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« D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? »

Homélie pour le IV Dimanche du temps de l’Avent, année C (Lc 1, 39-45).

A l’approche de Noël en ce IVe dimanche de l’Avent, l’Église veut nous rapporter les événements les plus directement liés à la conception virginale de Marie et à l’Incarnation du Verbe.

Il s’agit cette année du mystère de la Visitation de la Vierge Marie à sa cousine Elisabeth.

« Marie se mit en route et se rendit avec empressement, vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. » La sainte Vierge Marie nous apprend tout d’abord à accomplir sans délai ce que Dieu nous inspire de faire. Elle voyage de Galilée en Judée et nous pouvons dire qu’il s’agit de la première mission de Jésus, car 30 ans après, c’est aussi de Galilée qu’il sortira pour aller annoncer la Bonne nouvelle vers la Judée. Cette première mission, Jésus l’accomplit avec sa sainte Mère, elle sort pour que Jésus annonce la bonne nouvelle à son précurseur et sa mère, sainte Elisabeth.

Laissons maintenant le grand saint Ambroise, maître de saint Augustin, nous parler encore de ce mystère.

« Dès qu’elle a appris que sa cousine aussi était enceinte, non par manque de foi en la prophétie de l’ange, non par incertitude de cette annonce, ni par doute sur le fait, mais dans l’allégresse de son désir pour remplir un pieux devoir, dans l’empressement de la joie, Marie se dirigea vers les montagnes. Désormais remplie de Dieu, pouvait-elle ne pas s’élever en hâte vers les hauteurs ? Les lents calculs sont étrangers à la grâce de l’Esprit Saint. » (Traité sur l’Évangile de S. Luc, II, 19. )

Et là se produit un événement extraordinaire, Jean le baptiste et sa mère, sont remplis de l’Esprit Saint. Alors, Elisabeth, recevant docilement cette révélation de l’Esprit, devient ainsi la première personne après Marie à reconnaître que le Verbe s’est fait chair, que Dieu s’est fait homme.

Ceci est évident lorsqu’Elisabeth dit : « D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (Lc 1,43). Sans aucun doute –  Elizabeth en disant « Seigneur » (en grec, Kyrios) fait elle référence à Dieu. Saint Paul écrit à juste titre : « Nul ne peut dire que ‘Jésus est Seigneur’ si ce n’est dans l’Esprit Saint » (1Cor 12,3). Elisabeth reçoit ici le don de prophétie, c’est-à-dire une illumination de l’Esprit Saint qui lui révèle une vérité divine et qu’elle accepte avec docilité et joie.

Par conséquent, l’expression d’Elisabeth « la mère de mon Seigneur» signifie « la mère de mon Dieu » et son humilité, fruit aussi de l’Esprit Saint, fait qu’elle se considère indigne de la visite de la Sainte Vierge et du Messie.

Voici l’interprétation de saint Grégoire le Grand, (sur Ezech., hom. 4) : « L’inspiration prophétique d’Elisabeth s’étendit à la fois au passé, au présent et à l’avenir. Elle connut que Marie avait donné foi aux promesses de l’ange; en la proclamant mère du Seigneur, elle comprit qu’elle portait dans son sein le Rédempteur du genre humain; et en prophétisant tout ce qui devait s’accomplir en elle, elle plongea son regard jusque dans les profondeurs de l’avenir ».

Elisabeth proclame cette vérité avec joie et générosité. Le texte grec signifie littéralement : « Elle a proclamé avec un grand cri » que Marie est la Mère de Dieu, c’est-à-dire qu’elle proclama avec un grand cri que Dieu s’est fait homme dans le sein de Marie.

Sainte Elisabeth continue à dire « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur.», proclamant de cette manière la foi de Marie.

Marie est essentiellement et en premier lieu celle qui croit. Si l’agir de Dieu envers elle est caractérisé par la grâce (Lc 1,28) et par la bénédiction (Lc 1,42), la réponse de Marie envers Dieu est caractérisée par la foi. Elle a accueilli la parole de Dieu avec foi. Elle a accepté et cru que Dieu est fidèle à sa parole et qu’il a le pouvoir de l’accomplir.

