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“Il s’assit à la droite de Dieu”

Homélie pour l’Ascension du Seigneur

Nous célébrons ce dimanche la solennité de l’Ascension du Seigneur. De manière synthétique et belle, la finalité de ce mystère est résumée dans la préface de la Messe ( cette longue prière après la bénédiction de dons du pain et du vin et qui finit avec le Sanctus) : « Il (Jésus) s’élève au plus haut des cieux, pour être le Juge du monde et le Seigneur des seigneurs, seul médiateur entre Dieu et les hommes ; il ne s’évade pas de notre condition humaine. Mais, en entrant le premier dans le Royaume, il donne aux membres de son corps l’espérance de le rejoindre un jour ».

Nous disons donc d’abord que Jésus est entré au Ciel pour être notre Juge, mais aussi notre Médiateur, Il n’échappe pas à notre réalité, car Il a dit « je serais avec vous jusqu’à la fin des temps » ou comme dit S. Léon ” Celui qui est monté aux cieux n’abandonne pas ceux qu’il a adoptés. “. Et finalement nous avons l’espérance de Le rejoindre un jour, de vivre avec Lui pour toute l’éternité.

Une autre vérité à connaître c’est que l’ascension du Seigneur est le couronnement et le dernier acte de l’œuvre de rédemption. C’est-à-dire qu’avec elle, toute la mission de notre Seigneur dans ce monde commencée avec son Incarnation se trouve complétée et terminée, c’est comme clôturer la grande Mission de Jésus. De façon qu’après l’ascension, l’homme et l’histoire de l’homme entrent dans leur dernière étape. Comme il est écrit dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique (n. 670) : « Depuis l’Ascension, le dessein de Dieu est entré dans son accomplissement. Nous sommes déjà à ” la dernière heure ” (1 Jn 2, 18 ; cf. 1 P 4, 7). ” Ainsi donc déjà les derniers temps sont arrivés pour nous ».

Pour quoi le Seigneur s’en va-t-il au Ciel ? Entre autres raisons, c’est aussi pour nous faire progresser dans la foi.  S. Augustin commente ainsi : “Vous ne pouvez saisir l’Esprit Saint tant que vous persistez à connaître le Christ selon la chair. Lorsque le Christ se fut éloigné corporellement, non seulement l’Esprit Saint, mais encore le Père et le Fils leur furent présents spirituellement. “

Alors, si l’Eglise nous fait méditer ce mystère c’est parce qu’il peut nous apporter certains fruits pour notre vie spirituelle, pour notre vie comme chrétiens. Mais ces fruits sont donnés si seulement je m’applique à méditer les mystères de la vie du Seigneur. Quels sont donc les biens spirituels que cette commémoration donne à notre âme ? On peut dire qu’il y en a trois principaux :

En premier lieu, Jésus est monté aux cieux, pour nous y conduire, car nous, nous n’en connaissions pas le chemin, mais lui-même nous l’a montré. « Il est monté, dit le prophète Michée (2, 13), ouvrant ainsi la voie devant eux ». Ensuite Jésus s’est élevé au ciel, pour nous donner l’assurance de posséder le royaume céleste : « Je vais, dit-Il aux apôtres (Jean 14, 2), vous préparer une place ».

L’Ascension nous apporte aussi la sécurité. Jésus en effet est monté au ciel pour intercéder en notre faveur auprès de son Père ; au ciel Il est toujours vivant pour intercéder en faveur de tous les hommes (cf. Hébreux 7, 25). Et saint Jean écrit dans sa 1re épître (2, 1) : « Nous avons près du Père un avocat, Jésus-Christ ».

