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“Il est enveloppé de langes parce qu’Il a pris sur lui nos péchés”

Sermon de Noël

Nous avons la grâce de célébrer ce soir la Nativité de Notre Seigneur. L’amour jaloux du Seigneur de l’univers, nous a dit le prophète Isaïe, ne nous a pas abandonné et Il nous donne le salut, la libération de ce grand poids qu’est le péché, symbolisé par le même prophète comme l’oppression d’un tyran.

Nous venons avec notre imagination encore une fois à la crèche, nous voulons contempler l’Enfant Jésus. Rien de mystérieux visiblement, un Enfant, mais en Lui la foi nous fait découvrir le Dieu, ce Dieu jaloux d’amour qui vient nous chercher, qui se fait proche de nous, qui se fait petit pour nous montrer de quoi il est capable pour nous.

Nous sommes aussi habitués à voir les personnages de la crèche qui entourent Jésus, la sainte Vierge, saint Joseph, les bergers et les rois mages.

Depuis très tôt dans l’histoire, les chrétiens ont aussi représenté le bœuf et l’âne ; d’abord parce qu’avec du bon sens, ce lieu était destiné pour ces animaux, sans que l’évangile en fasse mention. Mais cette tradition a aussi son origine dans un passage du prophète Isaïe :  « Le bœuf a reconnu son propriétaire et l’âne la crèche de son maître » (Is 1, 3).  Ainsi, Origène voit dans le bœuf un animal pur figure d’Israël (image du sacrifice), et dans l’âne un animal impur, les païens qui reconnaitront le Sauveur dans cet enfant nouveau-né.

Le grand saint Ambroise fait aussi référence à cette tradition : « Voilà le Seigneur, voilà la crèche par laquelle nous fut révélé ce divin mystère : que les Gentils, vivant à la manière des bêtes sans raison dans les étables, seraient rassasiés par l’abondance de l’Aliment Sacré. Donc l’âne, image et modèle des Gentils, a reconnu la crèche de son Seigneur. Aussi dit-il : “Le Seigneur me nourrit, et rien ne me manquera” (Ps 22, 11) » (In Luc. II, 43).

En effet, Jésus est couché dans une mangeoire, et cela était une belle image eucharistique, le Christ se fera la nourriture pour tous les peuples, Il est l’Aliment Sacré duquel tous les peuples mangeront.

Encore une autre belle application d’après les paroles de la nuit de Noël. Selon Saint Luc, l’ange annonce aux bergers que le signe est un nouveau-né, « emmailloté et couché dans une mangeoire. »

« Il est enveloppé de langes, écrit un père de l’Eglise, parce qu’il a pris sur lui nos péchés, comme des langes, ainsi qu’il est écrit : “Il porte nos péchés et souffre à notre place” (Is 53, 4). Il a donc été enveloppé de langes pour nous dépouiller des langes de nos péchés ». Et saint Ambroise, par une allusion implicite aux linges entourant le défunt, met en lumière la valeur salvifique des langes : « Il est, lui, enveloppé de langes pour que vous soyez, vous, dégagés des liens de la mort […] Qu’il soit dans les langes, vous le voyez ; mais vous ne voyez pas qu’il est dans les cieux ».

Les langes représentent aussi la tunique du Christ, c’est-à-dire l’Église, selon ce qui est écrit par un autre écrivant chrétien des premiers siècles : « Il a été enveloppé de langes afin de tisser par le Saint-Esprit la précieuse tunique de l’Église ; on peut dire aussi qu’il a été enveloppé de langes afin d’appeler les différents peuples qui croient en lui. » On peut penser aussi à notre saint Cyprien qui voyait dans la tunique sans couture du Seigneur au moment de la Passion la belle image de l’unité de l’Eglise, sans division.

