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Que notre regard ne s’attache pas à ce qui se voit

Lire l’évangile du douzième dimanche du temps ordinaire: Mt 10, 26-33

Après le grand cycle de Carême et Pâques, suivi des solennités de la Sainte Trinité et de la Fête-Dieu, nous reprenons ce dimanche le temps ordinaire, qui se caractérise par la couleur verte des ornements liturgiques. Et nous reprenons au même temps la lecture de l’évangile de saint Mathieu, qui nous présente un enseignement du Seigneur adressé aux apôtres.

Saint Augustin commençait le commentaire de ce passage de l’évangile avec ce jeu de mots : « les paroles divines qui viennent d’être lues nous apprennent à ne pas craindre craignant et à craindre sans craindre ».

En fait, le Seigneur déclare que c’est seulement Dieu, celui qui possède le véritable domaine sur la vie et sur la mort, sur les corps mais aussi sur les esprits : « craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps ».

C’est-à-dire que « craindre » signifie respecter Sa Loi, Sa Volonté qui veut notre bien. Et pour cela, pour ne pas avoir une idée fausse de Dieu comme un être qui accomplit  son désir de façon tyrannique et despotique, sans se soucier des êtres inférieurs à Lui, le Seigneur nous rappelle que Dieu est avant tout un Père et rien ne se passe sans qu’Il le permette ou le veuille, qu’Il pense à nous, mieux que nous-mêmes, et pour cela la belle admonition de Jésus : « Soyez donc sans crainte. Vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. » Saint Jérôme a écrit dans son commentaire de cet évangile : « si la providence de Dieu s’étend à toutes les créatures, et si celles d’entre elles qui sont sujettes à la mort ne peuvent périr sans la volonté de Dieu, vous dont la destinée est éternelle, devriez-vous craindre que la providence vous abandonne dans le cours de cette vie ? » Ces paroles montrent l’immense providence de Dieu à l’égard des hommes, et sont une preuve de cet amour ineffable de notre Dieu pour lequel il n’y a rien de caché.

Mais les paroles du Seigneur ont une finalité bien déterminée à ce moment, Il ne veut pas parler exclusivement de la confiance que nous devons avoir par rapport à la Providence de Dieu, Il prépare les apôtres et nous prépare nous aussi à être forts et confiants  pour confesser son nom, pour rendre témoignage de Lui devant les hommes.

Comme vous l’avez déjà entendu peut être, en grec le mot témoin se traduit par « martyr ». A l’origine, tout témoin est un martyr, mais  l’Eglise a pris ensuite ce nom pour désigner le fidèle qui meurt à cause de la foi, il est témoin devant les hommes de la foi en Jésus-Christ et cela en temps de persécution ou bien devant un péril qui lui a coûté la vie.

En d’autres mots, dans le langage chrétien, un martyr est un témoin de la foi chrétienne, qui a méprisé toutes les choses visibles pour imiter tout d’abord son Maître Jésus-Christ et parce qu’il savait que les choses de ce monde passent, tandis qu’après la mort, une vie éternelle nous attend. Tous les martyrs de l’histoire ont vécu en quelque sorte ces paroles de saint Paul : « notre détresse du moment présent est légère par rapport au poids vraiment incomparable de gloire éternelle qu’elle produit pour nous. Et notre regard ne s’attache pas à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel. » II Cor 4, 17.

Le Martyr chrétien accepte donc perdre sa vie au lieu de nier le Christ, il donne en fait sa propre vie pour confesser la Vérité de l’Evangile, et pour cela Origène, grand écrivain chrétien dont le propre père est mort comme martyr, disait : « celui qui donne témoignage de la Vérité, soit avec les paroles soit travaillant de quelque manière pour elle, peut être appelé avec droiture témoin, martyr. »

Nous devons avoir une idée claire lorsqu’on parle du martyre, dans d’autres croyances par exemple, un martyr est la personne qui meurt pour accomplir une œuvre en  faveur de sa croyance, nous trouvons que leurs adeptes donnent le titre de martyr à ceux qui tuent les gens qui ne partagent pas leur  croyance, ou bien martyr est celui qui meurt en combat, par exemple.

Le Catéchisme de l’Eglise catholique nous rappelle que l’acte du martyre est le suprême témoignage rendu à la vérité de la foi ; il désigne un témoignage qui va jusqu’à la mort.

Le martyr rend témoignage au Christ, mort et ressuscité, auquel il est uni par la charité. Il rend témoignage à la vérité de la foi et de la doctrine chrétienne. Il supporte la mort par un acte de force. Comme disait saint Ignace d’Antioche condamné à mourir dévoré par les bêtes : « Laissez-moi devenir la pâture des bêtes. C’est par elles qu’il me sera donné d’arriver à Dieu ” (Rom. 4, 1).

