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“De tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit”

Homélie pour le Dimanche XXX, année A (Mt 22, 34-40)

La Parole du Seigneur dans l’Evangile nous rappelle que toute la Loi divine se résume dans l’amour. L’Evangéliste Matthieu raconte que les Pharisiens se réunirent pour le mettre à l’épreuve (cf. 22, 34-35). L’un d’eux, un docteur de la loi, lui demanda:  “Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi?” (22, 36).

Saint Thomas faisant le commentaire de ce passage enseigne : « cette question posée par le pharisien semblait calomnieuse et présomptueuse : calomnieuse, parce que tous les commandements de Dieu sont grands : Pr 6, 23 : Les commandements sont la lampe, et la loi, la lumière. Aussi, il posa une question de manière indéterminée, car tous sont grands, de sorte que si [le Seigneur] répondait au sujet d’un [commandement], il pourrait soulever une objection au sujet d’un autre. [Sa question] était aussi présomptueuse, car celui-là ne devrait pas s’enquérir du plus grand qui n’a pas accompli le plus petit.

« Dans sa réponse, Jésus cite le Shemà, la prière que le juif pieux récite plusieurs fois par jour, surtout le matin et le soir (cf. Dt 6, 4-9; 11, 13-21; Nb 15, 37-41):  la proclamation de l’amour intégral et total dû à Dieu, en tant qu’unique Seigneur. L’accent est mis sur la totalité de ce dévouement à Dieu, en énumérant les trois facultés qui définissent l’homme dans ses structures psychologiques profondes:  le cœur, l’âme et l’esprit. Le terme « esprit », diánoia , contient l’élément rationnel. Dieu est non seulement l’objet de l’amour, de l’engagement, de la volonté et du sentiment, mais également de l’intellect qui cependant ne doit donc pas être exclu de ce domaine. Plus encore, c’est notre propre pensée qui doit se configurer à la pensée de Dieu (Benoît XVI, homélie 26/10/2008) ».

Pour chacun de ces termes, le Seigneur met en avant le mot «tout», avec cela, Il nous montre que Dieu ne veut pas que même la plus petite particule de notre être reste sans l’aimer, Dieu veut un amour total.

Mais, juste après voir énoncé le grand commandement, Jésus ajoute quelque chose qui, en vérité, n’avait pas été demandée par le docteur de la loi:  “Le second lui est semblable:  tu aimeras ton prochain comme toi-même” (v. 39). L’aspect surprenant de la réponse de Jésus tient en ce qu‘il établit une relation de ressemblance entre le premier et le second commandement. Et voici encore donc que, dans la conclusion du récit, les deux commandements sont associés dans le rôle de principe fondamental sur lequel repose toute la Révélation biblique :  “A ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes” (22, 40). (Benoît XVI, homélie 26/10/2008) 

Nous allons nous poser une question maintenant : Pourquoi le deuxième commandement, qui se réfère à l’homme, est-il similaire au premier commandement, qui se réfère à Dieu ? Parce que l’homme a été fait « à l’image et à la ressemblance de Dieu» (Gn 1,26-27). Parce que, selon les paroles de saint Thomas, lorsque l’homme est aimé, Dieu est aimé en lui, puisque l’homme est l’image de Dieu. [Le second commandement] est donc semblable au premier commandement, qui porte sur l’amour de Dieu.

Très éclairante est aussi pour nous l’explication donnée toujours par Saint Thomas d’Aquin par rapport aux paroles « comme toi-même » : ne s’entend pas au sens de : «autant que toi-même», car cela serait contre l’ordre de la charité, mais au sens de : «comme toi-même», c’est-à-dire comme la fin pour laquelle tu [t’aimes] ou à la manière dont tu [t’aimes].

Pour la fin, car tu ne dois pas t’aimer pour toi-même, mais pour Dieu ; de même en est-il pour le prochain, [comme dit] l’Apôtre, 1 Co 10, 31 : « Faites tout pour la gloire de Dieu »

De même, dans le fait de t’aimer, tu t’aimes du fait que tu te veux du bien, et un bien qui te convienne et soit conforme à la loi de Dieu, et cela est le bien de la justice. Aussi dois-tu souhaiter une bonne justice pour le prochain (qu’il devienne juste, saint). Tu dois donc l’aimer soit parce qu’il est juste, soit parce qu’il est rendu juste.

De même, tu dois l’aimer à la manière dont tu t’aimes, car, lorsque je dis que j’aime celui-ci, je dis que je lui veux du bien. Ainsi, l’acte de l’amour porte sur deux choses : soit sur celui qui est bon, soit sur le bien lui-même que je lui veux. De sorte que j’aime celui-ci parce que je veux qu’il soit un bien pour moi (c’est-à-dire qu’il m’aide pour le bien). Quelqu’un aime les biens temporels parce qu’il sait qu’ils sont bons pour lui ; certains aiment quelque chose parce que cela est bon en soi.