Et nous voyons comme les deux extrêmes se touchent ici, la Nativité et le sacrifice Suprême du Christ en sa Passion, les pères de l’Eglise ne cessent de nous offrir des images dans cette crèche qui renvoient toujours à la Passion et à la Croix, parce qu’en fait, le Christ est né pour nous sauver. C’est son nom qui le dit, cela est aussi annoncé dans les prophéties qui parlent de sa naissance, c’est le mystère que contemple saint Paul : « il s’est donné pour nous, afin de nous racheter de toutes nos fautes ». Et la liturgie nous le rappelle à chaque prière dans cette messe.

« Il est venu prendre sur lui les péchés du monde moribond pour abolir la souillure du péché et la mort de tous en lui-même […], nous écoutons encore saint Ambroise, et l’évangéliste saint Luc nous montre les voies du Seigneur qui grandit selon la chair […] Il a donc été petit, Il a été enfant, pour que vous puissiez, vous, être des hommes parfaits ; Il est, lui, enveloppé de langes, pour que vous puissiez, vous, être délivrés des liens de la mort […] Il a préféré pour Lui l’indigence, afin d’être prodigue pour tous. C’est moi que purifient ces pleurs de son enfance vagissante, ce sont mes fautes qu’ont lavées ces larmes ». Il ne faut donc pas s’en tenir aux apparences : « Ne calculez pas ce que vous voyez, mais reconnaissez que vous êtes rachetés […] Il sort du sein maternel, mais il resplendit dans le ciel ; Il est couché dans une auberge d’ici-bas, mais baigné d’une lumière céleste. Une épouse l’a enfanté, mais une vierge l’a conçu ; une épouse l’a conçu, mais une vierge l’a enfanté » (In Luc. II, 42-43).

Contemplons encore une fois cet Enfant, contemplons-le avec les yeux de sa Mère. Comme dit la belle pétition de saint Jean Paul II :

« Toi, Marie, qui veilles sur ton Fils tout-puissant, donne-nous tes yeux pour le contempler avec foi; donne-nous ton cœur pour l’adorer avec amour. »

P. Luis Martinez IVE.

“Tu marcheras mieux sur le chemin du bien si le mal n’est pas couvert à tes yeux”

Lire l’évangile du troisème dimanche du temps de l’Avent  (Mt 11, 2-11)

Ce dimanche, nous célébrons le dimanche appelé de « Gaudete », mot qui veut dire « Réjouissez-vous » ; c’est parce que l’antienne d’ouverture (que nous avons remplacée par le chant d’entrée, commence avec ce mot, pris d’un verset de la lettre aux chrétiens de Philippe) : « Soyez toujours joyeux dans le Seigneur ! Je vous le répète : soyez joyeux. »

L’Eglise nous rappelle encore dans la deuxième lecture d’aujourd’hui, celle de la lettre de saint Jacques, cet esprit de paix et de joie, traduit par le mot « patience » ; prenez patience, vous aussi, et tenez ferme car la venue du Seigneur est proche. Alors, il est intéressant de voir ce mot en grec,  hypomoné. Et sa signification est loin de ce que certains de nous peuvent penser par rapport à la patience, parce qu’elle est parfois interprétée comme une résignation aux bras croisés à un malheur qu’on ne peut pas éviter. Tandis que ce mot «hypomoné » désigne plutôt le fait d’avoir un cœur héroïque, un cœur qui est capable de défier et de lutter contre les vagues agitées des doutes, des souffrances et des adversités de la vie, afin de les dépasser et de surgir de l’autre part, plus fort qu’il ne l’était auparavant.

Mais, d’après les deux autres lectures, nous pouvons appeler ce troisième dimanche « le dimanche des Prophètes ». Dans la première lecture on retrouve aujourd’hui ainsi le prophète Isaïe, il annonce la venue de Dieu sauveur « Il vient lui-même et va vous sauver », et c’est la prophétie comme nous le savons, du nom de Jésus c’est-à-dire « Dieu sauve ». Quant à l’évangile, saint Mathieu nous présente le dernier des prophètes, Saint Jean Baptiste mais non dans son ministère, plutôt à la fin de sa vie, dans la prison, nous sommes dans le chapitre 11 de l’évangile de Mathieu.

