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Sans l’huile de la charité dans leurs lampes

Lire l’évangile du dimanche XXXII (Mt 25, 1-13)

Nous sommes presque à la fin de l’année liturgique, et les lectures commencent à préparer notre esprit au temps de l’Avent. Nous avons écouté la deuxième lecture, saint Paul nous avertit et nous éclaire sur la Venue de Notre Seigneur et sur la résurrection de tous les morts, la Résurrection de la chair, comme nous le disons dans le Credo.

Le texte de l’évangile, dans cette parabole appelée par la tradition la parabole des dix vierges, nous fait aussi réfléchir sur les derniers temps, là où se fera notre rencontre « visible » avec le Christ, en qui l’Apocalypse voit l’ Epoux pour qui l’Eglise Triomphante -la Jérusalem Céleste- s’est préparée comme une épouse pour le recevoir.

Cette parabole, si nous pouvons la situer chronologiquement dans la vie du Christ, est une des dernières qu’Il a prêchées. Elle est une de ses dernières recommandations pour tous les disciples qui l’écoutaient et cette histoire a comme finalité de faire comprendre la véritable sagesse de tout chrétien, la véritable sagesse qui consiste uniquement à sauver l’âme, à atteindre le Ciel pour pouvoir voir et se réjouir de Dieu et cela pour l’éternité.

Le véritable sage, le véritable savant dans ce monde est celui qui cherche à plaire à Dieu en toute chose, à accomplir Sa Volonté et procurer le salut de son âme et le salut des autres. Il est toujours bien de nous rappeler ce petit poème en espagnol qui dit « qu’à la fin de la journée (la vie), celui qui se sauve sait, et celui qui ne se sauve pas ne sait rien ». La Sagesse, on l’a proclamé dans la première lecture, se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Elle va et vient à la recherche de ceux qui sont dignes d’elle ; dans chacune de leurs pensées, elle vient à leur rencontre.

Alors, que l’évangile parle de cette véritable sagesse n’est pas difficile à comprendre, parce que dans notre histoire apparaissent ces dix jeunes filles, les prévoyantes et les insouciantes, on peut dire aussi les sages et les insensées. Mais si nous examinons plus en détail chaque partie et chaque description de tous les symboles qu’elle contient nous pouvons découvrir certains éléments très utiles à notre méditation et qui peuvent éclairer notre vie comme disciples de Jésus.

Tout d’abord cette parabole est une histoire qui nous renvoie au futur, le royaume des Cieux « sera » comparable, ici, l’expression « Royaume de Cieux » désigne plutôt la venue de ce Royaume, la Venue de Notre Seigneur.

L’image que le Seigneur utilise est une fête de Noces. Parmi les cérémonies d’un mariage la principale était celle où le nouvel époux devait se rendre à la maison paternelle de son épouse et partir dans une sorte de procession jusqu’à la nouvelle maison. Avec la future mariée il y a avait aussi un groupe de jeunes filles prêtes pour accompagner les deux mariés avec des lumières et des chants. Mais voici que dans cette parabole, comme dans toutes les paraboles du Seigneur, il y a quelques éléments qui peuvent nous étonner, comme ils déconcertaient d’ailleurs les disciples de Jésus qui écoutaient de lui cette parabole.

La première difficulté c’est que pour une procession pendant la nuit, des lampes ne suffisaient pas, il aurait fallu apporter des torches. La deuxième, le fiancé devait arriver au début de la soirée et non pas au milieu de la nuit (« au plus profond de la nuit » dit le texte), à quelle heure aurait donc commencé le dîner s’il venait tellement tard ? La troisième, il est presque impossible pour les jeunes de s’endormir au milieu d’une fête de noces, car il faut savoir qu’une fête de ce genre (et dans les cultures sémitiques, surtout) signifie beaucoup de bruit (des chants et de la musique). La quatrième difficulté consiste en la réponse donnée par les bonnes, elle ne semble pas charitable, elles se montrent un peu égoïstes. La cinquième c’est de penser si, au milieu de la nuit on trouverait quelqu’un pour vendre l’huile nécessaire aux lampes, comme elles ont voulu le faire, d’où leur arrivée en retard. La sixième, l’Epoux est vraiment dur avec celles qui arrivent, car pour un petit retard il n’ouvrira jamais plus la porte. Et la dernière des difficultés, où se trouve la fiancée de cette histoire ?

Toutes ces difficultés s’éclaircissent lorsque nous comprenons que le Seigneur fait référence à la fin du temps (« le royaume des cieux sera comparable »). D’abord et c’est le premier enseignement, il ne faut pas oublier qu’Il doit arriver et qu’Il peut tarder mais qu’une fois le Seigneur arrivé il n’y aura plus le temps pour faire ce qu’on devait prévoir et faire avant son arrivée.