Comme nous avons vu, la loi de Dieu est résumée dans ces deux grands commandements que Dieu a encore explicités et comme développé dans les dix commandements et nous les connaissons bien. Il est bien de rappeler certains aspects : d’abord, il faut toujours le dire, les commandements énoncés en 10 paroles, 10 phrases sont des lois qui contiennent d’autres lois, chaque commandement est un champ très vaste de la morale, que nous devons considérer au moment d’examiner notre conscience.

Il y a quelques dimanches, nous avons vu comme dans le cinquième commandement « Tu ne tueras pas », sont contenues beaucoup d’autres actions qui attaquent l’intégrité d’une personne, ses droits à la vie et la vie de l’innocent. C’est une grande responsabilité pour les chrétiens de nous former sur chacun des dix commandements, par rapport à tous les aspects de la vie morale qu’ils impliquent.

Une deuxième remarque par rapport aux commandements de la loi divine. Puisqu’ils expriment les devoirs fondamentaux de l’homme envers Dieu et envers son prochain, les dix commandements révèlent, en leur contenu primordial, des obligations graves. Ils sont foncièrement immuables et leur obligation vaut toujours et partout. Nul ne pourrait s’en dispenser. Les dix commandements sont gravés par Dieu dans le cœur de l’être humain. (Catéchisme de l’Eglise Catholique n. 2072)

Et le troisième aspect à souligner, c’est que le Décalogue (les dix paroles) forme un tout indissociable. Chaque ” parole ” renvoie à chacune des autres et à toutes ; elles se conditionnent réciproquement. Les deux Tables (de la loi) s’éclairent mutuellement ; elles forment une unité organique. Transgresser un commandement, c’est désobéir tous les autres : En effet, si quelqu’un observe intégralement la loi, sauf en un seul point sur lequel il trébuche, le voilà coupable par rapport à l’ensemble. « En effet, si Dieu a dit : Tu ne commettras pas d’adultère, il a dit aussi : Tu ne commettras pas de meurtre. Donc, si tu ne commets pas d’adultère mais si tu commets un meurtre, te voilà transgresseur de la loi »( Jc 2, 10-11). On ne peut honorer autrui sans bénir Dieu son Créateur. On ne saurait adorer Dieu sans aimer tous les hommes ses créatures. Le Décalogue unifie la vie théologale et la vie sociale de l’homme. (Catéchisme de l’Eglise Catholique n. 2069)

En lisant ces versets du Psaume 143 « Pour toi, je chanterai un chant nouveau, pour toi, je jouerai sur la harpe à dix cordes » saint Augustin compare la harpe à la loi de Dieu. La harpe à dix cordes est pour lui la loi résumée dans ses dix commandements. Mais de ces dix cordes, de ces dix commandements, nous devons trouver la juste clef. Et ce n’est que si l’on fait vibrer ces dix cordes, ces dix commandements — comme le dit saint Augustin — grâce à la charité du cœur, que leur son est harmonieux. La charité est la plénitude de la loi. Celui qui vit les commandements comme dimension de l’unique charité, chante réellement le « chant nouveau ». La charité qui nous unit aux sentiments du Christ est le véritable « chant nouveau » de l’« homme nouveau », capable de créer également un « monde nouveau ». Ce Psaume nous invite à chanter « sur la harpe à dix cordes » avec un cœur nouveau, à chanter avec les sentiments du Christ, à vivre les dix commandements dans la dimension de l’amour, à contribuer ainsi à la paix et à l’harmonie du monde. (cf. Discours sur les Psaumes, 143, 16: Nuova Biblioteca Agostiniana, XXVIII, Rome 1977, pp. 677. Benoît XVI 25/01/06).

Demandons aujourd’hui la grâce d’aimer ce que Dieu nous commande à travers ses commandements, sachant toujours que ce que Dieu commande, Il le rend possible par sa grâce.

P. Luis Martinez IVE.

” Tu ne tueras pas l’innocent ni le juste “

Homélie du Dimanche XXVII , année A (Mt 21, 33-43)

Ce dimanche la liturgie nous présente une autre parabole, et c’est encore la vigne le thème, où plutôt le lieu où se réalise le drame de cette histoire.

Elle a été prononcée au cours de la Semaine Sainte de la vie de Notre Seigneur. Il confrontait les pharisiens et les chefs religieux, la parabole est en effet, adressée “aux grands prêtres et aux anciens du peuple”, nous dit l’évangile.

Il n’était pas difficile pour ces chefs de trouver la signification et les différents symboles, présents déjà dans la tradition juive. Cette vigne est Israël, comme l’avait déjà annoncé le prophète Isaïe.