Jean Baptiste, déjà prisonnier du Roi Hérode, envoie ses disciples demander au Seigneur si c’est lui le Messie ou s’il fallait attendre un autre. Certains se demandent comment saint Jean pouvait ignorer qui était Jésus, s’il l’avait signalé comme l’Agneau de Dieu dans le fleuve du Jourdain ? La réponse nous est donnée par saint Jérôme : « ce n’est point par ignorance qu’il interroge, mais de la même manière que le Sauveur demandait en quel endroit le corps de Lazare avait été déposé, afin de préparer ainsi à la foi ceux qui lui indiquaient le lieu de sa sépulture, et de les rendre témoins de la résurrection d’un mort. C’est ainsi que Jean-Baptiste, sur le point d’être mis à mort par Hérode, envoie ses disciples à Jésus-Christ, pour qu’ils aient occasion de voir ses miracles et ses prodiges, et qu’ils puissent croire en lui, et s’instruire eux-mêmes en l’interrogeant au nom de leur maître » (Catena Aurea de saint Thomas d’Aquin, Sur saint Mathieu).

Après donc que les disciples de saint Jean soient repartis le Seigneur fait un éloge de ce grand prophète, plus qu’un prophète en fait, parce qu’il a indiqué de son doigt le Messie. On peut dire qu’il est le dernier de tous les prophètes de l’Ancien Testament, mais il est aussi déjà dans la nouvelle alliance, c’est cela que le Seigneur veut dire dans les paroles avec lesquelles finit l’évangile de ce dimanche.

Ce héros, selon le Seigneur, ne s’agitait pas devant les différentes opinions, comme le roseau agité par le vent, il ne s’adapte pas à ce que propose le monde.

Saint Jean était convaincu de ce qu’il était, il connaissait par ailleurs sa mission, le baptiste était convaincu de ce qu’il fallait faire pour préparer la venue du Seigneur, et il vivait en conséquence.

Bien que soit grande, la distance qui existe entre la sainteté de saint Jean et la sainteté que nous recherchons à vivre comme chrétiens, sa vie nous laisse pourtant un grand enseignement que nous pouvons saisir: nous devons être conscients de ce que nous sommes, soit devant Dieu, soit devant les hommes, soit devant nous-mêmes. Nous devons avoir surtout une grande connaissance de nous-mêmes pour progresser dans la connaissance de la Vie de Dieu en nous. Comme saint Jean, dès qu’on lui a posé la question sur qui il était, il a répondu : « je suis la voix qui crie dans le désert.»

Il est bien connu dans l’histoire de l’Eglise  que Saint Bernard écrivait des lettres au pape de son temps, le pape Eugène. Parmi d’autres recommandations qu’il lui donnait par rapport à la charge comme guide de toute l’Eglise, Saint Bernard lui adressait ce grand conseil sur Eugène lui-même : « rien ne sert de connaître tous les mystères si vous ignorez qui vous êtes. Que la considération de toute chose commence en vous-même et qu’en vous elle finisse ».

Alors, quelle est la façon de se connaître soi-même ? Il s’agit d’une connaissance très vaste, il s’agit par exemple de connaître nos forces, nos intentions, les talents, mais aussi nos faiblesses, nos points faibles comme personnes et comme chrétiens… les penchants ou les inclinaisons à certains péchés, etc.

Par rapport à tous les avantages que nous apporte cette connaissance de nous-mêmes, il y en a plusieurs.

C’est peut être assez étonnant mais cette connaissance nous aide à la pénitence, rappelons-nous que le Seigneur nous dit « mais si vous ne faites pas pénitence, vous périrez tous de même » Lc. 13, 1. La pénitence est donc nécessaire pour nous sauver. Alors quelle pénitence pouvons-nous faire si nous ignorons ce que nous faisons de mal ? Et si c’est le cas, il y a en conséquence un manque de connaissance de nous-même.

