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“Tu marcheras mieux sur le chemin du bien si le mal n’est pas couvert à tes yeux”

Lire l’évangile du troisème dimanche du temps de l’Avent  (Mt 11, 2-11)

Ce dimanche, nous célébrons le dimanche appelé de « Gaudete », mot qui veut dire « Réjouissez-vous » ; c’est parce que l’antienne d’ouverture (que nous avons remplacée par le chant d’entrée, commence avec ce mot, pris d’un verset de la lettre aux chrétiens de Philippe) : « Soyez toujours joyeux dans le Seigneur ! Je vous le répète : soyez joyeux. »

L’Eglise nous rappelle encore dans la deuxième lecture d’aujourd’hui, celle de la lettre de saint Jacques, cet esprit de paix et de joie, traduit par le mot « patience » ; prenez patience, vous aussi, et tenez ferme car la venue du Seigneur est proche. Alors, il est intéressant de voir ce mot en grec,  hypomoné. Et sa signification est loin de ce que certains de nous peuvent penser par rapport à la patience, parce qu’elle est parfois interprétée comme une résignation aux bras croisés à un malheur qu’on ne peut pas éviter. Tandis que ce mot «hypomoné » désigne plutôt le fait d’avoir un cœur héroïque, un cœur qui est capable de défier et de lutter contre les vagues agitées des doutes, des souffrances et des adversités de la vie, afin de les dépasser et de surgir de l’autre part, plus fort qu’il ne l’était auparavant.

Mais, d’après les deux autres lectures, nous pouvons appeler ce troisième dimanche « le dimanche des Prophètes ». Dans la première lecture on retrouve aujourd’hui ainsi le prophète Isaïe, il annonce la venue de Dieu sauveur « Il vient lui-même et va vous sauver », et c’est la prophétie comme nous le savons, du nom de Jésus c’est-à-dire « Dieu sauve ». Quant à l’évangile, saint Mathieu nous présente le dernier des prophètes, Saint Jean Baptiste mais non dans son ministère, plutôt à la fin de sa vie, dans la prison, nous sommes dans le chapitre 11 de l’évangile de Mathieu.

Jean Baptiste, déjà prisonnier du Roi Hérode, envoie ses disciples demander au Seigneur si c’est lui le Messie ou s’il fallait attendre un autre. Certains se demandent comment saint Jean pouvait ignorer qui était Jésus, s’il l’avait signalé comme l’Agneau de Dieu dans le fleuve du Jourdain ? La réponse nous est donnée par saint Jérôme : « ce n’est point par ignorance qu’il interroge, mais de la même manière que le Sauveur demandait en quel endroit le corps de Lazare avait été déposé, afin de préparer ainsi à la foi ceux qui lui indiquaient le lieu de sa sépulture, et de les rendre témoins de la résurrection d’un mort. C’est ainsi que Jean-Baptiste, sur le point d’être mis à mort par Hérode, envoie ses disciples à Jésus-Christ, pour qu’ils aient occasion de voir ses miracles et ses prodiges, et qu’ils puissent croire en lui, et s’instruire eux-mêmes en l’interrogeant au nom de leur maître » (Catena Aurea de saint Thomas d’Aquin, Sur saint Mathieu).

Après donc que les disciples de saint Jean soient repartis le Seigneur fait un éloge de ce grand prophète, plus qu’un prophète en fait, parce qu’il a indiqué de son doigt le Messie. On peut dire qu’il est le dernier de tous les prophètes de l’Ancien Testament, mais il est aussi déjà dans la nouvelle alliance, c’est cela que le Seigneur veut dire dans les paroles avec lesquelles finit l’évangile de ce dimanche.

Ce héros, selon le Seigneur, ne s’agitait pas devant les différentes opinions, comme le roseau agité par le vent, il ne s’adapte pas à ce que propose le monde.

Saint Jean était convaincu de ce qu’il était, il connaissait par ailleurs sa mission, le baptiste était convaincu de ce qu’il fallait faire pour préparer la venue du Seigneur, et il vivait en conséquence.

