Archives par mot-clé : Vertu

“Qu’est-ce que cette tempête, sinon la passion de chacun?”

L’importance de travailler dans la vertu de la tempérance

Homélie pour le Dimanche XIX, année A (Mt 14, 22-33)

Le miracle que nous venons de proclamer dans l’évangile d’aujourd’hui est la continuation historique du miracle raconté dans l’évangile du dimanche dernier : le Seigneur avait multiplié les pains et les poissons pour plus de cinq mille personnes. « Aussitôt après avoir nourri la foule dans le désert, Jésus obligea les disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive », tandis que le Seigneur renverrait les foules pour dédier ensuite un moment bien prolongé à la prière sur une colline pendant la nuit ; cette description nous montre d’un côté l’humanité du Seigneur saluant les gens qui le suivaient et d’un autre côté la profonde communication qu’Il avait avec Dieu, le Père, car Jésus laissait de côté le sommeil et la fatigue d’une longue journée de prédication pour se plonger dans un profond dialogue d’amour avec Dieu, ce qui ne laisse d’être un grand exemple nous pour.

Ensuite, il y a la description de ce fait prodigieux, Jésus qui vient rejoindre ses disciples marchant sur les eaux au milieu d’une mer agitée (rappelons-nous ici qu’il s’agit d’un lac, le lac de Tibériade ou de Génésareth, qui reçoit aussi le nom de Mer de Galilée dans les évangiles).

Bien que les disciples retrouvent le calme en sachant qu’il ne s’agissait pas d’un « fantôme », le fait de voir leur Maître marcher sur les eaux n’enlève pas le caractère extraordinaire de ce moment.

L’apôtre saint Pierre avec le tempérament qui le caractérise, passe à ce moment vite de la stupéfaction à l’audace et demande de venir à la rencontre de son maître. Mais son manque de foi, lorsqu’il se trouvait déjà en marchant sur la mer, le fait enfoncer dans l’eau. Il reçoit l’aide du Seigneur et une exhortation à la foi. Selon le grand saint Augustin :  

« Ainsi Pierre a marché sur les eaux à la voix du Seigneur, et sachant bien que ce pouvoir ne venait pas de lui-même. La foi l’a rendu capable de ce que ne peut la faiblesse humaine. Tels sont les forts de l’Église.  Soyez attentifs, écoutez, comprenez, pratiquez. Jamais il ne faut traiter avec les forts pour les rendre faibles, mais avec les faibles pour les rendre forts. Ce qui empêche un grand nombre de devenir forts, c’est la confiance qu’ils le sont (ils se croient forts sans compter avec Dieu). Car Dieu ne rendra fort que celui qui se sent faible. » (Sermon 76)

C’est le même grand docteur et père de l’Eglise, qui compare ce moment, cette expérience de saint Pierre avec les passions des hommes, c’est-à-dire, le fait de nous laisser envahir et engloutir par les passions de ce monde, lorsque ce qui est plus « animal » en nous commence à gouverner notre existence, supprimant le rationnel (le pouvoir de la raison) et supprimant aussi le spirituel, ce que nous pouvons dire, le domaine de la foi.

L’homme est une seule chose composée d’un corps et d’une âme spirituelle. Comme nous savons pour que l’homme soit vraiment ce qu’il doit être, l’âme doit gouverner sur corps et sur les passions qui font partie de ce côté animal en nous. Encore plus l’âme composée elle-même par l’intelligence et la volonté, doit être dirigée aussi par les principes de la foi ; on dit notre intelligence et notre volonté doivent être informées par la fois (elles reçoivent une forme, elles sont comme imprégnées de la foi).

De façon que lorsqu’une personne ne se laisse pas guider par l’intelligence illuminée par la foi, sinon qu’elle se laisse gouverner par les passions, on peut dire qu’elle descend de catégorie, et devient un simple animal. Encore pire, lorsque les hommes utilisent l’intelligence et la volonté pour satisfaire leurs instincts, leurs passions, on peut dire qu’ils font un attentat contre leur dignité, car Dieu nous a créés pour que nous sachions utiliser les choses de ce monde pour pouvoir aller vers Lui et non pour en devenir leurs esclaves.

Notre monde aujourd’hui a instauré le règne des passions, les hommes de ce monde sont poussés à servir leurs passions plutôt qu’à atteindre le ciel. Tout est fait pour satisfaire nos passions, tout est autorisé pour satisfaire en nous les sens.