Alors, on peut penser qu’Il viendra après, et nous endormir comme l’ont fait toutes ces jeunes filles. Elles sont comme une image de ceux qui croient en Jésus, mais il en y a qui, bien qu’ils s’assoupissent un peu, gardent pourtant le nécessaire pour cette rencontre.

Et le Seigneur dit bien « des lampes » et non des torches, car l’huile symbolisait toujours les bonnes œuvres des  personnes qui nous font grandir dans la charité, il est impossible que je puisse partager ma charité ou que j’en prête un peu ou beaucoup à celui qui n’en a pas et voilà la raison pour laquelle les filles sages ne pouvaient pas donner l’huile de leurs lampes à celles qui étaient insensées et non prévoyantes. Lorsqu’on dit des bonnes œuvres, on veut dire vivre toute la loi chrétienne, qui inclut aussi  de faire du bien aux autres.

Saint Jean Chrysostome dit que dans l’autre monde, celui à qui manqueraient ses propres œuvres (la charité) personne ne pourra le secourir, car cela leur sera impossible. D’autre part, Saint Thomas d’Aquin remarque que les insensées demandent de l’huile car leurs lampes étaient « en train de s’éteindre » et que cela signifie que ces cinq filles sont l’image de ceux qui ont la foi (figurée par la flamme) mais qu’elle est condamnée à mourir à défaut d’être alimentée avec l’huile de la charité ; c’est une foi informe, parce que la vertu de la charité donne la forme aux autres vertus.

Encore une autre précision sur les mots utilisés par l’évangéliste. On dit que les cinq jeunes filles étaient insouciantes, mais l’adjectif féminin en grec c’est « moraì » (féminin pluriel de « moros ») il s’agit de la personne qui a perdu totalement la raison, celui qui est fou, mais aussi le sot, l’idiot et le stupide. Tandis que pour les autres cinq prévoyantes, le mot en grec peut être traduit par prudentes, sages et intelligentes. On pourrait dire que dans cette parabole il s’agit donc des jeunes filles, les prudentes et les insensées.

Rappelons ici que la prudence est une vertu. C’est la vertu qui dispose la raison pratique à discerner en toute circonstance notre véritable bien et à choisir les justes moyens de l’accomplir. ” L’homme avisé surveille ses pas ” (Pr 14, 15). La prudence est la ” droite règle de l’action “, écrit saint Thomas (s. th. 2-2, 47, 2) après Aristote. Elle ne se confond ni avec la timidité ou la peur, ni avec la duplicité ou la dissimulation. Elle conduit les autres vertus en leur indiquant règle et mesure. C’est la prudence qui guide immédiatement le jugement de conscience. L’homme prudent décide et ordonne sa conduite suivant ce jugement. Saint Augustin disait que la prudence c’est « l’amour qui sait discerner de ce qui est utile pour aller vers Dieu de ce qui peut m’éloigner de Lui ».

Et pour conclure, nous savons qu’il y a un moment fixé par Dieu où l’on ne peut plus négocier la vie éternelle, c’est quand la porte se fermera, parce que l’Epoux est arrivé, qui est le moment de la mort et c’est irréversible. Et même si nous avons connu le Christ et que l’on dira : ‘Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !’ sans l’huile de la charité dans nos lampes, nous ne serons pas admis dans ce banquet éternel, cette fête de noces qui est contemplation pour l’éternité du visage du Dieu. Dans cette histoire la fiancée, la future épouse est comme absente, parce que finalement chaque personne doit atteindre Jésus comme le véritable époux de son âme, pour qui nous devons travailler, à qui nous devons penser, en qui nous devons espérer avec nos lampes remplies de charité, jusqu’au moment où notre ange gardien nous dira : ‘Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre’. Que la Vierge Marie nous donne la grâce d’être prêts pour le recevoir.

P. Luis Martinez V. E.

Institut du Verbe Incarné

Celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi 

Le bon ordre dans l’assemblée

La charité est l’unité de l’Eglise, de la communauté et aussi des familles. Nous utiliserons les chapitres 11 et 12 de la première lettre aux Corinthiens.

  1. La division : La division dans l’assemblée

On ne parle pas ici de la division en relation à la foi, parce que cela signifierait se séparer de l’Eglise. Lorsque Saint Paul parle de la division dans l’assemblée, il fait référence souvent sont à des affaires humaines.

« Dans quel moment il faut se mettre à genoux », « dans quel moment il faut sonner la cloche », les races (dans l’église apostolique les chrétiens venus du judaïsme méprisaient ceux venus du monde païen) les péchés, les blessures… (L’homme est pécheur, l’Eglise est composée d’hommes, donc l’Eglise est composée de pécheurs)

Voyons comme saint Paul présente la division chez les corinthiens :

(1 Co. 18- 21) J’entends dire que, parmi vous, il existe des divisions, et je crois que c’est assez vrai… Lorsque vous vous réunissez tous ensemble, ce n’est plus le repas du Seigneur que vous prenez ; en effet, chacun se précipite pour prendre son propre repas, et l’un reste affamé, tandis que l’autre a trop bu.

