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Notre Seigneur fut saisi de compassion envers les foules et leur donna l’Eglise

Homélie pour le Dimanche XI du temps ordinaire, année A (Mt 9, 36 – 10, 8)

L’Eglise reprend aujourd’hui le temps ordinaire, et ce dimanche l’évangile nous parle de l’appel des apôtres, le moment où notre Seigneur choisi les douze apôtres.

Jésus, nous dit l’évangéliste, fut saisi de compassion envers les foules, et l’image pour représenter la raison de cette compassion c’est un troupeau qui manque de guide, de berger.

Et la solution ne vient pas de la part des hommes, Jésus ne dit pas : qu’ils se réunissent pour voir qu’est-ce qu’on peut faire par rapport à ce problème, que les gens choisissent des référents entre eux… rien de cela. La première façon d’aider, c’est la prière, car finalement il dépend de Dieu de guider son Eglise, de procurer Lui-même ses bergers, à nous les hommes d’implorer sa Miséricorde.  

Et l’évangéliste continue sa narration avec le choix des apôtres, un choix fait de la part du Seigneur : il choisit les douze apôtres qui consacreront (après avec le temps), les évêques. Dès son origine, l’Eglise est née du Seigneur comme une société structurée, selon la volonté de son Fondateur ; cette société a un chef, Pierre, « le premier », quelque temps après Jésus confirmera l’autorité de Pierre, « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ».

A ces apôtres précisément, Jésus donne un double pouvoir : expulser les esprits impurs (où il y a le péché, il y a l’esprit impur, tout esprit de péché est incompatible avec Dieu) et de guérir toute maladie et toute infirmité (la grâce de Dieu vient pour rétablir l’ordre premier de la création cassé par le péché) : l’Eglise dans ce monde est créée pour combattre le péché et le démon, et rétablir l’humanité par la grâce.

Une fois choisis, le Seigneur envoie ses apôtres, c’est une première mission de l’Eglise si l’on veut :

« Ne prenez pas le chemin qui mène vers les nations païennes », au sens mystique, nous apprend saint Thomas d’Aquin, ceux qui sont disciples de Dieu ne doivent pas prendre le chemin des païens, ni celui des hérétiques. Nous pouvons dire : « Guides de l’Eglise, ne vous adaptez pas aux principes de ce monde païen ! »

Alors, il est aussi vrai qu’il y a une priorité dans ce moment de la vie du Christ envers le peuple d’Israël, qui était dépositaire des promesses de Dieu ; cette mission est aussi bien déterminée d’abord à ce peuple, selon les pères de l’Eglise, afin d’éviter toute excuse de la part du peuple d’Israël : « ils sont allés ailleurs et pas chez nous, nous annoncer la venue du Messie ».

Mais, nous savons que cette mission sera après universelle, lorsque Jésus ressuscité avant de monter au Ciel dira à ses apôtres : « Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ».

A la fin de ses recommandations le Seigneur leur rappelle encore que le pouvoir ne vient d’eux, ils l’ont reçu gratuitement et ils ne doivent pas faire des choses saintes, de la grâce, un commerce, une affaire humaine.

Le pape Benoît XVI a fait un très beau commentaire sur l’évangile de ce dimanche : « Les débuts de l’Eglise qui est en Galilée sont privés de ces grandes manifestations cosmique comme celles de l’Ancien Testament, ils reflètent la douceur et la compassion du cœur du Christ, mais annoncent une autre lutte, un autre bouleversement qui est celui suscité par les puissances du mal.

Les Douze devront coopérer avec Jésus pour instaurer le Royaume de Dieu, c’est-à-dire sa seigneurie bénéfique, porteuse de vie, et de vie en abondance pour l’humanité tout entière. Substantiellement, l’Eglise, comme le Christ et avec Lui, est appelée et envoyée pour instaurer le Royaume de la vie et chasser la domination de la mort, pour que la vie de Dieu triomphe dans le monde. Que triomphe Dieu, qui est Amour. Cette œuvre du Christ est toujours silencieuse, elle n’est pas spectaculaire ; c’est justement dans l’humilité de l’être Eglise, de vivre chaque jour l’Evangile, que grandit le grand arbre de la vie. C’est avec ces débuts humbles que le Seigneur nous encourage afin que, même dans l’humilité de l’Eglise d’aujourd’hui, dans la pauvreté de notre vie chrétienne, nous puissions voir sa présence et avoir ainsi le courage d’aller à sa rencontre et de rendre présent sur cette terre son amour, cette force de paix et de vie véritable.