Saint Augustin écrit à ce sujet « Il est plus important pour Marie d’être restée disciple du Christ que mère du Christ. Pour cela aussi Marie est bienheureuse, parce qu’elle écouta la parole de Dieu et elle la garda : elle garda davantage la Vérité dans l’esprit que la chair dans le sein maternel. Christ est Vérité, Christ est chair : Christ Vérité dans l’esprit de Marie, Christ chair dans le sein de Marie. Ce qui se porte dans l’esprit vaut plus que ce qui se porte dans le ventre. » (Saint Augustin, Discours 72 A).

Il y a un deuxième aspect à méditer ce dimanche, comme nous l’avons déjà dit la solennité de la Nativité est déjà à nos portes. Que doit produire en nous cette célébration comme fruits spirituels, que devons nous garder dans notre âme ?

Ecoutons ce grand saint, Saint Thomas d’Aquin, sur les fruits de la méditation des mystères de la venue du Fils de Dieu dans ce monde, ils seront aussi les fruits de ce temps de Noël.

« Premièrement le fait de contempler l’Incarnation du Fils de Dieu et sa Naissance doit affermir notre foi. Car, dans le cas où quelqu’un nous décrirait certaines particularités concernant une terre éloignée où il n’aurait jamais été, la foi que nous accorderions à ses paroles ne serait pas aussi grande que celle que nous lui donnerions s’il y avait séjourné. Avant donc que le Christ ne vint au monde, les Patriarches, les Prophètes et saint Jean-Baptiste révélèrent différentes choses sur Dieu mais les hommes ne donnèrent pas à leurs paroles une foi égale à celle qu’ils accordèrent au Christ, qui était avec Dieu, bien plus, qui est Un avec Lui. Ainsi notre foi, que le Christ lui-même nous a transmise, est très ferme. “Nul n’a jamais vu Dieu, disait saint Jean (Jn 1, 18): le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui, l’a révélé. De là vient que de nombreux secrets de la foi nous ont été dévoilés après l’avènement du Christ, qui auparavant, avaient été cachés.

En deuxième lieu notre espérance s’en trouve élevée. Nous ne pouvons pas douter que le Fils de Dieu, prenant notre chair, n’est pas venu à nous pour un motif peu important, mais plutôt pour nous être grandement utile; il a en effet accompli une sorte d’échange car s’il a pris un corps avec une âme et s’il daigna naître de la Vierge, c’est pour, ensuite, nous faire don de sa divinité et ainsi, il s’est fait homme pour faire que l’homme devienne Dieu. « A lui, Jésus-Christ, disait l’Apôtre aux Romains (5, 2): à lui nous devons d’avoir, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ; et nous mettons notre fierté dans l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu. »

En troisième lieu la méditation du mystère de l’Incarnation enflamme notre charité. Savoir, en effet, que Dieu, Créateur de toutes choses, s’est fait créature, que Notre Seigneur est devenu notre frère, que le Fils de Dieu s’est fait le fils de l’homme, est la preuve la plus évidente de la divine charité. Comme il est dit dans l’Evangile de saint Jean (3, 16): « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. » Cette vérité, si nous la considérons, doit enflammer de nouveau notre amour pour Dieu et l’embraser.

Quatrièmement : la considération du mystère du Fils de Dieu fait homme doit nous porter à garder pure notre âme. Notre nature en effet a été tellement ennoblie et exaltée par son union avec Dieu. Aussi l’homme doit-il se rappeler et méditer son exaltation: par là, il se gardera de se souiller, lui et sa nature, par le péché; c’est l’enseignement même de l’Apôtre saint Pierre (II. I, 4): « Par Jésus Christ, nous dit-il, Dieu a réalisé des promesses magnifiques et précieuses, afin que nous devenions ainsi participants de la nature divine, et que nous échappions à la dégradation produite dans le monde par la convoitise. »