Elle nous est utile aussi pour savoir réparer nos fautes, par exemple une méconnaissance de nous-mêmes nous pousse généralement à l’orgueil, et par là vient aussi le mépris nos frères et sœurs, soit par des gestes, soit par les paroles (voir la médisance).

Elle nous sert dans notre connaissance de Dieu, devant la majesté de Dieu notre petitesse apparait de manière plus qu’évidente. Ce qui faisait dire à Sainte Catherine de Sienne : « devant Dieu je ne suis que rien plus les péchés ». Nous le savons, le premier pas vers la sainteté est donc de vivre une authentique humilité.

Mais, il ne s’agit pas de considérer seulement l’aspect négatif dans tout ce qu’implique notre propre connaissance.

Cette considération ne s’arrête pas en nous-mêmes, ni dans ce qui nous manque ; dépassant cela elle arrive à voir le pouvoir de Dieu en nous qui nous pousse malgré nos faiblesses à faire des grandes choses pour Lui : « Je peux tout supporter avec celui qui me donne la force » (Philp. 4, 13).

Nous devons reconnaître en plus la valeur de notre âme pour la protéger des dangers, une vérité très belle exposée par saint Paul : Mais ce trésor, nous le portons comme dans des vases d’argile ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous. (2 Cor 4,7)

Faisant le commentaire de la Genèse lorsque le livre dit que tout arbre produisait le fruit selon son espèce, Saint Ambroise écrivait : « Et toi homme, tu dois produire selon la nature que Dieu t’a donnée, et comme dit saint Paul, tu appartiens à la race de Dieu ».

Enfin, le fait d’arriver à avoir une bonne connaissance personnelle (défauts, mauvaises inclinations, dons, talents) nous aide énormément soit dans le service de Dieu, soit devant nos frères et sœurs, à accomplir de façon la plus sainte que possible notre devoir d’état. Saint Bernard disait au pape Eugène : « avoir cette connaissance c’est comme se mettre devant un miroir, sans que rien ne soit caché. Tu marcheras mieux sur le chemin du bien si le mal n’est pas couvert à tes yeux ».

Finalement quels moyens avons-nous pour approfondir cette connaissance ?

D’abord, comme il est évident, un sincère et habituel examen de conscience.

Saint Ignace dit que le démon se comporte parfois avec nous comme un ennemi qui veut occuper une ville, « il rôde sans cesse autour de nous ; il examine de toutes parts chacune de nos vertus théologales, cardinales et morales, et, lorsqu’il a découvert en nous l’endroit le plus faible et le moins pourvu des armes du salut, c’est par là qu’il nous attaque et qu’il tâche de remporter sur nous une pleine victoire ». Cet examen de conscience sera donc plus utile dans notre vie, lorsqu’il se fera plus objectif, travaillant pour enlever le défaut, ou le péché où nous tombons le plus régulièrement, ou à l’opposé, une vertu qu’on a pas tout à fait acquise dans notre vie spirituelle.

En général aussi savoir ce que nous sommes par nature, un corps qui va se corrompre avec la mort (et cela doit éloigner toute vanité de nous-mêmes) et une âme qui est immortelle et pour laquelle nous devons travailler pour qu’elle se sauve.

Une connaissance de ce que nous sommes par vocation : « chrétiens » et en tant que chrétiens nous avons de grands droits mais aussi de grandes obligations.

Une connaissance de ce que nous sommes dans ce monde : ce que nous devons accomplir comme mission, avoir une conscience claire de ce que notre mission est toujours quelque chose qui regarde la vie Eternelle.

Demandons à Saint Jean Baptiste et à la très Sainte Vierge Marie la grâce d’une bonne connaissance de nous-mêmes et d’une vie tout orientée vers le Christ.

P. Luis Martinez V. E.

Institut du Verbe Incarné