Mercredi des Cendres
Nous
commençons avec cette journée de pénitence notre entrainement au combat
spirituel, et notre but c’est de nous rendre plus forts pour lutter contre le
mal, nous l’avons dit dans la prière collecte.
Dans ce premier jour, nous retrouvons chaque année le geste de
l’imposition des cendres. La cendre est toujours le signe évident de ce qui est
déjà mort, aussi de ce qui n’est pas pur, propre ( comme la poussière) qu’il
faut donc laver et purifier ; dans l’ancien Testament les cendres évoquent
soit le péché de l’homme, soit la fragilité et par là, la pénitence.
Nous nous
préparons ainsi et au long de ce temps pour la fête de Pâques sachant que notre
Sauveur nous a appris à mourir en Pâque. Même si le mot « mort » peut
effrayer nos esprits, nous savons que la mort n’est pas en elle la fin, c’est
un passage vers la vie.
Et cela nous
le disons soit par rapport au passage vers la vie éternelle, ou bien au passage
vers une vie nouvelle dans le Christ (et celui-ci nous prépare pour le premier,
nous cherchons une vie nouvelle dans le Christ pour pouvoir participer à la vie
éternelle avec Lui). Si Jésus nous a appris à mourir dans sa Pâque, nous nous
préparons à mourir spirituellement au vieil homme, à l’homme attaché au péché.
Mourir chaque jour un peu c’est la manière de vivre (pour ceux qui cherchent la
sainteté), de façon que quand la mort matérielle arrive il ne lui reste pas
trop à faire, car on était déjà mort auparavant à ce qui nous éloignait de
Dieu.
On peut dire que c’est Notre Seigneur
qui a introduit la tradition de ces quarante jours de jeûne dans l’année
liturgique de l’Église, parce qu’il a « jeûné quarante jours et quarante nuits
» (Mt 4, 2) avant de
commencer à enseigner.
L’Eglise, suivant l’évangile de ce jour, nous propose ces trois chemins,
ces trois voies pour avancer dans ce temps. La Prière, l’aumône et le jeûne.
D’abord la Prière
Lorsque les disciples demandent au
Seigneur de leur apprendre à prier, il leur répond par les paroles du Notre Père, créant ainsi un modèle
à la fois concret et universel.
Mais le Seigneur ne nous apprend pas seulement des paroles, il nous apprend que lorsque nous nous parlons avec le Père nous devons être totalement sincères et pleinement ouverts.
La prière doit
embrasser tout ce qui fait partie de notre vie. Elle ne peut pas être quelque chose de
supplémentaire ou marginal. Tout doit s’exprimer en elle, y compris tout ce qui
nous accable, ce dont nous avons honte, elle comprend précisément et surtout,
ce qui par nature nous sépare de Dieu. C’est par la prière que notre cœur
détruit la barrière que le péché et le mal peuvent avoir dressée entre Dieu et
nous.
L’Écriture nous dit :
« Comme descend la pluie ou la neige du haut des cieux, et comme elle ne
retourne pas là-haut sans avoir saturé la terre, sans l’avoir fait enfanter et
bourgeonner, sans avoir donné semence au semeur et nourriture à celui qui
mange, ainsi se comporte ma parole, du moment qu’elle sort de ma bouche ; elle
ne retourne pas vers moi sans résultat, sans avoir exécuté ce qui me plaît et
fait aboutir ce pour quoi je l’avais envoyée. » (Is 55, 10-11)
Le jeûne
Alors, Le temps du Carême nous
rappelle aussi que l’époux nous a été enlevé. Il a été enlevé, arrêté,
emprisonné souffleté, flagellé, couronné d’épines, crucifié… Et pour cela le
jeûne du Carême est l’expression
de notre solidarité avec le
Christ. Telle fut la signification du Carême à travers les siècles ; telle elle
demeure aujourd’hui.
Nous savons que la nourriture et la
boisson sont indispensables à l’homme pour vivre. Il s’en sert et il doit s’en
servir, mais il ne lui est pas permis d’en abuser d’une façon ou d’une
autre.
L’abstention traditionnelle de nourriture et de boisson a non seulement pour but de donner l’équilibre à la vie de l’homme, mais aussi de le détacher de ce que l’on pourrait appeler « la mentalité de consommation ».