Cinquièmement : la méditation du mystère de l’Incarnation et de la Nativité enflamme notre désir d’atteindre le Christ, d’être avec Lui. Si en effet quelqu’un avait pour frère un roi et était éloigné de lui, n’aurait-il pas le désir se rendre auprès de sa personne royale, d’être chez lui et d’y demeurer ? Aussi, comme le Christ est notre frère, nous devons nous aussi désirer être avec lui et nous unir à lui. L’Apôtre Saint Paul n’aspirait-il pas à mourir pour être avec le Christ (Cf. Phil. 1, 23) ? Sans aucun doute, si nous méditons l’Incarnation du Verbe, nous ferons grandir en nous le désir de partir pour être avec le Seigneur. » (Commentaire au Symbole des Apôtres)

Demandons aujourd’hui ces grâces à la très Sainte Vierge Marie, elle qui est toujours prête à nous donner son Fils et nous Le faire connaître, à nous sanctifier avec Sa présence. « A l’imitation de la Très sainte Vierge, disait le Bienheureux Isaac de l’Etoile : chaque âme fidèle est épouse de la Parole de Dieu, mère du Christ, fille et sœur, vierge et mère féconde ».

P. Luis Martinez IVE.

« Que nous faut-il faire ? »

Homélie pour le IIIe. Dimanche du temps de l’Avent, année C (Lc 3, 10-18)

Nous sommes déjà dans le troisième dimanche du temps de l’Avent et la liturgie propose la couleur rose, indiquant que ce dimanche est le dimanche de « Gaudete », de joie, une joie anticipée de la nuit de Noël, on annonce déjà la joie de la Nativité de notre Sauveur.

« Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! », nous dit d’abord le prophète Sophonie, il est intéressant de rappeler que le moment de l’histoire où le prophète fait cette annonce, c’est celui de l’Exil du peuple d’Israël, le peuple ayant été amené en captivité en Babylone et éloigné de sa terre et encore pire de son Temple de Jérusalem, quand bien même ce Temple était à ce moment totalement abandonné. Au milieu de cette grande détresse, la voix du prophète parle d’une libération, d’un pardon de la part de Dieu car c’est en raison de son infidélité qu’ Israël avait subi cet exil. 

«Le Seigneur est roi d’Israël au milieu de toi»; cela signifierait littéralement «est dans ton sein», avec une claire référence à la présence de Dieu dans l’Arche de l’Alliance, toujours placée au milieu du peuple d’Israël. Et nous savons que la joie qui est promise dans ce texte prophétique trouve son accomplissement en Jésus, qui est dans le sein de Marie, la « Fille de Sion », et il place ainsi sa demeure parmi nous (cf. Jn 1, 14). En effet, en venant au monde, il nous donne sa joie, comme Il le confie lui-même à ses disciples : « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » (Jn 15, 11).

Dans la deuxième lecture, saint Paul invite les chrétiens de Philippes à se réjouir dans le Seigneur. Pouvons-nous nous réjouir? Et pourquoi faut-il se réjouir? La réponse de saint Paul est : car «le Seigneur est proche!» (Ph 4, 5).

Lorsque Saint Paul écrit la lettre aux Philippiens, il est en prison, prisonnier à cause de la prédication de l’Evangile, mais il invite les chrétiens de Philippe à se réjouir, et c’est par deux fois qu’il leur recommande de le faire.

Considérons cela, dans les deux lectures, l’invitation à se réjouir provient d’une situation difficile, d’une situation de souffrance. Pourtant, ils invitent les autres à se réjouir dans le Seigneur.

« Soyez toujours dans la joie du Seigneur », saint Paul veut vraiment être clair avec l’origine de la joie, la joie est dans le Seigneur et non pas dans le monde.

