation de la Hiérarchie, etc.) ; à ces valeurs spirituelles il faut ajouter aussi les impulsions intérieures de l’Esprit Saint et l’influence de la communauté chrétienne qui les enveloppe et les entraîne: comme une main paralysée participe – sans rien faire de sa part – aux mouvements de la personne tout entière.

Et pouvons-nous continuer à dire que malgré les pécheurs, l’Église est sainte et immaculée? Oui, l’Église demeure, malgré le péché, et même dans ses membres pécheurs, l’Église des saints. Comment est-ce possible? Voilà la réponse, de même que la sainteté est une réalité de l’Église et qu’en tant que telle elle n’est pas seulement dans l’Église mais procède aussi de l’Église, le péché n’est pas une réalité «de l’Église». Même quand le péché existe dans l’Église, il ne provient pas d’elle, précisément parce que c’est l’acte par lequel on nie l’influence de l’Église.

De plus, dans la mesure où le pécheur accepte, ne serait-ce que par la foi sans charité, de rester dans l’Église sanctifiante, cela l’aide dans sa lutte contre le péché. Citons encore le cardinal Journet : “L’Eglise porte dans son cœur le Christ toujours en combat contre Bélial.”

Pour cette raison, le péché ne peut pas empêcher l’Église d’être sainte, mais il peut l’empêcher d’être aussi sainte qu’elle le devrait ! Citons ici Saint Ambroise : «Pas en elle, mais en nous l’Église est blessée. Soyons donc vigilants pour que notre faute ne constitue pas une blessure pour l’Église » (De Virginitate, 8,48; PL 16,278 D).

Ainsi le cardinal Journet concluait : «L’Église divise (pour séparer ) en nous le bien et le mal. Elle retient le bien et laisse le mal… (L’Eglise) n’est pas exempte de pécheurs, mais elle est sans péché ». C’est pourquoi elle n’est pas une pécheresse et ne doit pas non plus demander pardon pour ses péchés. Oui, elle demande pardon pour les péchés de ses enfants et donc «l’Église (est) sainte et en même temps a besoin de purification» dans ses enfants (Lumen Gentium, 8).

Monseigneur Tihamer Toth avait coutume de dire: “L’Église, c’est nous, moi, vous, nous, tout le monde … et plus notre âme est belle, plus elle est Eglise.” Quelqu’un a bien réfléchi sur l’Eglise : « Elle est un mystère, elle a la tête cachée dans le ciel, sa visibilité ne la manifeste que d’une manière extrêmement inadéquate (ses membres sont des pécheurs); si vous cherchez ce qui la représente sans la trahir, contemplez le magistère des Papes et des évêques qui nous instruisent en matière de foi et de coutumes, contemplez leurs saints au ciel et sur terre; ne regardez pas les pécheurs. Ou plutôt, voyez comment l’Église guérit nos blessures et nous conduit tout en boitant vers la vie éternelle… La grande gloire de l’Église est le fait qu’elle est sainte avec les membres pécheurs »

P. Miguel A. Fuentes, IVE

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