Saint Thomas d’Aquin nous aide à trouver une application à chaque élément de la description : Dieu l’entoura d’une clôture (image des Saintes Ecritures, afin de tenir le peuple saint loin du péché), y creusa un pressoir (le lieu où on écrasait les raisins pour le vin, ainsi Dieu avait commandé les sacrifices de l’Ancien Testament) et bâtit une tour de garde (le grand Temple de Jérusalem, gardien du culte au vrai Dieu).  Mais les vignerons (ceux qui devaient diriger la foi du peuple d’Israël) n’ont pas voulu remettre le fruit de cette vigne (on peut dire alimenter la foi du peuple, rendre toute la gloire de Dieu), sinon qu’ils ont corrompu le culte, s’appropriant du fruit (faisant de la religion un commerce) et tuant les serviteurs (les prophètes qui parlaient de la part de Dieu), arrivant à la fin à tuer le propre Fils, car ils le savaient héritier de la vigne. Et nous pouvons apercevoir comme Notre Seigneur prophétise sa mort, quelques jours avant son accomplissement.

Mais Notre Seigneur prophétise aussi la naissance de l’Eglise, la vigne donnée aux autres vignerons qui donneront le produit en temps voulu.

Cette parabole est souvent appelée « Les vignerons homicides », mais on peut dire qu’ils sont l’image des autres vignerons déicides ; car en réalité les chefs religieux, ces autres vignerons, donneront la mort au Fils de Dieu, l’héritier de la vigne.

Bien que cette parabole nous parle de l’ingratitude devenue haine envers le Messie de la part de ces chefs en religion, nous allons parler plutôt de l’acte accompli non seulement contre le Fils mais aussi contre les serviteurs ; en effet, la parabole nous décrit des actes de violence : ils frappent, lapident et ils tuent.

Comme dit le prophète Isaïe, à la fin la première lecture, Dieu attendait le droit, et voici le crime ; il attendait la justice, et voici les cris (d’angoisse).

Nous connaissons bien le cinquième commandement ” Tu ne tueras pas l’innocent ni le juste ” (Ex 23, 7). Nous allons suivre aujourd’hui quelques enseignements par rapport à ce commandement d’après le Catéchisme de l’Eglise Catholique (2259-2301), car ce commandement à une grande ampleur, il protège la vie et l’intégrité de tout être humain.  

La loi de protéger la vie est universellement valable : elle oblige tous et chacun, toujours et partout.

Dans le Sermon sur la Montagne, le Seigneur rappelle le précepte : ” Tu ne tueras pas ” (Mt 5, 21), il y ajoute la proscription de la colère, de la haine et de la vengeance. Davantage encore, le Christ demande à son disciple de tendre l’autre joue (cf. Mt 5, 22-39), d’aimer ses ennemis (cf. Mt 5, 44). La nuit de Gethsémani, Lui-même ne s’est pas défendu et a dit à Pierre de laisser l’épée au fourreau (cf. Mt 26, 57).

Tout d’abord, il nous faut distinguer. Nous ne devons jamais confondre un meurtre avec la légitime défense qui peut parfois causer la mort d’un agresseur. ” L’action de se défendre peut entraîner un double effet : l’un est la conservation de sa propre vie, l’autre la mort de l’agresseur … L’un seulement est voulu ; l’autre ne l’est pas ” (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 64, 7). Qui défend sa vie n’est pas coupable d’homicide même s’il est contraint de porter à son agresseur un coup mortel. En plus d’un droit, la légitime défense peut être un devoir grave, pour qui est responsable de la vie d’autrui. La défense du bien commun exige que l’on mette l’injuste agresseur hors d’état de nuire.

Alors, le cinquième commandement proscrit comme gravement peccamineux l’homicide direct et volontaire. Le meurtrier et ceux qui coopèrent volontairement au meurtre commettent un péché qui crie vengeance au ciel (cf. Gn 4, 10). La loi morale défend d’exposer sans raison grave quelqu’un à un risque mortel ainsi que de refuser l’assistance à une personne en danger, c’est-à-dire un homicide indirect.

L’infanticide (cf. GS 51, § 3), le fratricide, le parricide et le meurtre du conjoint sont des crimes spécialement graves en raison des liens naturels qu’il brisent.

Nous devons dire ensuite, qu’on ne peut jamais justifier le crime avec l’excuse d’améliorer une race (eugénisme) ou d’hygiène publique.

La vie humaine doit être respectée et protégée de manière absolue depuis le moment de la conception. Dès le premier moment de son existence, l’être humain doit se voir reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels le droit inviolable de tout être innocent à la vie. L’avortement est un péché grave, non seulement pour la personne qui l’accomplit mais pour ceux qui coopèrent à ce crime (comme par exemple, à travers le conseil, l’aide économique pour le faire, celui qui coopère comme professionnel).