A cet égard, il est utile de réfléchir sur le fait que les douze apôtres n’étaient pas des hommes parfaits, choisis pour leur caractère moral et religieux irrépréhensible. Ils étaient croyants, oui, pleins d’enthousiasme et de zèle, mais marqués en même temps par leurs limites humaines, parfois même graves. Jésus ne les appela donc pas parce qu’ils étaient déjà saints, complets, parfaits, mais afin qu’ils le deviennent, afin qu’ils soient transformés pour transformer ainsi l’histoire aussi. Tout comme pour nous. Comme pour tous les chrétiens.

L’Eglise est la communauté des pécheurs qui croient à l’amour de Dieu et se laissent transformer par Lui, et deviennent ainsi saints, sanctifient le monde. » (Benoît XVI, homélie, 15/06/2008)

Et pour conclure, le Seigneur appelle les douze et parmi eux il y avait aussi le traitre, Judas Iscariote. Nous ne pouvons pas penser que le Christ ignorait ce qui allait se passer après. Rien n’échappe à la science et connaissance de Dieu, pour cela écoutons les belles pensées de saint Augustin et saint Ambroise :

« Jésus les choisit donc pour disciples et donna le nom d’apôtres à ces hommes de naissance obscure, sans distinction, sans instruction, afin que lui seul fût reconnu pour l’unique auteur de ce qui paraîtrait de grand dans leur personne comme dans leurs actions. Parmi ces douze apôtres il s’en trouva un mauvais; mais Jésus fit servir sa méchanceté même au bien, en accomplissant par elle le mystère de sa passion, et enseignant à son Église à supporter comme lui les méchants dans son sein. » (Saint Augustin. Cité de Dieu, 18)

« Il n’y avait aucune imprudence (voire : ignorance) à l’avoir choisi parmi ses disciples, car la vérité est grande et ne perd pas de sa force à cause de l’opposition d’un de ses ministres » (Saint Ambroise, in Lucam, 6). Nous pouvons interpréter aujourd’hui ces paroles disant : « la Vérité (Jésus) est grande et ne perd pas sa force à cause des péchés de ses ministres ».

Notre Seigneur est plus grand que ses ministres, et l’Eglise est sainte par son Fondateur et non par ses ministres. Mais bien que cela soit toujours vrai, nous devons nous soucier et prier afin Notre Seigneur envoie de bons bergers, qu’ils fassent du bien au troupeau et cherchent toujours la perfection de la vie chrétienne, la sainteté.

Demandons cette grâce à la très Sainte Vierge Marie.

P. Luis Martinez IVE.

Pourquoi la mission?

Homélie pour le XIV Dimanche, année C (Lc 10, 1-12.17-20)

Dans son chemin vers Jérusalem, le Seigneur décide d’envoyer un bon groupe de ses disciples en mission. Le dimanche dernier nous avons médité sur les exigences de la vocation, les conditions demandées par le Seigneur à ceux qui voulaient Le suivre. Aujourd’hui Il nous parle de la mission. Deux réalités qui sont en effet étroitement unies. Il n’y a pas de vocation sans une mission dans ce monde ; Dieu choisit et appelle quelqu’un avec une finalité, celle de réaliser une œuvre, la vocation (l’appel) est toujours pour la mission.

Par exemple, lorsque Notre Seigneur choisira les apôtres, l’évangile de saint Marc le cite (Marc 3, 14) : « Il institua douze apôtres pour qu’ils soient avec lui et pour les envoyer proclamer la Bonne Nouvelle ». Deux réalités inséparables : la première, être avec Jésus afin de Le connaître, de l’aimer et d’apprendre de Lui et la deuxième, les envoyer prêcher pour qu’ils participent à la mission de Jésus qui, le premier, est sorti annoncer la bonne nouvelle.

Celui qui est appelé (qui a la vocation) est un envoyé. Envoyé est la traduction littérale du mot « apôtre » en grec et du mot « missionnaire » en latin. C’est la même réalité. Missionnaire veut dire celui qui accomplit une mission. Mission en latin a donné son origine à une parole très connue par nous : la Messe. Et pourquoi cela? Parce qu’à la fin, le prêtre nous dit : « Allez », il nous envoie dans la paix mais ce n’est pas un simple congé, Dieu veut que la force que nous avons reçu dans la messe par la grâce nous aide à continuer notre apostolat dans le monde, à proclamer nous aussi l’évangile, chaque messe nous fait missionnaires du Christ.