En troisième lieu, l’ascension du Christ est d’une grande utilité pour attirer nos cœurs à Lui : « où est ton trésor, dit le Seigneur (Math. 6, 21), là aussi est ton cœur ». Méditer ce mystère fait aussi que nous ne soyons pas trop appliqués à penser aux biens temporels. L’Apôtre saint Paul écrit par rapport à cela aux Colossiens (3, 1) : « Si vous êtes res­suscités avec le Christ, recherchez les choses d’en-haut, là où se trouve le Christ, siégeant à la droite de Dieu ; affectionnez-vous aux choses d’en-haut et non à celles de la terre. » Et voilà une petite anecdote, sainte Hélène, l’impératrice de Rome qui a fait construire les grandes basiliques en Terre Sainte après que l’Empire Romain eût déclaré la paix pour les chrétiens et que même l’Empereur fût devenu chrétien, au moment de bâtir la Basilique de l’Ascension, elle laisse le centre de la Basilique sans le couvrir, à ciel ouvert, pour que tous les pèlerins en entrant dans la basilique, regardent au Ciel.

Mais il y a un autre aspect du mystère de l’Ascension à méditer ce dimanche d’après saint Marc : Jésus fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. C’est la même expression utilisée dans notre profession de foi, le Credo.

Que signifie « siéger à la droite du Père »? Les pères de l’Eglise l’ont bien expliqué puisque certains contestaient ce dogme de notre foi, disant qu’on matérialisait Dieu, Dieu n’a pas de corps pour repérer la droite ou la gauche…

Jean Damascène répondait à cette objection et d’après lui ” ce n’est pas au sens local que nous parlons de la droite de Dieu. Comment Celui qui n’a pas de limite aurait-il une droite, entendue en ce sens ? Il n’y a que les êtres ayant des limites qui possèdent une droite et une gauche. La droite du Père, c’est la gloire et l’honneur de la divinité “.

Ensuite nous devons savoir que les écrivains sacrés qui ont écrit les livres de la bible inspirés par l’Esprit Saint, utilisaient certains mots pour définir des réalités qui dépassent l’intelligence humaine.

Alors sous le nom de “session” (le fait de s’asseoir) nous pouvons considérer deux choses : d’abord le fait de demeurer, par exemple d’après S. Luc (24, 49) le Seigneur dit aux disciples ” Asseyez-vous (« sedete » qui l’on traduit par « demeurez, restez ») à Jérusalem ” ; et  ce mot désigne aussi le pouvoir royal ou judiciaire, selon les Proverbes (20, 8) : ” Le roi, siégeant au tribunal, dissipe tout mal de son regard ».

Alors, il convient au Christ de s’asseoir à la droite du Père dans les deux sens. Tout d’abord, il y goûte le repos, en tant qu’il demeure éternellement incorruptible dans la béatitude du Père, que l’on signifie par sa droite (près de Dieu, proche de lui): ” A ta droite, éternité de délices ! ” (Ps 16, 11). S. Augustin écrit par rapport à cela : “Il est assis à la droite du Père : il siège ou il est assis ; entendez qu’il habite, comme nous disons d’un homme : « il a siégé dans ce pays pendant trois ans ». Ainsi donc, croyez que le Christ habite à la droite de Dieu le Père ; car il est bienheureux, et le nom de sa béatitude est la droite du Père. “

Le Christ siège aussi à la droite de Dieu le Père parce qu’il règne avec lui et tient de lui son pouvoir judiciaire, comme celui qui siège à la droite du roi l’assiste en régnant et en jugeant avec lui. D’après S. Augustin toujours : ” Par la droite, entendez le pouvoir que cet homme, pris par Dieu, a reçu pour venir juger, lui qui était venu d’abord pour être jugé.

Notre foi nous dit que Jésus étant Dieu a assumé (a pris) la nature humaine, Il est pour cela Dieu et homme au même temps.

C’est ainsi que le Christ, en tant que Fils de Dieu, est assis à la droite du Père ; car il possède la même nature que le Père. Il est en égalité avec le Père. « Être assis à la droite de Dieu » veut dire donc à égalité avec le Père.

Mais le Christ, en tant qu’homme, est assis à la droite du Père en ce sens qu’il participe à des biens plus importants que les autres créatures ; il jouit, en effet, d’une béatitude plus parfaite, et Il possède le pouvoir judiciaire.

S’asseoir à la droite de Dieu n’est donc rien d’autre que posséder, comme le Père, la gloire de la divinité, la béatitude et le pouvoir judiciaire ; et cela d’une manière immuable et royale.

