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“Votre fidélité est une réponse à la fidélité de Celui qui vous a appelé à la liberté!”

Homélie pour la solennité des Bienheureux Martyrs de “El Pueyo”

Saint Augustin dit, en se référant à Saint Jean Baptiste, que « ce n’est pas la blessure de l’épée qui constitue le martyr, mais la conformité de sa vie à la vérité ».

En effet, tous les martyrs, au moment de leur sacrifice définitif, ou « entier », selon les mots de Jordan Genta, affirment en eux-mêmes la vérité la plus essentielle de chaque homme, et de l’humanité dans son ensemble : leur ordination transcendantale à Dieu.

Autel du monastère de “El Pueyo” qui contient les reliques des martyrs

Grâce à la force que la mort de Jésus-Christ communique à leur mort, les martyrs peuvent, en cet instant sublime, rétablir l’ordre que Dieu a voulu pour l’homme dans sa création, et qui a été perdu par le péché : l’ordre de tout dans l’homme à la raison et à la volonté droites, et de celles-ci, élevées par la grâce, au Service continu et à la Louange complète de sa Divine Majesté.

Le martyr confirme une fois pour toutes et pour l’éternité toute son existence à cette vérité radicale : que tout l’être de l’homme est orienté vers Dieu, ne se complète et ne se perfectionne qu’en Dieu. Et non seulement les actes privés extérieurs, mais aussi les actes publics et les actes plus personnels, les actes internes, qui le définissent, doivent être définis, comme aime à le dire saint Jean de la Croix, « tout à fait selon Dieu ».

Toute notre préparation au martyre, concrètement, doit être centrée sur cela ; sur le fait de nous vaincre nous-mêmes de telle sorte que nous conformions chacun des actes internes et externes de notre vie, selon notre état et notre condition, à la vérité de notre finalité. C’est en comprenant que Dieu est la fin et le critère de tout jugement et de toute décision, et en mettant cela en pratique, que réside la substance du service et de l’amour d’un martyr, selon l’explication bien connue de saint Jean de la Croix : « Voici une âme qui est embrasée du désir de souffrir le martyre. Peut-être que Dieu lui dira: Oui, tu seras martyre, et il la remplit intérieurement d’une grande consolation et de la confiance qu’elle sera martyre; or il peut se faire qu’elle ne meure pas martyre, et cependant la prophétie sera très véritable. Mais comment ne s’accomplit-elle pas ainsi que l’âme l’attendait ? Elle s’accomplira dans le sens principal et essentiel qu’elle renfermait. Dieu lui donnera assez d’amour pour qu’elle mérite la gloire essentielle du martyre ; il la fera martyre d’amour, il la fera passer par une suite d’épreuves dont la durée sera plus pénible que la mort, et de la sorte lui conférera véritablement la grâce qu’elle désirait formellement et qu’il lui avait promise. Le désir formel de l’âme, en effet, n’était point d’endurer ce genre de mort, mais de glorifier Dieu par le martyre et de lui témoigner son amour comme on le fait dans le martyre. Car ce genre de mort en soi n’a aucune valeur, s’il n’est pas accompagné de l’amour de Dieu; et Dieu a d’autres moyens de donner d’une façon beaucoup plus parfaite l’amour, la générosité et le mérite qui sont renfermés dans le martyre. Aussi, bien qu’elle ne meure pas martyre, elle peut être très satisfaite, car Dieu lui a donné ce qu’elle désirait » (Montée, l. 2, ch. 18).

Saintes reliques des martyrs

La totalité de ce service et de cet amour de Dieu est la vérité la plus profonde de toute notre existence, et c’est donc la victoire la plus complète des martyrs que nous devons rechercher : « Votre victoire », disait Jean-Paul II aux témoins de la foi persécutée à Prague, « trouve son origine au cœur de votre souffrance. Votre victoire est le fruit de la fidélité, qui est un aspect important de la foi. Votre fidélité était une réponse à la fidélité de Celui qui vous a appelé à la foi, qui vous a appelé à la liberté, en vous assurant qu’il ne vous laisserait jamais seul. C’est de cette fidélité qu’est née votre libération. Elle ne vous a pas été donnée de l’extérieur. Elle est née de l’intérieur de la croix plantée dans ta vie ».

