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Homélie pour XXXIII dimanche du Temps ordinaire, année A

Notre vie est, par dessein divin, une voie, un chemin, dont le but est le ciel. Pour nous, le ciel est le bonheur ultime, c’est-à-dire la seule véritable fin à laquelle nous devons aspirer de toutes nos forces. La vertu de l’espérance, que Dieu nous inculque et anime dans nos cœurs, fait de nous (ou du moins, devrait faire de nous) des marcheurs infatigables vers cette rencontre finale et sans fin avec notre Seigneur.

Le désir d’être pour toujours en compagnie de Dieu et des saints, de nos proches, des anges, exerce, en quelque sorte, une réelle attraction sur toutes nos actions, surtout sur celles qui n’ont pas de fruit visible, qui n’ont pas une récompense directe dans ce monde. Nous savons que chacune des petites croix que nous devons porter au cours de notre vie a une valeur inestimable face à l’éternité ; et l’éternité est bien plus grande que tout espace de temps, aussi grand soit-il, infiniment plus grand que le temps…

Cependant, une question peut se poser concernant notre droit à conquérir cette vie éternelle. Tout au long de l’histoire de l’Église, à la suite de la Révélation de Jésus, les saints et les maîtres de la foi se sont demandés comment et de quelle manière nous pouvons gagner un prix qui dure pour toujours grâce à des actions qui se perdent dans le temps. Et plus encore : quels sont les actes qui sont proportionnés à la réalisation de cette vie éternelle ? Et comment les connaître et les mettre en pratique ? En bref : comment pouvons-nous, avec l’utilisation de moyens humains et limités, comme le sont toutes nos actions, nos pensées, nos affections, obtenir comme récompense pour eux une fin divine, illimitée, comme le ciel que nous espérons et le Dieu que nous voulons posséder ?

La question est tout à fait justifiée et elle exprime l’abîme qui s’ouvre entre nos forces humaines et notre destin surnaturel. Entre la nature de Dieu et la nôtre, il y a une distance infinie que nous n’avons pas le pouvoir de combler avec nos seules mains, pour ainsi dire. Et pourtant, une chose est sûre : Dieu nous a élevés et nous a donné la communion éternelle avec lui comme fin de notre vie.

C’est le même problème que rencontrent les serviteurs de la parabole que nous avons entendue. Le maître « leur confia ses biens », c’est-à-dire qu’il met à leur disposition certains moyens, qui sont les talents, avec un objectif très concret : qu’ils lui plaisent par leur utilisation. Les talents sont, pour nous, tout ce que Dieu met sur notre chemin : nous-mêmes, avec nos propres caractéristiques, nos défauts, nos vertus, notre formation, les grâces reçues, même les péchés commis ; et toutes les choses qui entourent notre existence : les personnes qui se rapportent à nous d’une manière ou d’une autre, celles qui nous font du bien et celles qui nous font du mal, notre travail, les difficultés, les problèmes, les épreuves, les souffrances, les joies, les sacrements, l’Église, les bons et les mauvais exemples, etc. Tout ce qui n’est pas Dieu même, nous est donné par Lui comme un talent pour gagner la fin. Cette fin qui est de plaire à Dieu, en lui rendant chaque talent qu’il nous a donné et les fruits obtenus de son utilisation.

Le maître ne dit pas à ses serviteurs comment utiliser ces talents, ni ne révèle ce qui lui plaît. La parabole nous l’apprend. Le Christ nous montre, à l’exemple de ces serviteurs, que les talents seuls ne nous mènent pas au ciel. Que nous devons travailler avec eux. Nous devons les employer, nous devons faire un profit avec eux pour le Christ, afin que, lorsqu’il reviendra, il ne nous trouve pas les mains vides.

Mais la question initiale demeure : parce que ce travail avec les talents que Dieu nous donne est encore un acte humain. Et comment pouvons-nous rendre Dieu heureux avec les seuls profits humains ? Quel travail pouvons-nous offrir pour satisfaire sa demande de bonté et de vérité infinies ?

