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L’or, l’encens et la myrrhe, la foi intrépide et la joie des Mages

Sermon pour la Solennité de l’Epiphanie du Seigneur (Mt 2, 1-12)

Cette solennité de l’épiphanie est la solennité où l’on contemple la manifestation de la divinité de Christ. C’est pourquoi on l’appelle la Solennité de l’Épiphanie « du Seigneur ». Après l’avoir vu naître homme mortel, pauvre et humble, nous avons besoin aujourd’hui d’un mystère qui nous fasse voir ce que nous ne voyons pas : sa divinité. Et nous venons avec les mages d’Orient pour adorer le Seigneur à Bethlehem.

Selon le récit de l’évangile, les mages disent au Roi Hérode « « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui (l’adorer) ». Saint Augustin se pose cette question : est-ce que ceux-ci n’étaient pas curieux, qui, du simple fait qu’un certain signe leur était donné par une étoile, se sont mis à la recherche d’un roi ? Cela aurait été stupide. Mais il faut dire qu’ils ne rendaient pas hommage à un roi terrestre, mais céleste, en qui il est montré que se trouvait la puissance divine. Car, autrement, s’ils avaient cherché un roi terrestre, ils auraient perdu toute dévotion lorsqu’ils le trouvèrent enveloppé de viles étoffes.

Mais Saint Augustin se demande encore comment ils ont pu apprendre par une étoile que l’homme-Dieu était né ? Et il répond que cela est dû à la révélation par un ange. En effet, Celui qui leur envoya une étoile, leur envoya un ange qui le leur révélerait. Le pape Léon dit que, de même que leurs yeux étaient remplis à l’extérieur de la lumière de cette étoile, de même un rayon divin leur faisait une révélation intérieure.

Les Rois mages viendront après la rencontre avec Hérode retrouver Jésus et sa Mère à Bethlehem et « tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui ».

Dans le cas des Mages, l’adoration de l’Enfant Dieu (Mt 2,11) est renforcée par deux autres actions que détaille l’évangile. La première : « se prosternant, ils l’adoraient ». Ils l’adorent non seulement à l’intérieur, par l’intelligence et la volonté, mais accomplissent un acte corporel d’adoration. La seconde : « ils lui ont offert des cadeaux » (Mt 2.11).

A ce propos, citons saint Thomas : « Vous pouvez voir la révérence qu’ils ont donné à l’Enfant (…). Cette vénération se manifestait par l’adoration et par l’offrande (…). C’est pourquoi il dit : « Se prosternant, ils l’adorèrent », c’est-à-dire : ils adoraient le Dieu qui est caché dans l’homme (…).

C’est pourquoi l’évangile mentionne : “Ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent des cadeaux : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.” Car il était d’usage chez les Perses d’adorer en offrant toujours des cadeaux “.

Dans les offrandes des rois, on reconnaît le Christ par :

  •  la dignité royale. Ils lui offrirent donc de l’OR ;
  • la grandeur du sacerdoce, ainsi ils lui offrirent de l’ENCENS en sacrifice;
  • la mortalité de l’homme, et ainsi ils lui offrirent de la MYRRHE.

L’or signifie, comme nous devons de le dire la dignité royale, c’est-à-dire le fait d’être le Messie. La première définition que les mages donnent de l’enfant est qu’il est un « roi » (Mt 2,2). Cela sera la cause du trouble d’Hérode et de la population de Jérusalem (Mt 2,3). Mais il est clair qu’Hérode et le peuple ont interprété le mot « roi » prononcé par les mages comme synonyme de « Messie ». C’est pourquoi Hérode fait une grande convocation (les grands prêtres et les scribes) pour rechercher où le Messie devait naître (Mt 2,4). L’or que les Mages offrent à l’Enfant signifie qu’ils le reconnaissent comme Messie-Roi. C’est pourquoi saint Thomas dit : « Si nous prenons les dons offerts en fonction de la foi qu’ils manifestent, nous devons d’abord considérer ces choses qui sont dans le Christ. Et la première, sa dignité royale (…) ; et pour cette raison ils ont offert de l’or en hommage ».