La civilisation actuelle fournit
les biens matériels non seulement pour qu’ils servent à l’homme, à ses
activités créatrices et utiles mais, et toujours plus, pour satisfaire
ses sens, pour le plaisir d’un instant.
Il est déjà constaté le
fait que le développement excessif des moyens audio-visuels dans les pays
riches ne contribue pas toujours à développer l’intelligence, particulièrement
chez les enfants.
Au contraire, elle contribue à en freiner le développement. L’enfant ne vit que de sensations. Il cherche des sensations toujours nouvelles… et, sans s’en rendre compte, il devient esclave de cette passion d’aujourd’hui. Toujours à la recherche de nouvelles sensations, il reste souvent intellectuellement passif ; son intelligence ne s’ouvre pas à la recherche de la vérité; sa volonté est enchaînée par des habitudes auxquelles il ne sait pas s’opposer.
L’homme d’aujourd’hui doit
donc jeûner c’est-à-dire s’abstenir non seulement
de nourriture et de boisson, mais de
beaucoup d’autres moyens de consommation, de stimulations et de satisfactions
des sens. Jeûner veut dire s’abstenir, renoncer à quelque chose. L’homme est lui-même aussi parce qu’il sait se priver
de quelque chose, parce qu’il est capable de se dire « non » à lui-même.
Le fait de jeûner n’est pas une fin en
soi. Cela doit seulement pour ainsi dire aplanir la voie à quelque chose de
plus profond dont s’ « alimente » l’homme intérieur. Ce renoncement, cette
mortification doit servir à créer dans
l’homme les conditions qui
lui permettent de vivre des valeurs supérieures dont, à sa manière, il a
faim.
Pour nous convertir à
Dieu, il est nécessaire
de découvrir en nous-mêmes ce
qui nous fait sensibles aux choses de Dieu, c’est-à-dire aux choses
spirituelles ; pour nous
donc, il ne s’agit pas de compter le temps sans boire ou manger, ni de nous
vanter pour pouvoir le faire, il s’agit plutôt de savoir que ce jeûne est
cohérent avec ma vie chrétienne en général, une vie qui cherche accomplir en
tout la loi de Dieu, qui recherche la sainteté.
L’aumône
Il nous reste de parler un
peu du troisième chemin, qui est l’aumône, en hébreu se dit « sedaqah »,
c’est-à-dire « justice ».A travers ce mot, les
prophètes demandaient d’aider ceux qui ont subi une injustice et ceux qui étaient
dans le besoin, ils parlaient d’un devoir de la charité active.
Pour nous, ce qui compte donc avant tout, c’est la valeur intérieure du don, la disposition à tout partager, à se donner soi-même.
Rappelons-nous la parole
de saint Paul : « Quand je distribuerais tous mes biens… s’il me manque
l’amour, je n’y gagne rien. » (1Co 13,
3.) Saint Augustin dit bien à ce propos : « Si tu ouvres la main pour
donner, mais sans avoir de miséricorde dans le cœur, tu n’as rien fait ; mais
si tu as de la miséricorde dans le cœur, même si ta main n’a rien à donner,
Dieu accepte ton aumône. » (Enarrat. in Ps, 125, 5.)
« Aumône » veut dire donc pour nous et
avant tout « don intérieur ». Elle signifie attitude d’ouverture « envers
l’autre ».
Cette attitude est précisément un élément indispensable de la « metanoia », c’est-à-dire de la conversion, tout comme sont indispensables également la prière et le jeûne. Saint Augustin dit en effet à juste titre : « Avec quelle célérité sont accueillies les prières de celui qui fait le bien ! Telle est la justice de l’homme dans la vie présente : le jeûne, l’aumône et la prière » (Enarrat. in Ps, 52, b) : la prière, en tant qu’ouverture à Dieu ; le jeûne, en tant qu’expression de la domination sur soi-même en sachant se priver de quelque chose (se dire « non » à soi-même) ; et enfin l’aumône en tant qu’ouverture « aux autres ». Demandons à la très Sainte Vierge Marie, la grâce de la conversion.
P. Luis Martinez IVE.
(Suivant les audiences de saint Jean Paul II en 1979)