Saint Augustin demandait à Dieu : « Donne-moi ce que tu commandes, et commande ce que tu veux ». En fait, tous les talents ont leur valeur dans le seul talent et le seul moyen qui soit proportionné à notre fin surnaturelle : la Passion de notre Seigneur Jésus-Christ. C’est le moyen et le talent par excellence. Le seul qui ait une valeur infinie, et dont le contact donne une valeur infinie à toutes nos œuvres. La Passion du Christ, qui nous est donnée comme un secours de Dieu et comme manifestation suprême de sa miséricorde, est notre garantie et notre espoir de plaire à Dieu et d’obtenir la vie éternelle.

Nous devons travailler toujours, et en toutes circonstances, de toutes nos forces, en nous appuyant sur la puissance de la Croix du Christ, sans réserver d’énergie, dans l’œuvre de notre sanctification, du témoignage de notre foi, de l’extension du Royaume de Dieu. Si nous ne travaillons pas, nous serons comme ce serviteur qui a enterré le talent : ayant eu le salut entre les mains, nous l’aurons enterré sous terre.

Que la Sainte Vierge nous obtienne la grâce de travailler toujours pour notre salut, en nous basant sur les mérites de Jésus, sans chercher aucune récompense humaine, afin qu’à la fin de nos jours, la parole définitive nous soit dite par notre Maître : « Très bien, serviteur bon et fidèle… entre dans la joie de ton seigneur ».

Le grand talent de ma liberté

Lire l’évangile du  dimanche XXXIII  (Mt 25, 14-30)

Dans cet avant dernier dimanche du temps Ordinaire qui précède la Solennité du Christ Roi, la liturgie nous propose comme la semaine dernière, une parabole de l’évangile de Saint Matthieu.

Celle de la semaine dernière, la parabole des dix jeunes filles, pouvait s’appliquer à ceux qui ayant reçu des biens spirituels savent les conserver ou bien les gaspillent. Notre histoire d’aujourd’hui, appelée « parabole des talents », traite essentiellement de ceux qui savent faire fructifier les dons et de ceux qui ne les font pas fructifier. Les deux paraboles font référence à des péchés d’omission, c’est à dire, le fait d’omettre un acte, ne pas faire le bien lorsqu’on peut le faire. A la messe, nous demandons pardon au Seigneur lorsque nous récitons cette prière dite le « Confiteor », « je confesse à Dieu Tout-Puissant… » où nous implorons la miséricorde de Dieu, tout en reconnaissant d’abord nos péchés de pensée, de parole, d’action et d’omission. C’est-à-dire, que l’on tombe dans un péché lorsqu’on fait du mal, mais aussi lorsqu’on ne fait pas le bien que l’on doit faire. En effet, les paraboles ne disent pas que les jeunes filles insensées ou l’homme qui avait caché le talent faisaient du mal à quelqu’un. Ils se condamnent donc pour ne pas faire ce qu’ils devaient faire par rapport au Seigneur.

Tout d’abord et avant de commencer ce petit commentaire sur l’évangile d’aujourd’hui, il est peut-être bien de savoir ce qu’était un talent. Le talent était une mesure de poids, comme nous avons le kilo, la tonne. Dans le langage biblique le talent était utilisé pour mesurer les quantités des métaux précieux, l’or ou l’argent. Ainsi par exemple, un talent d’argent pesait à peu près 22 kilogrammes. Dans l’actualité cela signifierait une somme de plus de cinq mille euros. Tout le calcul qu’on vient de faire c’est pour montrer que c’était une grande responsabilité que celle que l’homme de la parabole avait donnée à ses serviteurs.

Lorsque nous utilisons le mot « talent » aujourd’hui, nous pensons aux dons, aux capacités d’une personne ; et il est évident que c’est une notion qui a comme origine l’évangile de ce dimanche.

Nous suivrons ce dimanche, comme les dimanches précédents, le merveilleux commentaire de saint Thomas d’Aquin à l’évangile de Saint Matthieu.