Le pape S. Grégoire nous aide à méditer encore un autre aspect ; il dit : “Siéger ou s’asseoir est l’attitude du juge, mais se tenir debout celle du combat ou du secours. S. Étienne, comme nous disent les Actes des Apôtres, lorsqu’il était dans la peine du combat ; c’est-à-dire, au moment où il allait recevoir le martyre, a vu debout Celui qui venait à son secours. Mais celui-là même, S. Marc nous le décrit après son ascension comme étant assis ; car, après la gloire de son ascension, il apparaîtra à la fin comme juge ». Ces deux images donc nous montrent que Jésus est au Ciel, non seulement comme Juge, mais comme notre soutien et notre force, Il ne s’évade pas de notre condition humaine, Il ne nous abandonne pas.

Ayons confiance donc à ce Juge et approchons nous de Lui pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours.

P. Luis Martinez V. E.

Institut du Verbe Incarné

 Au soir de notre vie nous serons jugés sur l’amour

Solennité de Christ Roi (Lire l’évangile: Mt. 25,31-46)

Ce dernier dimanche du temps ordinaire est dédié à la solennité du Christ Roi de l’univers.

Dans la prière d’ouverture, nous avons prié et demandé la grâce de que la création soit libérée de la servitude du péché, pour que Dieu règne en elle, et que l’homme reconnaisse sa Puissance. Mais nous savons aussi que ce royaume de Dieu, qui commence déjà dans ce monde dans les cœurs de ceux qui sont fidèles à la loi de l’évangile, nous le trouverons en plénitude au Ciel, là-bas il sera un règne sans limite et sans fin : règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix, où règnera la perfection totale, sans la faiblesse ni le mal du péché.

Et nous avons proclamé l’évangile de saint Mathieu, la prophétie du Seigneur au jugement final : Il parle de sa Venue, dit l’évangéliste, et nous voyons que c’est le Seigneur même qui dit à ses apôtres qu’Il vient comme Roi « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui. »

Et il est très intéressant de remarquer que le Seigneur utilise deux fois le titre de Roi, et ce seulement lorsqu’Il s’adresse à ceux qui sont placés à sa droite, les justes, les bénis du Père : « le Roi dira à ceux qui seront à sa droite… le Roi leur répondra ». Tandis qu’au moment où le Seigneur parle aux condamnés l’évangéliste met le pronom « il » : « il dira à ceux qui seront à sa gauche », et cela est semblable dans les textes grec et latin. On peut penser et à bon droit, que ceux qui ont servi le Seigneur dans le prochain ce sont eux qui ont le droit d’avoir Notre Seigneur Jésus-Christ comme Roi, parce qu’ils ont pleinement accompli la loi de l’Evangile et considéré le Christ comme leur véritable chef.

Le premier aspect à méditer c’est la raison pour laquelle les hommes seront jugés. Et l’on voit qu’il s’agit des œuvres de miséricorde et qui sont des actes qui revêtent un caractère « pratique », en plus d’être accessibles à tous, c’est l’amour en concret : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres ». Ces œuvres constituent en effet la preuve la plus évidente que nous aimons Dieu, comme saint Jean nomme menteur celui qui dit « aimer Dieu » et qui n’aime pas son prochain de par ses œuvres. « Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère. » (1 Jn. 4,20-21)

Mais cet amour, il faut bien le distinguer, n’est pas l’amour de philanthropie (l’amour de l’homme pour l’homme) ; au contraire, il s’agit de la charité, parce qu’elle exige de voir le  Christ lui-même en la personne de celui à qui l’on fait du bien. C’est l’amour au prochain pour l’amour de Dieu, peu importe la qualité ou la catégorie des gens (pauvres ou riches, souffrants ou bienportants). En définitif, l’acte de charité nous renvoie directement à Dieu : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Le Seigneur ne nous dit pas que celui que nous devons aider doit remplir certaines conditions pour être aidé, le fait de souffrir le rend frère du Seigneur et nous devons le considérer comme tel. Selon les paroles de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de Lisieux, « Jésus est caché au fond de l’âme de tout homme …Jésus qui rend doux ce qu’il y a de plus amer … » (lire l’anecdote de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus)  

