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Trois signes de l’Avent et une pensée

Homélie pour le Premier Dimanche du temps de l’Avent, année C (Lc 21, 25-28.34-36)

Nous commençons ce dimanche le temps de l’Avent, ce temps qui prépare notre âme pour la Nativité de notre Seigneur.

Et tout d’abord, nous allons parler de quelques signes de ce temps, les plus importants.

La crèche

D’abord, il y a la représentation imaginaire de la naissance du Seigneur qui se fait dans tout le monde catholique, dans toutes les églises et aussi chez les fidèles, il s’agit de la crèche.

C’est le grand saint, saint François d’Assise, le saint de l’humilité et de la pauvreté qui a été le premier à réaliser une crèche dans l’histoire ; c’était pour la fête de Noël de l’année 1223 dans un petit village de Greccio, en Italie.

François était faible et malade, et pensant que ce serait peut-être son dernier Noël sur terre, il voulait le célébrer d’une manière différente et très spéciale.

Il y avait une petite forêt dans les montagnes de Greccio, et dans la forêt, une grotte qui ressemblait beaucoup à la petite grotte où Jésus est né, dans les champs de Bethléem, et que le saint avait rencontré lors de son voyage en Terre Sainte quelques années auparavant.

Parmi les gens du village, François avait choisi quelques personnes pour représenter Marie, Joseph et les bergers ; les acteurs ont promis de ne rien dire à personne avant Noël et, suivant le récit de l’Évangile de saint Luc, tous préparèrent la scène de la naissance. Ils ont même trouvé parmi les habitants un beau bébé pour représenter Jésus !

Tard dans la soirée de Noël, alors que toutes les familles étaient réunies dans leurs maisons, les cloches de l’église se sont mises à sonner toutes seules… Elles sonnaient comme s’il y avait une fête spéciale !… Mais personne ne savait ce qui se passait…

Surpris et effrayés à la fois, tous les habitants de Greccio sortirent de chez eux pour voir ce qui se passait… Alors ils virent François les appeler de la montagne, et leur dire de monter là où il était.

Quand ils arrivèrent, les gens furent tellement étonnés qu’ils tombèrent à genoux, parce qu’ils voyaient quelque chose qu’ils n’avaient jamais pensé pouvoir voir. C’était comme si le temps avait reculé de très nombreuses années, et ils étaient tous à Bethléem, comme célébrant le premier Noël de l’histoire.

A partir de cette belle histoire, tout à fait vraie, les chrétiens catholiques, nous  représentons le moment de Noël chaque année pour nous aider à méditer et contempler ce grand mystère, la naissance dans l’humilité du Fils de Dieu.

La couronne de l’Avent

Le deuxième élément intégré dans la décoration liturgique dans les églises est la couronne de l’Avent.

Elle tire son origine d’une tradition païenne de racines celtes et aussi germaniques qui consistait à allumer des feux pendant l’hiver pour demander au dieu solaire de revenir avec sa lumière et sa chaleur, le feu était mis au milieu des branches vertes pour rappeler le retour de la vie avec le printemps.

Les premiers missionnaires ont profité de cette tradition pour évangéliser le peuple et leur ont enseigné qu’ils devaient faire de cette couronne, un symbole de l’attente du Christ, afin de se préparer pour la célébration de sa nativité et une manière aussi de demander la grâce qu’à la travers sa naissance, le Christ repende sa lumière dans leurs âmes.

Nous pouvons voir de quelle manière l’Eglise a évangélisé la culture, elle a donné à une ancienne tradition, qui gardait en elle rayons de vérité, un nouveau sens, tout orienté vers le Christ.

Après la première chute de l’homme, Dieu a progressivement donné un espoir de salut qui a illuminé l’univers entier, comme les bougies de la Couronne.

Tout comme les ténèbres se dissipent avec la bougie que nous allumons chaque semaine, les siècles deviennent de plus en plus brillants avec l’arrivée prochaine du Christ dans le monde.

Le violet comme couleur liturgique

Et parlons d’un troisième élément, les couleurs liturgiques, le violet et le rose. Le violet représente l’esprit de veille, de pénitence et de sacrifice que nous devons avoir pour bien nous préparer à la venue du Christ. Tandis que le rose représente la joie que nous ressentons déjà à l’approche de la naissance du Seigneur, et nous portons cette couleur le troisième dimanche.