Que notre vie de religieux, de contemplatifs, de membres de l’Institut du Verbe Incarné, soit le reflet dans le monde du sang versé dans la fidélité par Jésus-Christ et ses martyrs, et en particulier par nos martyrs. Que la vitalité qui en jaillit nous permette à tous, en tout et toujours, de nous orienter vers notre unique fin, qui est Dieu, car, comme l’enseigne saint Thomas d’Aquin dans une définition magistrale, commentant l’Évangile de saint Jean : « La sainteté consiste à ce que l’homme aille vers Dieu ».

Et que la Vierge Marie, Reine des Martyrs, nous obtienne cette disposition, aussi simple que radicale : que nous allions toujours à Dieu, qu’en tout nous soyons déterminés par Lui, et que nous n’ayons pas d’autre aspiration que Lui, car Lui seul a les paroles de la vie éternelle.

P. Juan Manuel Rossi. IVE.

La multitude voit avec admiration ce combat céleste!

Les Martyrs de “El Pueyo”

Nous célébrons aujourd’hui cette solennité propre de notre monastère, plutôt de tous les moines de notre Institut. Depuis deux ans, nous avons choisi comme patrons ce groupe de moines bénédictins, morts martyrs en Espagne, en 1936.

Qui étaient ces moines? Comme c’est souvent en Europe, depuis le moyen âge, on vénérait à cet endroit de El Pueyo, à l’est d’Espagne, une statue de la Sainte Vierge, la dévotion chrétienne y avait bâti aussi un sanctuaire, dans le XIX siècle un monastère bénédictin se constituait comme le gardien et protecteur de ce sanctuaire marial.

Bientôt la communauté grandit en nombre et en importance, grâce à l’exemple, le travail et la prière des moines.

En 1936, la persécution religieuse est déclarée, et en quelques années douze évêques, plus de 4000 prêtres, 2365 religieux, 283 relieuses et un nombre difficile à préciser de fidèles laïcs donneront leur vie pour le nom du Christ.

 

Sensiblement, cela peut nous choquer, mais lorsqu’on connaît les récits de différents témoignages, donnés par les témoins et parfois même par les bourreaux, on voit la force extraordinaire que ces martyrs montraient, une force que seulement Dieu peut donner pour affronter la mort. Plusieurs d’entre eux mourraient en pardonnant leurs bourreaux, en criant les « vives » pour la Vierge et pour le Christ Roi et toujours avec grande sérénité et une grande joie.

 

Les moines de “El Pueyo”, comme beaucoup de religieux ont pressenti le péril qui s’approchait, et ils ont pris beaucoup de mesures sachant que le péril était très proche. Ce monastère avait parmi ses apostolats la garde de quelques jeunes garçons (plutôt enfants), il y a eu donc soit des enfants soit des religieux qui ont dû laisser le monastère pour échapper du péril.

De toute façon dans la communauté sont restés la plus part des moines, les plus âgés et les prêtres, et quelques enfants qui n’ont pas pu retourner dans leur maison.

 

Le 21 juillet de l’année 36, un groupe des « rouges » ( les communistes) prennent le premier des moines, celui qui sera la première victime quelques jours après. Le lendemain, 22 juillet les rouges arrivent au monastère, prenant maintenant toute la communauté et les enfants pour les amener dans ville principale Barbastro, ils seront mis dans un collège de religieux transformé en prison.

 

Avec les moines, il y aura aussi l’évêque de la ville, quelques prêtres et une cinquantaine de séminaristes de la congrégation religieuse de Saint Antoine Marie Claret. Ils seront presque tous martyrisés au cours du mois d’août.

Quelques séminaristes, à cause de leur nationalité et ainsi que les enfants qui venaient avec les moines seront épargnés de la mort, et deviendrons après les témoins des derniers jours des martyrs.

Le martyr comme acte de force

 

Alors, il est difficile parfois de voir l’acte du martyre comme ce qu’il est, le martyre est une grâce de Dieu, un don.

 

Notre nature humaine nous trompe quelque fois, parce que par nature l’homme ne veut pas mourir, ou bien, on peut se poser la question, comment ils ont fait les martyrs de toute l’histoire de l’Eglise pour tenir jusqu’à la mort ?