Cela exige de nous un grand travail, précisément, d’abord en disant que les passions ne sont pas mauvaises en elles-mêmes, mais que nous devons savoir les ordonner pour qu’elles servent à notre but : sauver notre âme, rencontrer Dieu et nous unir éternellement avec Lui.

Pour cette raison, nous devons travailler avec l’aide de Dieu dans les différentes vertus qui nous peuvent ordonner nos passions et les rendre utiles dans notre vie.

Aujourd’hui nous allons parler un peu de la vertu de la tempérance. (cf. Somme Théologique II-II, question 141. Saint Thomas d’Aquin )

Comme son nom même l’indique, elle comporte une certaine modération, un ” tempérament “.

La nature incline vers ce qui convient à chacun. C’est pourquoi l’homme désire naturellement la jouissance qui lui convient. Mais l’homme, en tant que tel, est un être raisonnable ; en conséquence, les jouissances qui conviennent à l’homme sont celles qu’approuve la raison. La tempérance n’éloigne pas de celles-ci, elle éloigne plutôt des jouissances contraires à la raison. Il est donc clair que la tempérance ne contrarie pas le penchant de la nature humaine, mais s’accorde avec lui. Elle contrarie cependant l’inclination de la nature bestiale qui n’est pas soumise à la raison.

Où agit cette vertu ? Dans quels actes humains ?

Ce qui est par-dessus tout naturel aux êtres vivants, ce sont les actes par lesquels se conserve la nature de l’individu : le manger et le boire, et la nature de l’espèce : l’union de l’homme et de la femme. Voilà pourquoi ce sont les plaisirs de la nourriture et de la boisson et les plaisirs sexuels qui sont proprement l’objet de la tempérance.

La tempérance vient pour ordonner donc ces plaisirs pour qu’ils puissent vraiment servir l’homme et afin qu’il n’en devienne pas un esclave.

S. Augustin déclare ” L’homme tempérant dans les choses de cette vie trouve sa règle confirmée par les deux Testaments : il n’en aime aucune, il ne pense pas devoir les désirer pour elles-mêmes, mais il s’en sert autant qu’il faut pour les nécessités de cette vie et de ses tâches, avec la modération de l’usager, et non avec la passion de l’amant. “

Comment vivre cette vertu, comment nous pouvons la cultiver dans notre vie.

Vivre la vertu de la tempérance vivante signifie:

1. S’efforcer quotidiennement pour être meilleur.

2. Ne pas céder aux plaisir, aux désirs ou aux caprices qui peuvent nuire à l’amitié avec Dieu.

3. Etre heureux de savoir que l’on peut exercer un contrôle sur soi-même.

4. Être seigneur de soi-même, de ses propres actions.

5. Conformer ses paroles et ses idées à ses actions.

6. Ne pas se justifier du mal et ne pas donner de faux prétextes.

7. Connaître ses propres faiblesses et éviter de tomber dans des circonstances qui mettent la volonté en danger.

8. Vaincre le désir de plaisir et de confort par l’amour de charité et le vaincre avec intelligence.

9. La personne modérée oriente et commande ses appétits sensibles vers le bien et ne se laisse pas emporter par ses passions.

Qu’est-ce qu’elle nous apporte l’expérience de cette vertu ?

1. L’humilité qui nous aide à reconnaître nos propres déficiences et nos qualités et à en profiter sans attirer l’orgueil.

2. La sobriété qui nous aide à distinguer entre ce qui est raisonnable et ce qui est immodéré et nous aide à utiliser aussi correctement nos sens, nos efforts, notre argent, etc. selon des critères droits et vrais.

3. La chasteté qui nous aide à reconnaître la valeur de notre vie privée (intimité) et à nous respecter et à respecter les autres.

4. La douceur qui nous aide à surmonter la colère et à supporter l’inconfort avec sérénité.

5. La connaissance de nos propres faiblesses.

6. La formation d’une conscience droite et délicate.

7. Elle nous permet d’avancer dans la capacité morale qui aide à faire la distinction entre ce qui est vraiment nécessaire et les caprices.

8. Elle nous permet de dialoguer en famille, ce qui nous aide à mieux comprendre comment agir dans différentes situations.

9. La tempérance donne une plus grande connaissance de nos dons et de nos capacités.

10. Elle donne aussi la capacité de faire des sacrifices et des mortifications pour Dieu et les autres.

11. Elle permet développer un grand discernement qui vous invite à réfléchir avant de nous laisser emporter par nos émotions, nos désirs ou nos passions.