  1. L’unité sacramentelle

L’unité dans l’Eglise naît de la relation avec le Christ. La foi nous unit parce que nous croyons les mêmes Vérités, nous croyons en Dieu et à Dieu ; « nous croyons en Dieu et à tout ce qu’il nous a révélé, et à ce que l’Église nous propose de croire, parce que Dieu est la vérité même »[1]. L’espérance nous unit : « nous désirons et attendons de Dieu la vie éternelle comme notre bonheur, mettant notre confiance dans les promesses du Christ »[2]. La Charité nous unit : « nous aimons Dieu par-dessus tout et notre prochain comme nous-mêmes, par amour de Dieu. »[3]

Saint Paul remarque l’unité qui naît du sacrement. C’est-à-dire la communion au sacrement (communicatio in sacris)

(1 Cor 10, 16-17) La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain.

Pour cela, nous devons distinguer qu’au moment où on mange une pomme, la pomme devient partie de notre corps, mais par contre au moment où l’on participe de l’Eucharistie, du corps du Christ, nous devenons partie plus parfaitement du Corps mystique de Christ[4].

Le Corps Mystique c’est un sujet qui a été développé par le Pie XII en l’encyclique « Mystici corporis » et dans la constitution dogmatique « Lumen gentium ».

  1. Diversité

C’est vrai nous sommes un dans le Christ, même si chacun est différent, pour cela Saint Paul ajoute « le corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ. » (1 cor 12, 12)

Nous sommes un en Christ et nous sommes différents … et maintenant, que nous devons faire ? Quelle est la façon de se comporter en tenant compte de cette différence ? :

Il ne faut pas se mépriser : « Parce que je suis prêtre je ne fais pas du bien comme tel… » « Etant fidèle, je ne fais aucun bien parce que je ne peux pas célébrer la messe ».

Saint Paul dit (1 Cor 12, 15- 16): 15 Le pied aurait beau dire : « Je ne suis pas la main, donc je fais pas partie du corps » 16 L’oreille aurait beau dire : « Je ne suis pas l’œil, donc je fais pas partie du corps », elle fait cependant partie du corps.

Il ne faut pas mépriser nos prochains : « Les fidèles ne font rien, les prêtres ne font rien »…

Saint Paul dit : (1 Cor 12,21) L’œil ne peut pas dire à la main : « Je n’ai pas besoin de toi » ; la tête ne peut pas dire aux pieds : « Je n’ai pas besoin de vous ».

Les évêques, les prêtres, les moines, les religieux, les fidèles, les fidèles consacrés, les mariés, etc… Chacun a sa fonction, sa finalité.

Il faut souffrir ensemble : Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance.

Par exemple, lorsqu’une partie de notre corps est malade, on dit Joseph est malade, on ne dit pas l’estomac de Joseph est malade, car c’est toute la personne qui souffre, c’est la personne qui avec tous ses membres essaie de retrouver la santé.

Il faut se réjouir ensemble : « si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie. »

Encore un autre exemple,  il s’agit toujours d’une personne celle qui joue le piano, une personne qui fait la cuisine. On peut dire « quelle main avez-vous ! » mais en vérité, c’est toute la personne qui a fait l’œuvre.

  1. La charité, accomplir pleinement la loi :

Tout cela fait naître la Charité et comme nous avons lu dans 2ème  lecture « celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi »

Pour finir ce sujet, saint Paul prononce ce que l’on appelle l’hymne de la charité : « L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai. » 1 cor 13

L’amour prend patience ; en relation au mal.

L’amour rend service : Donner à quelqu’un ce dont il a besoin.

L’amour ne jalouse pas : Il n’est pas attaché aux créatures, à l’honneur etc. La charité est attachée à Dieu et comprend que Dieu est pour tous.

Il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; l’amour est humble… il ne cherche pas son intérêt.

Il n’entretient pas de rancune: Le pardon.

Il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai. La contemplation, la prière.

  1. L’exemple du Christ.

 L’exemple de comment vivre la charité nous l’avons en Jésus Christ.

« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn 15, 13) « Dieu est amour. » (1. Jn 4, 8) mais cet amour a été révélé par Jésus Christ.

P. Andrés Nowakowski V. E.

Monastère « Bx. Charles de Foucauld »

[1] Compendium N 386

[2] Compendium N 387

[3] Compendium N 388

[4] Sommes théologique III Q 82