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“Ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? ” – L’Envie

Homélie du dimanche XXV, année A  (Mt 20, 1-16)

« Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées. »

La première lecture nous donne la clé pour bien comprendre la parabole de ce dimanche. Une parabole qui finit avec cette phrase du Seigneur très connue par nous : « les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers ».

Qu’est-ce qu’elle veut dire finalement ? et pourquoi elle finit avec cet enseignement ?

Alors, certaines interprétations de cette parabole mettent l’accent sur le fait de ne pas comparer les actes et la justice de Dieu avec notre façon d’agir et notre justice humaine. Et pour cela la liturgie nous fait aussi méditer la première lecture : « mes pensées ne sont pas vos pensées ».

C’est dans la discussions avec les ouvriers qui viennent derniers ayant été les premiers à aller travailler que nous comprenons cela. Dieu n’a pas fait d’injustice envers eux, Il donne ce qu’il leur avait promis ; la paye peut être comprise comme la récompense finale (la vie éternelle), ou bien les choses nécessaires pour vivre comme des bons chrétiens (la vie de la grâce qui est un avant-gout du Ciel), enfin on comprend que la paye n’est pas mauvaise en soi.

Le problème commence lorsque ces premiers se plaignent de ce que le patron a fait, c’est là le point central de notre parabole.   

Cette parabole est l’image d’une maladie spirituelle que l’on peut appeler la « myopie spirituelle », car ces ouvriers ne voient pas au-delà de leur nez. Il s’agit aussi d’un certain « strabisme spirituel », car ils ont les deux yeux fixés sur eux-mêmes. Cette maladie spirituelle, beaucoup plus difficile à soigner que la physique et beaucoup plus dangereuse que celle-ci, est très présente chez nous, les chrétiens.

De plus, il s’agit vraiment d’un strabisme parce que les yeux errent dans des directions différentes quand ils voient, par exemple, de grands cadeaux donnés par Dieu (des grâces et des dons) chez des hommes et femmes qu’ils considèrent indignes de ces cadeaux.

Cette maladie s’appelle «envie», ce qui signifie «l’acte de regarder avec des mauvais yeux». Le mot «envie» vient du verbe latin in-videre, qui signifie «voir avec d’un mauvais œil». Cela répond exactement à la phrase que Jésus dit aux serviteurs dans le grec originel : « Ton œil est mauvais » (Mt 20:15). Certaines Bibles traduisent directement : « Ou vous enviez, vous êtes jaloux ? » et dans notre traduction liturgique : « Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? »

En nous l’envie, ou bien, comme nous l’appelons plus souvent la jalousie est un mal assez répandu et il affecte gravement parfois, notre vie spirituelle.

L’envie est un vice capital. Elle désigne la tristesse éprouvée devant le bien d’autrui et le désir immodéré de se l’approprier, fût-ce indûment. Quand elle souhaite un mal grave au prochain, elle est un péché mortel.

C’est Le dixième commandement qui exige de bannir l’envie du cœur humain. L’envie peut conduire aux pires méfaits, comme le crime de Caïn contre son frère Abel (cf. Gn 4, 3-7 ; 1 R 21, 1-29 ; cf. 2 S 12, 1.4). C’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde (cf. Sg 2, 24-25) :

Saint Augustin voyait dans l’envie ” le péché diabolique par excellence ” (catech. 4, 8). ” De l’envie naissent la haine, la médisance, la calomnie, la joie causée par le malheur du prochain et le déplaisir causé par sa prospérité ” (S. Grégoire le Grand, mor. 31, 45 : PL 76, 621).

L’envie représente une des formes de la tristesse et donc un refus de la charité ; le baptisé luttera donc contre elle par la bienveillance. L’envie vient souvent de l’orgueil ; pour la vaincre le baptisé s’entraînera à vivre dans l’humilité : « C’est par vous que vous voudriez voir Dieu glorifié ? Eh bien, réjouissez-vous des progrès de votre frère, et, du coup, c’est par vous que Dieu sera glorifié. Dieu sera loué, dira-t-on, de ce que son serviteur a su vaincre l’envie en mettant sa joie dans les mérites des autres » (S. Jean Chrysostome, hom. in Rom. 7, 3 : PG 60, 445). (Cat. Eg. Cat. 2538-2540)

La jalousie peut se dévoiler comme une fausse joie, la joie que le jaloux ressent lorsqu’une autre personne souffre le mal.

À quoi aspirent les envieux? Au fond, ils ne font rien de plus que de voir le bien comme quelque chose d’inatteignable. Pour eux, les choses ont de la valeur seulement lorsqu’elles sont entre les mains d’un autre. Le désir de spolier, que l’autre ne possède pas ce qu’il a, est à la racine du péché d’envie. C’est un péché profondément insoutenable qui torture et maltraite également et surtout le pécheur lui-même. On peut dire que l’envieux est plus misérable que mauvais.