Bien que soit grande, la distance qui existe entre la sainteté de saint Jean et la sainteté que nous recherchons à vivre comme chrétiens, sa vie nous laisse pourtant un grand enseignement que nous pouvons saisir: nous devons être conscients de ce que nous sommes, soit devant Dieu, soit devant les hommes, soit devant nous-mêmes. Nous devons avoir surtout une grande connaissance de nous-mêmes pour progresser dans la connaissance de la Vie de Dieu en nous. Comme saint Jean, dès qu’on lui a posé la question sur qui il était, il a répondu : « je suis la voix qui crie dans le désert.»

Il est bien connu dans l’histoire de l’Eglise  que Saint Bernard écrivait des lettres au pape de son temps, le pape Eugène. Parmi d’autres recommandations qu’il lui donnait par rapport à la charge comme guide de toute l’Eglise, Saint Bernard lui adressait ce grand conseil sur Eugène lui-même : « rien ne sert de connaître tous les mystères si vous ignorez qui vous êtes. Que la considération de toute chose commence en vous-même et qu’en vous elle finisse ».

Alors, quelle est la façon de se connaître soi-même ? Il s’agit d’une connaissance très vaste, il s’agit par exemple de connaître nos forces, nos intentions, les talents, mais aussi nos faiblesses, nos points faibles comme personnes et comme chrétiens… les penchants ou les inclinaisons à certains péchés, etc.

Par rapport à tous les avantages que nous apporte cette connaissance de nous-mêmes, il y en a plusieurs.

C’est peut être assez étonnant mais cette connaissance nous aide à la pénitence, rappelons-nous que le Seigneur nous dit « mais si vous ne faites pas pénitence, vous périrez tous de même » Lc. 13, 1. La pénitence est donc nécessaire pour nous sauver. Alors quelle pénitence pouvons-nous faire si nous ignorons ce que nous faisons de mal ? Et si c’est le cas, il y a en conséquence un manque de connaissance de nous-même.

Elle nous est utile aussi pour savoir réparer nos fautes, par exemple une méconnaissance de nous-mêmes nous pousse généralement à l’orgueil, et par là vient aussi le mépris nos frères et sœurs, soit par des gestes, soit par les paroles (voir la médisance).

Elle nous sert dans notre connaissance de Dieu, devant la majesté de Dieu notre petitesse apparait de manière plus qu’évidente. Ce qui faisait dire à Sainte Catherine de Sienne : « devant Dieu je ne suis que rien plus les péchés ». Nous le savons, le premier pas vers la sainteté est donc de vivre une authentique humilité.

Mais, il ne s’agit pas de considérer seulement l’aspect négatif dans tout ce qu’implique notre propre connaissance.

Cette considération ne s’arrête pas en nous-mêmes, ni dans ce qui nous manque ; dépassant cela elle arrive à voir le pouvoir de Dieu en nous qui nous pousse malgré nos faiblesses à faire des grandes choses pour Lui : « Je peux tout supporter avec celui qui me donne la force » (Philp. 4, 13).

Nous devons reconnaître en plus la valeur de notre âme pour la protéger des dangers, une vérité très belle exposée par saint Paul : Mais ce trésor, nous le portons comme dans des vases d’argile ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous. (2 Cor 4,7)

Faisant le commentaire de la Genèse lorsque le livre dit que tout arbre produisait le fruit selon son espèce, Saint Ambroise écrivait : « Et toi homme, tu dois produire selon la nature que Dieu t’a donnée, et comme dit saint Paul, tu appartiens à la race de Dieu ».

Enfin, le fait d’arriver à avoir une bonne connaissance personnelle (défauts, mauvaises inclinations, dons, talents) nous aide énormément soit dans le service de Dieu, soit devant nos frères et sœurs, à accomplir de façon la plus sainte que possible notre devoir d’état. Saint Bernard disait au pape Eugène : « avoir cette connaissance c’est comme se mettre devant un miroir, sans que rien ne soit caché. Tu marcheras mieux sur le chemin du bien si le mal n’est pas couvert à tes yeux ».