Saint Thomas d’Aquin dit que parmi tous les actes de vertu, le martyre est celui qui manifeste au plus haut degré la perfection de la charité. Parce qu’on montre d’autant plus d’amour pour une chose que, pour elle, on méprise ce qu’on aime le plus en choisissant de souffrir ce qu’il y a de plus détestable dans ce monde. Ainsi il est évident que, parmi tous les biens de la vie présente, l’homme aime suprêmement cette vie même, et qu’au contraire il déteste suprêmement la mort elle-même, surtout quand elle s’accompagne de supplices. De ce point de vue, il est évident que le martyre est par nature le plus parfait des actes humains, comme témoignant de la plus grande charité selon cette parole (Jn 15, 13) : ” Il n’y a pas de plus grande charité que de donner sa vie pour ses amis. ” (cf. II-II, question 124)

Deux vertus agissent et resplendissent essentiellement dans le martyre, la première est la charité, celle qui règne dans l’acte du martyre, mais il faut souligner que c’est par la vertu de la force qu’il est réalisé, qu’il est conduit. Sans la charité, cet acte de souffrir n’aurait aucune valeur, mais à travers la vertu de la force, la personne qui subit le martyre pourra supporter les souffrances jusqu’à donner sa vie.

Ainsi, le martyr chrétien n’offre pas sa vie pour de simples idées, pour une culture, un peuple, une option politique, il le fait avant tout et surtout pour une personne : Jésus-Christ.

Il est évident que le fait d’offrir sa vie est un acte qui n’est pas facile, c’est héroïque, les martyres sont les héros de notre foi.

Mais mourir en martyr est une grâce, un don que Dieu veut donner à certains d’une façon spéciale. C’est un amour préférentiel, c’est être choisi pour cette mission suprême dans la vie. Mais c’est un don que nous devons être disposés à recevoir.

Pour lequel nous devons nous préparer à travers la prière et surtout avec une vie digne des chrétiens appelés à une si haute dignité.

 Saint Polycarpe avait écrit ces belles paroles par rapport à la dignité du Baptême : “Je te bénis pour m’avoir jugé digne de ce jour et de cette heure, digne d’être compté au nombre de tes martyrs … Tu as gardé ta promesse, Dieu de la fidélité et de la vérité. Pour cette grâce et pour toute chose, je te loue, je te bénis, je te glorifie par l’éternel et céleste Grand Prêtre, Jésus-Christ, ton enfant bien-aimé. Par lui, qui est avec Toi et l’Esprit, gloire te soit rendue, maintenant et dans les siècles à venir. Amen” (S. Polycarpe, mart. 14, 2-3).

Le Catéchisme nous apprend aussi : “Devant Pilate le Christ proclame qu’il est ‘ venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité ‘ (Jn 18, 37). Le chrétien n’a pas à ” rougir de rendre témoignage au Seigneur ” (2 Tm 1, 8). Dans les situations qui demandent l’attestation de la foi, le chrétien doit la professer sans équivoque, à l’exemple de S. Paul en face de ses juges. Il lui faut garder ‘ une conscience irréprochable devant Dieu et devant les hommes ‘  (Ac 24, 16).Le devoir des chrétiens de prendre part à la vie de l’Église les pousse à agir comme témoins de l’Evangile et des obligations qui en découlent. Ce témoignage est transmission de la foi en paroles et en actes. Le témoignage est un acte de justice qui établit ou fait connaître la vérité (cf. Mt 18, 16)”. (C. E. C. 2471-2472)

” Rien ne me servira des charmes du monde ni des royaumes de ce siècle. Il est meilleur pour moi de mourir [pour m’unir] au Christ Jésus, que de régner sur les extrémités de la terre. C’est Lui que je cherche, qui est mort pour nous ; Lui que je veux, qui est ressuscité pour nous. Mon enfantement approche ….” C’est l’adieu de saint Ignace d’Antioche(S. Ignace d’Antioche, Rom. 6, 1-2).

N’oublions pas l’admirable fécondité que donne à l’Eglise le sang versé des martyrs, selon les mots du grand Tertullien :  “Le sang des martyrs est semence de chrétiens”.

Prions et demandons aujourd’hui à la très Sainte Vierge Marie, la grâce d’être des vrais témoins de Notre Seigneur Jésus-Christ.

 ” La multitude voit avec admiration ce combat céleste, elle voit que les serviteurs du Christ ont tenu bon dans la bataille, avec une parole hardie, une âme intacte, une force divine. ” Saint Cyprien.