En plus, les envieux, au lieu d’accepter pacifiquement leurs propres limites, manifestent des sentiments de haine dans leurs paroles et dans leurs comportements. Dans certains cas, ils souhaitent même détruire ou éliminer tous ceux qui, avec leur façon de vivre et d’agir, leur rappellent leurs limites et leurs lacunes. Pour cette raison, nous pouvons affirmer que l’envie est une manifestation de la faiblesse de la personne dans tous les sens.

La jalousie peut se présenter de plusieurs manières dans notre vie:

  • Par le fait de comparer mes biens ou mes maux avec ceux des autres. La comparaison est déjà le début de l’envie.
  • Lorsque les qualités et les triomphe d’autrui me font de la peine car je ne les possède pas.
  • Lorsque j’ai le désir d’avoir les biens matériels, intellectuels et physiques d’autrui. Cela va dans le sens de la cupidité.
  • Souhaitant que les autres n’aient pas les biens qu’ils ont, car je ne les possède pas, non plus.

L’envie est un péché très caché : la personne envieuse ne parle presque jamais de ces sentiments et ils se manifestent rarement de façon ouverte. C’est pourquoi il est difficile de le détecter. Mais saint Jacques (3:16) nous dit que la jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes.

Dans tous les cas, la jalousie nous empêche d’aimer Dieu par-dessus tout, d’accepter le commandement de l’amour et de croire en la charité.

Pour lutter contre elle, nous devons donc établir la vertu de la charité dans les relations avec nos semblables. Avec l’aide de la grâce divine, nous devons combattre l’envie en pratiquant la bienveillance, l’humilité et l’abandon entre les mains du Père céleste.

Lorsque nous sommes capables de profiter des bons moments et des réussites de nos frères et de nos sœurs et que nous collaborons avec les talents reçus de Dieu à la poursuite de leur bonheur, nous grandissons en tant que personnes et comme enfants de Dieu, qui veut que tous les hommes et femmes soient sauvés et qui fait sortir le soleil sur les justes et les pécheurs.

Que Marie nous donne la grâce de grandir comme chrétiens.

P. Luis Martinez IVE.

Que la charité émeuve tes entrailles

Lire l’évangile du dimanche XXXI du temps ordinaire  (Mc 12, 28b-34)

Toute la loi divine est résumée dans ce commandement que le Seigneur vient de rappeler à ce scribe de l’évangile, ce grand commandement qui est double, comme les deux faces d’une même médaille.

Double et inséparable, il est impossible donc de vivre le premier et ne pas pratiquer le deuxième. Mais malheureusement, nous constatons et en nous-mêmes, hélas ! le peu que nous aimons Dieu, si nous regardons parfois la façon dont nous aimons nos prochains. Selon une expression de la sainte carmélite, Bénédicte de la Croix, connue aussi par son nom de laïque, Sainte Edith Stein : « L’amour au prochain est la mesure de notre amour pour Dieu ».

Quelqu’un a dit que « le chrétien entre dans l’église pour aimer Dieu et sort de l’église pour aimer le prochain », cette expression est vraie mais nous devons aussi dire que soit dans l’église comme dehors, nous devons pratiquer ces deux amours comme une seule réalité.

Par rapport à l’amour que nous devons avoir pour Dieu, rien de meilleur que l’école des Saints, chaque vie peut nous faire découvrir comment pratiquer l’amour de Dieu.

« Comment se peut-il, dit saint Philippe Néri, que celui qui croit en Dieu puisse aimer autre chose que Dieu ? »

C’est une vérité proclamée par Saint Jean, évangéliste dans sa première lettre, si nous pouvons aimer c’est parce que Dieu lui-même nous a aimés le premier. Et saint Bonaventure dit aussi que « cet amour de Dieu est comme le miel qui adoucit les choses les plus amères dans cette vie ».

L’amour de Dieu se traduit en nous en ses bienfaits que nous recevons de Lui, les choses qu’Il nous donne : « Dieu, écrit saint Augustin, désire plus de nous faire du bien que nous ne désirons, nous de le recevoir ».

L’amour de Dieu est accessible à tous, facile à obtenir : Un homme pauvre aimera les richesses, mais  pour la seule raison de les aimer, il ne possédera point les richesses. Un autre désirera être roi, mais le seul désir ne pourra jamais lui donner un royaume dans ce monde. Par contre, celui qui aime Dieu, possède Dieu, car Dieu aime ceux qui l’aiment et Il demeure en celui qui est uni à Lui par l’amour (cf. Jn.4,16). Un saint disait aussi que « c’est par l’amour que le pauvre devient riche ; mais sans l’amour le riche est pauvre ».

La deuxième partie de ce grand commandement c’est comme dit le Seigneur, l’amour pour notre prochain, pour chaque être humain.  Nous découvrons, suivant saint Thomas, 4 motifs ou raisons qui nous portent à aimer nos proches :

Le premier c’est l’amour divin. Car, saint Jean dit (1 Jean 4,20) : « Si quelqu’un aime Dieu et haït son frère est un menteur ». En effet, on ne peut pas aimer une personne et en même temps détester l’enfant ou un membre de cette personne. Alors nous sommes tous enfants de Dieu et membres du Christ, selon saint Paul (1 Cor. 12,27) : « vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps ».