Finalement quels moyens avons-nous pour approfondir cette connaissance ?

D’abord, comme il est évident, un sincère et habituel examen de conscience.

Saint Ignace dit que le démon se comporte parfois avec nous comme un ennemi qui veut occuper une ville, « il rôde sans cesse autour de nous ; il examine de toutes parts chacune de nos vertus théologales, cardinales et morales, et, lorsqu’il a découvert en nous l’endroit le plus faible et le moins pourvu des armes du salut, c’est par là qu’il nous attaque et qu’il tâche de remporter sur nous une pleine victoire ». Cet examen de conscience sera donc plus utile dans notre vie, lorsqu’il se fera plus objectif, travaillant pour enlever le défaut, ou le péché où nous tombons le plus régulièrement, ou à l’opposé, une vertu qu’on a pas tout à fait acquise dans notre vie spirituelle.

En général aussi savoir ce que nous sommes par nature, un corps qui va se corrompre avec la mort (et cela doit éloigner toute vanité de nous-mêmes) et une âme qui est immortelle et pour laquelle nous devons travailler pour qu’elle se sauve.

Une connaissance de ce que nous sommes par vocation : « chrétiens » et en tant que chrétiens nous avons de grands droits mais aussi de grandes obligations.

Une connaissance de ce que nous sommes dans ce monde : ce que nous devons accomplir comme mission, avoir une conscience claire de ce que notre mission est toujours quelque chose qui regarde la vie Eternelle.

Demandons à Saint Jean Baptiste et à la très Sainte Vierge Marie la grâce d’une bonne connaissance de nous-mêmes et d’une vie tout orientée vers le Christ.

P. Luis Martinez V. E.

Institut du Verbe Incarné

“ET LE FRUIT DE TES ENTRAILLES EST BENI”

Lire l’évangile de ce dimanche (Lc 1, 39-45)

Ce dernier dimanche du temps de l’Avent est consacré à la Vierge Marie et à son rôle fondamental dans le mystère de notre Salut, dans le mystère de l’Incarnation et de la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ.

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Ville de Bethléem aujourd’hui

Un simple regard, d’abord, sur les lectures de ce jour, le prophète Michée nous annonce que la ville de Bethléem est choisie par Dieu pour que son Fils vienne au monde. L’Eglise veut nous montrer avec cela que les temps se sont accomplis et que rien ne manque dans le dessein de Dieu. La promesse de nous envoyer un Rédempteur se réalise.

Dans la deuxième lecture, la lettre aux Hébreux nous dévoile la réponse du Fils de Dieu et le don qu’Il a fait de lui-même, l’Esprit Saint a voulu nous le révéler dans ce passage du nouveau Testament : « En entrant dans le monde, le Christ dit, d’après le Psaume : Tu n’as pas voulu de sacrifices ni d’offrandes, mais tu m’as fait un corps. Tu n’as pas accepté les holocaustes ni les expiations pour le péché ; alors, je t’ai dit : Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté. »

Alors ces deux lectures nous aident évidement à méditer le passage de l’Evangile, celui de la visitation de la Vierge à sa cousine Elisabeth. Le Fils de Dieu dans le sein de la Trinité accepte d’accomplir le Plan de Rédemption dans le monde « Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté », la Vierge Marie au moment de l’Annonciation accepte elle aussi sa mission de Mère du Christ, participant d’une manière très proche à la Rédemption de toute l’humanité « Voici la servante du Seigneur; qu’il me soit fait selon ta Parole! », et c’est ainsi que Marie, avec ce voyage qu’elle entreprend, commence Sa mission.

C’est juste après la scène de l’Annonciation que Saint Luc met ce passage de la Visitation comme une continuation logique. Nous pouvons contempler la foi de la Vierge Marie qui se traduit en des œuvres concrètes.