Evangile de ce dimanche

Une petite méditation de l’évangile pour conclure. « Restez éveillés et priez en tout temps » nous dit le Seigneur. Le Christ nous montre le chemin : veiller, prier.

Veiller : ne pas laisser envahir notre cœur par le péché et le mal, non plus par les soucis des choses de ce monde. En fait, celui qui veille, regarde pendant le nuit et ne dort pas. Celui qui regarde ne vit pas reclus en lui-même et séparé de la réalité, mais vit “à fond”, sans “fuites”, il met devant Dieu et dans une perspective surnaturelle, tous les évènements de la vie.

Le Christ nous indique aussi la manière dont nous devons veiller : en priant, c’est-à-dire regardant au cœur la réalité, regardant le fondement de tout, le Mystère d’où tout procède, y compris nous-mêmes, et vers lequel tout est orienté. Nous regardons, priant, regardant avec foi la réalité et priant pour qu’Il vienne, que le Mystère montre Son visage et que notre rédemption soit accomplie.

Il y a plus de mille ans, saint Bernard blâmait les gens de vivre cette célébration de Noël sans un esprit vraiment chrétien, ses paroles sont plus actuelles que jamais:

« Voilà comment il se fait que ceux dont l’esprit et la vie sont tout de ce monde, n’exhalent jamais la bonne odeur de ces douceurs ineffables, lors même qu’ils en célèbrent la mémoire, ils passent ces jours de fête sans dévotion, sans piété et dans une sorte d’aridité pareille à celle des autres jours. Mais ce qu’il y a de plus condamnable, c’est que le souvenir de cette grâce inestimable est une occasion de fêtes charnelles, en sorte qu’on voit les hommes, dans ces jours de solennité, rechercher les parures et les délices de la table avec tant d’ardeur qu’on pourrait croire que le Christ n’a pas eu autre chose en vue, en naissant, et qu’on est d’autant plus assuré de lui plaire qu’on déploie plus de luxe en ce genre.

Mais ne l’entendez-vous point dire lui-même: ” Je ne mangeais point avec ceux dont l’œil est superbe et le cœur insatiable (Psaume 100,5) ! ” Pourquoi cette ambition à vous procurer des vêtements pour le jour de ma naissance? Je déteste l’orgueil, bien loin de l’aimer. Pourquoi cette ardeur et ce soin à préparer une foule de mets pour cette époque ? Je blâme les délices de la table, bien loin de les avoir pour agréables.

Lors donc que vous célébrez ma venue, vous ne m’honorez que du bout des lèvres, votre cœur est loin de moi; ce n’est même pas moi que vous honorez, car votre Dieu, c’est votre ventre, et vous placez votre gloire dans ce qui fait votre honte » (Troisième Sermon de l’Avent). 

Que la Vierge Marie, la Mère de Dieu nous aide à préparer notre cœur d’une façon sainte, pour la célébration de la Nativité de son Fils.

P. Luis Martinez IVE.

“Si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur”

Homélie pour le Premier Dimanche de l’Avent, année B

« Pourquoi laisser nos cœurs s’endurcir et ne plus te craindre ? Reviens, à cause de tes serviteurs. Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais ». La liturgie de la Parole ouvre avec cette prophétie d’Isaïe le temps de l’Avent, ces paroles expriment le désir de ceux qui attendent vraiment la venue du Seigneur : « Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins ». Isaïe implorait la venue rédemptrice du Messie, ce qui s’est accompli avec l’Incarnation et la Naissance de Jésus. Pour nous, cette prophétie parle du retour du Seigneur, afin que le mal n’existe plus, pour qu’il nous donne des cieux nouveaux et une terre nouvelle. Nous parlons souvent de la fin du monde, de la fin du temps avec un certain chagrin. On oublie que Jésus viendra pour nous libérer définitivement du mal et pour changer le temps en éternité.  

La première étape de l’Avent nous invite à préparer Noël en nous encourageant non seulement à diriger notre regard vers le temps de la première venue de notre Seigneur (…) mais aussi à attendre avec vigilance sa deuxième venue « dans la majesté de sa gloire ».