Puisqu’il doit être traité comme une personne, dès la conception, l’embryon devra être défendu dans son intégrité, soigné et guéri, dans la mesure du possible comme tout autre être humain.

Le diagnostic prénatal est moralement licite, s’il respecte la vie et l’intégrité de l’embryon et du fœtus humain, et s’il est orienté à sa sauvegarde ou à sa guérison individuelle. Par contre, un diagnostic ne doit pas être l’équivalent d’une sentence de mort.

Il est immoral de produire des embryons humains destinés à être exploités comme un matériau biologique disponible.

Certaines tentatives d’intervention sur le patrimoine chromosomique ou génétique tendent à la production d’êtres humains sélectionnés selon le sexe ou d’autres qualités préétablies. Ces manipulations sont contraires à la dignité personnelle de l’être humain, à son intégrité et à son identité ” unique, non réitérable.

Ceux dont la vie est diminuée où affaiblie réclament un respect spécial. Les personnes malades ou handicapées doivent être soutenues pour mener une vie aussi normale que possible. Quels qu’en soient les motifs et les moyens, l’euthanasie directe consiste à mettre fin à la vie de personnes handicapées, malades ou mourantes. Elle est moralement irrecevable.

Ce commandement condamne aussi l’intention suicidaire.

La loi de Dieu dans ce commandement protège aussi toute la dignité de la personne, du corps et de l’âme : elle condamne pour cela le scandale qui est l’attitude ou le comportement qui portent autrui à faire le mal. Celui qui scandalise se fait le tentateur de son prochain. Il porte atteinte à la vertu et à la droiture ; il peut entraîner son frère dans la mort spirituelle. 

Le scandale peut être provoqué par la loi ou par les institutions, par la mode ou par l’opinion (aujourd’hui les mass media). Celui qui use de pouvoirs dont il dispose dans des conditions qui entraînent à faire du mal, se rend coupable de scandale et responsable du mal qu’il a, directement ou indirectement, favorisé.

Ce commandement prescrit naturellement le respect de la santé :  La vertu de tempérance dispose à éviter toutes les sortes d’excès, l’abus de la table, de l’alcool, du tabac et des médicaments. Ceux qui en état d’ivresse ou par goût immodéré de la vitesse, mettent en danger la sécurité d’autrui et la leur propre sur les routes, en mer ou dans les airs, se rendent gravement coupables.

L’usage de la drogue inflige de très graves destructions à la santé et à la vie humaine. En dehors d’indications strictement thérapeutiques, c’est une faute grave. La production clandestine et le trafic de drogues constituent une coopération directe au mal.

Dans le domaine de la protection de la vie, les recherches scientifiques qui ont comme objet l’être humain sont légitime sauf dans le cas où elles vont contre la dignité des personnes et contre la loi morale.

La transplantation d’organes est conforme à la loi morale si les dangers et les risques physiques et psychiques encourus par le donneur sont proportionnés au bien recherché chez le destinataire. Le don d’organes après la mort est un acte noble et méritoire et doit être encouragée comme une manifestation de généreuse solidarité. Il n’est pas moralement acceptable si le donneur ou ses proches ayants droits n’y ont pas donné leur consentement explicite. De plus, il est moralement inadmissible de provoquer directement la mutilation invalidante ou la mort d’un être humain, fût-ce pour retarder le décès d’autres personnes.

Ce commandement condamne toute agression contre l’intégrité corporelle : les enlèvements et la prise d’otages, les menaces, le terrorisme. La torture qui use de violence physique ou morale pour arracher des aveux, pour châtier des coupables, effrayer des opposants, satisfaire la haine est contraire au respect de la personne et de la dignité humaine. En dehors d’indications médicales d’ordre strictement thérapeutique, les amputations, mutilations ou stérilisations directement volontaires des personnes innocentes sont contraires à la loi morale.  

Et pour conclure, ce commandement protège l’être humain jusqu’au moment de la mort et même après : L’attention et le soin seront accordés aux mourants pour les aider à vivre leurs derniers moments dans la dignité et la paix. Ils seront aidés par la prière de leurs proches. Ceux-ci veilleront à ce que les malades reçoivent en temps opportun les sacrements qui préparent à la rencontre du Dieu vivant. Les corps des défunts doivent être traités avec respect et charité dans la foi et l’espérance de la résurrection.

Nous allons demander aujourd’hui la grâce à la très Sainte Vierge Marie, de nous éloigner du mal, de chercher toujours dans nos vies, le droit et la justice.

P. Luis Martinez IVE.