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Saint Luc commence en disant que Marie « se met en route rapidement », cela traduit le verbe grecque « anîstemi », le même verbe que Saint Luc utilise lorsqu’il veut parler des actions qui ont été impulsées pour ainsi dire « par l’Esprit Saint », c’est aussi le même verbe qu’il utilise au moment de la Résurrection du Seigneur. C’est l’Esprit Saint qui fait que Marie prenne la route rapidement vers la Judée.

Alors, plus qu’un acte de charité dont nous pouvons aussi beaucoup apprendre, nous devons contempler surtout la mission spirituelle de la Vierge « portant celui qui la portait », comme dit saint Bernard.

Si l’on compare ce voyage vers la maison de sa cousine avec le premier voyage du Seigneur (lorsqu’Il est sorti pour prêcher la nouvelle) on découvre une grande similitude, parce que le Seigneur sort de Nazareth pour commencer sa mission vers la Judée. On peut dire qu’Il avait déjà fait une première mission par sa Mère et dans le sein de sa Mère, il en fera une deuxième pour aller naître à Bethleem. La visitation est donc la première mission du Seigneur.

La Vierge Marie amène le Seigneur à ceux qui l’attendaient, l’Enfant Jésus se presse pour sanctifier les hommes avec sa Venue, Il veut sanctifier d’abord celui qui allait préparer son chemin. Marie part pour servir son Seigneur, pour annoncer la bonne nouvelle.

L’Eglise donne à Marie le titre de Médiatrice de toutes Grâces, et nous voyons cela de façon admirable dans cet évangile : « lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli (il a bondi) d’allégresse au-dedans de moi », voilà comment s’est accomplie la prophétie de Malachie « pour vous qui craignez mon Nom, se lèvera un soleil de justice, et la guérison sera dans ses rayons ; vous sortirez et vous bondirez comme des veaux d’étable ». Ce n’est pas seulement déjà l’annonce de l’Evangile, c’est une anticipation de la Pentecôte, parce que saint Jean sera rempli de l’Esprit Saint, et avec lui aussi sa mère, Elisabeth.

Elle félicite à son tour, la Vierge pour sa foi: « Heureuse toi qui as cru ». Expliquant ces paroles, saint Ambroise de Milan va faire une belle application pour nous les chrétiens. Il dit : « Heureux, vous aussi qui avez entendu et qui avez cru ; car toute âme qui croit conçoit et engendre le Verbe et le reconnaît à ses œuvres.

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Tableau composé par le Bx. Charles de Foucauld

Heureux, vous aussi qui avez entendu et qui avez cru ; car toute âme qui croit conçoit et engendre le Verbe et le reconnaît à ses œuvres.

Que l’âme de Marie soit en chacun de vous, pour qu’elle exalte le Seigneur ; que l’esprit de Marie soit en chacun de vous, pour qu’il exulte en Dieu.

S’il n’y a, selon la chair, qu’une seule mère du Christ, tous engendrent le Christ selon la foi. Car toute âme reçoit le Verbe de Dieu, pourvu qu’elle soit irréprochable et préservée des vices en gardant la chasteté dans une pureté intégrale. 

Toute âme qui peut vivre ainsi exalte le Seigneur, comme l’âme de Marie a exalté le Seigneur, et comme son esprit a exulté en Dieu son Sauveur. »

Stitched Panorama
Basilique de la Visitation. Terre Sainte

La Vierge Marie a été conçue en plénitude de grâce et nous pouvons dire avec certitude que Dieu rempli de grâce notre âme au moment de notre baptême ou après la confession des péchés. Avec la grâce nous devons faire des grandes œuvres, à l’exemple de la Vierge Marie.

En arrivant à la fin de ce temps de l’Avent et aussi à la fin de l’année, le Seigneur nous invite à faire un examen de conscience : est-ce que notre vie de chrétiens produit de véritables fruits ? est-ce que nous sommes dociles à ce que Dieu nous demande dans nos vies ?

C’est ainsi que le Seigneur veut que nous préparions notre cœur pour célébrer sa Nativité. Nous demandons cette grâce à la très sainte Vierge Marie.

P. Luis Martinez V.E.

Monastère « Bienheureux Charles de Foucauld »