Il faut noter que ce que le Seigneur (qui est représenté par le patron de la parabole) distribue à ses serviteur ce sont des dons, il n’y a pas un contrat et même, il ne les contraint pas à utiliser ces dons, à les faire fructifier. Tout simplement, il les leur donne et leur laisse leur propre liberté; l’évangile dit qu’il « leur confia ses biens ». Saint Thomas explique qu’il fait référence aux dons de Dieu que l’Esprit Saint distribue libre et gratuitement parmi les hommes, selon saint Paul : l’unique et même Esprit distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier (cf. 1Co. 12,11).

Nous devons bien comprendre que le grand enseignement que Jésus veut nous donner dans cette parabole, sans laisser de côté d’autres aspects, c’est précisément l’utilisation que nous faisons de notre liberté, c’est en effet le grand talent donné par Dieu. Saint Thomas nous apprend que l’homme est image de Dieu en ce qu’il possède une intelligence et une volonté qui le rendent libre tout en lui accordant un pouvoir qu’il a par lui-même : l’être humain participe donc de ce pouvoir de Dieu qui le fait agir par lui-même, être le principe de son action, agir librement, créer, faire et gouverner ses œuvres. Il est intéressant de voir dans la parabole que lorsque saint Matthieu dit que l’homme confia ses biens, ce mot en grec signifie les choses qu’il avait comme propres, qui lui appartenaient, quelque chose de lui-même.

Comme on disait plus haut, le mot talent est passé à désigner les attributs naturels et surnaturels. Les naturels sont ceux qui regardent l’intelligence, la volonté et le corps. Les talents surnaturels désignent plutôt les dons accordés par Dieu mais pour l’édification de l’Eglise.

On peut dire que tous les serviteurs de la parabole ont reçu le nécessaire pour accomplir leur mission, et c’est aussi l’image de ce que reçoivent tous les hommes en dons spirituels pour qu’à travers l’utilisation de la liberté, ils puissent atteindre et arriver à la vie éternelle parce que tel que le dit saint Paul, Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité » (1 Tim. 2,4) : voulant donc cette finalité, Dieu prévoit aussi les moyens. Ainsi, nous voyons que le patron de la parabole donne à chacun (de ses trois serviteurs) selon ses capacités, comme nous dit l’évangile.

Alors, quelle est la signification de faire produire des richesses aux talents reçus ? Lorsque nous parlons de dons spirituels, la logique est tout à fait contraire aux biens matériels. Les biens spirituels reçus de Dieu, si on les distribue, en plus d’enrichir le prochain grandissent en nous-mêmes ; pour cela un saint disait que la foi augmente lorsque nous la communiquons, elle devient plus enracinée et forte dans notre âme.

Mais ce qui peut être le plus étonnant dans la parabole c’est la réaction du Seigneur par rapport à ce serviteur qui avait caché le talent, nous devons bien comprendre où est vraiment la faute de ce dernier.

Le troisième serviteur est appelé mauvais et paresseux et avec raison, parce qu’il commet trois injustices contre son Seigneur (image de Dieu dans la parabole), d’abord parce que ce serviteur fait un blasphème, car pour lui Dieu est dur et non miséricordieux ; il reconnaît aussi sa négligence en allant cacher le talent et propose en fin une fausse innocence, il rend le talent en disant « Tu as ce qui t’appartient ».

Si ce grand talent était la liberté que Dieu lui a offerte, le mauvais serviteur est donc en train de lui rendre cette liberté. Il renonce à cette liberté avec laquelle il pouvait participer à l’œuvre créatrice dans ce monde. C’est le drame de l’homme moderne, aujourd’hui on parle plus que jamais de liberté mais elle n’est pas du tout la liberté de Dieu. L’homme moderne dit à Dieu : « Prend ta liberté, je ne la veux pas ».

En plus, chez ce troisième serviteur il y a trois mauvaises opinions par rapport à Dieu et elles se retrouvent chez beaucoup de chrétiens d’aujourd’hui. La première, il croit que Dieu n’est pas miséricordieux, qu’il est dur. La deuxième, que Dieu peut recevoir et augmenter ses biens avec les nôtres. Et la dernière c’est que ce serviteur croit « qu’il y a des choses qui ne proviennent pas de Dieu » ; alors que par contre, tout ce que nous avons vient de Lui.