Par conséquent, il y a un double sens de l’Avent, un double sens de la venue du Seigneur. Il est le temps qui nous prépare pour sa venue dans la grâce de la fête de Noël et pour son retour pour jugement à la fin de l’histoire du monde.

En effet, la première venue de Jésus à Bethléem devrait nous rappeler sa seconde venue dans la gloire, nous dit l’Église.

Le grand enseignent de l’évangile de ce dimanche c’est la vigilance et l’attente, le moment précis de son retour est resté caché pour nous mais nous sommes certains qu’Il viendra, comme dit saint Jérôme : «le Seigneur a voulu présenter une fin tellement incertaine que l’homme soit sans cesse en attente». 

Sur ce sujet, Saint Thomas d’Aquin commente, faisant référence à la deuxième venue: « le Seigneur vient de deux manières. Il viendra à la fin du monde pour tous d’une manière générale ; il viendra aussi vers chacun lors de sa propre fin, c’est-à-dire de sa mort ».

Par conséquent, la corrélation est la suivante : la venue du Christ à Noël devrait nous rappeler sa Seconde venue pour le jugement universel ; et sa seconde venue pour le jugement universel devrait nous rappeler notre propre mort.

Mais, concrètement, pour chacun de nous la rencontre avec le Christ au moment de la mort est plus importante que celle lors du jugement final. Pourquoi cela? Parce que notre bonheur à la seconde venue du Christ dépend de la façon dont nous nous retrouvons par rapport au Christ au moment notre mort.

Il y a donc un double avènement, continue saint Thomas d’Aquin : « à la fin du monde et à la mort, et il a voulu que les deux soient incertains. Et ces avènements sont en rapport l’un avec l’autre, car on se retrouvera au second comme on aura été au premier. Saint Augustin [dit] : «Celui qui n’était pas prêt à son dernier jour ne sera pas prêt au dernier jour du monde.» On peut aussi l’interpréter d’un autre avènement, à savoir, [de l’avènement] invisible, lorsque [le Seigneur] vient dans l’esprit. Jb 9, 11 : Si tu viens à moi, je ne m’en apercevrai pas. Ainsi, il vient chez plusieurs, mais ils ne s’en aperçoivent pas. Vous devez donc veiller avec attention, de sorte que, s’il frappe, vous lui ouvriez. Ap 3, 20 : Je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un m’ouvre, j’entrerai chez lui et je dînerai avec lui. »

Nous pouvons dire que la meilleure façon de se préparer pour Noël, c’est de penser à la seconde venue du Christ et au moment de sa venue dans notre vie lors de la mort.

Alors, le texte de l’évangile nous appelle à la vigilance, c’est-à-dire à une attente assez active. Quatre fois, Jésus-Christ rappelle la vigilance dans le petit du texte évangélique d’aujourd’hui, en seulement cinq versets.

Selon le texte en grec, une fois, il utilise le verbe agrypnéo (Mc 13,33) et trois fois le verbe gregoréo (Mv 13,34.35.37).

Le verbe agrypnéo apporte des nuances très riches. C’est l’attitude du chasseur déterminé à rester éveillé toute la nuit afin d’attraper sa proie, il reste en alerte et dans une attitude de tension. Il s’agit d’une attitude d’éveil orientée vers un objectif très précis et très précieux, qui capte toute l’attention de l’homme.

Dans l’évangile de saint Luc Lc 21,36, précisément, le verbe agrypnéo est utilisé dans le sens d’être orienté et concentré vers un objectif bien précis: avoir la force d’échapper aux châtiments du Jugement dernier et pouvoir, ainsi, «se tenir devant du Fils de l’homme ». Agrypnéo nous demande donc une attitude d’éveil en tension permanente envers notre «proie»: la seconde venue de Jésus-Christ pour le jugement dernier et, comme nous l’avons dit, la venue du Christ dans le jour de notre mort.