La deuxième raison c’est un précepte divin, une loi de Dieu. Au moment de quitter ce monde, parmi  les autres préceptes, Il a prescrit comme le principal  celui-là à ses disciples (Jn. 15,12): « Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Celui donc qui détesterait son frère, n’accomplira pas ce précepte de Jésus. C’est en plus, le signe de notre appartenance à Jésus, en cela nous nous montrons comme ses disciples (Jn.13,35) :  « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. ». Il ne dit pas que cela se montrera dans la résurrection des morts, ni dans le fait de faire d’autres miracles, le signe sera dans l’amour que nous avons les uns pour les autres.

Le troisième motif, c’est par participation de la même nature. Comme dit le livre de Ben Sira, le sage (13,19): « Tout animal aime son semblable et tout homme, son pareil ». Haïr le prochain ne va pas seulement contre la loi divine, mais aussi contre la loi de la nature.

Quatrième motif c’est la poursuite d’une utilité. Nous nous servons entre nous en vue de la charité. C’est la charité qui fait l’union dans l’Eglise et fait toutes les choses communes.

Une deuxième réflexion sur l’amour au prochain.

Il est intéressant pour nous de voir comment nous devons aimer le prochain. La façon de l’aimer est aussi prescrite par Notre Seigneur ; Il ne dit pas d’aimer son prochain comme Dieu, Il dit comme toi-même. Cela mérite aussi une explication : de quelle manière cela se fait-il ? Qu’a a voulu dire par là le Seigneur ? Saint Thomas d’Aquin remarque qu’il y a 5 aspects à considérer.

Le premier, nous devons l’aimer vraiment (en vérité) comme nous-mêmes.  Il faut remarquer qu’il y a trois amours, dont deux ne sont pas vrais. Le premier c’est un amour par utilité, selon ce qui dit le livre de Ben Sira 6,10 : « Il y a celui qui est ton ami pour partager tes repas, mais qui ne reste pas avec toi au jour de ta détresse ». Evidemment, cela n’est pas un véritable amour, car il s’en va lorsque le profit disparait. On n’aime pas le prochain, mais on aime plutôt un bien qui soit utile pour soi. Il y a un autre faux amour, qui procède du plaisir. Je n’aime pas la personne, j’aime le bonheur sensible qu’elle peut me donner avec sa présence, c’est le faux amour qui prend l’autre comme un objet. Et il y a le troisième amour, celui qui seul est vrai et procède de la vertu. Dans notre amour pour le prochain, nous ne cherchons rien pour notre bien, sensible ou matériellement, mais pour le sien.

Deuxième aspect, nous devons aimer le prochain de façon ordonnée. Nous ne pouvons pas l’aimer au dessus de Dieu, mais à notre niveau. C’est ce que nous a enseigné le Seigneur Mt. 10, 37: »Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ».

Le Troisième, nous devons l’aimer de façon efficace. Nous-mêmes, nous nous aimons et pour cela nous cherchons le bien pour nous et nous évitons les maux, il en sera de même pour nous frères I Jn 3, 18 : « Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité ». Rom 12, 9: « Que votre amour soit sans hypocrisie ».

Le Quatrième, nous devons aimer notre prochain avec persévérance. Prov.17, 17: « On a des amis en tout temps, mais un frère est là pour le temps de la détresse ». Il faut aussi savoir que deux vertus aident à l’amitié selon Dieu, la patience et l’humilité, elles sont liées car l’orgueilleux qui se magnifie lui-même et méprise l’autre, ne peut pas supporter ses défauts.

Le Cinquième, nous devons aimer nos amis, justement et saintement, de sorte que nous ne les aimions pas pour pécher, parce que nous non plus, nous ne devons pas nous aimer pour faire des péchés, car de cette manière nous perdrions Dieu.

Cherchons toujours à aimer le prochain d’un amour vrai et parfait, d’un amour pur et sincère.

Nous allons conclure avec ces belles paroles de saint Augustin : « Si tu n’es pas encore capable de mourir pour le prochain, sois déjà au moins disposé à partager ton bien avec lui. Que la charité émeuve tes entrailles ‘Que m’importe, me diras-tu ? Irai-je donner ma fortune pour le préserver d’embarras ?’ Si ton cœur te répond de la sorte, l’amour du Père ne se trouve pas en toi, et si l’amour du Père ne se trouve pas en toi, tu n’es pas né de Dieu. Comment alors te glorifier d’être  chrétien ? Tu en as le nom, mais tu n’en mènes pas la conduite ».

 Ayons donc toujours le nom et la conduite d’un bon chrétien ! Que Notre Dame nous donne cette grâce.

P. Luis Martinez

Institut du Verbe Incarné