Alors, on peut se demander : pour quoi le Seigneur propose t’il en exemple des actions bien concrètes et matérielles ? On dirait qu’Il oublie les œuvres spirituelles ! La réponse nous la trouvons dans le fait même, c’est-à-dire que le Seigneur est en train de réaliser lui-même une œuvre de miséricorde spirituelle, celle d’instruire les ignorants ; et il y a encore une autre raison, c’est parce qu’il y a eu toujours une tentation à séparer ce qui est spirituel de ce qui est corporel, comme il a même existé dans l’histoire une hérésie qui considérait la matière comme mauvaise et que l’homme ne devait donc se concentrer qu’en ce qui était spirituel.

Il est toujours bien de faire mémoire aujourd’hui des œuvres de miséricorde parce que finalement nous serons juges de ces œuvres, sur la façon dont nous avons exercé la charité envers nos prochains. Il y a une très belle phrase de Saint Jean de la Croix qui dit : « Au soir de notre vie nous serons jugés sur l’amour », elle fait référence évidement au jugement particulier, lorsque notre âme sera devant Dieu, mais ce jugement anticipe en quelque sorte le jugement dernier, à la fin de l’histoire.

Le Catéchisme de l’Eglise Catholique définit les œuvres de miséricorde comme « les actions charitables par lesquelles nous venons en aide à notre prochain dans ses nécessités corporelles et spirituelles ».

Il y a quatorze œuvres de miséricorde : sept corporelles et sept spirituelles. D’abord nous énumérons les corporelles :

1) donner à manger à ceux qui ont faim,
2) donner à boire à ceux qui ont soif,
3) vêtir ceux qui sont nus.
4) accueillir les étrangers,
5) visiter les malades,
6) visiter les prisonniers,
7) ensevelir les morts.

Alors, il ne faut pas reléguer ses œuvres parce qu’elles correspondent à des besoins qui existaient plutôt dans le passé et dans certains contextes historiques (donner à boire, par exemple). En vérité, les considérant avec un peu plus d’attention, elles deviennent très actuelles dans notre temps. Il n’est pas exigé que le prochain se trouve dans la nécessité totale pour venir le secourir ; au contraire, combien de fois nous pouvons transformer un simple geste, comme celui de donner à boire à un ami, à l’aide à un enfant dans une œuvre de charité et de miséricorde.

Les sept œuvres de miséricorde spirituelles sont :
1) instruire les ignorants,
2) conseiller ceux qui sont dans le doute,
3) consoler les affligés,
4) corriger celui qui est dans l’erreur,
5) pardonner les offenses,
6) supporter patiemment les défauts des autres,
7) prier Dieu pour les vivants et pour les morts.

Certaines de ces dernières sont parfois plus difficiles à comprendre, plus difficiles à pratiquer, on peut dire qu’elles sont plus polémiques. Il y a une urgence qui donne priorité évidement aux œuvres corporelles, mais l’action des chrétiens ne s’achève jamais en elles ; les œuvres spirituelles sont plus sublimes que les corporelles, parce qu’elles font référence à l’âme et pour cela les chrétiens ne doivent pas les laisser de côté. Comme chrétiens nous devons toujours chercher aider notre prochain, surtout à ce qu’il progresse spirituellement, qu’il grandisse dans son âme et non seulement dans son corps : Quel avantage, en effet, un homme a-t-il à gagner le monde entier si c’est au prix de son âme ? (cf. Mc. 8,36).

Demandons la grâce d’accomplir ces œuvres de miséricorde pour que le Seigneur soit notre Roi, pour que nous appartenions à son Règne en plénitude et que nous écoutions un jour de ses lèvres cette belle invitation : ‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde’. A la Reine du Ciel et notre Mère, la très Sainte Vierge Marie, nous demandons aujourd’hui cette grâce.

P. Luis Martinez V. E.

Institut du Verbe Incarné