Mais l’un des dons offerts par les mages indique directement la divinité du Christ : c’est l’encens. L’encens, qui est entièrement consumé par le feu et exhale une fumée aromatique qui monte vers le ciel, il a toujours été dans de nombreuses cultures, le symbole de l’adoration à Dieu. L’homme, comme l’encens en se consumant par le feu, se soumet totalement à Dieu et élève vers lui ses prières. Dans l’Ancient Testament, il y a un ordre très clair du Seigneur sur l’encens comme élément essentiel dans l’adoration de Dieu :

« Le Seigneur dit à Moïse : « Procure-toi des aromates : storax, ambre, galbanum aromatique et encens pur, en parties égales. Tu en feras un encens parfumé qui soit salé, pur et saint. C’est une œuvre de parfumeur. Tu en réduiras une partie en poudre que tu mettras devant l’arche du Témoignage, dans la tente de la Rencontre ; là je te laisserai me rencontrer. Pour vous, ce sera chose très sainte. L’encens composé selon cette recette, vous ne l’utiliserez pas pour votre propre usage : il sera saint, réservé au Seigneur. Celui qui en fera une imitation pour jouir de son odeur sera retranché de sa parenté. » (Ex 30,34-38).

En imitant les mages, Dieu nous demande de lui offrir l’encens de la foi, avec lequel nous le reconnaissons « Dieu avec nous ».

Le don de la myrrhe signifie que les mages croyaient que l’humanité de l’enfant Dieu qu’ils adoraient était une humanité réelle et vraie et, par conséquent, mortelle. En effet, dit toujours saint Thomas : « Les trois dons peuvent se référer à la foi. (…) La myrrhe fait référence à la mortalité de l’homme ». L’interprétation de la myrrhe comme une référence explicite à son humanité mortelle correspond au sens littéral de l’évangile d’aujourd’hui, puisque la myrrhe est explicitement mentionnée comme substance pour oindre le corps de Jésus (Lc 23,56 ; Jn 19,39). Chez Luc, ce sont les femmes qui préparent la myrrhe ; chez Jean c’est Nicodème qui porte une grande quantité de myrrhe. De cette façon, nous avons aussi une référence à la Rédemption que Jésus-Christ accomplira avec sa mort sur la Croix.

Mais il y a encore deux aspects à souligner chez les rois mages, le risque qu’ils affrontent et la joie d’adorer le Christ.

A propos de Mt 2,2, où les Mages expriment leur désir d’adorer le Roi des Juifs qui est né, saint Thomas dit : « Ici, il faut se poser une question. Comment se fait-il que les mages, sachant que Jérusalem avait déjà un roi, disent cela? Parce que quiconque professe qu’il y a un roi dans une ville qui a déjà un roi est en danger de mort. Mais ils l’ont certainement fait par zèle pour leur foi. De là on voit qu’ils anticipaient déjà cette foi intrépide dont le Seigneur parlerait : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme » (Mt 10.28) “.

En ce qui concerne la joie, on doit considérer que la phrase avec laquelle l’évangéliste Matthieu décrit cette joie des mages lorsqu’ils trouvèrent l’Enfant et l’adorent est sans précédent dans toutes les Saintes Écritures. Il aurait pu simplement dire, dans le langage toujours bref de l’Écriture Sainte : « Ils se réjouirent ». Ou bien « Ils étaient très heureux ». Mais non. Il y ajoute encore deux mots qui, dans l’ensemble de la phrase et avec une traduction littérale, sonneraient comme ceci : « Ils se réjouirent d’une immense joie » (Mt 2,10). En grec, cela dit littéralement : « Ils se réjouirent », « avec une joie » « grande » et « énormément ».