Efforçons nous de travailler dans cette vertu et dans toutes les autres vertus qui nous éloignent du péché et nous approchent de Dieu.

Laissons les dernières pensées au grand docteur, saint Augustin:

“Allons, mes frères, il faut terminer ce discours. Considérez ce monde comme une vaste mer; le vent y est grand et la tempête violente. Qu’est-ce que cette tempête, sinon la passion de chacun? Aime-t-on Dieu? On marche alors sur la mer et on foule aux pieds l’orgueil du siècle. Aime-t-on le siècle? On y sera englouti; car il dévore ses amis au lieu de les porter. A-t-on le cœur agité par la passion? Il faut, pour la dompter, recourir à la divinité du Christ.

Apprends donc à mépriser le monde, à mettre ta confiance au Christ. Et si ton pied chancelle, si tu trembles, si tu ne t’élèves pas au dessus de tout, si tu commences à enfoncer, dis: «Je suis perdu Seigneur, sauvez-moi.» Dis: «Je suis perdu,» pour ne l’être pas. Car il n’y a pour te délivrer de la mort de la chair que Celui qui dans sa chair est mort pour toi.” (Sermon 76)

Que Marie nous donne la grâce confier pleinement en son Fils.

P. Luis Martinez IVE.

Magnanimité, la fleur des vertus

Lire l’évangile du dimanche XXIII (Lc 14, 25-33) 

Comme nous l’avions déjà dit la semaine dernière, on va réfléchir aujourd’hui sur une vertu qui garde une étroite relation avec l’humilité. La vertu sur laquelle nous méditons ce dimanche s’appelle la magnanimité, mot qui signifie « âme grande » ou bien grandeur d’âme. On dit que la magnanimité c’est la fleur de toutes les autres vertus, ou bien on peut dire aussi la couronne, et c’est parce que elle grandit toutes les vertus “, selon Aristote.

POULE_INSTITUT_DU_VERBE_INCARNEPour comprendre cette vertu, nous allons commencer par un exemple. Nous connaissons la façon de voler d’une poule, son vol n’est pas quelque chose d’étonnant, elle bat des ailes, se lance à une certaine hauteur, elle fait quand même un peu de bruit dans le poulailler, beaucoup de poussière, mais dans quelques minutes personne ne se rappelle de ce qu’elle a fait. Rien à voir avec le vol de l’aigle, dans les grandes hauteurs, dominant, libre, le monde devient petit, il a été créé pour défier les vents et les tempêtes, il a été fait pour le ciel, c’est l’image de l’âme qui vit la magnanimité.

AIGLE_INSTITUT_DU_VERBE_INCARNEOn dira que la magnanimité nous fait faire une bonne action mais de façon magnifique, c’est-à-dire pas juste pour accomplir une bonne action, mais pour la faire de façon admirable, avec grandeur.

Selon saint Thomas d’Aquin : La magnanimité ne concerne pas un honneur quelconque, mais un grand honneur. De même que l’honneur est dû à la vertu, un grand honneur est dû à une grande œuvre de vertu. De là vient que le magnanime veut faire de grandes choses en toute vertu, du fait qu’il tend à ce qui mérite un grand honneur.

Alors, il ne faut pas confondre cette vertu avec le péché de superbe ou bien de l’orgueil, nous devons penser que chaque fois que nous faisons une chose grande par vertu, nous ne le faisons pas par nous-mêmes ni pour nous-mêmes.  Nous le faisons par Dieu, c’est-à-dire que c’est Dieu qui nous donne la grâce pour pouvoir le faire, et chaque fois que nous faisons une action, si nous sommes bons chrétiens, chrétiens authentiques nous devons la faire pour Dieu, pour la Gloire de Dieu et pas pour satisfaire notre égoïsme.

SAINTE_JEANNE_DARC_INSTITUT_DU_VERBE_INCARNE
Sainte Jeanne d’Arc

Mais il faut aussi savoir que lorsque les hommes et les femmes vivent les vertus et se meuvent en faisant des grandes choses, naturellement les autres se rendent compte de ce qu’ils font ; pensons que parfois c’est presque impossible de cacher une œuvre de charité, une bonne action, a fortiori si celle-là à une certaine magnitude. En tout le cas, il faut aussi se rappeler ce qui dit le Seigneur dans l’évangile : que votre lumière brille devant les hommes : alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux.  (Mt. 5, 16).