A la racine de toutes ces opinions, il y a la fausse idée de penser Dieu comme s’Il était un homme. Ou bien, comme l’homme moderne qui ne voit pas Dieu comme un père mais comme quelqu’un qui lui fait concurrence, et qu’il faut vaincre, pour prendre sa place.

Saint Thomas nous donne un exemple concret de ce que signifie considérer Dieu comme dur et sans pitié. Certains qui estiment que Dieu est dur, n’acceptent pas de Le servir. De là le fait que certains qui pourraient donner beaucoup de fruits, disent « si je me mets à écouter des confessions et faire des prédications, combien de maux adviendront-ils sur moi ?». Même pour ceux qui disent : « si je devenais prêtre ou religieux je pourrais commettre des péchés, cela serait donc pire que si je n’étais jamais entré en religion ». Ceux-là considèrent Dieu comme dur, parce qu’ils pensent que s’ils se confient à Dieu, Il pourrait leur manquer à la promesse de son aide, ils sont semblables à ceux qui désespèrent de la miséricorde de Dieu.

Alors, le Seigneur leur répond : il fallait placer mon argent chez les banquiers. Saint Thomas interprète cette phrase de cette manière : « si tu pensais que j’étais dur, il aurait fallu demander de l’aide » résoudre tes doutes à travers le conseil de quelqu’un d’avisé dans la foi sur la nature de Dieu, demander de l’aide pour fortifier ta volonté et pouvoir mettre en pratique ta liberté.

Il est nécessaire de noter que le troisième n’est pas puni pour avoir commis le mal mais pour le bien qu’il n’a jamais accompli, comme dit le Seigneur dans l’évangile de saint Matthieu (7,19) : « Tout arbre qui ne donne pas de beaux fruits est coupé et jeté au feu » et aussi dans l’évangile de saint Jean (15,2) : « Tout sarment qui est en Moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève… »

Comme conclusion, nous pouvons dire que Dieu réclame notre fidélité comme la réponse aux dons, aux talents qu’Il nous accorde, cette fidélité dans toute liberté à la Volonté de Dieu est la richesse la plus grande et la beauté la plus parfaite.

C’est le sublime enseignement que la première lecture de ce dimanche nous laisse, l’éloge de la véritable femme : Le charme est trompeur et la beauté s’évanouit ; seule, la femme qui craint le Seigneur mérite la louange. Célébrez-la pour les fruits de son travail.

Sainte Térésa de Calcutta, mère Térésa était une bonne épouse de Jésus-Christ, fidèle aux talents que Jésus lui avait donnés et qu’elle avait su faire fructifier ; dans une petite prière elle disait :

« J’ai gardé le Seigneur toujours devant mes yeux ; parce qu’Il est toujours à ma droite, je ne peux pas glisser » (Ps 15, 8). Car s’il y a une chose que Jésus me demande, c’est de m’appuyer sur Lui, de me confier en Lui seul, de m’abandonner à Lui sans réserve… Nous ne devons pas essayer de contrôler les actions de Dieu. Nous ne devons pas compter les étapes du voyage qu’il veut nous faire entreprendre. Même si je me sens comme un bateau à la dérive, à moi de me donner entièrement à Lui. Lorsque cela semble difficile, souviens-toi que nous ne sommes pas appelés à réussir, mais à être fidèles. La fidélité est importante, même dans les petites choses, non pas pour la chose elle-même, ce qui serait le souci d’un esprit mesquin, mais pour la grande qu’est la Volonté de Dieu. Saint Augustin a dit : « Les petites choses restent petites, mais être fidèle dans les petites choses est une grande chose. Notre Seigneur n’est-il pas le même dans un pauvre visiteur que dans un grand ? »

Que la Vierge Marie et sainte Térésa de Calcutta nous donnent la grâce de la fidélité et de la liberté des fils de Dieu.

P. Luis Martinez V. E.

Institut du Verbe Incarné