Saint Thomas décompose en détail cette joie, qui est une belle conséquence de la contemplation de l’Enfant et l’adoration qui s’ensuit. Dans ce « ils se réjouirent », saint Thomas voit la cause du bonheur ou de la joie. Cette cause est la reprise de l’espoir, qu’ils perdaient déjà devant les difficultés à retrouver l’Enfant. Dans « avec joie », saint Thomas voit la qualité de cette joie : c’est quelque chose d’absolument surnaturel qui n’a rien à voir avec une joie mondaine. Dans l’adjectif « grand », saint Thomas voit le contenu de la joie : les grandes choses de Dieu qu’ils voient. Ces grandes choses sont : l’Incarnation et la révélation d’un Dieu très miséricordieux. Dans « énormément », saint Thomas découvre l’intensité de la joie : on pourrait donc le traduire par « intensément », une joie très intense.

Demandons aujourd’hui à la sainte Vierge et saint Rois Mages la grâce de chercher dans nos vies le Christ et de nous réjouir lorsque nous Le trouvons près de nous, dans notre cœur.

P. Luis Martinez IVE.


Comment saint Joseph revint à Bethléem et y reçut les saints Rois Mages

Après la Présentation de Jésus dans le Temple. Joseph revint à Nazareth avec Marie et l’Enfant (Luc, II, 39). Mais bientôt, sans doute, la Sainte Famille regagna Bethléem pour s’y établir. En réalité, Bethléem était la patrie de Jésus, le lieu de sa naissance ; Bethléem était à proximité de Jérusalem et, sous plus d’un rapport, cette proximité offrait des avantages. On sait que, plus tard, au retour de l’Égypte, Joseph songeait à se fixer à Bethléem.

Il pouvait y avoir un an que la Sainte Famille résidait à Bethléem, lorsque, soudain, des Mages venus de l’Orient arrivèrent à Jérusalem. « Où est le roi des Juifs qui est nouvellement né ? » demandèrent-ils. « Nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus l’adorer » (Mt. II, 2). Cette question, franchement posée, troubla Hérode et mit toute la ville en émoi. Hérode, embarrassé mais dissimulé, ne trouva rien de mieux à faire que de s’enquérir auprès des princes des prêtres et des scribes du lieu où le Messie devait naître. Ils lui dirent que c’était à Bethléem. Hérode transmit la réponse aux Mages, leur recommandant de s’informer exactement de l’Enfant, de lui faire savoir lorsqu’ils l’auraient trouvé, « afin, dit-il, que j’aille aussi moi-même l’adorer » (Matth., II, 8). Guidés par l’étoile qui, à leur grande joie, leur apparut de nouveau à leur sortie de la ville, les Mages arrivèrent à Bethléem.

Devant Hérode

Les Mages venaient d’une contrée située à l’orient de la Judée. C’étaient de nobles personnages, des sages, peut-être des princes d’une famille royale ; peut-être connaissaient-ils les Saints Livres. Une inspiration d’en haut leur avait appris qu’à l’apparition d’une étoile extraordinaire dans le ciel, ils auraient à rechercher le Roi Messie pour l’adorer. Cette étoile parut au moment de la naissance du Seigneur ou un peu plus tard ; et dès lors, ils se firent un devoir de suivre cette indication : c’est, du moins, ce que nous pouvons conclure de leur présence auprès de la crèche du Sauveur. Ils vinrent donc à Bethléem et trouvèrent la demeure du divin Enfant. Sans doute, ils s’arrêtèrent au Khan de la petite ville avec leur suite et ils firent demander à la Sainte Famille s’ils pouvaient se présenter, ajoutant que, sur l’indication d’une étoile, ils étaient venus pour adorer l’Enfant. Saint Joseph reçut les envoyés avec sa courtoisie habituelle.