Il est intéressant aussi de savoir que les dernières paroles du Christ avant de monter au Ciel, après sa Résurrection étaient précisément l’envoi en mission. Cela nous pouvons le constater dans les trois évangiles synoptiques, Matthieu, Marc et Luc. Matthieu dit par exemple que le Seigneur s’adresse à ses disciples avec ces paroles : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » (Mt 28, 19). Saint Marc : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné » ” (Marc 16, 15). Et Saint Luc : « Il leur dit : ‘Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée (c’est comme un envoi) en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem » (Lc 24, 46-47).

Dans nos jours, qui sont difficiles, certains disent que l’Eglise ne doit plus annoncer le Christ, ni l’évangile, que l’Eglise ne doit plus inviter à la conversion. Ces types de chrétiens nient ce que le Seigneur a enseigné ; évidement ils ont trahi le Christ et de chrétiens, ils ne gardent que le nom.

Le Seigneur continue à nous envoyer, et aujourd’hui la mission se fait encore plus urgente que jamais. Car dans des pays où auparavant, la foi chrétienne occupait une place primordiale, à notre époque, elle se voit reléguée, interdite, et même persécutée.

Il est bon de rappeler ce que disait saint Jean Paul II, avec des paroles prophétiques, en 1980, dans son encyclique « Redemptoris Missio » (11) :

« Aujourd’hui, la tentation existe de réduire le christianisme à une sagesse purement humaine, en quelque sorte une science pour bien vivre. En un monde fortement sécularisé, est apparue une «sécularisation progressive du salut », ce pourquoi on se bat pour l’homme, certes, mais pour un homme mutilé, ramené à sa seule dimension horizontale. Nous savons au contraire que Jésus est venu apporter le salut intégral qui saisit tout l’homme et tous les hommes, en les ouvrant à la perspective merveilleuse de la filiation divine.

Pourquoi la mission? Parce que, à nous comme à saint Paul «a été confiée cette grâce-là, d’annoncer aux païens l’insondable richesse du Christ» (Ep 3, 8). La nouveauté de la vie en lui est la Bonne Nouvelle pour l’homme de tous les temps: tous les hommes y sont appelés et destinés. Tous la recherchent effectivement même si c’est parfois de manière confuse, et tous ont le droit de connaître la valeur de ce don et d’y accéder. L’Eglise, et en elle tout chrétien, ne peut cacher ni garder pour elle cette nouveauté et cette richesse, reçues de la bonté divine pour être communiquées à tous les hommes. »

Reprenons maintenant le texte de l’évangile. Parmi les indications que donne le Seigneur, il y en a qui peuvent être interprétées comme dures : « Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin ». Et un peu plus loin, Il dit encore : « Ne passez pas de maison en maison ». Evidemment, il s’agit d’abord de montrer que, pour partir en mission, le disciple doit être détaché de ce qui est matériel, vivre la pauvreté d’esprit pour avoir son cœur seulement en Dieu. Ne saluer personne, ne pas passer de maison en maison indique d’un côté l’urgence et l’importance de la mission, mais aussi la sublimité de cet envoi, il ne s’agit pas d’une « visite de courtoisie », c’est plutôt l’annonce de la Parole de Dieu, de l’Evangile.

Mais, le missionnaire sait que ce n’est pas sa force qui compte, c’est la force de Dieu qui agit en lui. Jésus ne les envoie pas avec des moyens puissants, mais bien « comme des agneaux au milieu des loups » (v. 3), sans bourse, ni besace, ni sandales (cf. v. 4). Saint Jean Chrysostome, dans l’une de ses homélies, commente : « Tant que nous serons des agneaux, nous vaincrons et, même si nous sommes entourés par de nombreux loups, nous réussirons à les vaincre. Mais si nous devenons des loups, nous serons vaincus, car nous serons privés de l’aide du pasteur » (Homélie 33, 1: pg 57, 389). Les chrétiens ne doivent jamais céder à la tentation de devenir des loups parmi les loups. Ce n’est pas avec le pouvoir, avec la force, avec la violence que le royaume de paix du Christ s’étend, mais avec le don de soi, avec l’amour porté à l’extrême, même à l’égard de ses ennemis. Jésus ne vainc pas le monde avec la force des armes, mais avec la force de la Croix, qui est la véritable garantie de la victoire. 

