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Qu’Il nous conduise jusqu’à la claire vision de sa splendeur!

Solennité de l’Epiphanie de Notre Seigneur

Nous célébrons aujourd’hui le mystère de l’Epiphanie, un mot d’origine grecque composé par la particule « Epi » qui veut dire « sur » tandis que « phania » dérive du verbe phaino « illuminer, briller » ; on peut donc dire qu’il faisait référence à tout ce qui se manifestait, ce qui attirait l’attention, de la qu’Epiphanie est traduit dans les langues latines avec le mot « Manifestation ».

En fait, cette fête tient son origine dans la révélation de l’Enfant Jésus, l’Enfant Jésus se manifeste, se révèle aux hommes, spécialement à ces rois mages, si bien qu’Il s’était déjà manifesté aux bergers, et plus tard aussi au juste Siméon et à la prophétesse Anne dans le temple.

Mais l’évangile centre son attention et aussi la liturgie sur les mages venus d’Orient. L’évangile nous dit qu’ils étaient « mages », et ce mot, auquel nous sommes aussi habitués traduit, ou plutôt il est une translitération du mot persan « magousai ou magis », et il désignait plutôt des sages, qui réunissaient et avaient une connaissance de toutes les sciences du savoir ( philosophie, astronomie, médecine). La tradition nous dit qu’ils étaient aussi des rois d’Orient, et cela est dû à une application directe de la première lecture qui est une prophétie de ce mystère : Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore.  En tout cas, rien n’empêche de dire qu’ils étaient peut être aussi des rois. Ils étaient des personnages importants pour leur temps, lorsqu’ils entreprennent un long voyage, pour lequel il fallait aussi compter avec les moyens nécessaires.

Pour nous, le plus important c’est de savoir que nous sommes tous représentés en eux. Nous sommes tous vénus du peuple gentil, dans le sens dont parle l’apôtre Paul pour dire qu’on ne provient pas directement de la race juive.

Comme on a dit le Seigneur se manifestait dans sa naissance, mais pas à tous les hommes, Dieu a choisi ceux auxquels la Nativité de son Fils devait se révéler. Et dans ce choix il s’était manifesté, en quelque sorte, à toutes les catégories d’hommes.

Saint Paul dit (Col 3, 11), ” dans le Christ Jésus il n’y a plus ni homme ni femme, ni païens ni Juifs, ni esclaves ni homme libre “. Et pour que cela soit préfiguré dans la naissance même du Christ il a été manifesté à des hommes de toutes conditions. Parce que, dit S. Augustin, ” les bergers étaient des Israélites et les mages des païens. Les uns habitaient tout près, les autres venaient de loin. Il y a eu entre eux d’autres différences : les mages étaient sages et puissants, les bergers ignorants et simples. Il s’est aussi manifesté à des justes comme Siméon et Anne, et à des pécheurs comme les mages ; il s’est encore manifesté à des hommes et à des femmes, comme Anne, pour montrer que nulle condition humaine n’est exclue du salut du Christ.

Ces trois rois, qui habitaient à l’Orient, se mettent en marche vers le Seigneur. Ils seront guidés par une étoile qui est devenue, elle aussi un peu notre symbole de Noël.

Voyons que Dieu utilise avec les différentes personnes avec qui Il manifeste sa Nativité selon la façon dont chacun pouvait la recevoir et était habitué à le faire. Par exemple, pour Siméon et Anne, des justes selon l’Ecriture, ils étaient habitués donc à recevoir les messages de Dieu par l’inspiration de l’Esprit Saint, à eux Dieu leur parle directement au cœur. Aux bergers, qui connaissaient l’histoire du peuple d’Israël, ils savaient parfaitement que c’était à travers les anges que Dieu annonçait les grands évènements à son peuple, le message de la nativité du Messie vient à travers l’annonce de l’Ange. Tandis que finalement, les mages, païens habitués à regarder les corps célestes, Dieu va les guider par une étoile.