A leur tour, les Rois Mages parurent avec leurs serviteurs portant, dans des corbeilles et des cassettes, de précieux présents, car en Orient on n’approche point d’un prince sans offrir quelque riche cadeau. Marie accueillit les nobles visiteurs avec une gracieuse simplicité. Jésus reposait entre ses bras. A sa vue, ils se prosternèrent devant lui : pénétrés d’une foi vive, d’une humilité profonde, ils l’adorèrent avec amour, ils s’offrirent à lui sans réserve. En vérité, ils étaient des sages ! en vérité, ils étaient des Rois ! La sagesse de leur esprit, la royale grandeur de leur cœur ne se scandalisèrent point de constater que l’Enfant divin était inconnu à Jérusalem ; la simplicité, la pauvreté de la demeure de Bethléem ne les déconcertèrent point. Sans juger d’après les apparences, ils suivirent les inspirations de leur cœur, ils crurent à ce que Dieu leur révélait.

Prenant alors les présents que leurs serviteurs avaient apportés, ils offrirent à Jésus de l’or, de l’encens et de la myrrhe – dons mystérieux qui symbolisaient les sentiments de leur cœur, – la foi, l’amour, l’adoration – en même temps que la divinité, la royauté et la mission rédemptrice de l’Enfant. Jésus agréa cet hommage dont il savait toute la signification. Dans l’âme des Mages, il répandit l’abondance de ses grâces ; il bénit en eux les prémices des gentils. Sans doute, les royaux pèlerins s’entretinrent ensuite avec Marie et Joseph qui, avec une noble simplicité, racontèrent les circonstances de l’avènement du Sauveur. Pour la première fois, Marie se fait l’Apôtre des Gentils, et Joseph a une part à cet apostolat. Les Mages, devenus chrétiens, rapportèrent la foi chez leur peuple.

Toutefois, ils ne passèrent point par Jérusalem. « Ayant reçu, pendant qu’ils dormaient, un avertissement du ciel de ne point aller trouver Hérode », qui avait résolu de perdre l’Enfant, « ils s’en retournèrent en leur pays par un autre chemin » (Mt., II, 12) – le chemin qui, au sud, va traverser le Jourdain.

La merveilleuse visite des Mages fut une joie pour Marie et pour Joseph.

Notre saint fut heureux de se rencontrer avec ces pieux personnages dont les sentiments avaient plus d’une analogie avec les siens ; mais surtout il se réjouit pour le grand honneur qui était fait à Marie et à Jésus. La sagesse de l’Orient était venue rendre hommage à la divine Sagesse de cet humble Enfant. Quelle magnifique révélation de la royauté du Sauveur ! A peine né, il commence à régner ; il est pauvre, et on dépose à ses pieds l’or et les richesses ; des contrées lointaines, il appelle à lui ses serviteurs et ses adorateurs ; le ciel et la terre lui obéissent ; ses ennemis tremblent à la seule annonce de son avènement. Le mystère de l’adoration des Mages est, pour ainsi dire, le Thabor de la sainte Enfance de Jésus. Dans sa joie, Joseph dit sans doute, lui aussi : « Il est bon d’être ici : dressons-y trois tentes. » Comment, enfin, dans ce mystère de la vocation des Gentils ne pas voir une annonce du rôle de saint Joseph à l’égard des Missions chez les infidèles ? Un jour, en effet, l’Eglise le proclamera Patron de ces Missions.

Adoration des Mages. Bienheureux Fra Angelico

Une ancienne mosaïque de Notre-Dame de Paris (XIIIe siècle) indique très bien la part prise par saint Joseph à ce mystère et la place importante qu’il y occupe : le saint est sous un baldaquin ; il s’appuie sur son bâton, il observe et semble attendre l’hommage des royaux visiteurs[1]. Plus tard, Fra Angelico nous montre saint Joseph s’entretenant avec l’un des Rois Mages dont, sans doute, il éclaire la foi ; ou bien ouvrant une cassette qui renferme l’un des riches présents apportés, afin de l’offrir au divin Enfant au nom des Gentils. N’est-ce pas déjà le Patron et le Protecteur des Missions ?

Saint Joseph, dans la Vie de Jésus-Christ et dans la Vie de l’Eglise

R. P. M. Meschler S. I.


[1] Nous devons ajouter que, d’après d’autres auteurs, le personnage en question serait une femme.