 

L’exemple de sainte Félicité, ici à Carthage, peut nous aider à comprendre, le bourreau se moquait d’elle à cause de ses souffrances au moment de son enfantement, disant qu’elle allait souffrir encore plus après, saint Félicité a répondu : « Maintenant c’est moi qui souffre, mais là, ce sera Dieu qui souffrira à ma place». C’est un peu cela dans tous les martyrs, Dieu leur donne une force spéciale, la vertu de la force en toute sa splendeur. Il ne s’agit pas de nos forces humaines, sinon la vertu de la force imprégnée de la grâce. Comme le dit saint Cyprien aussi dans un sermon : « La multitude voit avec admiration ce combat céleste, elle voit que les serviteurs du Christ ont tenu bon dans la bataille, avec une parole hardie, une âme intacte, une force divine. »

 

Autel des reliques des martyrs – El Pueyo

Saint Thomas d’Aquin dit que le martyre est l’acte qui manifeste au plus haut degré la perfection de la charité. Les martyres n’ont pas peur de perdre ce qui est le plus cher pour nous, qui est la vie même, parce qu’ils aiment plus que tout le Christ, et il fait citation de la parole de Jésus (Jn 15, 13) : ” Il n’y a pas de plus grande charité que de donner sa vie pour ses amis. “

 

On appelle martyr celui qui est comme un témoin de la foi chrétienne, alors la foi nous propose de mépriser le monde visible pour les réalités invisibles, selon la lettre aux Hébreux (11, 34). Il appartient donc au martyre que l’homme témoigne de sa foi, en montrant par les faits qu’il méprise toutes les choses présentes pour parvenir aux biens futurs et invisibles, même en donnant sa vie.

Maxime de Turin dira aussi : ” Le martyr est vainqueur en mourant pour la foi, alors qu’il aurait été vaincu en vivant sans la foi. “

 

La fin de nos martyrs

Sachant que la mort était proche, nos martyrs ont commencé à rédiger des lettres pour les personnes qu’ils aimaient, elles font partie évidement des témoignages. Il y en a une, son auteur était un des moines qui venait de faire sa profession de vœux, environs 10 jours avant son arrestation. Il écrit quelques paragraphes à sa maman :

 

« « Mère très aimée : je me réjouis seulement de penser à la dignité à laquelle Dieu veut vous élever, faisant de vous la mère d’un martyr. Celle-ci est la meilleure des garanties que nous deux, nous serons heureux pour toute l’éternité. Le souvenir de ma mort sera toujours accompagné par cette grande idée «  un fils mort, mais martyr de la religion » Que Dieu ne puisse m’accuser d’un autre délit que celui dont les hommes m’accusent : « être disciple du Christ ». Mère très chère, adieu, adieu, jusqu’à l’éternité. Je suis très heureux » »

 

La nuit du 27 au 28 août, un groupe de miliciens se présente dans la salle qui servait de prison pour les moines, ils portaient des cordes tachés de sang d’autres exécutions les jours précédents.

Lieu du martyre

Les 15 moines qui restent sont attachés, trois avaient déjà subi le martyr au cours de ce mois. Ils se donnent l’absolution générale de tous les péchés et montent sur un camion, dans le chemin ils criaient « Vive la Vierge du Pilar » « Vive le Christ Roi », les gens diront après qu’il semblait que ces religieux partaient pour une fête plutôt que vers leur martyr.

 

Comme c’était le Prieur, le bienheureux Mauro celui qui encourageait et animait le plus sa communauté, les miliciens le font descendre du camion et continuer à pied le peu de chemin qui manquait, pendant cela un d’eux le tapait de son fusil.

Pas loin d’un hôpital qui se trouvait sur le chemin au lieu des exécutions, le père Mauro demande la permission d’adresser la dernière salutation à sa Mère. Les bourreaux pensaient que la mère naturelle du martyr se trouvait dans cet endroit. Le père Prieur se tourne donc vers le sanctuaire et commence à chanter la Salve Regina, saluant sa Mère du Ciel.

 

Père Prieur, Bx Mauro Palazuelos

La rage d’un des bourreaux devient si extrême qu’il l’exécute à ce moment-là. Quelque temps après, ce sera le même assassin qui racontera ce fait, confessant aussi que le dernier regard du martyr avant de le tuer lui est resté gravé, de façon que son souvenir l’empêchait même de trouver le sommeil.

C’est d’admirer aussi, non seulement la force d’aller vers le martyre, sinon aussi l’amour qui faisait faire de grands geste avant la mort. Le père Prieur donne sa vie, en faisant ce que les moines font toujours, chanter, et il chantait la Mère de Dieu.

 

«  Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. » (Mt 5, 10-11)

Demandons, à la très sainte Vierge Marie, la grâce de la sainteté, nous en sommes tous appelés. Et il se peut qu’avec la Providence Divine, la sainteté contienne en elle la grâce du martyre.