SAINT_FRANCOIS_XAVIER_INSTITUT_DU_VERBE_INCARNE
Saint François Xavier

En fait, celui qui vit la magnanimité cherche l’honneur, le bon honneur avec trois finalités possibles : la première, pour son bien, parce que cela le rend plus fort dans la recherche de la sainteté, car il veut conquérir la perfection, l’imitation du Christ la plus parfaite. La deuxième finalité c’est envers son prochain, parce qu’avec l’exemple il pousse l’autre vers la vertu, il devient quelqu’un qu’il faut imiter, c’est pour cela que les magnanimes sont les saints, ils ont fait des grandes choses pour Dieu, et l’Eglise les a choisis pour modèle des autres chrétiens. La troisième finalité c’est envers Dieu, car le magnanime ordonne tout à l’unique et véritable cause, qui est Dieu, tout vient de Lui et tout est pour Lui : As-tu quelque chose sans l’avoir reçu ? Et si tu as tout reçu, pourquoi t’enorgueillir comme si tu ne l’avais pas reçu ? dit saint Paul (1Co. 4,7)

Pour comprendre encore mieux la magnanimité, nous devons voir la relation qu’elle garde avec trois autres vertus : la force, l’espérance et l’humilité.

SAINT_LOUIS_INSTITUT_DU_VERBE_INCARNE
Saint Louis Roi

 

La magnanimité fait d’abord que la force ne s’arrête pas à des petites choses, devant les petits obstacles, à défaut de l’envie de conquérir les grands objectifs.

Elle fait aussi que nous ayons le regard mis dans le Ciel, et les choses d’en haut, et voilà l’Esperance, comme c’était le cas de ceux qui n’ont pas eu peur de grandes conquêtes ou des prouesses pour Dieu, comme saint Louis Roi de France, les grands missionnaires comme saint François Xavier, les évangélisateurs de l’Afrique et d’Amérique.

Et troisièmement, elle garde une étroite relation avec l’humilité, parce que vivre cette vertu plus qu’un droit, c’est une obligation envers Dieu-même.

Alors, encore une fois, nous ne devons pas nous tromper avec les vices qui se déguisent par fois en magnanimité, par exemple la vaine gloire, qui recherche toujours la gloire des hommes, la présomption, qui pense que toute réussite appartient à soi-même par nature et qu’elle n’est pas un don de Dieu ; ou bien l’autre vice qu’est l’ambition, le vice de celui qui cherche sa propre gloire à n’importe quel prix.

PUSILANIMITENous ne devons pas nous tromper non plus avec les défauts opposés à la magnanimité. Le principal c’est la pusillanimité (avoir une âme petite, cela fait référence plutôt à la lâcheté) soit ne pas se faire souci de nos capacités, soit ne pas vouloir faire de grandes choses pour le Seigneur à fin d’avoir une vie plus facile et commode. C‘est aussi parce que la personne « pusillanime » a peur de faire des sacrifices ou de prendre une décision qui l’obligera peut être à couper avec certaines affections désordonnées.

Un cas de pusillanimité nous le trouvons dans l’évangile, dans la parabole des talents, celui qui va cacher son unique talent en terre par peur. Le Seigneur nous dit par contre qu’Il nous a choisis et établis afin que nous donnions du fruit, et que notre fruit demeure (cf. Jn. 15,16).

Pour finir, comment vivre cette vertu ? Vous allez penser que vous n’êtes pas appeler à conquérir des royaumes dans ce monde. C’est vrai, mais nous sommes tous appelés à vivre la vie chrétienne de la meilleur façon que possible, de façon extraordinaire et voilà le but de notre vertu.

MAGNANIMITE_INSTITUT_DU_VERBE_INCARNEIl est nécessaire de cultiver la magnanimité dans nos cœurs et les cœurs des enfants aussi, lire et connaître les vies des saints et saintes. Nous devons grandir dans les autres vertus qui sont en lien avec la grandeur de l’âme, la force, l’espérance, l’humilité…  Apprendre à aimer et accepter les sacrifices, les grands et les petits.

Aujourd’hui vivre la vie chrétienne de façon authentique implique l’héroïsme, implique avoir une âme grande devant Dieu, c’est à cela que nous invite le Seigneur dans l’évangile de ce dimanche : celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. Demandons à la très sainte Vierge Marie la grâce de pouvoir nous aussi chanter le magnificat avec notre vie.

P. Luis Martinez. V. E.

Monastère « Bx . Charles de Foucauld »