Alors, comment était cette étoile qui les guide ? : L’etoile n’était pas comme l’une des étoiles que nous contemplons dans notre ciel, mais plutôt c’était un astre nouveau apparu pour l’enfantement nouveau d’une vierge. En fait elle ne se trouvait dans le ciel, mais dans l’air proche de la terre, et elle se mouvait selon la volonté de Dieu.

Et Saint Jean Chrysostome nous donne de nombreux indices qui manifestent cela.

1° Aucune autre étoile ne suit cette direction, car celle-ci se portait du nord au midi; c’est en effet la situation de la Judée par rapport à la Perse, d’où les mages sont venus.

2° C’est évident quant au temps. Car non seulement cette étoile apparaissait la nuit, mais aussi en plein jour. Ce qui n’est au pouvoir d’aucune étoile, ni même de la lune.

3° Parfois elle se montrait et parfois elle se cachait. En effet, quand les mages entrèrent à Jérusalem elle se cacha ; ensuite, quand ils quittèrent Hérode, elle se montra.

4° Elle n’avait pas un mouvement continu, mais quand il fallait que les mages se mettent en marche, elle marchait, et quand ils devaient s’arrêter, elle s’arrêtait.

5° Elle ne montrait pas seulement l’enfantement de la Vierge en demeurant en l’air, mais aussi en descendant. On lit en effet (Mt 2, 9): ” L’étoile qu’avaient vue les mages à l’orient les précédait jusqu’à ce qu’elle s’arrêtât au-dessus du lieu où était l’enfant. “

Nous allons conclure encore avec une petite remarque, malheureusement la traduction de notre texte liturgique n’est pas tout à fait fidèle au texte originel. En effet, les rois disent à Hérode « Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus « l’adorer », mais le texte de la liturgie dit « nous prosterner devant lui ». De même pour le moment où ils trouvent l’Enfant et sa Mère, « tombant à ses pieds, ils adorent l’Enfant » Et il est nécessaire de préciser cela, parce que on peut se prosterner devant une personne humaine, par exemple un roi, tandis que l’adoration est seulement due à Dieu.

Le roi qu’ils cherchent est au même temps, un Dieu, le Dieu tout puissant. Et c’est pour nous le plus important, ces gens qui n’appartenaient pas au peuple d’Israël sont illuminés par Dieu, Dieu vient les chercher avec un signe, comme on a dit, qui leur était familier, mais Il les guide pour adorer le vrai Dieu, et dans les cadeaux qu’ils lui offrent nous est aussi révélé la vérité de cet Enfant.

Comme nous explique Saint Jean Chrysostome, ” si les mages étaient venus chercher un roi de la terre, ils auraient été déçus; car ils auraient supporté sans raison la fatigue d’un si long trajet “. Mais, cherchant le roi du ciel, ” quoique ne voyant rien en Jésus de la dignité royale, ils se contentèrent cependant du témoignage de l’étoile, et ils l’adorèrent “. En effet, ils voient un homme et ils reconnaissent Dieu. Et ils offrent des présents accordés à la dignité du Christ. ” L’or, comme au grand Roi ; l’encens, qui sert dans les sacrifices divins, comme à Dieu; la myrrhe, dont on embaume les corps des défunts, comme à celui qui doit mourir pour le salut des hommes. “

Saint Grégoire nous dit encore : Nous apprenons par-là ” à offrir au Roi nouveau-né l’or “, qui symbolise la sagesse, ” lorsque nous resplendissons en sa présence de la lumière de la sagesse; l’encens ” qui exprime le don de soi dans la prière, ” nous l’offrons quand, par l’ardeur de notre prière, nous exhalons devant Dieu une bonne odeur; et la myrrhe, qui symbolise la mortification de la chair, nous l’offrons si nous mortifions nos vices charnels par les sacrifices “.

Renouvelons donc la grâce de la prière collecte: nous le connaissons déjà par la foi, qu’il nous conduise jusqu’à la claire vision de sa splendeur. Et demandons aussi la grâce pour ceux qui n’ont pas encore connus le Christ qu’ils viennent dans sa véritable maison, qui est l’Eglise aussi l’adorer comme Dieu.