Gregoreîte (soyez attentifs ! ) Le verbe gregoréo vient du verbe egeíro, qui signifie «faire élever», «élever», «s’incorporer», «se relever». Un exégète dit: «Gregoreîn (qui est un dérivé d’egeíro) représente un état de veille comme effet d’un effort pour être éveillé ». Comme celui qui est de garde et doit le poursuivre avec effort. Celui qui a déjà servi dans une armée comprendra ce que signifie être sentinelle pendant la nuit et la lutte qui s’ensuit pour rester éveillé et debout, sachant que de cela dépend sa vie et beaucoup d’autres, puisque l’ennemi est implacable. Gregoréo est également utilisé par Jésus-Christ lors de son agonie dans le jardin des oliviers (Mt 26,40,41; Mc 14,37,38). Après avoir décrit la prière de Jésus, l’évangéliste dit: «Alors Jésus vient et les trouve endormis; Il dit à Pierre: “Simon, tu dors? Tu n’as pas pu veiller une heure (verbe gregoréo)? Veillez (gregoreîte) et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation; car l’esprit est prêt, mais la chair est faible »(Mc 14,37-38). Aussi ici le verbe gregoréo est utilisé dans un contexte de lutte et de combat et même d’agonie.

Mais l’exhortation la plus dramatique qui nous a été adressée pour bien se préparer au La Venue du Seigneur est celle que l’Esprit dirige vers l’une des églises de l’Apocalypse :

« À l’ange de l’Église qui est à Sardes, écris : Ainsi parle celui qui a les sept esprits de Dieu et les sept étoiles : Je connais ta conduite, je sais que ton nom est celui d’un vivant, mais tu es mort.

Sois vigilant (verbe gregoréo), raffermis ce qui te reste et qui allait mourir, car je n’ai pas trouvé que tes actes soient parfaits devant mon Dieu. »

Ceci est une exhortation pour quelqu’un qui a presque complètement abandonné la volonté de rester dans la foi. Il est comparé à celui qui s’est endormi et ne veut pas se relever, ou pire, celui qui meurt sur le lit de mort, à cause de l’oubli de la venue de Jésus-Christ et la négligence qui en résulte.

Eh bien, rappelle-toi ce que tu as reçu et entendu, garde-le et convertis-toi. Si tu ne veilles pas (verbe gregoréo), je viendrai comme un voleur et tu ne pourras savoir à quelle heure je viendrai te surprendre ».

Il est vrai, le monde s’est endormi, il n’attend plus le retour du Juge. Et nous ? nous chrétiens, nous attendons le retour du Christ, nous sommes en train de veiller avec les sens que nous venons de découvrir ?

Pour combien d’entre nous cette fête de Noël est loin d’être une vraie attente, c’est plutôt la fête du sapin, de cadeaux, de repas et des chocolats, des lumières et de la dance, dans les meilleurs de cas, malheureusement !

Ecoutons saint Bernard, ce qu’il prêchait aux chrétiens de son temps, ces paroles deviennent plus qu’actuelles pour nous !:

« Voilà comment il se fait que ceux dont l’esprit et la vie sont tout de ce monde, n’exhalent jamais la bonne odeur de ces douceurs ineffables, lors même qu’ils en célèbrent la mémoire de la Nativité du Christ, ils passent ces jours de fête sans dévotion, sans piété et dans une sorte d’aridité pareille à celle des autres jours. Mais ce qu’il y a de plus condamnable, c’est que le souvenir de cette grâce inestimable est une occasion de fêtes charnelles, en sorte qu’on voit les hommes, dans ces jours de solennité, rechercher les parures et les délices de la table avec tant d’ardeur qu’on pourrait croire que le Christ, en naissant demandait des telles choses. Mais ne l’entendez-vous point dire lui-même: « Je ne mangeais point avec ceux dont l’œil est superbe et le cœur insatiable (Ps 100,5). » Pourquoi cette ambition à vous procurer des vêtements pour le jour de ma naissance ? Je déteste l’orgueil, bien loin de l’aimer. Pourquoi cette ardeur et ce soin à préparer une foule de mets pour cette époque ? Je blâme les délices de la table, bien loin de les avoir pour agréables. Lors donc que vous célébrez ma venue, vous ne m’honorez que du bout des lèvres, votre cœur est loin de moi; ce n’est même pas moi que vous honorez, car votre dieu, c’est votre ventre, et vous placez votre gloire dans ce qui fait votre honte.

Soyons en attente du retour du Seigneur, le retour dans notre vie pendant que nous préparons surtout notre cœur pour la Nativité du Seigneur. Que la très sainte Vierge Marie guide notre marche vers Noël.

P. Luis Martinez IVE