« Qu’est-ce que se réjouir dans le monde ? commente saint Augustin ; se réjouir du mal, de la médiocrité, des choses déformées (corrompues) et qui déshonorent. Dans toutes ces choses, le monde trouve sa joie… Par conséquent, frères, “réjouissez-vous dans le Seigneur”, non dans le monde, c’est-à-dire réjouissez-vous de la vérité, non du mal; réjouissez-vous avec l’espérance de l’éternité, non avec la fleur de la vanité. Que ce soit votre joie où que vous soyez, et quand vous vous trouverez ainsi, « Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien. »

L’Evangile d’aujourd’hui, la troisième partie de la liturgie de la Parole, nous enseigne que pour accueillir le Seigneur qui vient, nous devons nous préparer en observant bien notre conduite de vie. Aux différentes personnes qui demandent ce qu’elles doivent faire pour être prêtes à la venue du Messie (cf. 3, 10.12.14), Jean-Baptiste répond que Dieu n’exige rien d’extraordinaire, mais que chacun vive selon les critères de solidarité et de justice.

Nous remarquons aussi la grande humilité de Jean qui reconnaît que sa mission est celle de préparer la route à Jésus. Et, comme nous l’avons entendu, ce grand prophète utilise des images fortes pour inviter à la conversion, mais il ne le fait pas dans le but de susciter la crainte, mais plutôt pour encourager à bien accueillir l’Amour de Dieu, qui lui seul peut vraiment purifier la vie. Dieu se fait homme comme nous pour nous donner une espérance qui est certitude: si nous le suivons, si nous vivons avec cohérence notre vie chrétienne, Il nous attirera à Lui, il nous conduira à la communion avec Lui; et dans notre cœur régnera la vraie joie et la vraie paix, même dans les difficultés, même dans les moments de faiblesse.

 « Que nous faut-il donc faire ? » (Lc 3, 10.12.14). Ces dialogues sont très intéressants et se révèlent d’une grande actualité.

La première réponse est adressée à la foule en général. Jean-Baptiste dit : « Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même » (v. 11). Nous pouvons voir ici un critère de justice, animé par la charité. La justice demande de dépasser le déséquilibre entre celui qui a le superflu et celui qui manque du nécessaire ; la charité pousse à être attentif à l’autre et à aller au-devant de ses besoins, au lieu de trouver des justifications pour défendre ses propres intérêts. Justice et charité ne s’opposent pas, mais sont toutes deux nécessaires et se complètent mutuellement.

Nous voyons ensuite la deuxième réponse, adressée à quelques « publicains », c’est-à-dire des percepteurs des taxes pour le compte des Romains. Les publicains étaient déjà méprisés pour cette raison, et également parce qu’ils profitaient souvent de leur position pour voler. Jean-Baptiste ne leur dit pas de changer de métier, mais de ne rien exiger de plus que ce qui a été fixé (cf. v. 13). Le prophète, au nom de Dieu, ne demande pas de gestes exceptionnels, mais avant tout l’accomplissement honnête de son devoir. Le premier pas vers la vie éternelle est toujours l’observance des commandements ; dans ce cas le septième : « Tu ne voleras pas » (cf. Ex 20, 15).

La troisième réponse concerne les soldats, une autre catégorie dotée d’un certain pouvoir, et donc tentée d’en abuser. Aux soldats, Jean dit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. » (v. 14). Ici aussi, la conversion commence par l’honnêteté et le respect des autres : une indication qui vaut pour tous, spécialement pour ceux qui ont les plus hautes responsabilités.

Pour conclure, écoutons ce que Saint Jean Chrysostome (Catena Aurea) dit par rapport à cet évangile : « En traçant ces règles si simples de conduite aux publicains et aux soldats, Jean-Baptiste voulait les élever à une perfection plus grande, mais comme ils n’en étaient pas encore capables, il leur donne des préceptes plus faciles, car s’il leur avait proposé tout d’abord les obligations d’une vie plus parfaite, ils n’y auraient donné aucune attention, et seraient demeurés privés de la connaissance des devoirs plus ordinaires et plus faciles ».

Prions alors le Seigneur, par l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie, afin qu’il nous aide à nous préparer à Noël en portant de bons fruits de conversion (cf. Lc 3, 8).

P. Luis Martinez IVE.