P. Luis Martinez IVE.

“La valeur d’une âme se mesure à l’amour qu’elle a pour Dieu”

Homélie pour le Dimanche XXXI, année C (Mc 12, 28b-34).

« Quel est le premier de tous les commandements ? » c’est la question posée par un des scribes, le Seigneur est déjà à Jérusalem, quelques jours avant sa passion et sa mort, c’est la semaine Sainte de sa vie, et il aura plusieurs discussions avec les chefs religieux, les pharisiens et les scribes. Une de ces discussions porte précisément sur le grand commandement de la loi que l’évangile nous présente ce dimanche.

L’évangéliste saint Matthieu écrit dans son évangile que ce scribe voulait mettre à l’épreuve le Seigneur, ce qui serait contradictoire avec les paroles que Notre Seigneur lui adresse à la fin dans l’évangile de saint Marc que nous venons de proclamer : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Saint Augustin nous donne alors la solution : « d’abord, il se présente avec l’intention de le mettre à l’épreuve, mais, comme le Christ  répond de manière satisfaisante, il lui donne son accord. Il n’est pas étonnant que les paroles du Seigneur lui aient remué l’âme, et donc qu’une conversion se soit produite au fond du cœur de ce docteur de la loi ».

Le Seigneur rappelle ce grand commandement déjà proclamé par Moïse, et nous l’avons évoqué dans la première lecture.

Mais nous devons remarquer que Moïse commande donc deux choses : la crainte et l’amour : « Tu craindras le Seigneur ton Dieu », et après avoir explicité cette crainte, il ajoute : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. »

« Et pourquoi le Seigneur n’a-t- il pas répondu au sujet de la crainte, mais de l’amour ? » se demande saint Thomas d’Aquin, que nous allons suivre dans ce sermon (d’après son Commentaire à l’évangile de saint Matthieu). Et le grand saint répond : « Il faut dire que certains craignent Dieu parce qu’ils craignent d’être punis par Lui, comme ceux qui craignent la peine de la géhenne (de l’enfer), ou comme ceux qui craignent de perdre quelque chose qu’ils tiennent de Dieu : cela est la crainte servile, car on aime [alors] ce par quoi l’on peut être puni. »

« Mais, il existe une autre crainte qui craint Dieu pour Lui-même, qui craint de l’offenser : une telle crainte vient de l’amour, et l’on craint ce que l’on aime. Elle est donc le principe de l’amour. 1 Jn. 4, 16 : Dieu est amour, et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. C’est pourquoi le Seigneur dit : ‘Tu aimeras le Seigneur’ ; non pas tu le craindras, car Dieu doit être aimé comme le premier objet susceptible d’être aimé, puisqu’il est la fin première, alors que tout le reste est aimé en vue de la fin (aimé pour Dieu). Celui-là donc qui aime Dieu comme la fin (unique) l’aime de tout son cœur.

Moïse avait décrit l’exigence de l’amour comme une impulsion de l’homme dans ses différentes puissances, le Seigneur ne fera que répéter ces paroles : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force ».

Saint Jean Chrysostome explique que dans l’amour, il y a deux choses, l’une qui en est le principe, l’autre qui est l’effet de l’amour et la conséquence de l’amour. D’où provient l’amour ? Le principe de l’amour est double. En effet, l’amour peut venir de la passion et du jugement de la raison : de la passion (sensibilité), lorsque l’homme ne peut vivre sans ce qu’il aime ; de la raison, lorsqu’il aime selon ce que dicte la raison. Il dit donc que celui-là aime de tout son cœur qui aime de manière sensible, et que celui-là aime de toute son âme, qui aime selon le jugement de sa raison. Et nous devons aimer Dieu des deux façons. Sensiblement, de sorte que notre cœur soit affecté par Dieu, comme le dit le Psaume 83: ‘Mon cœur et ma chair crient de joie vers le Dieu vivant’ ; et rationnellement, c’est avec notre intelligence, cherchant la connaissance de Dieu. Saint Jean Chrysostome parle aussi de la conséquence de l’amour, car celui que j’aime, je le vois volontiers, je pense à lui volontiers, je fais volontiers ce qui lui plaît. Jn 14, 23 : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure »,  et le Ps 83, 2-3 : « De quel amour sont aimées tes demeures, Seigneur, Dieu de l’univers ! Mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur ».