« Un des signes éclatants du plus glorieux triomphe, dit toujours Saint Jean Chrysostome, ce fut de voir les disciples environnés de tant d’ennemis, comme des agneaux au milieu des loups, les convertir à la foi. » (Catena Aurea)

Au retour de leur mission, les disciples étaient, dit l’évangile, tout joyeux d’avoir accompli des signes prodigieux. Ce qui motive le Seigneur à donner encore une belle recommandation, celle de se réjouir de ce que leurs noms soient inscrits au Ciel, c’est-à-dire qu’ils reçoivent eux aussi le salut éternel.

Saint Cyrille demande : « Mais pourquoi, Seigneur, ne permettez-vous pas à vos disciples de se réjouir de la puissance que vous-même leur avez donnée, alors qu’il est écrit : ” Ils se réjouiront dans votre nom durant tout le jour ? ” C’est que le Sauveur les invite à une joie beaucoup plus grande et plus pure ” Réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux ” 

C’est aussi pour les préserver de l’orgueil, car finalement tous les prodiges ont été faits par la grâce de Dieu et non par la force des disciples: « Le Sauveur se hâte de réprimer ce mouvement d’orgueil dans le cœur de ses disciples, et il leur rappelle la chute trop justement méritée du maître de l’orgueil, pour leur apprendre, par le prince de l’orgueil, combien ce vice (l’orgueil) était redoutable. S. Grég. (Moral., 23, 4.)

Nous avons laissé la première de toutes les indications que le Seigneur donne aux disciples pour la fin de notre méditation, parce que chaque dimanche depuis quelques années nous accomplissons, d’une manière on peut dire très humble ce que le Seigneur commande en premier : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. » Il est très important de continuer à prier pour que Dieu envoie des vocations, seulement Dieu peut mettre dans les cœurs de beaucoup de jeunes et non seulement de jeunes ce désir de consacrer leur vie pour annoncer l’évangile, pour guérir et les corps et surtout les âmes, pour nous aider, nous aussi à aller au Ciel. Nous devons prier pour les vocations et pour que ces vocations cherchent aussi toujours la sainteté, cherchent toujours à imiter le Christ.

Le pape Saint Grégoire, il y a longtemps, disait que ne pouvons répéter les paroles qui suivent, sans un profond sentiment de douleur : ” Les ouvriers sont en petit nombre. ” Il en est beaucoup, sans doute, pour écouter les paroles de vie, mais très peu pour les leur adresser. Voici que le monde est rempli de prêtres, mais qu’il est rare de rencontrer dans la moisson du Seigneur un seul véritable ouvrier. Et la raison, c’est que nous recevons le caractère et la charge du sacerdoce, mais que nous nous mettons peu en peine d’en remplir les devoirs.

Il faut aussi profiter de ces paroles pour exhorter les fidèles à prier pour leurs pasteurs, à demander à Dieu qu’ils travaillent dignement au salut de leurs âmes, et que leur langue ne cesse jamais de les instruire. S. Grég. (hom. 17.) 

La pire des tragédies pour un peuple et pour le monde, c’est le manque de vocations, surtout de prêtres :

Il serait lamentable qu’il manque de médecins et d’hôpitaux, mais plus grave serait encore le manque de prêtres dans le monde. Car les médecins sont des grands bienfaiteurs de l’humanité, ils peuvent seulement retarder l’heure de la mort, mais jamais ne nous garantir la vie éternelle.

Le prêtre, malgré ses faiblesses, est le plus grand bienfaiteur de l’humanité, parce qu’il est l’unique qui peut nous garantir la vie éternelle.

Si quelqu’un veut accepter l’appel de Dieu et devenir missionnaire, il ne sera jamais déçu de l’avoir fait, et recevra une grande récompense : « Mes frères, si l’un de vous s’égare loin de la vérité et qu’un autre l’y ramène, alors, sachez-le : celui qui ramène un pécheur du chemin où il s’égarait sauvera son âme de la mort et couvrira une multitude de péchés » (Jaques 5,19-20).

Demandons à la très Sainte Vierge Marie, que Dieu donne toujours de saintes vocations à la vie consacrée et au sacerdoce pour son Eglise. 

P. Luis Martinez IVE.