P. Luis Martinez V. E.

Institut du Verbe Incarné

 

Bienheureux Miguel Agustin Pro

Nous approchant de la Solennité du Christ Roi, nous voudrions vous présenter la vie d’un martyr mexicain, qui nous est très cher, il est mort le 23 novembre, en criant “Vive le Christ Roi”.Bienheureux Miguel A. Pro

Miguel Agustin (Michel Augustin) Pro Juarez naît en 1891 à Guadalupe au Mexique dans une famille profondément chrétienne. Son père est un ingénieur qui dirige l’exploitation d’une mine. Sa mère s’appelle Josefa Juarez. Le petit ‘Miguelito’, comme on l’appelle, manifeste un caractère très gai et même espiègle, prêt à jouer mille tours. Devenu grand, il abandonne un moment la pratique religieuse, mais il y revient, ému par l’entrée de sa sœur au couvent, et c’est le point de départ de sa vocation. Agé de vingt ans, il entre chez les Jésuites et fait ses premiers vœux le 15 août 1913. Inquiétés par le gouvernement mexicain anti-clérical, les Jésuites en formation doivent s’exiler aux Etats-Unis. Michel va aussi en Espagne (deux séjours) et au Nicaragua, pour aboutir en Belgique à Enghien où il achève son parcours de formation dans la maison d’études des jésuites français, eux aussi exilés, par leur gouvernement. Malgré sa mauvaise santé et de continuelles douleurs à l’estomac, le jeune jésuite se distingue par une joie inaltérable et communicative. Il est ordonné prêtre à 34 ans à Amiens, en août 1925. Lui qui venait d’un milieu aisé et qui aurait pu succéder à son père, il préfère les pauvres, et en particulier, il prend contact avec les mineurs belges et français qu’il a l’occasion de rencontrer ; il s’intéresse à la pastorale ouvrière et à la JOC naissante (Jeunesse ouvrière catholique).

Le père Pro prie avant son exécution
Le P. Pro prie avant son exécution

Malgré la persécution qui s’intensifie au Mexique avec l’arrivée au pouvoir du général Calles, ses supérieurs pensent que l’air du pays pourrait être bénéfique à sa santé (que plusieurs opérations n’ont pas pu rétablir). Le Père Pro revient au Mexique en 1926 quelques jours après l’édit interdisant la présence des prêtres. A Mexico, pendant plus d’une année, il exercera un ministère clandestin périlleux. Les églises sont fermées et tout culte public interdit. Mais, il a l’art d’agir sans être pris. Il se fait appeler ‘Cocol’ (nom d’un pain sucré qu’il aimait dans son enfance). Il utilise toutes sortes de déguisements, s’habillant par exemple en gendarme pour visiter les prisons. Un jour, alors que la maison où il se cache est cernée, il se déguise en inspecteur de police, aborde un officier et lui reproche de ne pas agir assez énergiquement pour arrêter “ce vaurien de Pro” ; l’autre s’excuse, promettant d’intensifier ses recherches. Une autre fois, talonné par la police, il prend une jeune femme dans ses bras et lui dit : « Aidez-moi, je suis prêtre », et la police passe en trombe sans prêter attention à ce couple. Dans cette vie de proscrit, l’eucharistie est la force qui l’anime et, pour en nourrir aussi ses fidèles, il organise des ‘stations eucharistiques’ disant la messe chaque jour dans une maison différente. Il n’a pas peur de s’exposer encore plus en ajoutant à son ministère spirituel des services de charité en faveur des pauvres.

Le père Pro reçoit la fussilade
Le père Pro reçoit la fussilade

Finalement il est pris, soupçonné à tort d’avoir fomenté avec son frère prêtre également, un attentat contre l’ancien Président, le Général Obregon. On le condamne sommairement. On se doute bien qu’il est innocent, mais Calles en veut surtout à son caractère sacerdotal et à son ministère. Le 23 novembre 1927, on l’emmène au lieu d’exécution. Là, après avoir prié et refusé le bandeau sur les yeux, il élève une voix puissante pardonnant à tous et disant à Dieu son innocence, puis il étend les bras en croix, tenant un crucifix dans une main et un chapelet dans l’autre, et avant d’être transpercé par les balles, il s’écrie : « Vive le Christ Roi ! » Pour son enterrement, toute manifestation publique est interdite, mais plus de vingt mille personnes sont aux fenêtres ou l’accompagnent en silence dans les rues. Parmi les prêtres martyrs de cette période, le Père Pro est le plus connu.

“Je n’ai jamais si bien compris, écrit le P. Pro, la valeur de la souffrance. II est bon de souffrir et de n’être vu que de Dieu… Il faut pourtant que je guérisse. Je veux rentrer au Mexique, où je mourrai martyr. Je veux des âmes!… J’offrirais volontiers dès maintenant le sacrifice de ma vie. Mais le bon Dieu a-t-il vraiment besoin de moi au Mexique?… Voyons si la grâce du martyre finira par m’être donnée. “

 
Sources :
http://www.jesuites.com/2013/01/bienheureux-michel-pro-sj/
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/
http://www.hommes-adorateurs.fr/padre-pro-martyr-dans-la-joie/