« Et L’aimer de toutes tes forces », car celui qui aime Dieu se transporte totalement en Lui et se dépense pour Lui, s’applique à Le rechercher.

Saint Augustin fait une distinction entre le cœur, l’âme et l’esprit en fonction des trois choses qui procèdent d’eux. Du cœur sortent les pensées ; de l’âme procède la vie ; de l’esprit, la science et l’intelligence. Ainsi, lorsque le Seigneur dit : « de tout ton cœur », il faut comprendre que nous rapportons à Lui toutes nos pensées ; « de toute ton âme », que nous lui rapportons toute notre vie ; « de tout ton esprit », que toute science lui est rapportée, c’est-à-dire que nous procurions la science pour le servir.

Une fois ceci affirmé, le Seigneur ajoutera : « voilà le plus grand et le premier commandement ». Le plus grand par sa capacité : en effet, c’est celui dans lequel tout est contenu, car en celui-ci l’amour du prochain est contenu, selon ce que dit 1 Jn. 4, 21 : « Celui qui aime Dieu aime aussi son frère ». Il est donc le plus grand. Il est aussi le premier par l’origine, le plus grand en dignité et en capacité.

Le Seigneur présente ensuite le second commandement : « le second lui est semblable : ‘tu aimeras ton prochain comme toi-même’.» Il a voulu montrer qu’il y a un ordre dans les commandements. Et quelle en est la raison ? Il est clair que les commandements portent sur les actes des vertus, Or, les vertus ont un ordre, car l’une dépend de l’autre.

Mais pourquoi dit-il qu’il est semblable au premier ? Parce que, lorsque l’homme est aimé, Dieu est aimé en lui, puisque l’homme est l’image de Dieu. Le second commandement est donc semblable au premier commandement, qui porte sur l’amour de Dieu.

« Tu aimeras ton prochain » :  Cela est suffisamment indiqué dans la parabole de bon samaritain, de Lc. 10, 36, où la question est posée : Qui a été son prochain ? Et il est répondu : Celui qui lui a montré de la compassion, qui a fait miséricorde. Mais il n’existe aucune créature rationnelle à qui nous ne devions montrer de la compassion.

Ensuite, « comme toi-même », c’est-à-dire comme la fin pour laquelle tu t’aimes ou à la manière dont tu t’aimes. Pour la fin, car tu ne dois pas t’aimer pour toi-même, mais pour Dieu ; de même en est-il pour le prochain, comme dit l’Apôtre, 1 Co 10, 31 : « Faites tout pour la gloire de Dieu ». De même, dans le fait de t’aimer, tu t’aimes du fait que tu te veux du bien, et un bien qui te convienne et soit conforme à la loi de Dieu, et cela est le bien de la justice. Aussi dois-tu souhaiter une bonne justice pour le prochain. Tu dois donc l’aimer soit parce qu’il est juste, soit parce qu’il est rendu juste.

De même, tu dois l’aimer à la manière dont tu t’aimes, car, lorsque je dis que j’aime celui-ci, je dis que je lui veux du bien. Ainsi, l’acte de l’amour porte sur deux choses : ou bien sur celui qui est bon, ou bien sur le bien lui-même que je lui veux. De sorte que j’aime celui-ci parce que je veux qu’il soit un bien pour moi.

Pour conclure, citons Saint Bernard qui enseignait que la valeur d’une âme se mesure à l’amour qu’elle a pour Dieu.

Vérité que saint Augustin avait aussi enseignée, lorsqu’il disait au Seigneur : « Il t’aime moins, celui qui aime quelque chose avec toi. », ou bien une autre traduction : « Il ne t’aime pas assez, celui qui aime en plus autre chose, sans l’aimer à cause de toi » 

Demandons à la très sainte Vierge Marie la grâce de vivre ce commandement en plénitude comme chrétiens.

P. Luis Martinez IVE.